La colonisation est à partir du XVème siècle, le premier processus de mondialisation ayant conduit des États développant le même modèle et système de civilisation à conquérir le monde jusqu’alors infini ou indéfini, contrôlant et annexant sur leurs passages, des territoires alors inconnus et détruisant dans la grande majorité des cas d’autres civilisations au nom d’un droit divin et d’une civilisation dite universelle. Contrairement aux conquêtes antérieures de nature impériale, le nouveau phénomène s’appuie sur un développement technologique sans précédent et suivant des règles de concurrence entre États, connues et reconnues par eux seuls. Ce qui est nouveau également, c’est cette idée de partir d’un monde connu vers la conquête d’un monde considéré comme inconnu et infini. Cette conquête tiendra en haleine le monde civilisé jusqu’à la publication de la première carte du monde.
Mais le monde n’a jamais été un ensemble homogène et chaque territoire, chaque continent après des milliers d’années de peuplement , a sédentarisé et forgé des milliers de peuples et ethnies qui se sont organisés en État, en royauté ou en simple chefferie, voire en communauté . Depuis, le fil de l’histoire propre de ces communautés et peuples colonisés, appelés autochtones ou Nations Premières , a alors été rompu et rattaché à l’histoire de l’occident. Depuis cette première mondialisation qui a pris fin au milieu du XXème siècle, « la planète Terre est un monde fini et répertorié » . La mémoire de chaque peuple dominé s’est reconstruite en tenant compte des conditions historiques, géographiques et humaines lesquelles resteront à chaque fois, les facteurs et les paramètres déterminants qui conditionneront ensuite son émancipation et son évolution.
Ainsi, le contexte historique qui s’ouvre après la guerre de trente ans et le traité de Westphalie est celui de la constitution des États-Nations d’Europe occidentale avec pour moteur, le développement de la manufacture, de l’industrie et l’ouverture de nouveaux marchés de produits exotiques, de métaux précieux et de matières premières. La concurrence entre les pays européens s’est emparée des mers et de nouvelles routes vers l’Orient, l’Afrique, les Amériques et le reste du monde sont tracées ou redécouvertes. Les caractéristiques propres de chaque État impérial donnaient à son action de colonisation, des tendances fortes dans la durée. On relèvera en particulier que la place qu’occupe aujourd’hui les grands États-Nation renvoie souvent à un passé colonial riche et impérial avec son déterminisme historique propre. C’est le cas de l’Angleterre, de la France et des pays Occidentaux en général, qui se sont bâtis depuis le XVème siècle sur le même modèle de développement de l’économie de marché. C’est également dans d’autres contextes historiques le cas de la Russie, de la Chine et du Japon.
Le mouvement des décolonisations s’est enclenché sur le plan mondial après les deux grandes guerres mondiales. La première a contribué à positionner à partir du champ militaire, les deux blocs que sont le bloc communiste et le bloc capitaliste occidental. La deuxième guerre a permis grâce à la puissance américaine devenue le premier État du nouveau monde et à la puissance soviétique devenue un modèle social alternatif, d’insuffler à partir de l’organisation des Nations-Unies nouvellement constituée, un vent de décolonisation et de libération dont ont bénéficié les colonies des différents continents. Le titre XI de la Charte de l’Organisation des Nations Unies et la résolution 1514 sur le droit des peuples coloniaux à disposer d’eux-mêmes en furent le cadre et le comité de décolonisation, l’acteur institutionnel.
Pour la France, la Conférence de Brazzaville et la déclaration du général De Gaulle donne le point de départ d’un mouvement qui concernait la vie de centaines de millions d’indigènes de l’empire français.
La France coloniale couvre alors les 3 océans : l’Océan Atlantique, l’Océan ndien et l’Océan Pacifique. on histoire commence dans le cadre de l’expansion du capitalisme européen occidental naissant à partir de la fin du XVIème siècle. On retrouve dans l’histoire de chaque colonie, la même idéologie et les mêmes instruments de colonisation : une idéologie humaniste, chrétienne et scientifique, des soldats coloniaux et des soldats indigènes, une administration, des colons, souvent des bagnards ou des prisonniers politiques, un code de l’esclavage puis un code de l’indigénat, les mêmes lois et les mêmes pratiques d’appropriation des terres et d’expropriation des peuples autochtones. L’histoire de la décolonisation des pays administrés par la France présente une dynamique propre et si chaque territoire a ses spécificités, ils fonctionnent tous à l’intérieur d’une politique générale développée par l’État colonial français. Dans le contexte international et national du moment, chaque peuple indigène ou autochtone colonisé sur son territoire a déclenché un processus particulier d’émancipation et de libération. uivant la réaction du pays colonisateur et le rapport de force dans la colonie, ledit processus a adopté son orientation propre et l’on doit considérer que le cas de chaque territoire en voie de décolonisation a un caractère singulier.
