Analyse des ressources à disposition des professeurs des écoles 

Le rôle du programme

Pour qu’une oeuvre puisse être qualifiée de numérique, il ne suffit pas qu’elle soit numérisée, ou qu’elle nécessite un programme informatique pour être lue, mais qu’elle utilise une ou plusieurs propriétés spécifiques au médium informatique. Il ne s’agit donc pas comme certains ont pu le croire d’un simple changement de support qui n’induirait aucune spécificité artistique. Il faut de plus distinguer les oeuvres usant de l’informatique mais n’étant pas programmée – car l’auteur utilise des logiciels existants pour combiner des médias et ne manipule en aucun cas le programme – des oeuvres réellement programmées, c’est-à-dire issues de programmes créés par l’auteur lui-même grâce à un langage de programmation. Par exemple l’hypertexte de fiction le plus ancien (1987) et le plus connu : Afternoon a story24 de Michaël Joyce, n’est pas une oeuvre programmée car créée à partir du logiciel Storyspace. Il faut que le programme soit créé par l’auteur pour qu’une oeuvre bénéficie du qualificatif :« programmée ». Il ne doit pas forcément écrire de nombreuses lignes de codes, il peut se contenter de programmer des liens ou des effets graphiques comme avec l’oeuvre de Patrick Burgaud, de 2004 Orphée aphone.
Le programme est un processus physique temporel qui n’a d’existence pour le lecteur qu’au moment de l’exécution. Ainsi qu’elle soit animée ou non, une poésie numérique possède une dimension temporelle intrinsèque. De plus la variabilité technologique tient également une place au sein de l’oeuvre. En effet, l’exécution du programme dépend des moyens techniques de l’exécutant, ainsi le transitoire observable peut se révéler différent selon que l’on fait l’expérience de l’oeuvre sur un ordinateur plus ou moins puissant comme avec le mange-texte26 de 1989. Dans cette oeuvre composée d’un cycle de 3 strophes, chaque lettre est dessinée sur un carré, lui-même découpé en quatre carrés élémentaires. Le programme va aléatoirement faire évoluer chaque lettre en rognant les bords des quatre carrés, rendant la lettre illisible, il va aussi en changer la couleur, puis il va redessiner les coins des carrés rendant la lettre à nouveau visible. L’oeuvre passe cycliquement du stade lisible au stade visible, or avec une machine puissante les moments lisibles sont trop courts pour permettre la lecture, l’oeuvre devient alors purement plastique. L’auteur perd donc le contrôle de sa création si celle-ci est destinée à la lecture privée, c’est-à-dire à la lecture seule chez soi.
Cette variabilité technologique est un paramètre que le créateur peut prendre en compte et même utiliser pour des effets artistiques. Cependant, l’auteur d’une oeuvre numérique programmée ne peut gérer dans tous les détails le rendu de son oeuvre, mais ce n’est pas réellement son intention, car il se place dans des aspects esthétiques plus globaux, parfois plus abstraits. Le contexte de lecture tient donc un rôle important dans l’appréciation d’une oeuvre de poésie numérique. Deux contextes sont à différencier : celui de la lecture privée et celui de la lecture publique. Dans le premier, l’oeuvre doit pouvoir être exécutée sur une grande variété de machines et demeure accessible au lecteur de manière permanente dans le cadre d’une lecture privée. Dans le second, l’oeuvre est destinée à être exécutée et lue sur une machine spécifique pour laquelle le programme est destiné, le lecture y est spectaculaire et à durée limitée, comme avec les installations textuelles. Une oeuvre de lecture publique ne peut généralement pas être lue dans un contexte de lecture publique. Deux exemples vont nous permettre d’illustrer cette notion : l’installation textuelle de Camille Utterback et Romy Achituv Text Rain et le poème de Philippe Bootz Le rabot-poète. Avec Text Rain, le ou les lecteurs projettent leur ombre sur un grand écran, le dispositif capte cette ou ces ombres et notamment leur frontière qu’elles délimitent sur l’écran. Des mots tombent lettre par lettre du haut de l’écran et vont se reformer sur les ombres projetées. Ainsi avec la position de ses bras, le lecteur reconstruit des mots devenant ainsi statue ou bien danseur afin de faire évoluer le texte. A plusieurs la collaboration permet de créer un texte et une expérience approfondie. Ce genre d’implication corporelle se retrouve essentiellement dans des oeuvres publiques.
Le Rabot-poète est un poème animé masqué par un aplat de couleur, l’animation se fait quelle que soit l’action du lecteur, mais si ce dernier souhaite expérimenter l’oeuvre, il doit sans cesse bouger sa souris de haut en bas pour faire apparaître le texte progressivement.
La structure de l’animation force le lecteur à n’apercevoir que des lambeaux du poème. Pour l’apprécier en totalité, le lecteur doit le rejouer de nombreuses fois, cela dépendra de sa vitesse de manipulation. Ce genre d’organisation est impossible en lecture publique.
Une autre différence entre ces deux contextes est la complexité de l’installation qui peut contenir de nombreux instruments dans le cadre public comme des capteurs.
Finalement, ce qui caractérise essentiellement une oeuvre de poésie numérique c’est le rôle essentiel du numérique : si le programme ne fait pas partie intégrante de l’oeuvre, celle-ci n’est pas de la poésie numérique. Même si j’ai établi une différence entre oeuvre « programmée » et « non-programmée », tant que le numérique constitue une caractéristique essentielle de l’oeuvre, alors elle peut être qualifiée de poésie numérique.
Est-elle ainsi présente dans les programmes officiels ? Le rapport au numérique proposé par l’Éducation nationale est-il compatible ?

