Analyse d’une commune touristique de montagne

Analyse d’une commune touristique de montagne

La montagne suisse en politique

D’après l’ouvrage de Rudaz et Debarbieux (2013), les montagnes suisses ne représentent pas seulement un paysage ou un relief, mais aussi un ensemble de discours, de controverses, de statistiques, d’arguments, de problèmes et de solutions. Il faut savoir que la montagne occupe, depuis plus d’un siècle et demi, une place majeure dans la politique suisse (Rudaz & Debarbieux, 2013). Afin d’aider les régions et les populations d’altitude, plusieurs organisations ont été créées à la suite du dépôt de la motion Baumberger, en 1924. Cette motion traitait du dépeuplement des hautes vallées et dénonçait les inégalités sociales et régionales présentes dans ces endroits (Conseil fédéral, 1930; Rudaz & Debarbieux, 2013). L’aide aux communes de montagne, der Schweizer Patenschaft für Berggemeinden, le Groupement suisse pour les paysans de montagne (actuellement Groupement suisse pour les régions de montagne) ou encore l’Aide Suisse aux Montagnards, tous ont été créés durant la première moitié du XXe siècle. La Loi fédérale sur l’aide aux investissements dans les régions de montagne (LIM) de 1974, visant à parfaire le bien-être des populations grâce à la mise en place de diverses infrastructures (écoles, hôpitaux, centres culturels, commerces, etc.) et à éviter le dépeuplement, pourrait également être mentionnée (Billet & Rougier, 1984). Puis, la Nouvelle Politique Régionale (NPR), qui met fin à la LIM, est entrée en vigueur le 1er janvier 2008 et concerne 87.4 % de la surface de la Suisse (Egger & Herrman, 2016; Rudaz & Debarbieux, 2013).

Ces initiatives marquent bien une volonté de valorisation et d’accompagnement des zones montagnardes dans le but de réduire les inégalités économiques et sociales. D’ailleurs, Billet et Rougier (1984, pp. 9-20) affirment que dans la plupart des cantons de montagne, des dispositions ont été prises afin de garantir le bien-être des populations. Néanmoins, d’après Rudaz et Debarbieux (2013, p. 113), cette solidarité auprès des régions et des populations des hauteurs semble s’affaiblir dès les années 1970. On explique ce renversement par des raisons diverses : le changement de perception de la montagne par les citadins, le poids des villes sur l’économie du pays ou encore la difficulté à établir une vision commune pour le développement de ces régions. À l’heure actuelle, selon la publication de Müller-Jentsch (2017), il n’existe aucune politique précise et spécifique pour les territoires d’altitude formulée par la Confédération. En 2015, pourtant, cette dernière révélait une politique pour les espaces ruraux et les régions de montagne, mais « son contenu était vague et ne comportait pas de répercussions opérationnelles concrètes » (Müller-Jentsch, 2017, p. 5). Suite à cela, Emmanuel Reynard (2017), géographe à l’Université de Lausanne, répond qu’il est évident que la compétitivité des régions d’altitude est à revoir, mais que la politique de la montagne volontariste, menée dès 1951, a tout de même permis de modérer l’exode rural en Suisse.

Le vieillissement démographique en Suisse

Dans un contexte de vieillissement démographique, la Suisse connaît une modification de la structure de sa population causée par un accroissement de la proportion de séniors (Wanner, Sauvain-Dugerdil, Guilley, & Hussy, 2005). Le vieillissement des populations s’explique par une baisse générale de la fécondité et par un rallongement continu de l’espérance de vie (Kucera & Krummenacher, 2016). La part des aînés (65 ans et plus) augmente alors davantage que celle des autres classes d’âge. La figure 3 illustre l’évolution de l’espérance de vie et de l’indicateur conjoncturel de fécondité depuis 1950. On estime qu’en 2045 la classe des 65 ans et plus atteindra les 26 %, soit un quart de la population suisse (Kohli, Bläuer Herrmann, Perrenoud, & Babel, 2015). Selon les prévisions de l’office fédéral de la statistique (OFS), le vieillissement démographique se maintiendra durant les prochaines années notamment en raison de l’arrivée à la retraite des personnes issues de l’après-guerre et d’une augmentation constante de l’espérance de vie (Kohli, Bläuer Herrmann, Perrenoud, & Babel, 2015). Dès lors, la figure 4 indique l’évolution probable de la démographie suisse jusqu’en 2045.

