Adaptation à la vie universitaire et à PluriPASS
INTRODUCTION
Dans le cadre des expérimentations d’alternatives à la PACES prévues par la loi du 22 juillet 2013 [1], l’Université d’Angers propose, depuis la rentrée de septembre 2015, un parcours pluridisciplinaire appelé PluriPASS (Parcours Angevin des Sciences de la Santé) pour accéder aux études de santé.
Ce cursus a pour vocation première de permettre un recrutement efficace dans six filières contingentées de santé (Médecine, Pharmacie, Maïeutique, Odontologie, Kinésithérapie, Ergothérapie).
Il permet aussi d’accéder à un nombre important de filières LMD (Licence, Master, Doctorat) des Universités d’Angers et du Maine, ainsi qu’à des écoles d’ingénieur.
Lors des Assises de l’enseignement supérieur en 2012 [2], il a été rappelé que la réforme des formations menant aux métiers de la santé était une priorité. 63% des inscrits en première année d’études de santé de 2010-2011 n’accèdent pas au bout de deux ans à l’une des quatre professions médicales [3].
La majorité des étudiants s’inscrivant en PACES étant des lycéens ayant eu de bons résultats au bac, il est incohérent qu’un échec fasse d’eux de mauvais étudiants : la PACES est souvent perçue comme un système qui programme l’échec d’étudiants qui avaient pourtant tout pour réussir.
Stress et bien-être des étudiants
Actuellement la santé des jeunes médecins et étudiants en médecine est au coeur des préoccupations, notamment à cause du nombre inquiétant de suicides.
Une enquête menée par la commission des jeunes médecins du CNOM en 2016 [12] fait état de cette souffrance chez les étudiants et jeunes médecins : 31% des étudiants du deuxième cycle déclarent être en moyenne ou mauvaise santé et 16% d’entre eux ont répondu avoir eu des idées suicidaires.
Par ailleurs, il est retrouvé dans une étude internationale publiée dans le JAMA fin 2016, que 11% des étudiants en médecine présentent un risque suicidaire et 27% des symptômes dépressifs [13].
Stratégies d’apprentissage
Actuellement, le terme « stratégies d’apprentissage » est un terme générique utilisé pour désigner tous les comportements adoptés par l’étudiant en train d’apprendre, et tout ce qui peut influencer la façon dont il va le faire. Weinstein et Mayer les décrivent comme les « moyens que l’étudiant utilise pour acquérir, intégrer et se rappeler les connaissances qu’on lui enseigne » [28] [29].
De nombreux auteurs ont travaillé sur ces stratégies d’apprentissage et les moyens de les mettre en oeuvre.
Parmi eux, Boulet et al. et Tardif ont proposé une classification des stratégies [30] [31]:
– Les stratégies cognitives : apprentissage de connaissances déclaratives par la répétition, l’organisation, l’élaboration ; apprentissage de connaissances procédurales par la compilation ; apprentissage des connaissances conditionnelles par la généralisation et la discrimination.
– Les stratégies métacognitives qui consistent à planifier, contrôler et au besoin réguler -ajuster ses activités au but- sa façon d’apprendre.
– Les stratégies affectives : maintien de la motivation, de la concentration, contrôle de l’anxiété.
– Les stratégies de gestion : gérer son temps efficacement, ses ressources matérielles et le soutien des personnes.
MÉTHODE
Participants et procédure
Les étudiants inscrits en PluriPASS à l’université d’Angers pour l’année universitaire 2015-2016 ont été sollicités pour une étude descriptive comparative quantitative.
Un questionnaire leur a été soumis à l’issue de l’épreuve écrite de mars 2016. Il s’agissait du quatrième examen de l’année universitaire sur les cinq prévus dans le dispositif de contrôle continu.
Un consentement écrit, précisant les finalités de l’enquête et le respect de l’anonymat concernant les informations obtenues, a été demandé à chaque étudiant souhaitant y participer (Annexe 1).
Il s’agissait exclusivement de questions à choix unique, il n’y avait pas de questions rédactionnelles.
Les réponses ont été recueillies en format papier, puis traitées par lecture optique.
Toutes les erreurs relevées (absence ou plusieurs réponses à une question) ont été vérifiées manuellement.
Les données démographiques ne figuraient pas dans le questionnaire et ont été rajoutées à posteriori à partir de la base informatique constituée des informations données par les étudiants lors de leur inscription à l’université.
Matériel
Le questionnaire soumis aux étudiants a été élaboré au sein de la faculté de médecine d’Angers en collaboration avec la faculté Pierre et Marie Curie (Dr Donata Marra), en s’inspirant des travaux de Biggs, de Wolfs et de Bedard et Viau notamment des questionnaires ASSIST short form et R-SPQ-2F [35] [36] [37] [38].
Ce questionnaire était constitué de quarante-six questions réparties en trois catégories :
– Une première partie, constituée de quinze questions sous forme de questions à choix unique, recueillait des informations générales relatives :
à l’univers familial et matériel : profession des parents, nécessité d’une activité rémunérée.
à l’univers scolaire : mode de travail, tutorat, préparation privée, temps de travail.
à l’univers personnel : adaptation aux méthodes et au rythme de travail, aux évaluations.
Comparaison des années
Afin d’étudier l’impact de l’innovation qu’est PluriPASS en termes de stress, de bien-être et de stratégies d’apprentissage, quatre études comparatives ont été réalisées :
– Une étude comparative entre les promotions de PACES 2015 et PluriPASS 2016 (Comparaison n°1 intitulée PROMOTION).
– Deux études en sous-groupes afin de comparer les populations de primants et doublants en PACES et en PluriPASS. (Comparaisons n°2 et 3, intitulées respectivement PRIMANTS et DOUBLANTS).
Ces analyses comparatives ont été réalisées par un test du Khi-deux.
– Une étude comparative pour comparer les primants en PACES en 2015 devenus doublants en PluriPASS en 2016 (Comparaison n°4). L’analyse a été réalisée par un test de Mc Nemar.
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS. Une p-value <0.05 était considérée comme statistiquement significative.
RÉSULTATS
Inclusion
En PACES, le questionnaire a été soumis en mai 2015 aux 1209 étudiants présents le jour du concours. 1134 étudiants ont répondu et 1077 ont collé leur étiquette sur leur questionnaire, soit 89% des étudiants présents.
En PluriPASS, le questionnaire a été soumis aux 1003 étudiants présents le jour du quatrième contrôle continu, qui a eu lieu fin mars 2016. 1001 étudiants ont répondu, et 997 ont collé leur étiquette, soit 99% des étudiants présents.
Population étudiée
Effectif
L’échantillon des étudiants en PACES comprenait 1077 étudiants, dont 669 primants (soit 62%) et 404 doublants (soit 38%).
Celui des étudiants en PluriPASS était constitué de 997 étudiants, dont 555 primants (soit 56%) et 442 doublants (soit 44%).
Les doublants en PluriPASS sont des étudiants qui étaient primants en PACES l’année précédente.
Il y avait moins d’étudiants inscrits et plus de doublants en PluriPASS qu’en PACES (p=0.003).
Age et sexe
Les femmes représentaient 71% des étudiants ayant répondu au questionnaire quelle que soit la promotion.
Les étudiants en PluriPASS ont entre 17 ans et 36 ans, avec une moyenne d’âge de 18,9 ± 1,55 ans. Les étudiants en PACES ont entre 16 et 34 ans, avec une moyenne d’âge de 18,9 ± 1,38 ans. L’âge médian était de 19 ans pour les deux promotions.
Bac et mention
90% des étudiants provenaient d’une filière scientifique, aussi bien pour la promotion PluriPASS que PACES. En PluriPASS, 51% des étudiants avaient obtenu une mention Bien ou Très Bien au baccalauréat et il n’y avait pas de différence significative avec les étudiants de PACES.
Bien-être
Bien-être et estime de soi
Satisfaction
Il y a une augmentation importante de l’insatisfaction chez les étudiants en PluriPASS.
Les étudiants de la promotion PluriPASS étaient plus insatisfaits de leur année d’étude que ceux de la promotion PACES, (58% vs 43%, p<0,001). Cette différence est retrouvée aussi bien chez les primants (62% vs 45%, p<0,001) que chez les doublants (53% vs 40%, p<0.001). 24% des étudiants de la promotion PluriPASS se sont estimés tout à fait insatisfaits contre 13% en PACES.
Les étudiants de la promotion PluriPASS étaient également plus insatisfaits de leur vie par rapport aux jeunes de leur âge qui font des études supérieures (84% vs 79%, p=0.016), la totalité de cette différence étant portée par les primants (82% vs 75%, p=0.014).
Il n’y avait pas de différence significative concernant la satisfaction du temps pour vivre en dehors des études. 56% des étudiants de la promotion PluriPASS se disent tout à fait insatisfaits du temps pour vivre en dehors des études.
DISCUSSION
ET LIMITES
Discussion
Population étudiée
Les profils des étudiants de ces deux promotions sont semblables sur de nombreux points et présentent de fortes similitudes avec celui décrit par la DRESS [3].
En effet, dans chaque promotion, on retrouve une majorité de femmes (71%), la moyenne d’âge est de 19 ans, les étudiants sont issus principalement d’une filière scientifique (90%) dont la moitié a obtenu une mention Bien ou Très Bien au baccalauréat.
Cependant la proportion d’étudiants ayant au moins un des parents travaillant dans le milieu médical a baissé de manière significative chez les primants (20% en PluriPASS vs 28% en PACES).
Cette proportion reste beaucoup plus élevée que dans la population générale – 4% de la population active exerçant une profession de santé – et ne semble pas être attribuable à la diversification attendue du profil social des étudiants. Une hypothèse serait que les parents exerçant une profession de santé aient préféré ne pas inscrire leurs enfants en PluriPASS du fait de l’absence de recul et des changements induits par cette expérimentation.
Evaluations
Même si l’on constate une amélioration concernant l’adaptation aux exigences des évaluations, plus de la moitié des étudiants s’y adapte encore difficilement.
L’étudiant pour qui l’évaluation est une source de stress, est donc en situation difficile non plus deux fois par an, mais cinq fois. D’autre part, les nouveaux examens comprennent parfois peu de QCM rapportés au nombre d’heures d’enseignement d’une matière.
Cette disproportion entre la charge de travail et sa faible part dans l’évaluation aurait pu être source d’insatisfaction.
Par ailleurs, le fait de connaitre seulement la tranche de classement dans laquelle il se trouve, et non son classement précis, a pu être déroutant pour certains étudiants.
Il permet néanmoins d’avoir une idée de ses probabilités de réussite et permet à ceux qui sont mal classés de s’interroger sur leur motivation ou sur le travail fourni.
Limites
Un des biais importants de cette étude provient de la période à laquelle le questionnaire a été rempli par les étudiants.
Celui-ci a été soumis à deux périodes différentes selon les années : en mai après la deuxième et dernière épreuve du concours en PACES et en mars après le quatrième examen de l’année en PluriPASS.
Dans les deux cas, les étudiants avaient déjà eu les résultats des épreuves précédentes et cela a pu conduire ceux qui étaient mal classés à surévaluer leurs difficultés.
Pour les étudiants en PACES, soumettre le questionnaire en mai a pu les amener à surestimer leur stress et leur mal-être en cette période cruciale de concours, mais ils étaient en même temps en situation de « devoir accompli ».
Contrairement à eux, il restait encore aux étudiants de PluriPASS deux mois de travail jusqu’à la dernière épreuve écrite, puis un mois de travail pour ceux qui passeraient les oraux.
Ces étudiants ont pu surestimer leur mal-être et minimiser leurs capacités devant l’ampleur de la tâche qui leur restait à accomplir.
CONCLUSION
Cette étude rapporte que les modalités de l’année d’expérimentation de PluriPASS n’ont pas permis de diminuer le stress des étudiants, leur insatisfaction ayant même augmenté pour diverses raisons, en partie à cause de problématiques liées à la mise en place du nouveau programme.
L’augmentation du nombre d’étudiants qui envisagent de tout arrêter témoigne de l’accroissement de leur mal-être. Par ailleurs, l’adaptation à l’organisation de ces nouvelles modalités reste difficile pour une majorité d’entre eux.
Les nombreuses possibilités de réorientation, l’absence de redoublement et d’échec total, n’auront pas amélioré le bien-être des étudiants ni diminué leur stress.
Cela suggère que la sélectivité liée à la notion de compétition et au numerus clausus est le facteur de stress prépondérant. L’incertitude, en empêchant les étudiants de pouvoir anticiper, a été source d’appréhension tout au long de l’année.
De plus, les étudiants ayant à la fois moins utilisé l’apprentissage en surface et l’apprentissage en profondeur, tout en passant moins de temps à travailler, la question de la qualité de leur apprentissage et de leur engagement se pose nécessairement.
Les contradictions exprimées en termes de bien-être et de stratégies d’apprentissage ne permettent pas de conclure de manière formelle.
On peut toutefois supposer qu’avec l’intégration progressive des nouvelles modalités d’apprentissage et d’enseignement dans le cursus, la stabilité du programme et la possibilité pour les étudiants d’anticiper, leur ressenti sera meilleur. Au fil des années, l’expérience engendrée permettra d’instaurer davantage de confiance auprès des étudiants.
|
Table des matières
INTRODUCTION
MÉTHODES
1. Participants et procédure
2. Matériel
3. Comparaison des années
RÉSULTATS
1. Inclusion
2. Population étudiée
2.1. Effectif
2.2. Age et sexe
2.3. Bac et mention
2.4. Profession des parents
3. Analyse du stress et du bien-être
3.1. Tracas quotidiens des étudiants
3.1.1. Conditions matérielles et financières
3.1.2. Gestion du temps
3.1.3. Adaptation à la vie universitaire et à PluriPASS
3.1.4. Informations et orientation
3.2. Bien-être
3.2.1. Bien-être et estime de soi
3.2.2. Symptômes dépressifs et anxieux
4. Analyse des stratégies d’apprentissage
4.1. Apprentissage en profondeur
4.1.1. Compréhension des cours
4.1.2. Qualité des enseignements
4.2. Apprentissage en surface
4.3. Apprentissage stratégique
4.3.1. Utilisation des ressources
4.3.2. Organisation
4.3.3. Anticipation
DISCUSSION
1. Discussion
1.1. Population étudiée
1.2. Stress et Bien-être
1.3. Stratégies d’apprentissage
2. Limites
3. Ouverture
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet