Analyse économétrique de la relation entre crédit et croissance économique

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Implications sur la politique monétaire

Efficacité de l’action unique du canal monétaire et du canal du crédit

La courbe CC se réduit à une courbe IS si les titres et les crédits sont parfaitement substituables à la fois pour les emprunteurs (Lρ +) et pour les prêteurs (ρ +), ou lorsque la demande des biens devient insensible à la variation du taux d’intérêt des crédits (Yρ = 0). Cela implique que le marché du crédit est inutile à la fois dans les modèle IS/LM et CC/LM. Seule l’action unique du canal monétaire ou « money only view » est mise en évidence.

En revanche, l’action unique du canal du crédit ou « credit only view » apparaît lorsque la monnaie et les titres deviennent des parfaits substituts (Di +). Cela implique une inefficacité du canal monétaire. La courbe LM devient horizontale et la théorie keynésienne de la trappe à liquidité12 s’applique.

Efficacité de la politique monétaire lorsque le canal monétaire et le canal du crédit sont actifs

Le modèle CC/LM se distingue également du modèle IS/LM sur le fait qu’une politique monétaire d’open market affecte à la fois la position de LM et celle de CC. Bernanke et Blinder concluent tout d’abord que le canal du crédit renforce le canal monétaire. Donc, l’impact de la politique monétaire sur le revenu d’équilibre s’amplifie. Ensuite, les deux auteurs constatent que l’effet de la politique monétaire sur le taux d’intérêt des titres reste indéterminé.

« La plupart des chocs conventionnels agissent dans notre modèle comme dans IS/LM. Par exemple, un choc de dépense déplace la courbe CC le long de la courbe LM inchangée, et un choc de demande de monnaie déplace la courbe LM le long de la courbe CC inchangée. Les effets sont bien connus et il est inutile de les discuter. La seule différence majeure est qu’une hausse des réserves bancaires peut, de façon concevable, accroître le taux d’intérêt dans le modèle de crédit. Graphiquement, il y a une ambiguïté car une hausse de R (Réserves bancaires) déplace les deux courbes CC et LM vers l’extérieur. Economiquement, le canal du crédit rend la politique monétaire plus expansionniste que dans le modèle IS/LM et par conséquent accroît la demande transactionnelle de monnaie plus que dans le modèle habituel. »14
Enfin, un changement de politique monétaire modifie le spread entre taux d’intérêt des crédits bancaires et taux des titres et affecte l’offre de crédit. C’est le résultat de l’hypothèse – clé sur l’imparfaite substituabilité entre titres et crédits. En cas de restriction monétaire, le spread augmente et l’offre de crédit baisse. Tandis qu’en cas d’expansion monétaire, le spread diminue et l’offre de crédit s’accroît.
L’école du canal du crédit décrit l’action des deux canaux dans la transmission des chocs de politique monétaire par le mécanisme suivant : lorsque la banque centrale décide d’appliquer une politique monétaire expansionniste, elle cherche à augmenter le volume des réserves bancaires par une politique d’open market, par exemple. Le ratio de liquidité des banques devient plus élevé que le ratio souhaité.
D’un côté, la hausse des réserves favorise le relèvement de l’offre de dépôts. L’insuffisance de la demande de dépôts par rapport à l’offre abaisse le taux d’intérêt des titres. Cette baisse résulte des achats des titres effectués par les banques auprès des agents non financiers à un prix supérieur à celui du marché. Enfin, la baisse du taux d’intérêt des titres augmente l’investissement et par la même occasion, elle accroît le revenu. Ce premier revers du mécanisme traduit l’action du canal monétaire. Dans le modèle IS/LM de base, le processus s’arrête à ce stade.

