Cancer de prostate dans le monde
Le cancer de prostate (CaP) est le second cancer chez l’homme dans le monde avec 1.1 million de nouveaux cas diagnostiqués par an en 2012. Il correspond à 15% des cancers de l’homme et représente la 5ème cause de mortalité liée au cancer chez les hommes avec 307 000 décès en 2012 soit 6,6% de décès chez l’homme. L’incidence du CaP a connu une importante hausse dans les années 90 en partie expliquée par le vieillissement de la population et l’instauration du dosage sanguin du taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA). Depuis 2005, on observe une diminution de l’incidence pouvant s’expliquer par la prise de conscience du risque de sur-diagnostic et de sur-traitement incitant à la prudence les soignants et la population générale. L’incidence est très faible avant 50 ans (0,6% en 2011). Le taux de mortalité spécifique est en diminution depuis 2003 ce qui est liée à une détection de cancers à des stades précoces, accessibles aux traitements radicaux, à l’amélioration des techniques chirurgicales et à la plus grande diversité dans les traitements pour les cancers de stade avancé (radiothérapie, chimiothérapie et émergence des biothérapies). Le CaP possède un bon pronostic avec une survie nette standardisée à 5 ans à 90% pour les cancers diagnostiqués en 2002. Il existe une disparité de l’incidence dans le monde avec des taux plus élevés dans les pays industrialisés tels que l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et du Nord et les pays de la Caraïbe, que dans les pays d’Asie (Figure 1). Cette variation géographique peut être attribuée à différents phénomènes tels que l’inégalité des systèmes de santé et l’existence ou non de registres des cancers, les conditions environnementales et les origines ethniques des populations étudiées. En effet, l’utilisation du dosage des PSA est beaucoup plus courante dans les pays industrialisés. Au contraire, dans les pays plus pauvres, le manque de recensement des patients peut sous-estimer l’incidence. Le taux de mortalité diffère également d’une région du monde à l’autre avec les taux les plus élevés retrouvés dans les pays dont la population est d’origine africaine (Afrique Sub-Saharienne et les îles de la Caraïbe). Il est également élevé chez les Afro-Américains et dans les pays scandinaves.
Incidence du cancer de prostate en Martinique
Des études ont démontré que le taux d’incidence de CaP en Martinique est deux fois plus élevé que celui en France métropolitaine18. D’après le registre du cancer de Martinique, l’AMREC, l’incidence du CaP en Martinique de 2008 à 2010 est de 282,2/100 000 avec un taux standardisé sur la population mondiale de 175,3/100 000. En France métropolitaine, le taux d’incidence standardisé sur la population mondiale de 97,7/100 000 hommes en 2011. L’évolution de l’incidence est similaire en Martinique et en France métropolitaine avec une nette augmentation entre 1990 et 2005 puis une baisse depuis 2005. L’âge moyen au diagnostic est de 68 ans en Martinique alors qu’en métropole il se situe juste avant 70 ans. Le taux de mortalité brut est de 60,2/100 000 hommes par an en 201115 contre 38,8/100 000 en France métropolitaine en 2008 selon l’Insee.
Les pesticides
Les pesticides organochlorés sont reconnus comme des cancérogènes environnementaux35. Ils augmentent le risque de CaP3637. L’étude KARUKERAProstate menée en Guadeloupe38 montre un lien significatif entre l’exposition au chlordecone et le CaP avec un RR de 1,77 ; p = 0,01 pour les plus hautes concentrations de dichlorodiphényldichloroethylène (DDE) > 5,19 µ/L. La valeur médiane de DDE dans la population contrôle est de 0,38 µ/L. Le chlordecone est un promoteur du CaP par effet hormonal. Il est un ligand compétitif pour les récepteurs aux androgènes et aux œstrogènes alpha et béta et provoque donc une inhibition de l’action des gènes androgèno-dépendant. Cette action abouti à une inflammation chronique et une prolifération cellulaire aberrante Le risque ne paraît pas distribué de manière homogène parmi les individus, il est plus élevé notamment en milieu professionnel. Le territoire de la Martinique a été contaminé par le pesticide organochloré le Chlordecone, massivement utilisé dans les plantations de bananes entre 1973 et 1993. La contamination intéresse les sols, les réserves d’eau, et les légumes, source directe de contamination des habitants. Il s’accumule dans le tissu adipeux et est relâché dans la circulation sanguine. Dieye et coll utilise l’index d’exposition aux pesticides créé par l’agence régionale française de l’industrie, la recherche et l’environnement, pour classer la population martiniquaise en 4 niveaux d’exposition (aucun, faible, intermédiaire et haut). Les communes avec les plus fort taux de contamination sont les zones rurales agricoles, or l’incidence du CaP est plus élevé dans le sud de l’île, à distance des zones agricoles18. Il faudrait mettre en place une étude qui évaluerait le taux de chlordecone par habitant pour confirmer la différence d’exposition entre zones rurales et zones urbaines et pouvoir faire le lien avec l’incidence du CaP par commune.
