Analyse du rendement musculaire par électromyographie (EMG)

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LE RENDEMENT MUSCULAIRE

Le rendement musculaire représente le rapport entre le travail réalisé par un muscle pendant une certaine durée et l’énergie libre issue des réactions chimiques pendant cette même durée. Il résulte du rendement de deux étapes de transformation énergétique : d’une part, le rendement de la transformation de l’énergie chimique provenant des substrats énergétiques en molécule d’ATP (Adénosine Tri Phosphate), seule énergie utilisable par le muscle (environ 50%) et d’autre part, lerendement de la transformation de l’énergie libérée par l’hydrolyse de l’ATP en énergie  mécanique nécessaire au glissement des filaments musculaires d’actine et de myosine (environ 60%). Ainsi, le rendement musculaire peut être estimé à environ 30%. Deux facteurs sont principalement responsables de la variation du rendement musculaire au cours de la locomotion. Le premier facteur est la vitesse de contraction musculaire qui dépend principalement de la typologie des fibres constituant le muscle. Le deuxième facteur de variation du rendement musculaire est la possibilité de réutiliser l’énergie préalablement stockée dans les structures élastiques du muscle (Alexander, 1991 .
Cavanagh et Kram, 1985a). Cependant, lors d’activité de locomotion, cette relation est plus complexe et dépend alors du recrutement des fibres musculaires (Beelen et Sargeant, 1993). C’est ainsi, que la proportion de fibres I ou de fibres II recrutées influence directement les vitesses de contraction des fibres associées à un rendement optimal. De plus, le rendement musculaire lors de la locomotion peut être optimisé grâce à l’amélioration du cycle étirement-contraction. En effet, lors de la phase d’étirement, l’énergie mécanique est stockée dans les composantes élastiques du muscle, puis restituée lors de la phase de contraction (Alexander, 1991). La fibre musculaire n’étant pas un système parfait, elle va perdre une partie de son énergie lors de la phase de stockage et de restitution que la composante contractile devra compenser.

ANALYSE DU RENDEMENT MUSCULAIRE PAR ELECTROMYOGRAPHIE (EMG).

 L’utilisation de l’électromyographie (EMG), comme technique d’exploration fonctionnelle consistant à enregistrer les variations de potentiels membranaires affectant les muscles lors d’une contraction volontaire ou réflexe (Bouisset-Maton, 1972), permet d’approcher la notion de rendement musculaire et plus particulièrement de « rendement neuromusculaire ». On distingue deux formes d’observation de l’activité électrique musculaire caractérisée par des signaux différents par leur aspect et/ou leur méthode de traitement mises en jeu :
– L’enregistrement réalisé à l’aide d’électrodes aiguilles mono ou bipolaires, lors d’une faible contraction détecte l’activité d’une région très localisée du volume musculaire, réduit à quelques unités motrices dans certains cas. Cet enregistrement présente l’avantage d’éviter le problème d’interface entre la source et le point de mesure. Le signal obtenu est alors caractérisé par la présence de potentiels d’unités motrices souvent séparables. L’analyse du signal consiste à isoler et reconnaître les potentiels d’unités motrices des différents trains, soit visuellement soit par un traitement automatique basé sur des méthodes de reconnaissance de forme. Cet enregistrement permet l’accès direct ou indirect aux caractéristiques propres des unités motrices mises en jeu : Morphologies des potentiels émis (durée, amplitude, nombre de phases, temps de montée…) Distribution temporelle des instants d’apparition (calculés à partir des intervalles séparant les potentiels successifs reconnus comme appartenant à la même unité motrice ou fréquence de décharge).
– La vision globale de l’EMG est obtenue avec des électrodes de surface, reflétant l’activité globale de muscle rendant impossible la distinction de formes élémentaires. Le signal est qualifié d’interférentiel et est généralement paramétré à l’aide de quantités statistiques relatives à des moyennes temporelles ou spectrales. Cette méthode présente l’avantage d’être non invasive. Les mesures peuvent être monopolaires, une des électrodes étant reliée à la masse, mais le plus souvent elles sont effectuées en mode bipolaire avec une amplification différentielle, le sujet étant relié par une troisième électrode, dite de référence. Plusieurs traitements peuvent ensuite être appliqués au signal EMG.
ANALYSE TEMPORELLE – Il s’agit alors d’une datation et d’une quantification du niveau d’excitation du muscle. Le signal est quantifié par sa valeur efficace (RMS) ou intégré (EMGi). La grandeur RMS représente la racine carrée de la puissance moyenne du signal EMG sur un intervalle de temps donné et s’exprime sous la forme mathématique suivante : L’EMGi représente alors une mesure du niveau d’excitation du muscle. Cependant, lors de la locomotion ou plus simplement lors de tous types d’activités dynamiques, l’utilisation de l’EMG global est encore confidentielle. Ceci s’explique par l’absence de stationnarité du signal en condition dynamique rendant délicat son interprétation (Duchêne et Goubel, 1990). Cependant l’EMGi reste un excellent indice du niveau d’activation musculaire en particulier lors de l’apparition d’un état de fatigue. Il permet ainsi de rendre compte des altérations du fonctionnement du système neuromusculaire liées à la fatigue (Hausswirth et al, 2000 ; Sarre et al, 2005). Son utilisation présente également un intérêt majeur permettant de compléter les analyses cinématiques, grâce à la détection des plans de coopération musculaires susceptibles de varier lors d’activités prolongées ou de modifications volontaires du geste.
ANALYSE FREQUENTIELLE – La seconde analyse est une description fréquentielle du signal pouvant s’exprimer par la fréquence moyenne (MPF) et la fréquence médiane (MF). La fréquence moyenne est le centre de gravité du spectre alors que la fréquence médiane partage le spectre en deux parties d’énergie égale. Les modifications spectrales peuvent être le reflet du niveau d’activation musculaire, de la vitesse de conduction des potentiels d’action (VCPA) ou encore du recrutement et de la synchronisation des unités motrices. Grâce à l’analyse des fluctuations du spectre EMG, certains travaux montrent que la MPF est susceptible d’augmenter simultanément avec le niveau d’activation, témoignant d’une mise en jeu supplémentaire d’unités motrices de fibres de type II (Borrani et al, 2001). En se basant sur des études montrant que la VCPA est supérieure dans les unités motrices rapides, les modifications spectrales liées la VCPA ont alors été envisagées comme témoins du type d’unités motrices recrutées (Komi et Tesch, 1979). Certaines études ont également observé une diminution de la VCPA lors d’une contraction soutenue, attribuée aux variations de la concentration en ions lactates et au pH musculaire (Brody et al, 1991 ; Roy et al, 1990) ainsi qu’à l’augmentation du potassium extracellulaire (Bigland-Ritchie et al, 1979). Les travaux de Wakeling et al (2001) suggèrent également que l’augmentation des paramètres spectraux du signal EMG correspondrait à une augmentation du recrutement des unités motrices de type II au cours d’un exercice prolongé. Ces auteurs s’appuient sur l’augmentation de la puissance du signal EMG dans les hautes fréquences et sa diminution dans les basses fréquences. Selon Hagg (1992) l’augmentation de la MPF lors de l’exercice serait due au recrutement d’unités motrices non fatiguées ainsi qu’au recrutement d’unités motrices dont les fibres ont un plus gros diamètre. Néanmoins, l’observation des paramètres spectraux du signal EMG doit être réalisée avec précaution. En effet, d’une part Bigland-Ritchie et al (1981) ont montré que le VCPA augmentait avec la température musculaire et d’autre part, certains auteurs ont mis en évidence une relation entre la MPF et la position des électrodes (Bonato et al, 2001) et la longueur musculaire (MacIsaac et al, 2001). A ceci, s’ajoute le principe de stationnarité du signal (i.e. exprimant les qualités d’être centré et co-aléatoire) qui n’est pas vérifié d’un point de vue aléatoire car le signal de surface évolue au cours du temps. Lors d’activités de locomotion, le rendement musculaire peut être abordé à partir de la mesure de l’activité électromyographique du muscle. A l’échelon global de l’organisme, une seconde approche non exclusive s’intéresse également au rendement global à partir d’indices métaboliques et cinématiques.

MODIFICATIONS DES RENDEMENTS ENERGETIQUE ET NEUROMUSCULAIRE LORS D’EXERCICES NON FATIGANTS.

LOCOMOTION NON PORTEE DE TYPE MARCHE OU COURSE A PIED.

 De nombreux facteurs sont susceptibles de modifier le rendement lors de la marche et de la course. Dans une revue de questions, Morgan et al (1989) distinguent deux catégories de facteurs : d’une part, les facteurs physiologiques et environnementaux et d’autre part, les facteurs biomécaniques. Dans la première catégorie, ces auteurs intègrent la variabilité intra-individuelle, le sexe, l’âge, le lieu d’exercice (tapis roulant ou conditions extérieures), la température (ambiante et interne), l’entraînement ou encore la fatigue. La seconde catégorie comprend le poids du corps, le poids et la distribution des segments, la morphologie du sujet, la vitesse et la fréquence de course. Il est également possible de compléter ces facteurs développés par l’influence des facteurs psychologiques sur le coût énergétique (Messier et al, 1986). L’identification et le contrôle des ces facteurs sont alors un pré-requis méthodologique nécessaire à chaque étude mesurant les variations de rendement lors d’un exercice de locomotion. VARIABILITE INTRA-INDIVIDUELLE – Daniels et al (1984) ont mesuré le coût énergétique de dix sujets entraînés lors de 15 tests de course sur tapis roulant à une vitesse de 4,46 m.s-1 pendant 7 mois. Leurs résultats montrent, lorsque les facteurs d’apprentissage, les chaussures et les protocoles sont contrôlés, une variabilité du coût énergétique supérieure à 11 %. De même, une variabilité du coût énergétique (coefficient de variation : 4.65 %) a également été observée au cours d’une semaine composée de quatre journées de tests sous-maximaux sur tapis roulant (75 % O2max) chez des athlètes entraînés spécialistes de demi-fond (Brisswalter et al, 1994). Selon Morgan et al (1987), il est cependant possible de tendre vers une variabilité intra-individuelle nulle en contrôlant le niveau d’expérience de course sur tapis roulant du sujet, ses chaussures, le moment de la journée et son niveau d’entraînement.
SEXE – Certains travaux portant sur le coût énergétique en course à pied ont montré que celui-ci pouvait dépendre du sexe du sujet (Bransford et Howley, 1977). Ceux-ci ont montré que des sujets masculins entraînés et non entraînés présentaient des valeurs de coût énergétique relatif au poids de corps plus faibles que des sujets féminins entraînés et non entraînés. Les hypothèses émises pour comprendre ces différences suggèrent qu’elles seraient dues aux déplacements verticaux du corps ainsi qu’au niveau et à l’intensité de l’entraînement (Bransford et Howley, 1977 ; Howley et Glover, 1974). Cependant, Bhambhani et Singh (1985) ne reportent aucune variation verticale de la hauteur de hanche par foulée ou par kilomètre lorsqu’ils comparent des hommes et des femmes aux coûts énergétiques différents. Ces auteurs spéculent alors, que les plus hautes fréquences de foulée et la plus grande dette en O2 observées chez les sujets féminins pourraient être responsables d’une augmentation du coût énergétique. ÂGE – Des études croisées ont démontré que de jeunes enfants étaient plus économiques énergétiquement que des adolescents ou des adultes (Astrand, 1952 ; Krahenbuhl et al, 1985 ; MacDougall et al, 1983). De même, les travaux portant sur la personne âgée indiquent une élévation du coût énergétique associée à l’augmentation de l’âge. Ceci pourrait être dû à une diminution de la souplesse de la hanche, une réduction de la relaxation des muscles antagonistes, une augmentation de la masse corporelle et un accroissement des demandes cardiaques et respiratoires (Larish et al, 1987 ; Sidney et Shephard, 1977). Une seconde hypothèse est également évoquée et attribue cette augmentation du coût énergétique à l’adoption d’une plus faible longueur de foulée, dans le but de moins solliciter le système musculo-squelettique. TEMPERATURES INTERNE ET AMBIANTE – Parmi les travaux rapportant les effets d’une élévation de la température interne sur laO2, l’étude de Saltin et Stenberg (1964) montre une augmentation de 5 % de laO2 lors d’un exercice de 3h en condition normale. De plus, les travaux portant sur l’effet des conditions thermiques ambiantes sur laO2 montrent également une augmentation de laO2 lors d’une course à pied à 70 % deO2max lorsque la température augmente ou diminue (MacDougall et al, 1974). Selon ces auteurs, l’augmentation de laO2 serait due à l’augmentation de la demande en énergie nécessaire à la circulation sanguine périphérique, à l’augmentation de l’activité des glandes sudoripares, à l’hyperventilation ou encore à la diminution de l’efficience du métabolisme énergétique. ENTRAINEMENT – De nombreux travaux ont suggéré que l’économie de course pourrait être influencée par le niveau d’entraînement. Cependant, cette relation doit être nuancée. En effet, certaines études ont montré un effet positif de programmes d’entraînement en course à pied de courte et longue distance sur l’économie de course (Daniels et al, 1978a, Daniels et Oldridge, 1971 ; Patton et Vogel, 1977) tandis que d’autres n’ont montré aucun effet (Daniels et al, 1978b, Petray et Krahenbuhl, 1985 ; Wilcox et Bulbulian, 1984). Il a également été montré que l’utilisation d’exercices intermittent ou de haute intensité modifiaient favorablement l’économie de course (Conley et al, 1981, 1984 ; Sjodin et al, 1982). Les améliorations suite à ces types d’entraînements ont alors été attribuées aux altérations du style de course et des capacités oxydatives intracellulaires.
CARACTERISTIQUES ANTHROPOMETRIQUES – POIDS DU CORPS ET DISTRIBUTION AU NIVEAU DES SEGMENTS – Les résultats des travaux de Williams et Cavanagh (1987), confirmés par l’étude de Williams et al (1987) portant sur des athlètes féminines, ont montré l’existence d’une relation négative entre la O2 et le poids du corps de l’athlète. Cependant, il apparait que la répartition des masses corporelles modifie le coût énergétique. Ainsi, Cavanagh et Kram (1985) ont enregistré un coût énergétique plus important lorsque les membres inférieurs étaient plus lourds. Myers et Steudel (1985) évoquent l’hypothèse que le coureur dont les extrémités seraient moins volumineuses, plus particulièrement au niveau des jambes, réaliserait un travail plus faible en actionnant ses segments pendant la course, en comparaison avec un coureur dont une grande partie de la masse serait répartie sur les extrémités. La morphologie du sujet a également été suggérée comme facteur responsable de modifications du rendement. Cependant, très peu d’études se sont intéressées à ce paramètre et une grande dispersion apparaît dans les résultats. Alors que Williams et Cavanagh (1987) indiquent une corrélation négative entre la longueur de jambe et le coût énergétique mesuré sur une population de marathonien, Bourdin et al (1993) ne relèvent aucune corrélation significative entre la taille d’une population de basketteurs et le coût énergétique. Cette absence de résultat se confirme également au travers de l’étude de Pate et al (1992).
FREQUENCE DE FOULEE – Plusieurs facteurs participent à l’altération de la locomotion et à travers celle-ci la notion de rendement. L’étude de Hogberg (1952) fut l’une des premières études à avoir envisagé de modifier volontairement les contraintes mécaniques liées à la locomotion afin d’observer leurs effets sur le rendement énergétique dont la consommation d’oxygène en est le reflet. Lors de cette étude, cet auteur a montré que chez des spécialistes de course à pied, une augmentation de la foulée de 13,3% par rapport à la foulée librement choisie du sujet induisait une élévation de la valeur deO2 de 11,9% et qu’une diminution de 12 % coïncidait avec une variation positive de 6% de laO2. Cette première observation a alors servi de point de départ à de nombreuses études visant à comprendre les raisons sous-tendant cette variation de laO2 lorsque la foulée est volontairement modifiée (Cavanagh et Williams, 1982, Ralston, 1958 ; Margaria, 1976 ; Zarrugh et al, 1974, Browning et Kram, 2005). La très grande majorité de ces études a alors constaté les mêmes résultats quelque soit la population observée (Browning et Kram, 2005) ou le type d’exercice proposé (i.e. marche ou course à pied). Ainsi, Cavanagh et Williams (1982) ont mesuré sur une population de coureurs occasionnels les effets d’une variation de la longueur de foulée sur laO2. Ils ont pu observer, pour une réduction et une augmentation de 20 % de la longueur de foulée par rapport à la foulée librement choisie, une augmentation moyenne de laO2 de 2,6 et 3,4 ml.kg-1.min-1 respectivement. De même, Holt et al (1991) lors d’une épreuve de marche ont imposé une variation de la fréquence de pas par rapport à la fréquence libre allant jusqu’à ± 15 cycle.min-1 par incrément aléatoire de 5. Leurs résultats montrent une forte corrélation entre l’écart à la fréquence libre et l’élévation de la consommation d’O2. La principale raison invoquée afin d’expliquer dans un premier temps la relation étroite entre le choix d’une fréquence libre et uneO2 minimale et, dans un second temps l’élévation deO2 lorsque l’individu s’éloigne de sa fréquence libre fut proposée par Holt et al (1990). Cette hypothèse basée sur la comparaison entre l’individu en mouvement et un mécanisme oscillatoire simple ou complexe a été développée dans la partie précédente (cf. «Chapitre II.A.2, p14»). Cependant, si ce modèle permet d’apporter des éléments de réponse au choix de la fréquence libre lors de la marche où de la course à pied, son approche trop globale ne permet pas d’expliquer les augmentations de laO2 lorsque l’individu s’écarte de sa fréquence libre. Une approche plus locale basée sur le recrutement musculaire a alors été envisagée (Kaneko et al, 1987, 1990). Selon ces auteurs, la modification du recrutement musculaire liée à un raccourcissement ou un allongement de la longueur de pas lors des situations de sur-fréquence ou de sous-fréquence conduirait à une augmentation du travail interne et/ou externe induisant une élévation systématique de laO2. Cependant le nombre très réduit d’études partant de cette hypothèse ne permet pas de conclure.
La « fatigue » est une notion dont la définition est multifactorielle. On parlera par exemple de fatigue musculaire ou bien de fatigue cognitive pour désigner respectivement un état physiologique ou cognitif altéré en comparaison avec un état non fatigué. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons uniquement aux effets de la fatigue musculaire sur la locomotion. En effet, la fatigue musculaire peut altérer la locomotion et induire des adaptations afin de permettre au sujet de poursuivre l’activité. Ces adaptations pourront être observées sur les aspects énergétiques, neuromusculaires, biomécaniques ou encore cinématiques (Morgan et al, 1990 ; Williams et al, 1987 ; Millet et al, 2002, 2003 ; Argentin et al, 2006 ; Delextrat et al, 2005 ; Lepers et al, 2000 ; Peeling et al, 2005).

DEFINITION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE

Si la modification des contraintes mécaniques est un des facteurs pouvant donner lieu à une altération de la locomotion, la fatigue musculaire peut elle aussi en être responsable. Nous nous appuierons ici sur la définition de Gandevia (2001) afin de définir le terme « fatigue ». Celui-ci caractérise la fatigue musculaire comme étant l’altération de la capacité à générer une force ou une puissance suite à un exercice, et dont la cause peut être centrale et/ou périphérique (Figure 8).

FATIGUE CENTRALE

La fatigue centrale peut être définie comme une diminution de l’activité volontaire d’un muscle (Gandevia et al, 1995), dont l’origine implique des mécanismes spinaux et/ou supraspinaux (Gandevia 2001).
Dans une revue récente, Gandevia (2001) a distingué deux sites de localisation de la fatigue centrale : les centres moteurs supérieurs (étage supraspinal) et la moelle épinière (étage spinal). En fonction de l’étage sur lequel se localise la fatigue, la manifestation de celle-ci sera différente. A l’étage supraspinal, Newham et al (1983), ont observé une réduction de la commande nerveuse centrale à destination des motoneurones α, associée ou non à une altération du recrutement des unités motrices. L’accumulation ou la déplétion de différents neurotransmetteurs et substances chimiques perturbant l’équilibre homéostatique du système nerveux central ont alors été proposées comme facteurs responsables de l’altération de la commande centrale. Cependant, ces facteurs ne sont pas les seuls responsables de cette diminution, comme en témoigne l’étude de Nybo et Secher (2004) dans laquelle ils mettent en avant l’action des réponses thermodynamiques cérébrales, la disponibilité des substrats énergétiques ou encore la perfusion sanguine sur la fatigue supraspinale. A cela s’ajoutent des facteurs psychologiques difficilement contrôlables comme l’investissement du sujet dans la tâche ou bien son niveau de motivation (Enoka et Stuart, 1992).

METHODE D’ESTIMATION DU NIVEAU D’ACTIVATION DES MUSCLES

La revue de questions de Shield et Zhou (2004) montre qu’un déficit du niveau d’activation lors d’une contraction maximale volontaire peut se caractériser par une diminution du moment développé. Le niveau d’activation, témoin de la commande nerveuse descendante vers le muscle, est alors généralement mesuré grâce à la technique de « twitch interpolation » (Merton, 1954). Cette technique consiste à surimposer au nerf moteur une stimulation électrique percutanée supramaximale à une contraction maximale ou sous-maximale volontaire isométrique (Figure 10). Si l’ensemble des unités motrices sont recrutés de façon maximale, la stimulation exogène n’entraîne pas de réponse mécanique, reflétant alors une activation volontaire maximale. Au contraire, une augmentation du moment lors de la stimulation est le témoin d’un recrutement incomplet des unités motrices et/ou d’une fréquence de décharge sous-maximale de certaines unités motrices recrutées (Belanger et McComas, 1981). D’autres techniques sont également utilisées pour quantifier le niveau d’activation. Ainsi, certains auteurs proposent d’exprimer le niveau d’activation en rapportant la valeur de la réponse mécanique induite lors de la contraction volontaire à la réponse mécanique évoquée après la contraction maximale dans des conditions de repos (Maffiuletti et al, 2002 ; Place et al, 2005). L’utilisation de ces techniques permet alors d’estimer la fatigue d’origine centrale.

FATIGUE PERIPHERIQUE

La fatigue périphérique rassemble l’ensemble des sites impliqués dans la production de force, à partir de la jonction neuromusculaire avec la transmission du potentiel d’action post-synaptique, jusqu’à la formation des ponts actine-myosine. Sa mesure rend compte de l’altération du couplage excitation-contraction de la contractilité musculaire lors de l’apparition d’une fatigue musculaire. Cette dernière se traduit localement par des déséquilibres électrolytiques et calciques, une modification de la formation des ponts actine-myosine, un déficit énergétique (Westerblad et al, 1991) ou encore une altération de l’ultrastructure musculaire. La détérioration de la transmission du potentiel d’action le long du sarcolemme est associée à la modification de l’activité des pompes sodium-potassium et constitue la première étape de la fatigue périphérique (Fuglevand et al, 1993). Le niveau de performance sera directement affecté par les réductions de la contractilité, de l’endurance et de l’excitabilité musculaire dues à une altération de l’activité des pompes sodium-potassium (Clausen, 2003). Le signal électrique parvient ensuite jusqu’aux tubules transverses déclenchant ainsi la mise en action des processus calciques et libérant les sites de fixation de l’actine. Les variations de concentration, de distribution et de mouvement de Ca2+ sont responsables d’une modification du potentiel contractile musculaire affectant de nouveau le niveau de performance (Berchtold et al, 2000).

