Analyse descriptive des spondylodiscites sans documentation bactériologique issues d’une cohorte de 142 spondylodiscites infectieuses suspectées à l’imagerie

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Imagerie

L’IRM est considérée comme l’examen de choix pour l’exploration des pathologies rachidiennes d’après les recommandations de l’HAS et donc pour le diagnostic des spondylodiscites ; en cas de contre-indication ou de doute, un scanner peut être réalisé (17). Les signes évocateurs sont les érosions des plateaux vertébraux en miroir, le rehaussement du disque et l’œdème osseux (18). Cependant ces signes ne sont pas toujours présents et des diagnostics  différentiels peuvent être évoqués (Tableau 2). En effet, les lésions dégénératives de type Modic, les spondylodiscites microcristallines, les atteintes rachidiennes des rhumatismes inflammatoires et les lésions secondaires peuvent mimer une spondylodiscite infectieuse cliniquement et à l’IRM (19,20).
L’atteinte des parties molles, des érosions floues des plateaux vertébraux ainsi qu’un rehaussement circonférentiel du disque intervertébral après injection de Gadolinium sont plus évocateurs d’une origine infectieuse. La perte de la ligne centro-discale peut également être retrouvée (18).
Le délai de positivité des lésions à l’IRM est d’environ 15 jours. D’après l’étude de C. Smids, la sensibilité de l’IRM dans les 14 jours suivant le début des symptômes est de 50 %, pour atteindre 82 % après 14 jours (21). Ainsi, si la probabilité clinique est forte et que l’IRM réalisée précocement est normale, elle doit être répétée (9).
Des études ont montré l’intérêt de la tomographie par émission de positons (PET-scanner) en cas de diagnostic précoce, d’imagerie douteuse à l’IRM ou de contre-indication, avec une sensibilité et une spécificité de 92 % et 100 % respectivement pour C. Altini ; C. Smids trouve des résultats similaires avec des sensibilité et spécificité de 96 % et 95 % (21,22).

Documentation bactériologique

La mise en évidence du germe en cause permet d’adapter au mieux le traitement antibiotique. L’absence de signe clinique spécifique entraîne un délai diagnostique de 11 à 59 jours et même parfois à des traitements inadaptés ; en particulier les antibiotiques, qui peuvent négativer les prélèvements bactériologiques et donc retarder la prise en charge (5). D’après les recommandations françaises, des hémocultures doivent être réalisées en première intention. Selon les études, les hémocultures identifient le germe dans 30 à 89 % des cas et les biopsies disco-vertébrales (PBDV) dans 34 à 55 % des cas (23,24). Enfin, dans 7 à 34 % des cas l’infection n’est pas documentée (8,24,25). L’analyse anatomopathologique, bien que non systématique, permet de rechercher des granulomes, évocateurs de tuberculose, ou d’éliminer l’origine infectieuse en cas de cellules tumorales ou microcristaux (26).
Le principal pathogène identifié est Staphylococcus aureus dans plus d’un tiers des cas, suivi des streptocoques et des staphylocoques à coagulase-négative (5,10,24,27–29). Les mycobactéries sont fréquentes chez les patients originaires de zones d’endémie (30,31).

Traitement

Le traitement antibiotique sera adapté à la documentation bactériologique. Les recommandations américaines de 2015 ainsi que plusieurs études conseillent une durée d’antibiothérapie de 6 à 12 semaines selon le germe et les complications associées. Elle sera de 9 à 12 mois en cas d’infection tuberculeuse (9,12).
En l’absence de germe retrouvé, une bi-antibiothérapie est souvent choisie. Certains préconisent une association de fluoroquinolone et d’un anti-staphylococcique en raison de leur spectre d’action efficace sur les cocci Gram positif, les bactéries à Gram négatif et certains anaérobies ; ainsi que sur leur pénétration osseuse (32–34). En cas de suspicion de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (en particulier spondylodiscite post-chirurgicale), la vancomycine sera préférée (35). Doivent être prises en comptes les résistances potentielles aux fluoroquinolones et la possibilité d’une cause tuberculeuse (8). Il n’y a cependant pas de recommandation officielle ; peu d’articles ont évalué la pertinence de ce traitement probabiliste et souvent avec de très faibles effectifs (35,36). L’étude de S. Desoutter montre que, si les associations les plus fréquemment utilisées sont les fluoroquinolones associées à la rifampicine, l’analyse des sensibilités des germes obtenus après PBDV ne permettait pas de définir une antibiothérapie probabiliste idéale ; aucune des associations médicamenteuses analysées ne dépassait une efficacité de 75 % (37).

Diagnostics différentiels

L’imagerie et le contexte clinique permettent dans la plupart des cas d’éliminer les diagnostics différentiels. Ainsi, des érosions nettes, de l’air intra-discal (hormis une atteinte infectieuse par germe anaérobie, rare) et des ostéophytes orientent vers une lésion dégénérative (38). La lésion de type Modic 1 se caractérise à l’IRM par un œdème osseux des coins antérieurs des plateaux vertébraux comparable à celui de la spondylodiscite infectieuse, néanmoins le disque montre un aspect dégénératif en hyposignal T2 sans rehaussement par le gadolinium. Les douleurs peuvent être de rythme inflammatoire mais la fièvre sera absente.
Une atteinte axiale d’une spondyloarthrite touche les coins antérieurs des vertèbres et est pluri-étagée. Une sacro-iliite et des syndesmophytes doivent être recherchés pour orienter le diagnostic.
Un envahissement des parties molles par un pannus synovial cervical et une inflammation du disque peuvent être retrouvés dans la polyarthrite rhumatoïde et rendre le diagnostic plus difficile ; cependant, une atteinte du segment postérieur telle que des subluxations permettent de redresser le diagnostic. Cette atteinte est rarement inaugurale et au vu du contexte clinique, il y a généralement peu de doute sur l’origine des lésions.
La spondylodiscite microcristalline, se caractérise par des dépôts calciques intervertébraux et ligamentaires. Elle peut s’accompagner de fièvre et d’un syndrome inflammatoire biologique en cas de migration osseuse. Les calcifications intra discales, une atteinte articulaire postérieure et les érosions de la dens de C2 avec une dent couronnée doivent être recherchés.
La hernie intra-discale et l’origine tumorale sont classiquement citées dans les diagnostics différentiels mais portent rarement à confusion à l’imagerie et surtout au vu du contexte clinique. La hernie est le plus souvent centrale, arrondie, aux contours sclérosés avec parfois une inflammation se manifestant par un œdème osseux n’intéressant qu’une seule vertèbre. La tumeur se manifeste par une lyse osseuse et n’atteint pas le disque ; le diagnostic se discute lorsque deux vertèbres adjacentes sont atteintes mais l’importance de l’envahissement tumoral rend le diagnostic différentiel aisé. Un œdème osseux et une infiltration des parties molles correspondant à une lésion nécrotique peuvent mimer une atteinte infectieuse (19,39).
Ces dernières années, de plus en plus de spondylodiscites non infectieuses sont rapportées avec une augmentation des spondylodiscites de manière générale. Il n’existe pas de critère clinique ou radiologique fiable pour poser le diagnostic de spondylodiscite infectieuse ; le plus souvent ces diagnostics sont posés après une concertation clinico-radiologique.
Compte tenu du nombre important de spondylodiscites non documentées et de l’existence de spondylodiscites non infectieuses, nous pouvons nous poser la question de l’origine bactérienne de ces spondylodiscites non documentées et donc de la pertinence d’une antibiothérapie probabiliste.
Notre travail consiste, à partir d’une population de spondylodiscites suspectées infectieuses à l’imagerie, hospitalisées en rhumatologie, à comparer les spondylodiscites documentées à celles non documentées bactériologiquement, ainsi qu’à faire une analyse descriptive de ces dernières.
Patients et méthodes
A l’aide d’un outil de type « entrepôt de données », nous avons recueilli l’ensemble des patients pour lesquels le terme « spondylodiscite » figurait dans les documents contenus dans le dossier informatique, dont les comptes-rendus d’hospitalisation et d’imagerie entre janvier 2010 et octobre 2020 au CHU de Rouen.
Nous avons inclus les patients majeurs, hospitalisés en Rhumatologie pour suspicion de spondylodiscite infectieuse.
Etaient exclus les patients pour lesquels le diagnostic était antérieur à 2010 ou dont la prise en charge avait débuté hors du CHU.
Ont été recueillies les données démographiques, les antécédents, les données de l’examen clinique initial (douleur, fièvre et frissons, altération de l’état général, état neurologique), la durée des symptômes (estimée entre la plainte initiale et la date d’hospitalisation), les complications (neurologiques et cardiaques), les données biologiques, bactériologiques et histologiques (CRP à l’entrée et maximale durant l’hospitalisation, hémocultures, PBDV, autres prélèvements), l’imagerie, et les traitements. Pour les spondylodiscites non documentées, l’évolution de la CRP, de la clinique et de l’imagerie a été également recueillie.
Etaient considérées comme spondylodiscites à l’imagerie les lésions décrites comme telles dans le compte-rendu d’imagerie lorsqu’il était disponible ; en son absence ou en cas de doute, les images étaient relues et classées spondylodiscites si elles associaient érosions en miroir des plateaux vertébraux et hypersignal du disque à l’IRM.
L’analyse statistique a été faite par test exact de Fisher pour les données qualitatives et par test de Mann-Whitney pour les données quantitatives. Était considéré positif un p < 0.05.
Résultats
Un total de 422 patients a été pré sélectionné. 196 patients ont été exclus : 12 avaient un diagnostic de spondylodiscite antérieur à janvier 2010, 10 n’avaient pas de suspicion de spondylodiscite retrouvée dans les comptes-rendus (erreurs de terminologie telles que
« spondylodiscite d’Anderson »). Nous avons pris le parti d’exclure les patients (104) qui n’avaient pas été hospitalisés en rhumatologie et avaient seulement bénéficié d’une réévaluation
en hospitalisation de jour de rhumatologie. Nous avons également exclu les patients dont la prise en charge initiale a débuté hors du CHU (70 patients) en raison d’un manque de données trop important ; pour la majorité, le diagnostic de spondylodiscite était déjà fait (imagerie, hémocultures) et le transfert au CHU concernait soit la réalisation d’une ponction-biopsie disco-vertébrale, soit une complication nécessitant des soins spécifiques (chirurgie cardiaque, neurochirurgie, réanimation). Le suivi était souvent réalisé dans l’hôpital d’origine.
Deux cent vingt six patients ont été inclus : un diagnostic différentiel a été posé chez 2 patients avant la réalisation d’une imagerie rachidienne (une perforation d’ulcère gastro-duodénal et une lombosciatique commune associée à une pneumopathie). Soixante-six patients avaient une imagerie non en faveur d’une spondylodiscite (annexe 1). Cent cinquante huit patients avaient une imagerie compatible avec une spondylodiscite, dont 142 avec une étiologie infectieuse évoquée sur l’IRM ou le scanner.
Ces dernières étaient âgées de 65.5 +/- 14.1 ans, avec une proportion majoritaire d’hommes à 64.1%. Les comorbidités les plus fréquemment retrouvées étaient un diabète dans 28.9% des cas et une insuffisance d’organe (insuffisance rénale ou hépatique) dans 21.8% des cas. Dix-huit patients (12.7%) avaient reçu un traitement immunosuppresseur dont 13 consistaient en une corticothérapie (per os ou infiltration épidurale).
La douleur était le principal symptôme retrouvé chez 96.5 % des patients. Il n’y avait pas de différence significative selon que la spondylodiscite soit documentée ou non (p = 0.59).
La fièvre ou les frissons déclarés par le patient étaient significativement plus fréquents lorsque le germe était identifié (41.3 % chez les documentées, 15.21 % chez les non documentées, p = 0.006). Il n’y avait pas de différence significative pour l’atteinte neurologique ni l’altération de l’état général. La durée d’évolution était significativement plus courte chez les spondylodiscites documentées avec une durée inférieure à 1 mois dans 54.1 % des cas contre 24.1 % des cas en l’absence de documentation (p = 0.003). A l’inverse, en cas de durée des symptômes supérieure
25
à 3 mois, les prélèvements étaient plus fréquemment négatifs (39.4 % versus 20.2 % des prélèvements positifs, p = 0.037). Trente-deux patients ont reçu une antibiothérapie avant les prélèvements bactériologiques, sans différence significative entre les groupes. La CRP était significativement plus élevée en cas de documentation avec une moyenne de 152.4 mg/L, alors
qu’elle était de 73 mg/L en son absence (p < 0.0001). (Tableau 3)
Cent vingt et un patients (85 %) ont eu une IRM au diagnostic ; cent deux (71.8 %) ont eu un scanner ; enfin, 81 patients (57 %) ont eu les deux examens. Une infiltration des parties molles était retrouvée dans 59.2 % des cas, avec une tendance plus élevée en cas de documentation (62.4 % versus 48.5 %, p = 0.16).

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Table des matières

Introduction
Epidémiologie
Présentation clinique
Imagerie
Documentation bactériologique
Traitement
Diagnostics différentiels
Patients et méthodes
Résultats
Discussion
Annexe
Bibliographie
Résumé

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