Limites du modèle CC/LM

Le modèle CC/LM s’agit d’un modèle néo – keynésien à économie fermée en tant que prolongement du modèle IS/LM de base. Le mérite de ce modèle initié par Bernanke et Blinder est d’avoir su mettre en valeur un nouveau canal de transmission monétaire – canal du crédit bancaire – sans négliger le canal monétaire traditionnel. Comme le modèle IS/LM en économie fermée, le modèle de Bernanke et Blinder fournit un cadre simple à la réflexion macroéconomique. Ainsi, il énonce que le canal de crédit vient amplifier le canal monétaire.
Cependant, ce modèle a subi plusieurs critiques venant d’autres auteurs. Bien qu’il défende l’idée qu’il existe un canal étroit du crédit coexistant avec le canal monétaire, il ne fournit pas une validation empirique irréfutable. Cela a donné naissance à d’autres théories qui suggèrent une déconnexion entre l’évolution du crédit et celle du niveau de l’activité.

Kierzenkowski16 constate que la conclusion de Bernanke et Blinder à savoir que l’existence de l’imparfaite substituabilité entre titres et crédits conduit à une amplification des actions de la politique monétaire par rapport au seul canal monétaire. Ce résultat constitue un cas particulier du modèle macroéconomique présenté par ces deux auteurs. En effet, leur conclusion traduit seulement l’existence d’un canal étroit positif du crédit. D’après Kierzenkowski, il existe aussi un canal étroit négatif du crédit qui viendra atténuer les chocs de politique monétaire. Il retient, par contre, que les cas d’atténuation et d’amplification de la politique monétaire dépendent de la variation du spread entre le taux débiteur des banques et le taux des titres.
Les équations du modèle CC/LM ne tiennent pas compte des phénomènes d’incertitude et d’anticipation. Or, ces dernières jouent un rôle décisif lorsque les entreprises désirent investir ou lors de l’achat ou de la vente des titres pour des motifs de précaution ou de spéculation ou lors de la décision d’emprunter ou de prêter. Donc, si nous tenons compte de l’incertitude inhérente à la vie économique, les courbes CC et LM ne peuvent qu’être floues et fluctuantes étant donné qu’il est difficile de maîtriser les anticipations des ménages et encore moins celles des entreprises et des banques.

Il est donc illusoire d’attendre des résultats précis du modèle CC/LM. Néanmoins, les économistes peuvent espérer en tirer des appréciations d’ordre qualitatif, par exemple, le sens de variation du revenu, du taux d’intérêt des prêts bancaires et du taux des titres lorsque les paramètres du modèle sont modifiés. Même ainsi, il faut toujours avoir de la prudence car nombreux sont les facteurs qui ne sont pas pris en compte dans le modèle alors qu’ils sont très importants.

La théorie de la croissance endogène de Romer

La croissance économique désigne l’augmentation de la production des biens et services dans une économie sur une période donnée, en particulier sur une longue période. Selon la définition de François Perroux, la croissance économique correspond à « l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels »17. La croissance décrit un processus d’accroissement de la seule production économique. Elle ne renvoie donc pas directement à l’ensemble des mutations économiques et sociales propres à une économie en développement.

En pratique, la croissance économique est généralement mesurée par l’utilisation d’indicateurs économiques dont le plus courant est le Produit Intérieur Brut ou PIB. Le PIB est évalué « en volume » ou « à prix constant » pour tenir compte et corriger les effets de l’inflation. Bien que le PIB fasse l’objet de plusieurs critiques, il reste l’indicateur le plus utilisé pour la mesure de la croissance.
Mais qu’est – ce qu’une croissance endogène ? « La croissance est dite endogène si les comportements économiques peuvent affecter le taux de croissance de long terme du produit national »18. La théorie de la croissance endogène est une importante contribution des années 1980 aux sciences économiques. C’est une réponse au modèle de croissance exogène de Solow19. Paul Romer, Robert Lucas, et Robert Barro représentent les fondateurs de cette nouvelle théorie de la croissance.