Toucher rectal
Le stade clinique est déterminé par l’urologue lors de l’examen du toucher rectal (TR). Pour les stades localisés, le stade cT1 est défini par l’absence de nodule détecté au TR et le stade cT2 correspond à une tumeur palpable localisée à la glande prostatique. Le stade cT2a est défini par un nodule occupant moins de la moitié d’un lobe, le stade cT2b un nodule occupant plus de la moitié d’un lobe et le stade cT2c une tumeur palpable dans les deux lobes prostatiques. Le stade cT3 est défini par une tumeur dépassant la capsule prostatique. Dans le stade cT4, la tumeur envahi les organes voisins de la prostate tels que la vessie, le rectum. Un examen par le TR anormal (≥cT2a) doit conduire à la réalisation de biopsies prostatiques.
Effets de l’amélioration des techniques de détection
L’instauration et l’utilisation massive du dosage du PSA ont eu pour conséquence un changement dans la présentation clinique du CaP avec des âges au diagnostic plus jeunes, des stades cliniques plus souvent localisés à la prostate et de meilleur stade pathologique. Les cancers à des stades localisés, de faible risque, représentent plus de 60% des CaP. On observe l’émergence de l’entité de CaP indolent ou non cliniquement significatif dont la survie à 10 ans est comparable à celle de la population générale. Les cancers non significatifs sont définis par Esptein par des cancers dont le volume tumoral est inférieur à 0,5ml. Pour ces CaP de très bas risque, la surveillance active (SA) est une nouvelle approche thérapeutique active, contrairement à l’attitude thérapeutique observationnelle de l’abstention-surveillance. Elle permet de différer ou de surseoir au traitement radical tant que les caractéristiques du cancer ne se modifient pas sous une surveillance régulière. Cette attitude thérapeutique permet de diminuer le nombre de cancers indolents sur-traités et les effets secondaires liés au traitement. Il n’a pas été montré de différence dans la survie sans récidive et dans la mortalité spécifique entre les patients subissant une prostatectomie radicale (PR) d’emblée au moment du diagnostic par rapport à ceux qui entrent dans un protocole de surveillance active (SA).
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. Epidémiologie du cancer de prostate
1. Cancer de prostate dans le monde
2. Cancer de prostate chez les hommes d’origine africaine
3. Cancer de prostate en Martinique
II. Facteurs de risque de CaP
1. Facteurs de risque connus du cancer de prostate
2. Mode de vie et environnement
III. Dépistage du cancer de prostate
1. Indications
2. Controverse dans l’intérêt du dépistage
3. Outils disponibles
IV. Diagnostic du cancer de prostate
1. Toucher rectal
2. Antigène spécifique de la prostate (PSA)
3. Biopsies prostatiques
4. Effets de l’amélioration des techniques de détection
V. Facteurs d’agressivité
1. Marqueurs biologiques
2. IRM
3. Histologie
4. Génétiques et biomarqueurs
VI. Algorithmes décisionnels
1. Classification de d’Amico
2. Groupes histopronostiques de OMS 2016
3. Classification de Cambridge
VII. Objectifs de l’étude
MATERIEL ET METHODES
I. Objectif principal
II. Objectifs secondaires
1. Comparaison des CaP du CHUM avec une cohorte parisienne
2. Corrélation biopsies – prostatectomie radicale en Martinique
3. Comparaison du nombre de patients éligibles pour la surveillance active
III. Analyses statistiques
RESULTATS
I. Résultats des biopsies de prostate réalisées au CHUM
1. Lecteurs des biopsies de la cohorte du CHUM
2. Caractéristiques des biopsies de prostate de la cohorte du CHUM
II. Résultats des analyses stratifiées de la cohorte martiniquaise
1. Age et stade clinique
2. Taux de PSA
3. Score de Gleason
4. Longueur totale de cancer et nombre de biopsies positives par rapport aux groupes pronostiques
5. Infiltration des nerfs et extension extra-prostatique
6. PINHG
7. Lésions associées
8. Surveillance active
9. Corrélation biopsies – prostatectomies radicales
III. Caractéristiques des cancers de prostate de la cohorte de Saint Joseph
1. Age
2. Stade clinique
3. PSA
4. Longueur totale des biopsies et nombre de biopsie total
5. Longueur totale de cancer et nombre de biopsie positive
6. Score de Gleason
7. Infiltration des nerfs et extension extra-prostatique
8. ERG
9. SA
IV. Comparaison des CaP de la série du CHUM et de la série du groupe hospitalier Paris Saint Joseph
1. Comparaison des cohortes du CHUM et de Saint Joseph
2. Comparaison CHUM Saint Joseph en fonction des classifications pronostiques
V. Surveillance active
DISCUSSION
I. Intérêt de l’étude
II. Caractéristiques du cancer de prostate chez les hommes de la cohorte martiniquaise
1. Nombre de cas
2. Caractéristiques cliniques et biologiques
3. Caractéristiques histologiques
4. Critères d’agressivité
5. Biomarqueurs
6. Perspectives futures
III. Surveillance active
IV. Dépistage dans la population d’origine afro-antillaise
V. Limitations de l’étude
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet