Introduction
La mince couche de sol qui couvre la majeure partie de la surface terrestre est la clé du bienêtre et de la survie de l’homme. Sans elle, il n’y aurait ni plante, ni culture, ni animal, ni forêt, ni être humain. Cependant, les 40% environ de cette surface sont touchées par la dégradation des sols, avec ses conséquences négatives pour plus d’un milliard de personnes. Les terres dégradées sont souvent exploitées par les catégories les plus pauvres de la population rurale (FIDA, 2002). À cela, il faut ajouter que sur les 1,4 milliards de personnes en situation d’extrême pauvreté au niveau mondial, 1 milliard environ vivent en milieu rural, et les trois quarts d’entre elles tirent leurs moyens de subsistance de l’agriculture et d’activités connexes (FIDA, 2011). Ainsi, la gestion durable de l’environnement et des ressources naturelles est essentielle à la réduction de la pauvreté dans les zones rurales (FIDA,2011). Depuis le Club de Rome en 1972 et, plus récemment, la Conférence sur l’Environnement et le développement de Rio de Janeiro en 1992, les conséquences de la « démographie galopante » sur l’environnement sont en bonne place dans la liste des préoccupations environnementales actuelles (Locatelli, 2000). Pour le cas malagasy, la surface des terres « cultivables » est estimée à 33 millions de km², soit 56% de la superficie de l’île (Andrianirina et al., 2012) et qu’à Madagascar comme dans les autres pays en développement, l’agriculture demeure le fondement de la société rurale (Penot et al.,2014). L’agriculture malagasy évolue, change sous l’effet entre autres d’une forte croissance démographique, de politiques publiques de plus en plus libérales et d’une concurrence internationale exacerbée sur les marchés agricoles (de fait les produits agricoles malagasy sont peu présents sur les marchés internationaux) (Andrianirina et al., 2012). Ces évolutions l’agriculture à Madagascar se déroulent dans un environnement naturel à la fois riche et fragile, et certains écosystèmes malagasy ont d’ailleurs valeur de symbole au niveau international. L’agriculture malagasy est donc fortement liée à ces ressources naturelles (Andrianirina et al., 2012). En ce qui concerne le contexte de la Région Menabe, zone sujette à des migrations à partir du 20ème siècle (Faroux, 2001), l’agriculture est l’activité principale (Ramohavelo, 2014). Dans cette région, de 2000 à 2005, le taux de déforestation a été de 0,60% (Houdanon, 2014) contre 0,53% au niveau national (Chapelle, 2013). La première cause de cette déforestation alarmante serait l’agriculture sur brulis (Scales, 2012 ; Ramohavelo, 2014). De plus, notons que la zone d’étude fait partie d’une nouvelle aire protégée du nom de Menabe Antimena. Dans les programmes de conservation actuels, l’attitude n’est plus d’interdire l’entrée des populations riveraines dans la forêt, parce que de telles mesures ont souvent eu et peuvent encore avoir des effets négatifs pour les communautés (Kaimowitz et Sheil, 2007), mais de proposer un aménagement multifonctionnel des espaces forestiers qui associe la conservation de la biodiversité et l’amélioration des conditions de vie des populations locales (Ramohavelo, 2014). C’est dans cette optique que le projet d’Appui au Développement du Menabe et du Melaky (AD2M), dans le cadre de son extension, vise à stopper la pratique du « hatsaky » dans le District de Belo sur Tsiribihina, Commune rurale de Tsimafana, Fokontany de Tsimafana.
Conception de fiche d’enquête
Une fiche d’enquête semi-directive a été élaborée pour répondre aux objectifs voulus et aux hypothèses émises. Dans cette fiche, les éléments ci-après ont été abordés :
➢ Les caractéristiques de l’exploitation : Les données et informations collectées concernent les facteurs de production mobilisés dans l’exploitation, à savoir, le foncier, en particulier le statut du foncier, la main-d’œuvre et enfin le travail et le capital. Il s’agit également de connaitre la taille de l’exploitation, le nombre d’actifs et le niveau d’éducation.
➢ Les systèmes de culture : Il a été surtout question de connaitre les différentes associations et rotations de cultures sur les différents terroirs ainsi que les itinéraires techniques utilisées pour chaque système.
➢ Les ateliers d’élevage : Il s’agit de la conduite d’élevage ainsi que l’affectation des produits d’élevage.
➢ Les activités extra-agricoles : Il s’agit d’identifier les autres activités génératrices de revenus pour la population locale.
➢ Les performances économiques des ménages : Les données et informations permettant de calculer les valeurs ajoutées brutes (VAB) et les valeurs ajoutées nettes (VAN) des différents systèmes de cultures et ateliers d’élevage et les revenus totaux ont été également collectées au niveau des exploitants agricoles.
➢ Les perceptions des exploitants agricoles locaux sur le « hatsaky » : Les questions posées concernent le « hatsaky » (ce que les exploitants agricoles entendent par hatsaky), mais aussi les raisons qui poussent les exploitants agricoles à la pratiquer ainsi que le devenir du système agraire incluant cette pratique.
Période post- coloniale : émergence de la culture à base de défriche
Les systèmes de production de la période coloniale continuaient d’exister pendant une certaine période. Les concessions étaient partagées entre les autochtones et les migrants. D’une part les autochtones étaient les premiers occupants des baiboho et d’autre part, les migrants en tant qu’anciens salariés de ces concessions. Cependant depuis les années 1990, les crues sont devenues de moins en moins importantes, d’où le changement de spéculation sur les baiboho, la lentille, considérée comme « exigeante » en termes d’éléments fertilisants a été remplacée par des spéculations « peu exigeantes » comme le black eyes (lojy) et le haricot mungo (tsiasisa), à cela s’ajoute la dégradation des ranovory due à l’ensablement des canaux de conduite d’eau. Alors, les cultures de décrue sur les baiboho et la riziculture de décrue ne suffisaient plus à la population. Une population qui ne cesse de s’accroître auquel s’ajoute les flux de migrations quasi-permanents (à cause du phénomène de « kere » dans le Sud de Madagascar et dysfonctionnement des sociétés d’État comme la SIRANALA de Morondava et la concession de De Haulme de Beroboka). En conséquence, la population a décidé de se lancer à la défriche de la forêt à partir des années 2000, type d’agriculture déjà pratiqué dans la Commune de Beroboka située au Sud de Tsimafana depuis longtemps. Au début, les parcelles défrichées étaient à proximité des villages et les exploitants agricoles cultivaient la terre pendant 5 ans avant de l’abandonner, les exploitants agricoles ont commencé à valoriser les terres mis à l’abandon en jachère faute de terrains à défricher. Cette période correspondait également à l’introduction de l’utilisation de la charrue dans la zone. Vers les années 2009, des petits campements se sont installés sur la route nationale numéro 8 se rapprochant de la forêt vue que la couverture forestière est devenue davantage éloignée du village de Tsimafana. Concernant l’élevage, le phénomène de vol de bœufs a été devenu de plus en plus courant dans la région que la majorité de la population n’en gardait plus qu’une dizaine et s’en suivait ainsi une diminution importante du cheptel bovin dans la localité.
Riziculture de décrue
La riziculture de décrue est caractérisée par l’installation des pépinières sur les berges de Tsiribihina ou dans des parcelles où il y a en permanence d’eau pour assurer le développement des jeunes plants de riz, pour être ensuite transportés et repiqués dans les ranovory. Il est à remarquer que le repiquage se fait en fonction de la descente du niveau de l’eau dans les ranovory (quand le niveau de l’eau est au même niveau que le genou, le repiquage commence) à l’aide des bâtons fouisseurs. Il faut noter que le gardiennage de la culture se pratique durant la phase de maturation du riz. Il n’y a pas travaux de désherbage car les mauvaises herbes ne nuisent pas au développement du riz dans ces dépressions.
Système de culture continu d’arachide (3ans) suivi de jachère de 2ans
Ce système commence par une défriche pour planter du maïs pendant 2 ans comme tête de rotation, suivi d’une culture d’arachide pendant 3 années successives et d’une jachère de 2 ans. Pendant les 2 années de culture de maïs, il n’y a pas d’entretiens des champs de culture. Après la défriche commence le semis du maïs. La récolte se fait 3 mois après le semis. À la 3ème année de culture, les adventices commencent à apparaître, il est donc nécessaire de faire des entretiens. Ainsi, avant le travail du sol, les itinéraires techniques commencent par le « troboky » qui consiste à faire le désherbage manuel, la mise en tas des mauvaises herbes et le brûlis. Après le « troboky », commence le labour suivi du semis qui se fait généralement en « katray » c’est à dire avant l’arrivée des premières pluies vers la moitié du mois de décembre pour devancer le développement des mauvaises herbes. Jusqu’à la récolte, deux désherbages sont nécessaires pour lutter contre les adventices. À la récolte, les plants d’arachide sont arrachés, mis en tas pour être séchés et traités contre des insectes. Après le séchage, les coques d’arachides sont séparées des plantes par le battage, puis mis en sacs. La production est majoritairement vendue sauf quelques sacs qui vont servir de semences pour l’année prochaine ou de semences pour la culture d’arachide en baiboho.
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Table des matières
Introduction
1. Matériels et méthodes
1.1. Zone d’étude
1.2. Méthodologie
2. Résultats
2.1. Dynamiques agraires
2.2. Système agraire actuelle
2.2.1. Caractérisation des ateliers d’élevage
2.2.2. Caractérisation des activités extra-agricoles
2.2.3. Typologie des exploitants agricoles
2.2.4. Perceptions paysannes sur le « hatsaky »
3. Discussions
3.1. Sur la série évolutive et l’insertion des systèmes tanety dans le système agraire actuelle
3.2. Système agraire actuel et sédentarisation
4. Recommandations
4.1. Favoriser la rotation et l’association des cultures sur les monka
4.2. Promouvoir les outillages pour améliorer la production du travail sur les monka
4.3. Promouvoir les activités génératrices de revenu
4.4. Valorisation des baiboho non atteints par les crues
Conclusion
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