La Nouvelle-Calédonie et le Pacifique Sud ne voient le drapeau français que tardivement au 19ème siècle. Celui-ci flotte pour la première fois le 24 septembre 1853, à Balade au Nord de la Grande Terre de cet archipel. Aujourd’hui et après 153 ans de présence française, l’histoire de la Nouvelle-Calédonie balbutie à nouveau entre deux légitimités : d’une part, la légitimité autochtone portée par le peuple mélanésien et d’autre part, la légitimité étatique et républicaine avec sa composante calédonienne qui entend que la Nouvelle-Calédonie reste à jamais française. Durant quatre années, de 1984 à 1988, une guerre civile « ouverte » s’installa sur tout le territoire, provoquée par les nationalistes kanak réclamant l’indépendance kanak et socialiste de leur pays. En 19 , suite à l’événement sanglant le plus violent de l’Outre-mer français depuis la guerre d’Algérie, le mouvement nationaliste de libération réussit en renversant le rapport de force sociopolitique et militaire, à négocier avec l’Etat colonial la mise en place d’un processus de décolonisation inédit qui fut inscrit dans deux accords politiques majeurs négociés par les parties au conflit. Ainsi, les Accords de Matignon-Oudinot furent signés en 1988, suivi dix ans plus tard de la signature en 199 de l’Accord de Nouméa. Selon ces accords, ce pays de 265 000 habitants dont 104 000 autochtones kanak devrait se prononcer en 2018 par voie référendaire, sur la question de son indépendance.
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Table des matières
PARTIE I DE LA CIVILISATION ORIGINELLE À LA SOUVERAINETÉ COLONIALE
TITRE 1 LE PEUPLE PREMIER MELANESIEN FACE A LA CONQUETE COLONIALE DE L’OCCIDENT
CHAPITRE I : SOCIETE ORIGINELLE ET EMPIRE COLONIAL
CHAPITRE II : IRRUPTION COLONIALE ET CONFRONTATION, 1853-1945 : LES FONDEMENTS
SEGREGATIONNISTES DU DUALISME JURIDIQUE
TITRE 2 LA DECOLONISATION A LA FRANÇAISE ET LE DUALISME DES DROITS DES PERSONNES : DE LA
FIN DE L’INDIGENAT A L’ACCORD DE NOUMEA
CHAPITRE 1 : CONTEXTE INTERNATIONAL ET MODELE COLONIAL FRANÇAIS : LE DILEMME DE
L’INTEGRATION ET DE LA DECOLONISATION
CHAPITRE 2 : LES ACCORDS DE MATIGNON ET DE NOUMEA : RUPTURES ET CONTINUITES DU MODELE
INSTITUTIONNEL COLONIAL
PARTIE II : LES DROITS AUTOCHTONES, PIERRE ANGULAIRE DU DESTIN COMMUN KANAK ET CALEDONIEN
TITRE 1 DROITS AUTOCHTONES ET CITOYENNETE REPUBLICAINE : LES DEUX FACETTES DE LA
DECOLONISATION
CHAPITRE 1 : PORTEE DE LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES DROITS DES PEUPLES COLONISES SUR
LA DECOLONISATION NEOCALEDONIENNE
CHAPITRE 2 : LA CHARTE DU PEUPLE KANAK, COMPLEMENT INDISPENSABLE A L’ACCORD DE NOUMEA
TITRE 2 ETUDE PROPOSITIONNELLE ET PROSPECTIVE DES DIFFERENTS MODELES JURIDIQUES DU
POSTCOLONIALISME DANS LE PACIFIQUE ET EN NOUVELLE-CALEDONIE
CHAPITRE 1 : LA PREEMINENCE DU DROIT ET DU MODELE CONSTITUTIONNEL D’ORGANISATION DU POUVOIR
DES PUISSANCES COLONIALES
CHAPITRE 2 : ETUDE PROSPECTIVE DU SCHEMA INSTITUTIONNEL POST-COLONIAL EN NOUVELLECALEDONIE
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