Origine de la croissance endogène

La théorie de la croissance endogène trouve son origine dans les critiques de la théorie de Solow. D’après cette théorie, sur le long terme, la croissance provient du progrès technique. Toutefois, ce progrès technique reste exogène au modèle. Autrement dit, le modèle ne l’explique pas mais le considère comme donné.
Mais les théories de la croissance endogène cherchent précisément à rendre ce facteur endogène. Elles veulent construire les modèles qui expliquent l’apparition du progrès technique. D’après ces théories, la croissance génère par elle – même le progrès technique qui découle de décisions volontaires d’investissement prises par les agents maximisant leur profit.
Ainsi, il n’y a plus de fatalité des rendements décroissants. En effet, Solow soutient qu’une augmentation des facteurs de production dans une certaine proportion engendre une augmentation dans une proportion plus faible de la production. Les critiques sur le modèle de Solow retiennent également que ce dernier n’explique pas la croissance à long terme mais seulement le niveau stationnaire des variables par tête. De plus, il ne laisse aucune place à la politique économique alors que l’Etat peut jouer un grand rôle dans le processus de croissance en incitant les agents à investir davantage dans le progrès technique. Enfin, le modèle de Solow conclut à la convergence des économies puisque, selon lui, les pays pauvres auront un taux de croissance plus élevé que les pays riches.

A l’origine de la croissance endogène, il y a aussi les deux constatations suivantes :
– « la plupart des pays ont connu – et connaissent encore – des périodes de croissance prolongée, à population inchangée (ou presque) ;
– les taux de croissance (par tête) peuvent nettement varier d’un pays à l’autre »20.
Or, ces faits semblent en contradiction avec les conclusions du modèle de Solow, qui est le modèle néoclassique de référence en termes de théorie de la croissance.
L’émergence de la théorie de croissance endogène a permis d’expliquer que la croissance engendre du progrès technique par quatre grands mécanismes. Premièrement, il y a le « learning by doing » ou l’apprentissage sur le tas. En produisant, les firmes et les travailleurs acquièrent en particulier de l’expérience, qui accroît la productivité. De plus, la répétition d’une même tâche conduit, par apprentissage, à des gains de productivité. Deuxièmement, la croissance favorise l’accumulation du capital humain. Plus la croissance est forte, plus il est possible d’accroître le niveau d’éducation de la main – d’œuvre, en investissant notamment dans le système éducatif. Par contre, la hausse du niveau d’éducation de la population est bénéfique pour l’économie.

Troisièmement, la croissance permet de financer des infrastructures publiques ou privées qui la stimulent. En particulier, les infrastructures publiques jouent le rôle d’une externalité pour les firmes puisqu’elles ne contrôlent pas les dépenses publiques. Mais les infrastructures privées favorisent aussi la croissance. Ainsi, la création de réseaux de communication efficaces améliore, par exemple, les activités de production. Quatrièmement, le progrès technique résulte également d’actions intentionnelles des agents économiques qui sont la recherche et développement. Plus les firmes investissent dans la recherche et développement, plus elles améliorent leurs productivités et génèrent des innovations à leurs produits.
Les principales œuvres de Romer se basent surtout sur la croissance endogène avec recherche et développement. La pertinence de ces conclusions nous amène à comprendre davantage l’enchaînement de son modèle sur la croissance endogène afin que nous puissions évaluer les liens qui existent entre la théorie de la croissance endogène et le canal du crédit.

Hypothèses explicites de base du modèle de Romer

Le modèle de Romer constitue un modèle complètement spécifique d’une croissance à long terme dans lequel la connaissance est supposée être un facteur de production. La connaissance possède une productivité marginale croissante. Contrairement à Solow, il considère que la productivité marginale du capital ne décroît pas.
Le modèle de Romer se fonde sur trois hypothèses de base. En premier lieu, le progrès technique en tant qu’amélioration des procédés de mise en œuvre conjointe des différentes matières premières est au cœur de la croissance économique. Cependant, le progrès de la technologie incite à l’accumulation du capital et la combinaison de ces deux facteurs explique en grande partie les gains de productivité horaire. En deuxième lieu, le progrès technique découle, en principe, des décisions volontaires prises par les individus qui répondent aux incitations émises par le marché.
Cela signifie que le modèle inclut un progrès technique endogène plutôt qu’exogène.