Autre indicateur démographique, le rapport de dépendance des personnes âgées illustre à son tour l’évolution de la structure démographique (OFS, 2016). Le ratio exprime le rapport entre les effectifs âgés (65 ans et plus) et la population des actifs (20 à 64 ans) (Kohli, Bläuer Herrmann, Perrenoud, & Babel, 2015). À la fin de l’année 2016, le rapport de dépendance des personnes âgées s’élevait à 29.27 % (Tableau 1). Autrement dit, il existait cette année-là 29 personnes âgées de 65 ans et plus pour 100 personnes actives. Pour la suite, le scénario de référence de l’OFS prévoit un ratio de 39.6 % en 2030 et de 48.1 % en 2045 (Kohli, Bläuer Herrmann, Perrenoud, & Babel, 2015). Au niveau national, le vieillissement ne touche pas toutes les régions de manière égale. Dans les territoires proches des grandes villes, Wanner (2014, p. 105) considère le vieillissement plutôt contenu alors que les zones périphériques, parfois désertées par les jeunes actifs, connaissent un haut niveau de vieillissement. Jérôme Cosandey (2016) parle, d’ailleurs, d’un double vieillissement dans les cantons de montagne touchés par l’arrivée des baby-boomers à l’âge de la retraite et par l’exode de la jeune génération vers la plaine et les agglomérations. Dans les Grisons et au Tessin, par exemple, la part de personnes âgées (65 ans et plus) atteint respectivement 20.49 % et 22.03 % en 2016, tandis que Fribourg et le canton de Vaud détiennent, quant à eux, une part de 15.23 % et 16.35 % pour la même année (STATPOP, 2016) et (Tableau 1). En Valais, cette classe d’âge représente 19.03 % de la population totale en 2016. Certains cantons sont donc plus affectés que d’autres par le vieillissement démographique.

L’isolement des personnes âgées en montagne

Le grand âge s’accompagne de pertes qui ne font qu’accentuer l’isolement et le sentiment de solitude pouvant aller jusqu’à provoquer des dépressions (Van Rompaey, 2003; Savioz, 2017). Après la cessation de l’activité professionnelle, les jeunes retraités perdent petit à petit contact avec leurs anciens collègues de travail. Les amis et les voisins se rencontrent de moins en moins. La famille s’éloigne, déménage. S’ajoutent à cela, les incapacités physiques et intellectuelles ainsi que la perte d’autonomie qui viennent limiter les relations sociales. Mais, pour Christian Van Rompaey (2003), il faut établir une différence entre isolement et solitude. L’isolement se traduit par le manque de contacts sociaux alors que la solitude demeure un sentiment qui peut être ressenti par des personnes très entourées. Ainsi, des personnes âgées qui vivent en institution et qui sont en contact continu avec les autres pensionnaires et le personnel de l’institut se sentent seules, surtout si l’établissement se trouve loin de leur famille ou de leur ancien lieu de vie. En milieu montagnard, les contraintes telles que le climat, l’éloignement des services, la gêne liée à la pente, etc. s’additionnent aux autres facteurs, précipitant davantage les séniors dans l’isolement social (Gumuchian, Mériaudeau, & Peltier, 1980).

D’une part, l’exode rural, d’une population relativement jeune, laisse les personnes âgées seules et isolées dans les zones d’altitude. D’autre part, l’attitude des collectivités montagnardes, plus disposées à prendre soin des personnes âgées et à maintenir une coexistence, s’affaiblit progressivement au profit d’une vision plus individualiste de la société (Gumuchian, Mériaudeau, & Peltier, 1980; Van Rompaey, 2003). Il faut tout de même signaler que l’aide de la part de l’entourage et des voisins demeure très présente dans le tissu rural de montagne (M. Tristan, directrice du maintien à domicile et de la prévention au CMS subrégional de Martigny et directrice de la coordination régionale, communication personnelle, 24 avril 2017). Pour vaincre l’isolement, l’insertion sociale au travers de la participation à la vie associative semble être une solution répandue (Gumuchian, Mériaudeau, & Peltier, 1980). Bon nombre de séniors sont membres de sociétés à caractères divers : bénévoles, politiques, culturelles, musicales ou sportives. Dans cette optique, l’association Pro Senectute s’applique à proposer des activités variées (cours, conférences, ateliers artistiques, activités sportives, etc.) et ainsi à favoriser les rencontres (Pro Senectute Valais-Wallis, 2004). Ces activités possèdent, dès lors, une double utilité : prévenir l’isolement et garder les aînés en bonne santé (Gwiazdzinski, Cholat, & Colleoni, 2015).

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Table des matières

Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Introduction
Contexte général
Présentation de la problématique
L’institut de tourisme
Objectifs de l’étude
1. Méthodologie
2. Revue de la littérature
2.1 Les régions de montagne en Suisse
2.2 La montagne suisse en politique
2.3 Le vieillissement démographique en Suisse
2.4 La personne âgée
2.5 La difficulté du maintien des personnes âgées dans les régions de montagne
2.5.1 Pénurie médicale et accès aux prestations médicales en région de montagne
2.5.2 L’isolement des personnes âgées en montagne
2.6 Synthèse
3. Les acteurs des régions de montagne
3.1 Les collectivités publiques
3.2 La famille et l’entourage
3.3 Les centres médico-sociaux en Valais
3.4 Pro Senectute Valais-Wallis
3.5 Les commerces et les services de proximité
3.6 Les personnes âgées
3.7 Synthèse
4. Les prises en charge médico-sociales
4.1 Le maintien à domicile
4.1.1 Le bien-être
4.1.2 La citoyenneté
4.1.3 Les ressources financières
4.2 Les structures de soins de jour ou de nuit
4.3 La nouvelle approche du maintien à domicile
4.4 Les appartements à encadrement médico-social
4.5 Les établissements médico-sociaux
4.5.1 Lits de court séjour en EMS
4.5.2 Progrès et avancées technologiques dans les EMS
4.6 Comparaison intercantonale des prises en charge médico-sociales
4.7 Comparaison des coûts de prise en charge médico-sociale
4.8 Synthèse
5. Analyse d’une commune touristique de montagne
5.1 Le cas de Nax Mont-Noble
5.2 Situation actuelle de la commune de Mont-Noble
5.3 Situation actuelle du centre médico-social subrégional du Val d’Hérens
5.4 Analyse SWOT de la situation de Mont-Noble
6. Solutions observées à travers la Suisse
6.1 Les réponses des régions de montagne
6.2 Solutions en matière d’accueil
6.2.1 Une maison des générations à St-Martin (VS)
6.2.2 Des appartements à encadrement médico-social à Ayent (VS)
6.2.3 Un hôtel transformé en résidence pour personnes âgées à Grächen (VS)
6.2.4 Un établissement médico-social à Orsières et à Montagnier (VS)
6.3 Solutions en termes de prestations de soins et de services
6.3.1 Un centre de santé à Sembrancher (VS)
6.3.2 Les générations réunies dans la vallée d’Ägeri (ZG)
6.3.3 Un centre social et multifonctionnel dans la vallée Onsernone (TI)
6.4 Propositions d’autres régions
6.4.1 Une ferme transformée en appartements à encadrement médico-social (SO)
6.4.2 Un modèle de prévoyance-temps à Saint-Gall (SG)
6.4.3 Des « chèques-séniors » à Martigny (VS
6.5 Divers projets et études en Suisse et ailleurs
6.5.1 Une évaluation des besoins des personnes âgées à Domat/Ems (GR)
6.5.2 Une étude de cas à Münster (VS)
6.5.3 Le projet européen CoNSENSo
6.5.4 Projet de thèse à l’Université de Grenoble et de Milan
6.6 Synthèse
7. Étude qualitative
7.1 Méthode et typologie de l’étude
7.2 Profils des interviewés et confidentialité
7.3 Analyse des entretiens
7.3.1 Analyse verticale
7.3.2 Analyse transversale
7.4 Synthèse
8. Analyse générale et financière d’un projet d’Hôtel-Résidence à Mont-Noble
8.1 Raison d’être du projet
8.2 Faisabilité
8.3 Forme juridique
8.4 Options de financement
8.5 Fonctionnement et rentabilité
Conclusion
Résultats principaux
Recommandations pour la commune de Mont-Noble
Limites et recherches ultérieures
Liste des références
Annexe I : Comparaison de communes touristiques de montagne
Annexe II : Densité de médecin à travers la Suisse, 2014
Annexe III : Liste des EMS avec prix des pensions et lits attribués
Annexe IV : Verbatim de l’entretien avec la responsable du CMS de Martigny
Annexe V : Verbatim de l’entretien avec la responsable du programme cantonal 60 + (PSV)
Annexe VI : Verbatim de l’entretien avec les autorités communales de Mont-Noble
Annexe VII : Horaires d’ouverture des établissements de la commune de Mont-Noble
Annexe VIII : Verbatim de l’entretien avec les responsables du CMS du Val d’Hérens
Annexe IX : Questionnaire qualitatif
Annexe X : Répartition des heures
Annexe XI : Commentaires du Jury sur le descriptif du mandat avant validation
Annexe XII : Sujet et Mandat du travail de bachelor
Déclaration de l’auteur

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