EFFET DE LA FATIGUE SUR LE COUT ENERGETIQUE (CE) LORS DE LA LOCOMOTION

Plusieurs études ont tenté d’observer les évolutions du rendement énergétique à travers l’observation du coût énergétique (CE) ou de laO2 lors d’activité de locomotion en état de fatigue musculaire (Brueckner et al, 1991 ; Morgan et al, 1990, 1996). Parmi celles-ci, Brueckner et al (1991) ont comparé les valeurs de coût énergétique avant et après des épreuves de course à pied de 15, 32 et 42 km. En état de fatigue musculaire et pour des vitesses de course constantes, leurs résultats montrent une augmentation du CE par rapport à l’état non fatigué. De même, Guezennec et al (1996) rapportent lors d’une comparaison entre une course à pied isolée (10 km) et un triathlon (15 km natation, 40 km cyclisme, 10 km course à pied), une élévation du CE de 7.1 %, associée à une augmentation de la ventilation de 16.2 % lors de la course à pied du triathlon. En revanche, d’autres études comme celles de Morgan et al (1990, 1996) ne montrent aucune variation du CE après 30 min de course à pied. De plus, il semblerait que l’intensité de l’exercice conditionne les éventuelles variations du CE. En effet, des mesures deO2 réalisées lors d’exercices dont l’intensité était supérieure au seuil anaérobie lactique ont permis d’observer une détérioration du CE avec l’apparition de fatigue musculaire. En effet, bien que plus faible que lors de la phase nommée « phase 2 », l’augmentation de laO2 persiste au-delà de la troisième minute (Whipp et Wasserman, 1972 ; Billat et al, 1999). Cette seconde augmentation de laO2, nommée « composante lente deO2 » (Figure 12), a été largement étudiée dans la littérature et est responsable de l’augmentation du CE entre la troisième minute d’exercice et la fin d’exercice, pour des intensités supérieures au seuil anaérobie lactique (Bernard et al, 1998). Les mécanismes explicatifs de cette composante lente sont plurifactoriels et directement liés à l’intensité de l’exercice. Deux types d’exercices doivent alors être distingués : les exercices d’intensité modérée, pour lesquels l’intensité est inférieure au seuil anaérobie lactique, et les exercices sévères, dont l’intensité y est supérieure. Pour ces deux types exercices, les deux premières phases de la cinétique deO2 sont successives, exponentielles et relativement similaires. En revanche, au-delà de la troisième minute, l’exercice sévère présente une troisième phase où laO2 continue d’augmenter alors que celle-ci est stabilisée lors de l’exercice modéré. Les augmentations du débit cardiaque et du flux sanguin pulmonaire, auxquelles peuvent s’ajouter les changements des gaz de réserve pulmonaire et le contenu en O2 du sang veineux mêlé provenant des muscles actifs, sont généralement cités comme responsables de la phase 1 appelée « composante initiale ». L’augmentation de laO2 lors de la phase 2 est déclenchée par l’arrivée du sang veineux provenant des muscles actifs. Cette phase appelée « composante rapide » traduit l’augmentation de l’extraction de l’O2 artériel par les muscles actifs. De plus, l’augmentation exponentielle des cinétiques deO2 alvéolaire et pulmonaire (Poole et al, 1991) tendrait à montrer que laO2 pulmonaire représente principalement laO2 des muscles actifs. La troisième phase relevée lors des exercices d’intensité modérée est dite stable car laO2 n’évolue plus à partir de la troisième minute mais persiste pour tous les exercices dont la durée est inférieure à 30 minutes (Gasser et Poole, 1996). Au-delà, toute élévation de laO2 caractérise la mise en jeu d’adaptations sévères. Cette troisième phase est assimilable à une composante lente de part son augmentation deO2 ralentie comparativement à la phase 2. Celle-ci est mise en évidence dans un grand nombre d’activités cycliques telles que le cyclisme, la course à pied, le pédalage bras, le kayak ou encore la natation (Lucia et al, 2000 ; Sloninger et al, 1996 ; Casaburi et al, 1992 ; Lévêque et al, 2002 ; Demarie et al, 2001). Cette troisième phase, représentant un « excès » par rapport à la consommation d’oxygène prédite à partir de la relationO2-Vitesse, permet d’atteindreO2max, tout en retardant l’atteinte d’un état stable deO2 au-delà de la troisième minute. Celle-ci engendre alors une augmentation du coût énergétique en fin d’exercice. La signification physiologique de cette composante lente, ainsi que ses origines sont encore mal comprises. Un grand nombre de facteurs ont été évoqués comme pouvant modifier cette composante lente : le lactate, la température, le potassium, le glucose, les lipides, le niveau d’entraînement, le travail des muscles ventilatoires, le type d’activité ou encore le recrutement des unités motrices de type rapide. Parmi ceux-ci, les trois derniers facteurs influence de façon très importante cette composante lente.

TRAVAIL DES MUSCLES RESPIRATOIRES

Selon Poole et al (1991), l’augmentation de la demande en énergie des muscles respiratoires due à l’hyperventilation serait en grande partie responsable de l’augmentation du coût énergétique en état de fatigue musculaire. Cette hypothèse est ensuite justifiée par Coast et al (1993) en mesurant la part du travail des muscles respiratoires lors d’un exercice et d’une hyperventilation pour des débits ventilatoires identiques. Ainsi, pour des débits ventilatoires élevés, ces auteurs observent une augmentation supérieure de 25 % en condition d’hyperventilation par rapport à l’exercice. Cette augmentation en condition d’hyperventilation est, selon ces auteurs, principalement attribuée aux résistances de l’espace mort ventilatoire associé à un effet bronchodilatateur supérieur. De la même façon, Candau et al (1998) observent une augmentation du coût énergétique lors d’une épreuve de 3000 m sur tapis roulant, associée à une élévation de la demande en O2 des muscles respiratoires. En se basant sur l’équation proposée par Coast et al (1993) qui évalue les variations de laO2 imputables aux muscles respiratoires à partir des variations de la ventilation, ces auteurs estiment à environ 25 % la part de la demande en O2 des muscles respiratoires dans l’élévation du coût énergétique.

MODE DE LOCOMOTION

Peu d’études ont entrepris de comparer l’amplitude de la composante lente lors d’exercices d’intensités similaires (Billat et al, 1998 ; Carter et al, 2000a). Les principaux résultats montrent une augmentation supérieure de la composante lente en cyclisme par rapport à un exercice de course à pied avec, par exemple, une augmentation de l’amplitude d’environ 63 % supérieure lors d’une activité de pédalage (Carter et al, 2000b). Deux hypothèses sont principalement retenues afin d’expliquer cette différence. D’une part, le travail musculaire des muscles de la partie supérieure du corps augmente avec la fatigue lors d’une activité de pédalage à travers une préhension accrue du cintre, au contraire de la course à pied où les bras sont libres (Billat et al, 1998). D’autre part, le type de contraction musculaire uniquement concentrique (cyclisme) ou alternant contractions concentriques et excentriques (course à pied) peut générer des augmentations différentes de l’amplitude de la composante lente. En effet, Abott et al (1952) ont montré que le CE mesuré lors d’une contraction excentrique était inférieur à celui d’une contraction concentrique. De plus, la capacité de stockage puis de restitution d’énergie dans les tissus élastiques du muscle engendrée par une contraction excentrique permet d’envisager une diminution de l’énergie nécessaire à la réalisation de la contraction concentrique suivante (Thys et al, 1972 ; Asmussen et Bonde-Petersen, 1974).

RECRUTEMENT MUSCULAIRE

Parmi les différents facteurs cités précédemment et évoqués comme potentiellement responsables des variations de l’amplitude de la composante lente, le facteur « recrutement musculaire » est le plus souvent suggéré. De nombreux travaux ont émis l’hypothèse d’une relation étroite entre le recrutement des fibres musculaires de type II et la composante lente d’O2. Ainsi, en fin d’exercice, le recrutement additionnel de ces fibres musculaires dont le rendement énergétique est faible comparativement aux fibres lentes, provoquerait une élévation de laO2 (Barstow et al, 1996). Ceci est renforcé par les résultats des études de Vollestad et Blom (1985), de Shinohara et Moritani (1992) ou encore de Borrani et al (2001). En effet, Vollestad et Blom (1985) observent en présence d’une composante lente, une activité des fibres II détectée grâce à la méthode de déplétion glycogénique. De même, Shinohara et Moritani (1992) ainsi que Borrani et al (2001) observent une corrélation positive entre la composante lente et l’activité EMG des muscles actifs lors d’exercices d’intensité sévère, reflétant une augmentation du recrutement du nombre d’unités motrices et/ou du nombre de fibres II. Ces hypothèses majoritairement spéculatives ont par ailleurs été testées par Barstow et al (1996) de façon indirecte. Ces auteurs ont tenté, dans un premier temps, de corréler la composante lente avec la typologie musculaire relevée grâce à des biopsies musculaires provenant d’athlètes aux spécialités sportives différentes. Dans un second temps, ils ont mesuré la réponse métabolique à différentes cadences de pédalage pour des puissances de sortie constantes et connues, pour solliciter différents niveaux de force et donc différents types de fibres musculaires (cf. chap. I). Leurs résultats ne confirment cependant pas l’existence d’une relation entre le pourcentage de fibres de type II et la composante lente d’O2. Toutefois, une relation inverse entre le pourcentage de fibres de type I et la composante lente a pu être établie bien qu’aucune modification de cette dernière n’ait pu être observée lors des variations de la cadence de pédalage. De façon similaire, Billat et al (1999) ne relèvent pas de variation de la composante lente lorsque la fréquence de pas est modifiée. Enfin, plus récemment, Scheuermann et al (2001) ont émis l’hypothèse que cette composante lente ne serait pas associée à une modification du recrutement neuromusculaire, mais plutôt à une augmentation progressive de la demande en ATP des fibres déjà recrutées. Ainsi, malgré les différentes hypothèses explicatives proposées dans la littérature, l’augmentation de l’amplitude de la composante lente d’O2 lors de la locomotion en état de fatigue musculaire semblerait liée de façon très étroite avec le recrutement des fibres de type II (Gaesser et Poole 1996 ; Barstow et al 1996 ; Xu et Rhodes 1999 ; Carter et al 2000ab).
L’exercice musculaire prolongé en cyclisme ou en course à pied induit des modifications du coût énergétique et plus particulièrement lorsque l’intensité est supérieure au seuil anaérobie lactique. Plusieurs hypothèses dont une modification du patron de recrutement des fibres musculaires ont été émises, pour tenter de comprendre les facteurs responsables de l’augmentation du coût énergétique. Cette hypothèse suggère des adaptations énergétiques différentes lors d’un exercice de locomotion prolongé à intensité constante chez des sujets dont les propriétés musculaires différents.

EFFET DE LA FATIGUE SUR LES PARAMETRES MUSCULAIRES ET NEUROMUSCULAIRES LORS DE LA LOCOMOTION

La fatigue lors de la locomotion affecte les paramètres énergétiques au travers notamment de la composante lente deO2. Cependant, les études portant sur les relations entre la locomotion et l’activité musculaire ont aussi pu mettre en évidence un effet de la fatigue sur les différents indices neuromusculaires caractéristiques de celle-ci. Ces travaux se sont intéressés à l’ensemble des sites sur lesquels la fatigue peut être localisée lors d’une contraction musculaire. Ainsi, les aspects neuromusculaires de l’EMG ont été étudiés grâce à l’utilisation de la technique de stimulation percutanée afin d’observer les lieux de la fatigue musculaire lors d’activités de locomotion fatigantes (Millet et al, 2002, 2003a, 2003b ; Lepers et al, 2000, 2002 ; Racinais et al, 2007). De même, lors ce type d’activité, certains auteurs ont tenté d’étudier les variations quantitatives du signal EMG (Takaishi et al, 1994, 1996 ; Hausswirth et al, 2000 ; Sarre et al, 2005), alors que d’autres se sont intéressés à l’aspect qualitatif de celui-ci (Delhez et al, 1969 ; Elliott et Blanksby, 1979 ; Griffié et Monod, 1956 ; Suzuki et al, 1982 ; Prilutsky, 2000a, 2000b ; Ryan et Gregor, 1992 ; Sarre et Lepers, 2005 ; Baum et Li, 2003).