En troisième et dernier lieu, la plus importante des hypothèses principales stipule que les modalités pour mettre en œuvre des innovations technologiques diffèrent intrinsèquement des modalités d’utilisation des autres biens économiques. Une fois que le coût de développement d’un ensemble d’instructions a été supporté, celles – ci peuvent être réutilisées sans limite à coût additionnel nul. Développer de nouvelles ou de meilleures instructions équivaut à encourir un coût fixe. C’est la propriété caractéristique définissant la technologie.
La troisième hypothèse implique que la technologie est un input non rival21 tandis que la seconde hypothèse implique aussi que le progrès technique résulte d’actions guidées par l’intérêt individuel. Cela signifie alors que les améliorations techniques doivent conférer des bénéfices qui sont à exclusion au moins partielle d’usage22 à cause des brevets d’invention qui donne à son titulaire une exclusivité temporaire d’exploitation. Enfin, la troisième hypothèse suppose que la croissance est fondamentalement fonction de l’accumulation d’inputs non rivaux et à usage partiellement exclusif. La rivalité amène à la présomption que le capital humain est aussi à exclusivité d’usage. Donc, le capital humain peut être fourni par le secteur privé et échangé sur des marchés compétitifs.
Le modèle de base de Romer se compose de quatre inputs : le capital physique, le travail, le capital humain et un indice du niveau de la technologie. Le capital physique se mesure en unités de biens de consommation. Les services du travail représentent les compétences que peut fournir un corps humain en bonne santé. Ils sont mesurés en nombre de personnes. Le capital humain représente la mesure de l’effet cumulé d’activités comme l’éducation et la formation professionnelle.

L’économie comporte trois secteurs. Le secteur de la recherche utilise du capital humain et le stock de connaissance disponible pour produire des connaissances nouvelles. D’après Romer, ce secteur conçoit plus particulièrement des nouveaux biens d’équipement. Le second secteur produit des biens d’équipement nécessaires à la production de biens finals en mettant en œuvre les projets développés dans le secteur de la recherche et de l’output épargné. Le travail de conception s’effectue à l’intérieur de la firme ou par une autre entreprise qui vend son brevet à celle qui produira le bien final. Le troisième secteur qui est concurrentiel, produit un bien final. Il emploie du travail, du capital humain et l’ensemble des biens d’équipement disponibles. Le bien final peut être consommé directement ou bien épargné pour être employé en tant que nouveau capital à la prochaine fois.
En revanche, Romer a aussi émis des hypothèses simplificatrices dans ce modèle. Il suppose que la population et l’offre de travail sont toutes les deux constantes pour éviter une analyse de la fécondité, de la participation de la force de travail ou de la variation des heures travaillées par chaque employé. Il suppose aussi que le stock disponible de capital humain dans la population est fixé ainsi que la fraction qui est offerte sur le marché. Cette hypothèse est émise pour des raisons techniques.

Description du modèle de Romer

Le modèle de Romer sépare d’une part la composante de nature rivale de la connaissance H et d’autre part, la composante technologique de nature non rivale A. A peut croître indéfiniment parce que son existence ne dépend pas de celle de chaque individu. Pour simplifier le modèle, chaque nouvelle unité de connaissance correspond à la conception d’un bien nouveau de façon qu’il n’y ait pas de problème pour mesurer A. Ainsi, A constitue le nombre de produits existants.
La production finale représentée par Y est fonction de travail physique L, du capital humain consacré au bien final HY et du capital physique. Le capital se divise en un nombre infini de types distincts de biens d’équipement x. A chaque période, une firme ne peut utiliser qu’un nombre fini de ces inputs potentiels, c’est – à – dire les inputs déjà inventés et mis au point. Donc, si xxiii1 est la liste d’inputs utilisés par la firme qui produit le bien final, il existe une valeur A telle que xi = 0 i A. Romer a retenu l’extension suivante de la fonction de production de Cobb Douglas :  YHY , L, x HY Lxi1 (1) i1

Le capital total K se définit implicitement comme étant proportionnel à la somme des différents types de capital. Cela suppose que tous les biens de capital sont des substituts parfaits. De plus, il y a plusieurs couples d’inputs considérés comme des substituts proches pour les différents types de biens d’équipement tels que les camions et les trains. Mais il existe également des couples complémentaires (les machines et les sources d’énergie) et des couples d’inputs qui se trouvent quelque part entre les deux.
Comme la fonction de production de l’équation (1) est homogène de degré 1, la production dans le secteur des biens finals se définit comme le résultat des actions d’une entreprise unique, agrégée et concurrentielle. Pour le secteur des biens d’équipement, il y a une entreprise distincte i pour chaque bien i. Chaque entreprise doit acheter ou produire les brevets nécessaires pour concevoir le bien i avant le début de sa production.
Il est utile de définir la mesure du capital total K comme le cumul de la production épargnée. K(t) évolue donc suivant la règle23 : . (2) K (t) Y (t) C(t)
Dans cette équation C(t) est la consommation agrégée à la date t. Puisqu’il faut  unités de consommation épargnée pour créer une unité de chaque type de bien durable, cette mesure comptable de K est reliée aux volumes de biens d’équipement utilisés dans la production par la règle :  A K xi xi i1 i1

Implications sur la politique économique de la théorie de croissance endogène de Romer

Bien que le modèle de Romer se prétende du type néoclassique avec progrès technique endogène, il présente nettement les limites des mécanismes du marché. Son modèle implique une nécessité de créer des arrangements en dehors du marché concurrentiel. Ce qui peut impliquer une intervention active de l’Etat dans la sphère de l’activité économique. L’Etat doit alors encourager les innovations en créant un cadre apte à coordonner les externalités qui découlent de toute innovation comme, par exemple, la protection des brevets des inventions par le biais d’un système légal efficace.
Romer constate aussi que même si la recherche est incorporée dans les biens d’équipement, une subvention de l’Etat portant sur l’accumulation du capital physique ne semble pas une meilleure décision par rapport à la subvention directe de la recherche. « Si le problème de politique économique fondamentale est que nous avons trop de juristes et de gestionnaires mais pas assez d’ingénieurs, une subvention à l’accumulation de capital physique est un remède peu efficace, sinon dangereux. »28

Romer considère l’ordre d’importance de la subvention en tant que politique économique comme suit : financer la recherche est préférable à la subvention du capital physique, mais en cas d’absence de politiques réalisables pour soutenir le secteur de la recherche, une politique de second rang consiste à subventionner le capital humain en améliorant le système éducatif. Cependant, la politique économique serait plus efficace si l’Etat combine les trois.
Le modèle suggère que l’intégration commerciale semble cruciale pour la croissance économique. En effet, l’élargissement du marché conduit non seulement à, l’élévation du niveau du revenu et du bien – être mais également sur le taux de croissance. De façon plus précise, des marchés plus vastes impliquent plus de recherche et une croissance plus rapide. Cependant, le taux de croissance augmente avec le stock du capital (abondance du stock du capital humain) mais il ne dépend pas de la taille globale de la force de travail ou de la population (population nombreuse).
Mais le résultat qui nous intéresse le plus dans le modèle de Romer concerne la sensibilité du progrès technique au taux d’intérêt : « (…) dans la mesure où une innovation se traduit par un transfert de coût courant en un flux de bénéfices futurs, le rythme du progrès technique est sensible au taux d’intérêt »29.

C. Le lien entre canal du crédit de Bernanke et Blinder et théorie de la croissance endogène de Romer
Le modèle de Bernanke et Blinder présente le canal étroit du crédit comme un nouveau mécanisme de transmission de la politique monétaire. La constatation du traitement asymétrique de la monnaie et du crédit bancaire dans le modèle IS/LM a poussé ces auteurs à donner un rôle distinct au crédit pour expliquer la relation entre le secteur réel et la sphère financière. En réponse aux critiques faites au modèle de croissance exogène de Solow, Romer a proposé un modèle de croissance qui se base sur un progrès technique endogène et non plus comme une chose tombée du ciel. Lorsque les agents cherchent à maximiser leurs profits, leurs décisions d’investir dans la recherche et développement contribuent à l’évolution technologique et qui, à son tour, génère la croissance économique.
Rapprocher ces deux théories revient à déterminer, en premier lieu, les points divergents qui existent entre ces modèles. En deuxième lieu, nous essayerons de trouver les points qui peuvent les rendre complémentaires. Enfin, nous en déduirons la façon par laquelle nous pouvons lier ces deux modèles.

Divergences entre le modèle CC/LM et la théorie de la croissance endogène de Romer

La liste des points divergents entre le canal de crédit de Bernanke et Blinder et la théorie de croissance endogène de Romer est longue. Mais nous nous focaliserons sur les points qui semblent essentiels pour mener à bien cette recherche.
Si nous considérons le fondement théorique de chacune de ces deux théories, nous constatons que le modèle de Romer se réfère surtout sur le courant néoclassique bien qu’il prône en conclusion l’importance du rôle structural de l’Etat dans la subvention de la recherche et du système éducatif au détriment de celle du capital physique. Cependant, Bernanke et Blinder ont élaboré un modèle issu du modèle IS/LM qui donne une version synthétique des principales idées contenues dans la Théorie Générale30.

Le canal de crédit essaie d’expliquer l’impact de la manipulation de la politique monétaire en général et de la politique de crédit en particulier sur le revenu. Par contre, Romer indique que l’augmentation de la production dans le secteur réel dépend du progrès technique issu de l’accumulation de la connaissance combinée à la recherche. Il ne faut pas également oublier que Romer a intégré l’emploi dans son modèle par le biais de la répartition de la force de travail entre le secteur de la recherche et celui de la production des biens finals. Tandis que Bernanke et Blinder ne l’ont pas pris en compte dans le leur bien qu’ils aient bien spécifié les autres marchés existant dans une économie.

Du point de vue de la finance, le modèle CC/LM opte pour la politique de crédit pour amplifier l’effet du canal monétaire traditionnel sur l’élévation du niveau du revenu. De son côté, le modèle de Romer établit qu’à long terme, une hausse du revenu résultant d’une croissance économique ne peut être atteinte que par le financement de la recherche et de l’éducation qui est la seule source du progrès technique. En effet, le taux de croissance dépend fortement de l’indice du niveau de la technologie. De plus, un pays dans lequel le capital humain est abondant, peut avoir une croissance plus rapide.
Le modèle CC/LM contient quatre marchés qui sont les marchés de la monnaie, des biens et services, du crédit et des titres. Par contre, les travaux de Romer sur la théorie de la croissance endogène se basent surtout sur un seul marché en l’occurrence, le marché des biens et services si on tient compte le fait que les proportions des travailleurs dans les secteurs de la recherche et de la production finale sont fixées d’avance (c’est pourquoi il ne spécifie pas nettement le marché du travail). Dans ce marché des biens et services se rencontrent l’offre et la demande des innovations issues de la recherche et aussi l’offre et la demande des biens finals qui se caractérisent par une concurrence monopolistique.
Comme le modèle de Bernanke et Blinder est un prolongement du modèle IS/LM de base, il ne traite pas des échanges de l’économie domestique avec le reste du monde. Précisément, c’est un modèle à économie fermée. Par contre, Romer indique clairement que la libération des échanges internationaux peut accélérer la croissance du revenu par tête. Enfin, le canal du crédit repose sur des raisonnements en statique comparative31 alors que la théorie de la croissance endogène est un modèle plutôt dynamique.

Possibilité d’une complémentarité entre le modèle CC/LM et la théorie de la croissance endogène de Romer malgré leurs divergences

Les divergences qui subsistent entre le modèle de Bernanke et Blinder et le modèle de Romer semblent complémentaires. En effet, nous constatons que ce qui manque à l’un peut être compensé par ce qui caractérise l’autre. En traitant un à un tous ces points divergents, nous pouvons obtenir une esquisse de modèle plus robuste et pourquoi pas plus réaliste.
Bien que les deux modèles appartiennent à des courants de pensée économique différents, ils prônent la nécessité d’une intervention de l’Etat pour assurer une croissance économique à long terme. Nous pouvons remarquer alors que cette intervention étatique touche plusieurs domaines si nous considérons ensemble les deux modèles. L’Etat doit alors assister au développement de la science et à l’amélioration du système éducatif (domaine social et scientifique). Par le biais de la Banque Centrale, il assure la stabilité de l’économie par la mise en œuvre d’une politique monétaire efficace.
Mais ce qui semble faciliter la recherche de lien entre ces deux théories est que Romer reconnaît qu’il existe une relation entre le rythme du progrès technique et l’évolution du taux d’intérêt, alors que le progrès technique et le taux d’intérêt constituent respectivement l’un des piliers de la théorie de la croissance endogène de Romer et le modèle CC/LM. Comme le progrès technique est sensible au taux d’intérêt, la variation de ce dernier peut modifier l’état de la technologie. Cependant, Romer n’a pas donné une explication suffisante à son affirmation.

