ANALYSE DU SYSTEME DE SURVEILLANCE DE LA CROISSANCE ET DE L’ETAT NUTRITIONNEL AU CSB2 D’ANTANIMENA

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SURVEILLANCE DE LA CROISSANCE

Définition et concept

· Le dictionnaire Robert donne du verbe « surveiller » la définition suivante : « Observer avec une attention soutenue, de manière à exercer un contrôle, une vérification. Suivre avec attention un travail de manière à constater si tout se déroule comme il faut ». S’il n’existe pas de différence conceptuelle entre la surveillance de situations aiguës accompagnée de mécanismes d’alarme et de riposte rapide, et celle de situations chroniques observées de façon continue, il peut exister entre elles de grandes différences opérationnelles.

Cependant, dans les deux cas, la surveillance implique la production et la récolte de données  soigneusement choisies, leur traitement rapide, leur interprétation épidémiologique et enfin, la diffusion des résultats et des recommandations nécessaires vers la source des données, aussi bien que vers les centres de décision.
· La notion de surveillance de la croissance de l’enfant est souvent incluse dans la surveillance nutritionnelle ou mieux encore dans la surveillance alimentaire et nutritionnelle de l’enfant. Si le concept est simple, sa mise en application présente en revanche de grandes difficultés qui proviennent :
– De l’information
Les renseignements dont on dispose sont souvent peu fiables, incomplets, voire inexistants. Ils arrivent souvent avec beaucoup de retard. Ils ne sont pas analysés selon la région ou le groupe à risque, et ne donnent donc pas une idée de la répartition du problème dans l’espace. Ils sont souvent ponctuels, statiques et ne reflètent pas l’évolution de la situation de la croissance dans le temps.
– Des mécanismes de récolte et de traitement de l’information.
Ces mécanismes sont souvent inadaptés en termes de personnel qualifié, d’infrastructure administrative, de capacité de traitement.
– Du cloisonnement entre les secteurs d’activité du gouvernement qui gène les échanges d’information entre les ministères, et empêche d’aboutir à une image synthétique et cohérente des problèmes nutritionnels.
– Du coût de la récolte et du traitement de l’information.
Ils sont fréquemment augmentés par une inondation de données inutiles. Ces difficultés sont aggravées par le dilemme suivant : on ne peut bien choisir les renseignements essentiels à récolter sans savoir à quoi ils vont servir et on ne peut non plus formuler de programme valable qu’après avoir recueilli l’information de base indispensable.
La surveillance doit corriger ces défauts afin d’aboutir à un tableau cohérent de la situation de la croissance et de l’état de nutrition du groupe ou de la population considérée. Elle commencera donc nécessairement par un diagnostic, une appréciation initiale c’est à dire, la formulation d’une ligne de base et se poursuivra comme une des composantes d’un programme d’action, dont elle est inséparable.

· L’OMS donne de la surveillance de la croissance la définition suivante : « Processus continu qui a pour but de fournir des renseignements courants sur les conditions de la croissance de l’enfant et les facteurs qui influent sur elle, afin d’éclairer les décisions des auteurs des choix politiques, des planificateurs, et des responsables de la gestion des programmes d’amélioration des schémas du suivi de la croissance et de l’état nutritionnel ».

Objectif de la surveillance de la croissance de l’enfant 

En pratique, on peut distinguer plusieurs objectifs de la surveillance de la croissance :
· Définir et décrire le développement de la croissance et l’état nutritionnel actuel de la population, son étendue et sa gravité, et surtout identifier les groupes ou les zones à risque avec leurs principales caractéristiques.
· Connaître de façon continue la situation nutritionnelle et de la croissance de la population ou d’un groupe de population et ses changements, et ceci dans un triple but :
– un but d’alarme d’abord en vue d’une action rapide ;
– un but de planification et de programmation ensuite : choisir des priorités, définir les tâches, contribuer à une meilleure utilisation des ressources ;
– un but de prévision enfin : établir, sur la base des tendances du moment, des prévisions quant à l’évolution probable des problèmes de la croissance et de leurs principaux facteurs causaux.
· Contrôler régulièrement le progrès des programmes de nutrition (monitoring) et de suivi de la croissance : savoir ce qui se passe, faire des recommandations pour le réajustement des actions lorsque cela s’avère nécessaire, évaluer l’efficacité et l’efficience des programmes.

· Améliorer les connaissances sur les causes de retard de croissance et sur les facteurs qui leurs sont associés, de façon à mieux comprendre les caractéristiques épidémiologiques et le processus dynamique de leur apparition.
· Contribuer à une prise de conscience de l’opinion publique et des autorités sur la nature et l’étendue des problèmes de la croissance de l’enfant, de façon à inciter le gouvernement ou les autorités locales à prendre les décisions nécessaires à la solution des problèmes.
La surveillance de la croissance se différencie des systèmes d’information classiques par les caractères suivants :
– elle ne porte pas seulement sur les indicateurs de la croissance et la situation nutritionnelle, mais aussi sur les facteurs associés. A long terme, la connaissance sur ces facteurs associés pourrait s’avérer plus utile que celle de l’état de la croissance proprement dit ;

– elle possède des sources situées dans plusieurs secteurs, et à son tour, rétroalimente les données recueillies en direction de tous les secteurs : données agricoles vers la santé …etc ;
– enfin, elle exige pour fonctionner que l’information soit transmise, interprétée et restituée rapidement. Le facteur vitesse est essentiel à la surveillance, et particulièrement dans les situations d’urgence où le facteur nutritionnel prend une place importante. Une fois l’alarme déclenchée au niveau local, l’information doit pouvoir court-circuiter tous les blocages possibles et atteindre sans retard le niveau de décision.

Surveillance nutritionnelle chez l’enfant

La mortalité des enfants de 1 à 5 ans est dix fois plus élevée dans les pays tropicaux qu’en zone tempérée. Ces enfants d’âge « préscolaire » sont exposés à de nombreuses maladies infectieuses et nutritionnelles (sevrage). Ils doivent faire l’objet d’une surveillance pour contrôler leur croissance, déceler un handicap, les protéger à temps contre les maladies microbiennes les plus sévères et les carences alimentaires.
Les dispensaires et les centres de santé de base assurent le plus souvent la surveillance nutritionnelle chez l’enfant.

Méthode de surveillance de la croissance et de la nutrition

La pesée

La pesée est la méthode la plus courante et la plus sûre. Plusieurs modèles de balance conviennent à condition qu’ils soient robustes et peu coûteux :
– balance à fléau type UNICEF ;
– balance romaine peu encombrante mieux adaptée aux équipes mobiles.
La détermination du poids n’a de valeur que si l’âge de l’enfant est connu avec précision. Il peut alors être reporté sur une courbe individuelle (figure n° 1 et n° 2) qui permet d’en juger l’évolution dans le temps, de le comparer à la norme. (tableau n° 1)

Le pli cutané tricipital

La mesure du pli cutané tricipital à mi-hauteur de la face postérieure du bras s’effectue à l’aide d’un instrument spécial (compas de Harpenden), délicate, elle est utilisée dans les enquêtes nutritionnelles pour apprécier l’état du tissu graisseux.
En pratique, pour l’identification des enfants malnutris par dépistage de masse, la mesure du périmètre branchial est à recommander. Les enfants ayant un faible périmètre brachial (PB) présentent un haut risque de décès et doivent être pris en charge quel que soit leur indice poids-taille. On recommande souvent d’utiliser des seuils bas qui rendent les indices spécifiques mais peu sensibles, à chaque fois que l’on envisage de mettre en place une intervention coûteuse ne pouvant être appliquée qu’à un petit nombre d’enfants.
Les seuils de 110 mm pour le PB et de 70% pour d’indice poids-taille sont souvent utilisés comme critères d’admission pour les centres de renutrition thérapeutique.

Des seuils plus élevés, 120 mm pour le PB, 80% pour l’indice poids- taille, doivent être choisis pour des interventions plus légères, comme les supplémentations à domicile à l’aide de rations sèches, ou des programmes d’éducation nutritionnelle dont on peut, sans inconvénient majeur, faire bénéficier un plus grand nombre d’enfants.

Evaluation d’un système de surveillance spécifique

Principes 

Lorsqu’un système de surveillance fonctionne, il importe de se poser régulièrement un certain nombre de questions sur, d’une part, le degré d’atteinte des objectifs qui avaient été fixés à priori, et d’autre part, sur les ressources allouées au fonctionnement du système par rapport aux résultats effectivement obtenus. Une évaluation peut être menée par une équipe extérieure ou bien par les animateurs du système de surveillance eux-mêmes.
On peut dresser une liste des questions auxquelles une évaluation « idéale » d’un système de surveillance (tableau n° 2).