ASPECTS NEUROMUSCULAIRES DE L’ACTIVITE DU MUSCLE

Un grand nombre d’études se sont intéressées aux variations des paramètres neuromusculaires suite à un exercice de locomotion fatigant (Millet et al, 2002, 2003a, 2003b ; Lepers et al, 2000, 2002 ; Racinais et al, 2007). Ces auteurs ont, dans leur grande majorité, utilisé la technique de la stimulation percutanée afin de localiser l’origine de la fatigue. L’étude de Nicol et al (1991) montre par exemple, que la répétition de cycles d’étirement-raccourcissement lors d’un marathon affecte la production de force en affectant la commande nerveuse des muscles et en détériorant l’efficience des mécanismes contractiles. De même, les études de Millet et al (2002, 2003) montrent une forte diminution du niveau d’activation suite à deux épreuves de course à pied de longue durée. Leurs résultats montrent, suite à un ultra-marathon de 65 km et une course prolongée de 30-km, des diminutions respectives de 28 % et 9 % du niveau d’activation des extenseurs du genou. Lors de ces études, ces observations sont associées à des diminutions de la force maximale volontaire isométrique des extenseurs du genou d’environs 30 %. Selon ces auteurs l’origine de cette fatigue centrale est multifactorielle et peut provenir des niveaux spinaux et/ou supraspinaux. Bulow et al (1995) indiquent, par exemple, que la fatigue supraspinale après des exercices prolongés est reliée aux différentes hormones circulant dans le liquide cérébrospinal. Plus particulièrement, les travaux de Davis et Baley (1997) ainsi que ceux de Marvin et al (1997) suggèrent que la sérotonine aurait une influence négative sur l’influx corticospinal. Cependant, les résultats de Millet et al (2003) ne permettent pas de conclure à la présence d’une fatigue affectant l’étage supraspinal. En effet, en parallèle aux mesures effectuées sur les muscles extenseurs des genoux, ceux-ci y ont associé une tâche de saisie lors de laquelle aucune chute de force n’est observée après l’exercice fatigant. Ceci tendant alors à exclure l’origine supraspinale de la fatigue. Ces auteurs suggèrent donc qu’une large part de la fatigue centrale pourrait être due, d’une part, à une altération de la commande motrice descendante et une inhibition des fibres Ia et d’autre part, à l’accumulation de cytokines et de produits métaboliques tel que le K+ extracellulaire qui stimule les afférences III et IV. Cette origine spinale de la fatigue centrale est également observée dans une récente étude de Racinais et al (2007). Ceux-ci observent la présence d’une fatigue qu’ils attribuent, en partie, à l’étage spinal grâce à l’utilisation du ratio entre le reflex H et l’onde Mmax. Lors d’activité de locomotion prolongée, la fatigue n’est pas seulement centrale mais aussi périphérique. En effet, les études portant sur la course à pied témoignent d’une modification de la réponse Mmax indiquant une altération de la transmission et/ou de la propagation des potentiels d’action (Lepers et al, 2000 ; Millet et al, 2003). Dans ces études, la fatigue périphérique se manifeste par une augmentation de la durée de la réponse Mmax généralement associée à une diminution de son amplitude. L’explication principale de ces modifications liées à l’altération de la conduction du potentiel d’action suggère que la réduction des gradients des ions Na+ et K+ pourrait en être la cause. De plus, les travaux de Pastene et al (1996) indiquant que la concentration de K+ plasmatique dans les muscles actifs est augmentée suite à un marathon, renforcent cette hypothèse. L’observation de la réponse mécanique à une stimulation isolée lors d’exercices de course à pied de longue durée apporte peu d’éléments nouveaux sur la fatigue périphérique. Cette constatation trouve son origine dans la grande diversité des résultats observés lors de ces études. En effet, Place et al (2004) ainsi que Millet et al (2000) observent une potentialisation de Pt suite à un exercice prolongé alors que Martin et al (2004) et Millet et al (2003) observent, au contraire, une diminution de Pt. Les faibles différences entre les épreuves réalisées lors de ces études peuvent expliquer en partie ces observations. Ceci indique donc que pour des modes de locomotion identique telle que la course à pied, les modifications du couplage excitation-contraction sont très fortement liées aux caractéristiques de l’exercice.
Ces différences observées entre un même mode de locomotion sont amplifiées si celui-ci varie. En effet, les nombreux travaux sur le cyclisme indiquent que l’expression de la fatigue, qu’elle soit centrale ou périphérique, diffère avec le type d’activité pratiqué. En effet, lors d’une épreuve de cyclisme de 5h conduite à une intensité correspondant à 55 % de laO2max, Lepers et al (2002) n’observent que 8 % de diminution du niveau d’activation des extenseurs du genou. De plus, ce résultat n’apparaît qu’au bout des 5h d’exercice et n’est pas présent lors des premières heures de l’épreuve. En revanche, une étude de Sarre et al (2005) indique une diminution du niveau d’activation à la fin d’un exercice de pédalage d’une heure à 65 % de la puissance maximale aérobie (PMA). Ceci indique, qu’en plus d’être affecté par le mode de locomotion, le niveau d’activation, et à travers celui-ci la fatigue centrale, est aussi dépendant de l’intensité de l’exercice. Ceci se confirme indirectement grâce à l’étude de Nybo et al (2003) qui n’observent aucune diminution du niveau d’activation chez des sujets ingérant des glucides au cours d’un exercice fatigant de 3h à 60 % de la PMA. Au contraire, les sujets n’étant pas autorisés à ingérer ces glucides présentent une diminution de leur niveau d’activation en fin d’exercice. Ainsi l’intensité de l’exercice qui conditionne la vitesse de déplétion des réserves glucidiques, est susceptible d’influencer le niveau d’activation. Les différences observées précédemment entre les modes de locomotion sont renforcées sur les indices représentatifs de la fatigue périphérique. Les résultats montrent que la réponse Mmax n’est pas altérée suite à un exercice de cyclisme de 5h (Lepers et al, 2002) contrairement à 4h de course à pied (Place et al, 2004). Ceci suggère qu’il existe une adaptation spécifique de la propagation des potentiels d’action membranaires liée au mode de locomotion. Toutefois, contrairement au niveau d’activation, la réponse Mmax en cyclisme ou en course à pied ne dépend pas directement de la durée ou de l’intensité de l’exercice. En effet, les résultats provenant des études de Lepers et al (2001) et Millet et al (2002), ne montrent aucune modification de l’onde M suite à un exercice de 30 min de pédalage intense ou après un ultra-marathon.

QUANTIFICATION DE L’ACTIVITE MUSCULAIRE

Si de très nombreuses études se sont intéressées aux variations de l’activité neuromusculaire lors de contractions musculaires avant et après un exercice de locomotion considéré comme fatigant (Millet, 2002, 2003a, 2003b ; Lepers, 2000, 2002), peu ont porté leur attention sur l’activité EMG observée pendant la locomotion (Takaishi et al, 1994, 1996 ; Hausswirth et al, 2000 ; Sarre et al, 2005). L’étude de Takaishi et al en 1994 fut l’une des premières à tenter d’observer quantitativement les éventuelles modifications de l’activité EMG de surface des muscles des membres inférieurs lors d’un exercice prolongé de cyclisme (20 min). Au travers de celle-ci, ils ont relevé des augmentations linéaires de l’activité neuromusculaire du vastus lateralis à cinq cadences de pédalage différentes (40, 50, 60, 70 et 80 rev.min-1). Cependant, bien que l’augmentation de l’EMG soit un témoin de l’apparition d’une fatigue musculaire, le nombre de muscles observés associé à la courte durée de l’exercice ainsi qu’à la faible puissance de sortie (<200 W) ne permettent pas de rendre compte d’une altération de la locomotion liée à l’apparition de fatigue musculaire. Ces mêmes auteurs ont ensuite réutilisé ce protocole en y ajoutant des cadences plus élevées (90 et 100 rev.min-1) considérées comme étant plus proches des cadences adoptées spontanément par les cyclistes (Takaishi et al, 1996). Les mêmes résultats aboutissant aux mêmes critiques ont alors été observés. Une étude plus récente de Hausswirth et al (2000) portant sur la course à pied de durée prolongée (2h15) permet d’apporter un complément d’informations sur les effets de la fatigue lors de la locomotion. En effet, ces auteurs ont observé, au cours des 45 dernières minutes de course, une augmentation significative quasi linéaire de l’activité EMG du vastus lateralis attestant d’une fatigue musculaire (exprimée dans cette étude sous la forme du débit EMG, i.e. EMGi = ratio entre l’EMGi d’une bouffée et sa durée obtenue en état de non-fatigue). Cependant, dans cette même étude, aucune augmentation du EMGi n’est observée lors des 45 premières minutes, ni lorsque les 45 dernières minutes sont précédées d’un exercice de cyclisme de 1h30 en lieu et place de la course à pied. Cette étude apporte deux résultats fondamentaux sur l’apparition de la fatigue en conditions sous-maximales : l’existence d’une durée d’exercice minimale pour observer une fatigue musculaire et la présence d’un lien direct entre la nature de l’exercice et l’apparition de la fatigue musculaire. Concernant le premier point, il est extrêmement difficile de déterminer une durée d’exercice minimale pour laquelle la fatigue musculaire devient mesurable. En effet, la diversité des protocoles utilisés, avec notamment : le type de population (sédentaires, entraînés ou spécialistes de l’activité), la nature de l’exercice (marche, course à pied, cyclisme) ou encore les vitesses ou puissances de sortie imposées, rendent multifactorielles les conditions d’apparition de la fatigue musculaire. En revanche, le deuxième point est mieux connu. Une des explications avancées par les auteurs suggère que l’augmentation de l’EMG lors des 2h15 serait liée à la répétition d’actions excentriques spécifiques à la course à pied. Ceci aurait pour effet principal la détérioration de la locomotion par l’intermédiaire d’une altération du fonctionnement des fibres musculaires. De plus, un besoin plus important de fibres rapides de type II et/ou une élévation de la fréquence de décharge des unités motrices pourraient être associés à cette altération de la fonction musculaire. Une étude récente sur le cyclisme de Sarre et Lepers (2005) confirme ces précédents résultats. En effet, au cours d’un exercice de pédalage d’1h, ces auteurs n’observent aucune modification de l’activité EMG à cadence libre sur les muscles rectus femoris, vastus lateralis, biceps femoris et gastrocnemius lateralis. Toutefois, lorsque la cadence de pédalage est volontairement diminuée (50 rev.min-1) ou augmentée (110 rev.min-1), certains muscles comme le rectus femoris ou le vastus lateralis présentent des élévations de leur activité EMG avec l’apparition de la fatigue alors que l’EMG du biceps femoris aurait au contraire tendance à diminuer. Selon ces auteurs, l’aspect quantitatif global de l’activité neuromusculaire caractérisé par l’EMG enregistré lors de la locomotion est jugé invariable malgré la fatigue. Cependant, d’un point de vue local, c’est-à-dire muscle par muscle, l’activité neuromusculaire varie avec la fatigue. Ceci tendant à montrer que le système nerveux central adapte quantitativement et localement les aspects de la commande centrale pour compenser la fatigue neuromusculaire des muscles impliqués dans le but de maintenir la puissance de sortie exigée. Il est alors possible d’envisager des modifications liées à la fatigue sur le plan qualitatif de l’activité neuromusculaire lors de la locomotion.