Lien entre le modèle CC/LM et la théorie de la croissance endogène de Romer

Chercher le lien entre ces deux modèles revient à répondre à cette question : de quelle manière l’un de ces modèles peut affecter l’autre en tenant compte des hypothèses de base de ces modèles même ? Nous pouvons considérer que la relation entre le canal du crédit et l’endogénéisation du progrès technique la plus évidente est le financement de la recherche et développement par le crédit bancaire.
Si nous effectuons une analyse plus profonde, nous obtenons les résultats suivants. Dans les trois secteurs énumérés par Romer dans son modèle, nous constatons que chaque production nécessite des coûts concernant au moins l’acquisition des inputs ou la rémunération des chercheurs dans les laboratoires de recherche. En tant que source de financement externe de l’entreprise, le crédit bancaire contribue à la couverture financière de ces coûts. Plus précisément, chaque entreprise fait appel au crédit bancaire pour :
• acquérir de nouveaux équipements afin de renforcer le capital physique ;
• rémunérer la force de travail ;
• financer le système éducatif et surtout la formation professionnelle pour accroître le capital humain et
• financer le secteur de la recherche et développement afin d’élever l’indice du niveau de la technologie.
Si la combinaison de ces quatre points n’est pas possible à cause, par exemple, d’un manque de moyens, Romer propose d’opter pour le financement de la recherche qui est source de progrès technique. En effet, les innovations permettent d’augmenter, en toute période, la productivité marginale des autres inputs. Elles assurent une croissance économique à long terme. Comme nous savons maintenant que l’évidence d’un lien entre ces deux modèles porte sur le financement des inputs de production, une question se pose : comment se manifeste alors ce financement ?
Par la politique monétaire, la banque centrale – en tant qu’autorité monétaire – réagit aux besoins en termes de monnaie de l’économie. Le modèle CC/LM nous enseigne cependant qu’une politique de crédit peut amplifier l’effet attendu d’une politique monétaire traditionnelle sur la production du secteur réel32. Donc, une expansion de la politique du crédit favorise la baisse du taux d’intérêt et par la suite, la disponibilité des prêts bancaires. Constatant leurs besoins de financement et la faiblesse du taux d’intérêt, les firmes empruntent auprès des banques pour couvrir les dépenses d’investissement (capital physique, recherche & développement, …) et les dépenses de fonctionnement. En particulier, le développement du secteur de la recherche permet d’obtenir des innovations. Or, la création d’une nouvelle connaissance au sein d’une firme a un effet externe positif sur la production d’autres entreprises parce que la connaissance ne peut être parfaitement brevetée ni gardée secret. Les innovations conduisent à une amélioration de la productivité des firmes. D’où une augmentation de la production et par conséquent, une croissance économique.

Nous pouvons affirmer que la manipulation du taux d’intérêt du crédit a un impact sur l’évolution de la technologie. Si nous nous référons à l’analyse de Romer sur cette relation, il est vrai que le taux d’intérêt et l’indice du niveau de la technologie sont positivement corrélés. Bien que nous avions trouvé cette relation, sa modélisation et sa résolution mathématique se heurtent à une complication de calculs. Effectivement, nous devons résoudre un système d’équations dont les inconnues sont plus nombreuses que les équations. Pour faciliter le calcul, il faudra exogénéiser certaines variables. Malheureusement, cela portera atteinte aux fondements des modèles initiaux auxquels nous sommes supposés se baser. En somme, Bernanke et Blinder ont su valoriser l’importance du canal de crédit en tant que nouveau mécanisme de transmission de la politique monétaire. Cependant, leur modèle ne soutient pas que le canal de crédit remplace définitivement le canal traditionnel du taux d’intérêt ou les autres canaux de transmission. Au contraire, ces auteurs énoncent que le canal de crédit vient amplifier les impacts du canal de taux d’intérêt sur le revenu. Il faut cependant signaler que les imperfections incorporées dans ce modèle l’ont soumis à des critiques comme ce qu’a subi le modèle IS – LM. Pourtant, ça ne lui enlève pas sa pertinence.
En outre, l’étude de la théorie de la croissance endogène de Romer nous a permis de prendre connaissance d’une autre source de croissance économique qui est le progrès technique. Cette autre source n’est pas l’œuvre des autorités monétaires comme la politique de crédit. Elle résulte des décisions des agents économiques d’investir dans la recherche et développement. Mais force est de constater que le progrès technique peut dépendre de la politique de crédit qui constitue un financement de l’élaboration de la technologie.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Crédit et croissance économique : y a – t – il un lien ?
Section I : Théories économiques sur le lien entre crédit et croissance économique
A. Le modèle CC/LM de Bernanke et Blinder
1. Les hypothèses générales du modèle CC/LM
2. Le modèle CC/LM
3. Représentation graphique
4. Implications sur la politique monétaire
a) Efficacité de l’action unique du canal monétaire et du canal du crédit
b) Efficacité de la politique monétaire lorsque le canal monétaire et le canal du crédit sont actifs
c) Réponses des variables observables face à différents chocs
5. Limites du modèle CC/LM
B. La théorie de la croissance endogène de Romer
1. Origine de la croissance endogène
2. Hypothèses explicites de base du modèle de Romer
3. Description du modèle de Romer
4. Implications sur la politique économique de la théorie de croissance endogène de Romer
C. Le lien entre canal du crédit de Bernanke et Blinder et théorie de la croissance endogène de Romer
1. Divergences entre le modèle CC/LM et la théorie de la croissance endogène de Romer
2. Possibilité d’une complémentarité entre le modèle CC/LM et la théorie de la croissance endogène de Romer malgré leurs divergences
3. Lien entre le modèle CC/LM et la théorie de la croissance endogène de Romer
Section II : Les mécanismes de transmission de la politique monétaire à l’activité réelle
A. Le mécanisme traditionnel par le canal du taux d’intérêt
B. La transmission par les canaux des prix d’autres actifs
1. Le canal du taux de change
2. Les deux canaux de cours des actions
a) Canal du q de Tobin
b) Effets de richesse
3. Les canaux des prix de logements et des terrains
C. Les mécanismes de transmission monétaire par les deux principaux canaux du crédit
1. Canal du crédit bancaire
2. Canal du bilan
Chapitre II : Application du lien entre crédit et croissance économique à Madagascar
Section I : Limites des mécanismes de transmission monétaire autres que le canal du crédit à Madagascar
A. Les lacunes des autres mécanismes de transmission de la politique monétaire à Madagascar
1. Transmission relativement faible du canal du taux d’intérêt
a) Les Ménages
b) Les entreprises et les banques malgaches
2. Les déficiences des canaux des prix d’autres actifs
B. Importance du canal du crédit et vérification des hypothèses du modèle CC – LM dans l’économie malgache
Section II : Analyse économétrique de la relation entre crédit et croissance économique à Madagascar
A. Tests de causalité entre variables financières et variable réelle à Madagascar
1. Préalables méthodologiques
a) Traitements des séries
b) Les régressions
2. Les tests de causalité
a) Test de causalité entre la variable réelle et la masse monétaire (M3)
b) Test de causalité entre la variable réelle et le crédit intérieur (CI)
B. Les effets d’un choc du canal du crédit en tant que mécanisme de transmission de la politique monétaire
1. Analyse de l’évolution du crédit intérieur et de celle du PIB malgache
a. Evolution du taux de croissance annuel du crédit intérieur et de celle du taux de croissance économique à Madagascar entre 1980 et 2008
b. Analyse de l’élasticité instantanée de la distribution de crédits/PIB entre 1980 et 2008
2. Analyse par les modèles VAR structurel
a. Préalables méthodologiques
b. Ordre des variables et choix de retard
c. Résultats de l’analyse par les modèles VAR structurel
d. Fonctions de réponses
Conclusion
Bibliographie

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