Coût d’un système de surveillance 

L’utilité d’un système de surveillance ne se juge pas dans l’absolu. Elle doit être avant tout mise en balance avec son coût. On fait le plus souvent référence aux coûts directs engendrés par un système de surveillance, tels que les coûts salariaux, les frais de déplacement, et les autres frais de fonctionnement (coursier, téléphone, informatique, etc…).
On devrait intégrer dans cette évaluation les coûts indirects, tels que les coûts des examens de laboratoires nécessaires à la confirmation du diagnostic et/ou des complications, et les coûts imposés par le traitement des cas déclarés.
A l’inverse, il faudrait théoriquement mettre en balance cette estimation des dépenses avec les bénéfices chiffrés que l’on espère pouvoir retirer de la surveillance, comme par exemple, les soins médicaux et l’absentéisme évités.

Formulation des conclusions et des recommandations

L’évaluation d’un système de surveillance doit permettre de juger si les objectifs qui ont été décidés lors de sa mise en place sont atteints ou en passes de l’être.
En proposant des modifications susceptibles d’améliorer la qualité d’un système de surveillance, on doit garder à l’esprit que, d’une part, elles auront probablement des conséquences financières et que, d’autre part, les différents paramètres qui ont été définis évoluent de façon interdépendante. Par exemple, lorsqu’on cherche à améliorer l’acceptabilité du système, on joue positivement sur la réactivité.

COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS

La lutte contre la malnutrition dans les pays en développement est particulièrement difficile, compte tenu du niveau bas d’instruction des mères et de l’insuffisance des ressources.
A Madagascar, même dans les zones urbaines, la malnutrition est importante. L’étude que nous avons menée au CSB2 d’Antanimena, à Antananarivo permet d’avoir une idée sur le système de surveillance nutritionnelle et les résultats obtenus par son utilisation.

Le système de surveillance nutritionnelle

Utilité d’un système de surveillance

L’utilité d’un système de surveillance nutritionnelle peut s’apprécier de différentes manières, mais elle doit toujours être mesurée par rapport aux objectifs initialement assignés au système.
· Le système de surveillance permet-il de détecter des tendances dans la survenue de malnutrition grave ?

La méthode de surveillance nutritionnelle basée sur l’indicateur poids -âge et qui s’appuie sur la fiche de surveillance type OMS, permet de dépister la malnutrition protéino-calorique modérée et/ou grave, et permet de suivre l’évolution de l’état nutritionnel de l’enfant. Il est donc possible de détecter la survenue éventuelle d’une aggravation de l’état de l’enfant par le système utilisé au CSB2 d’Antanimena.
· Le système fournit-il des estimations chiffrées et fiables sur la prévalence de la malnutrition dans le secteur sanitaire ?
Les enfants âgés de 0 à 5 ans pesés au CSB2 d’Antanimena sont des enfants qui sont tous domiciliés dans le secteur sanitaire.
Comme l’objectif du CSB2 est de peser tous les enfants de 0 à 5 ans afin d’assurer un état nutritionnel satisfaisant à tous les enfants du secteur, les enfants pesés ne font pas l’objet d’un échantillon représentatif des enfants visés.
En revanche, la couverture de pesées donne une idée de l’utilisation du système de surveillance par la population cible.
La prévalence identifiée de la malnutrition dans le secteur sanitaire ne constitue donc qu’une estimation portant sur les enfants suivis au niveau du CSB2.
· Le système fournit-il des données utiles à la mise en route d’un programme adapté de surveillance nutritionnelle ?
Le système de surveillance appliqué au CSB2 d’Antanimena fournit en effet des données pour l’amélioration du programme :
* La couverture des pesées réalisée n’est que de 7,3%.
* Le nombre des enfants pesés est plus élevé pour les quartiers qui se trouvent à proximité du CSB2 :
– Antanimena : 81 enfants
– Behoririka Ankaditapaka : 53 enfants
Par contre, les enfants habitant les quartiers plus éloignés du CSB2 sont moins nombreux :
– Ankadifotsy Mandialaza : 22 enfants
– Ankaditapaka Nord : 28 enfants
– Ambatomitsangana Behoririka : 30 enfants
* L’assiduité aux pesées varie avec les tranches d’âge. • Pour les enfants de 0 à 12 mois :
Le nombre moyen de pesées réalisé par enfant est de 8,1/12 (C’est-à-dire : 67,7% de l’objectif).
· Pour les enfants de 13 à 24 mois :
Le nombre moyen de pesées réalisé par enfant est de 5,4/6 (C’est-à-dire : 90% de l’objectif).
· Pour les enfants de 25 à 36 mois :
Le nombre moyen de pesées réalisé par enfant est de 1,8/4 (C’est-à-dire : 45% de l’objectif).
· Pour les enfants de 37 à 60 mois :
Le nombre moyen de pesées réalisé par enfant est de 1,5/4 (C’est-à-dire : 37,5% de l’objectif).
Les enfants de 0 à 24 mois sont les plus assidus aux séances de pesées.

L’emploi du temps

 Les séances de pesées n’ont lieu que 3 jours par semaine : le mardi, le mercredi et le jeudi et ce, pendant l’après-midi.
 L’emploi du temps limite l’accessibilité aux services de pesées. Chaque jour ouvrable, des femmes et des enfants viennent au CSB2 pour des motifs divers. La disponibilité quotidienne des services de pesées pourrait donc augmenter la couverture des pesées.

Réactivité du système de surveillance

La réactivité peut se définir comme le délai nécessaire ou le temps nécessaire au système pour que des mesures soient prises afin de corriger l’état nutritionnel.
Le système de surveillance ne prévoit comme réactivité que les conseils alimentaires donnés aux mères et les séances d’IEC. Il n’y pas d’aide alimentaire et les activités de récupération nutritionnelle coûtent trop chères pour être mises en place au niveau d’un CSB2 dans le cadre des soins de santé primaires. Or, les conseils alimentaires ne sont pas toujours suivis par les mères, soit par insuffisance d’informations, soit parce que les familles n’ont pas du tout les moyens de se procurer les produits alimentaires nécessaires à l’alimentation équilibrée de l’enfant. La réactivité du système n’est donc efficace que sous deux conditions au moins : (Figure n° 18).

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LE SYSTEME DE SURVEILLANCE DE LA CROISSANCE DE L’ENFANT
1. Surveillance épidémiologique
1.1. Définition
1.2. Elaboration d’un système de surveillance
1.3. Mise en place d’un système de surveillance
2. Surveillance de la croissance
2.1. Définition et concept
2.2. Objectif de la surveillance de la croissance de l’enfant
2.3. Surveillance nutritionnelle chez l’enfant
2.4. Méthode de surveillance de la croissance et de la nutrition
2.4.1. La pesée
2.4.2. La taille
2.4.3. Le périmètre crânien
2.4.4. Le périmètre brachial
2.4.5. Le pli cutané tricipital
2.5. Evaluation d’un système de surveillance spécifique
2.5.1. Principes
2.5.2. Description du fonctionnement d’un système de surveillance
2.5.3. Coût d’un système de surveillance
2.5.4. Formulation des conclusions et des recommandations
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DU SYSTEME DE SURVEILLANCE DE LA CROISSANCE ET DE L’ETAT NUTRITIONNEL AU CSB2 D’ANTANIMENA
1. Cadre d’étude
1.1. Le CSB2 d’Antanimena
1.1.1. Organisation
1.1.2. Le personnel
1.2. Le secteur sanitaire
1.2.1. Situation géographique
1.2.2. Démographie
1.3. Autres formations sanitaires
2. Méthodologie
2.1. Méthode d’étude
2.1.1. Objectif
2.1.2. Stratégie méthodologique
2.2. Paramètres d’étude
3. Résultats
3.1. Analyse de conception
3.1.1. Principes et mode de surveillance
3.1.2. Stratégie
3.1.3. Ressources requises
3.1.4. Normes utilisées
3.2. Analyse de fonctionnement
3.2.1. L’emploi du temps
3.2.2. Activités en stratégie fixe
3.2.3. Personnel et matériel
3.2.4. Le rythme des pesées
3.3. Analyse des résultats
3.3.1. Groupe cible
3.3.2. Couverture des pesées
3.3.3. Répartition des enfants pesés
3.3.4. Prévalence de la malnutrition
3.3.5. Mesures prises en conséquence
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. Commentaires et discussions
1.1. Le système de surveillance nutritionnelle
1.1.1. Utilité d’un système de surveillance
1.1.2. L’emploi du temps
1.1.3. Réactivité du système de surveillance
1.1.4. Place de la stratégie mobile
2. Suggestions
2.1. Organigramme du système proposé
2.2. Résultats attendus
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 

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