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Table des matières

CHAPITRE I : INTRODUCTION
CHAPITRE II : LOCOMOTION LORS D’ACTIVITES CYCLIQUES
A. DESCRIPTION MECANIQUE DE LA LOCOMOTION HUMAINE
A.1. La marche et la course à pied
 La marche : définition
 La course à pied : définition
 Caractéristiques cinématiques de la marche et de la course à pied
 Facteurs mécaniques déterminants de la fréquence de foulée
A.2. Le cyclisme
 Approches cinématique et dynamique
 Facteurs mécaniques déterminants de la cadence de pédalage
B. NOTIONS DE RENDEMENT
B.1. Le rendement musculaire
 Efficience de la contraction musculaire
 Analyse du rendement musculaire par électromyographie (EMG).
B.2. Le rendement global
B.3. Modifications des rendements énergétique et neuromusculaire lors d’exercices non fatigants.
 Locomotion non portée de type marche ou course à pied.
 Locomotion portée de type cyclisme
CHAPITRE III : ALTERATION DE LA LOCOMOTION ET DES PROPRIETES MUSCULAIRES : EFFET DE LA FATIGUE
A. DEFINITION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE
A.1. Fatigue centrale
 Méthode d’estimation du niveau d’activation des muscles
A.2. Fatigue périphérique
 Méthode d’estimation de la fatigue périphérique
B. EFFET DE LA FATIGUE SUR LE COUT ENERGETIQUE (CE) LORS DE LA LOCOMOTION
B.1. Travail des muscles respiratoires
B.2. Mode de locomotion
B.3. Recrutement musculaire
C. EFFET DE LA FATIGUE SUR LES PARAMETRES MUSCULAIRES ET NEUROMUSCULAIRES LORS DE LA LOCOMOTION
C.1. Aspects neuromusculaires de l’activité du muscle
C.2. Quantification de l’activité musculaire
C.3. Évaluation des plans de coopération musculaire
D. EFFET DE LA FATIGUE SUR LES PARAMETRES CINEMATIQUES LORS DE LA LOCOMOTION
CHAPITRE IV : PROBLEMATIQUES ET HYPOTHESES DE TRAVAIL
CHAPITRE V : MATERIELS ET TECHNIQUES
A. PARAMETRES METABOLIQUES
A.1. K4RQ
A.2. K4b2
A.3. Méthode de détermination de O2max
A.4. Méthode de détection des seuils ventilatoires
B. PARAMETRES MECANIQUES
B.1. Méthode de mesure de la force maximale volontaire isométrique
B.2. Méthode d’estimation de la force maximale volontaire isocinétique.
B.3. Méthode d’estimation de la force maximale dynamique
B.4. Méthode de mesure des paramètres mécaniques lors de l’exercice de cyclisme
C. PARAMETRES ELECTROMYOGRAPHIQUES
C.1. Détection et traitement du signal
C.2. Analyse des données électromyographiques
 Conditions isométriques
 Conditions dynamiques
D. TECHNIQUE DE NEUROSTIMULATION
D.1. Mesure des paramètres de la réponse Mmax et de la réponse mécanique associée
D.2. Mesure du ratio d’activation centrale (CAR)
CHAPITRE VI : TRAVAIL EXPERIMENTAL
A. ÉTUDE N°1 : RELATION ENTRE LE NIVEAU DE FORCE ET LA CADENCE DE PEDALAGE
 Synthèse
B. ÉTUDE N°2 : ACTIVATION MUSCULAIRE EN CYCLISME A DIFFERENTES CADENCES : EFFET DU NIVEAU DE FORCE MAXIMALE
 Synthèse
C. ÉTUDE N°3 : EFFET DE DEUX TYPES DE CONTRACTIONS MUSCULAIRES FATIGANTES (CONCENTRIQUE VS. EXCENTRIQUE) SUR LE PATRON LOCOMOTEUR EN CYCLISME
 Abstract
 Introduction
 Method
 Results
 Discussion
 References
 Synthèse
D. ÉTUDE N°4 : EFFET D’UN EXERCICE FATIGANTE SUR LA FONCTION MUSCULAIRE CHEZ DES SUJETS AGES VS. JEUNES.
 Introduction aux études 4 et 4bis
 Abstract
 Introduction
 Materials and Methods
 Results
 Discussion
 References
 Synthèse
E. ÉTUDE N°4BIS : EFFET D’UNE FATIGUE AIGUE SUR LA LOCOMOTION CHEZ DES SUJETS AGE ENTRAINES EN ENDURANCE
 Introduction
 Materials and Methods
 Results
 References
 Synthèse
CHAPITRE IV : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
 Conclusions
 Perspectives
CHAPITRE VII : REFERENCES

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