Une spécificité française : l’esthétique de la frustration

La poésie numérique française (même plus largement la littérature numérique française) peut être agressive avec le lecteur en le capturant ou en le frustrant, même si cela se fait sur un mode ludique. Elle le renvoie à un questionnement sur sa posture de lecteur, quelle que soit sa lecture : jusqu’à quel point êtes-vous libre face à l’information numérique ?
La littérature numérique américaine au contraire est moins agressive et accorde une grande part de liberté au lecteur ; c’est d’ailleurs en Amérique du Nord que l’hypertexte est le plus développé, genre qui met en avant le lecteur. Les auteurs français emploient pour beaucoup l’esthétique de la frustration. C’est-à-dire qu’ils utilisent la lecture comme partie intégrante de l’oeuvre et de l’accès à un sens mais ne laisse pas le lecteur y avoir accès si facilement. Si cette esthétique ne constitue pas un « genre » de poésie numérique au même titre que les poésies animées, hypertextuelles ou génératives, il s’agit d’une forme française de l’exercice de cette pratique poétique et il me paraît donc intéressant de l’étudier ici.
C’est dans les années 1990 qu’elle s’est développée avec le collectif L.A.I.R.E fondé par Philippe Bootz et Tibor Bapp. Fondateur de la revue alire, la plus ancienne revue de littérature numérique, ce collectif s’est très tôt interrogé sur le statut esthétique de ce nouveau genre de littérature amenant à reconsidérer les rôles de chacun des acteurs intervenant auprès de l’oeuvre, ainsi que la nature de l’oeuvre elle-même comme nous l’avons déjà vu. La première oeuvre usant de ce procédé est Stance à Hélène de Philippe Bootz et Marc Battier, de 1996. Il s’agit d’une animation syntaxique où des mots sont progressivement écrits en rouge sur fond noir pour former un poème d’amour. Ici le lecteur peut faire apparaître des figures géométriques à l’aide de sa souris, il peut aussi déplacer des dessins d’arbres.
Cependant, ces actions ne semblent en aucun cas perturber l’animation ou la musique du poème, à première vue l’interactivité ne représente pas d’intérêt pour le lecteur et elle peut même gêner sa lecture. Mais s’il parvient à une analyse plus poussée de l’oeuvre, il se rend compte que le poème évoque la mort et la désolation. Pour l’auteur, les actions du lecteur représentent les actions de l’Homme face à la mort. Il ne peut l’empêcher (les figures se fanent quoiqu’il arrive), mais il peut réagir, soit en ne comprenant pas, soit en ne faisant rien, soit en s’énervant (l’auteur rapporte que certains lecteurs sortaient énervés de ce poème et de son esthétique). Mais ces réactions ne sont pas inutiles et constituent des signes perceptibles par un autre style de lecteur : un spectateur du lecteur, il s’agit donc d’une double lecture.
De même dans Orphée aphone de Patrick Burgaud, avant même d’entrer dans le poème le lecteur peut rester bloqué : il doit trouver qu’il lui faut cliquer sur l’extrémité de la bande bleue. Ensuite il est confronté à une attente forcée car, à l’inverse des oeuvres hypertextuelles où l’interactivité se fait selon des zones géographiques précises à l’écran, ici le lecteur doit attendre le moment où l’oeuvre lui permet d’avancer. D’ailleurs celle-ci est purement linéaire, faisant encore perdre un peu plus de sens à l’interactivité de prime abord.
L’explication fournie par l’auteur dans le paratexte s’avère nécessaire.

Éléments de définition de la poésie numérique

La place du texte

La poésie numérique interroge et remet énormément en question le statut du texte ainsi que le rôle du lecteur et de l’auteur. Selon Roland Barthes, le texte est « le tissu des mots engagés dans l’oeuvre »20. Cependant, au vu des nouveaux paramètres impliqués dans la poésie numérique, il convient de revoir cette définition. Les spécialistes de la littérature ont souvent éloigné la poésie du concept de littérature : un média purement linguistique prenant comme unité de base le mot. Il convient donc d’aller au-delà de cette conception classique ; d’ailleurs, au Moyen Age, le sens ne reposait pas uniquement sur les éléments linguistiques purs, mais aussi sur des images, des enluminures, voire des calligrammes.
La littérature produit généralement du sens via une organisation de lettres en mots, de mots en phrases, de phrases en texte, cela est aussi valable avec la poésie. La poésie numérique, elle, ne cherche pas associer des mots pour former des phrases, mais préfère jouer avec eux pour diffuser du sens d’une manière différente : en y associant d’autres médias : images, sons… en les transformant, en les animant. Ainsi en poésie numérique le « texte » se retrouve « éclaté » et n’est plus le seul pourvoyeur de sens, une multitude d’autres « signes » qui ne sont pas que des mots, sont à prendre en compte afin d’atteindre le message porté par l’oeuvre, message qui n’est donc plus uniquement visible que par le « contenu » (les signes textuels) comme avec un livre imprimé.
Nous pouvons donc distinguer « le texte visible », généralement visible via un écran, c’est-à-dire tous les signes qui nous sont donnés à voir. Nous pouvons qualifier ici le texte de « texte-à-voir », qui inclut les éléments accessibles de l’interface.
Cependant il est bon de rappeler que la poésie numérique utilise l’informatique et est donc issue de l’exécution d’un programme écrit en code. Ainsi ce code constitue une autre partie du texte, intitulée « le texte-auteur ». C’est l’ensemble des matériaux créés par l’auteur dans un langage qu’il comprend. Ce texte est double car syntaxiquement correct dans le langage de la programmation et donc potentiellement lisible tel quel . Mais une fois assimilé par le programme, il acquiert une nouvelle nature, l’objet de l’auteur évolue pour atteindre le transitoire observable, l’exécution transforme le « texte-auteur » en « texte-à-voir ».
Cependant, certains auteurs considèrent le code comme une véritable littérature et ne donnent pas d’importance au processus de transformation. Ce genre s’intitule le Codework. Un des exemples les plus marquants est l’oeuvre Lexia to perplexia22 de Talan Memmot, poète et théoricien digital installé en Californie, où il invente un pseudo-langage mélangeant la syntaxe des langages informatiques et le langage naturel. Dans ce cas, le code présent n’est pas exécutable, pourtant il peut à la fois être un langage humain et fournir des instructions exécutables comme avec le mouvement de la Perl poésie. Celui-ci utilise des langages intermédiaires qui peuvent être à la fois lus et exécutés, mais demandent au lecteur une certaine initiation informatique préalable.

La place de la poésie numérique sur le terrain

Première expérience : Projet de création poétique

Contextualisation et présentation

Je suis actuellement en Master 2 étudiant, j’ai donc été affecté en stage durant l’année.
J’ai effectué ce dernier au sein du groupe scolaire de Sauvagnon selon un rythme défini par l’ESPE : deux mois effectifs de stage pratique, répartis sur quatre quinzaines dans une classe de CP composée de 24 élèves auprès d’une Maîtresse d’Accueil Temporaire : Madame Florence Blanc. Afin de bénéficier de situations pratiques en relation avec le sujet de mon mémoire, j’ai décidé de mener, en accord avec ma MAT, une séquence de création poétique. Celle-ci s’est déroulée durant le mois de janvier, à une période où ma conception de ce que pouvait être la poésie numérique à l’école n’était pas encore bien claire. En effet, l’absence de sources sur l’application de ce genre poétique notamment en début de cycle 2, ainsi que la complexité de sa définition qui prend des formes multiples ont fait que ce que je prenais pour de la poésie numérique, n’en était finalement pas.
Je me suis tout d’abord renseigné sur les applications pédagogiques de la poésie à l’école à ce cycle et notamment du point de vue de la production de poèmes. J’ai donc choisi de mener une séquence de création de poèmes « à la manière de… », c’est-à-dire en s’appuyant sur un poème modèle afin d’en faire une réécriture par les élèves. En fonction du niveau dont je disposais, il m’a fallu choisir un poème à la structure simple et redondante.
Mon choix s’est porté sur Il passe une voiture (cf annexe 1) de Georges Jean, un poète français spécialisé dans l’enfance. En effet ce texte possède les caractéristiques que je recherche (redondance structurelle) mais respecte aussi un principe dans sa formation : chaque élément énoncé est plus petit que le précédent et le dernier élément crée de la surprise via l’apparition d’une « grosse bête ». Ainsi ce poème requiert un vrai travail d’analyse préalable à la création.

Séance 1

Ce fut une séance de découverte du texte qui doit servir de modèle créatif. J’ai donc commencé par lire le poème à haute-voix, les élèves n’ayant alors aucun autre support (pas d’illustration, pas de texte écrit). Après une seconde lecture oralisée, nous avons analysé la structure propre du poème, de manière ouverte et je leur ai demandé simplement ce qu’ils avaient remarqué dans cette poésie, si elle ressemblait à celles qu’ils avaient déjà entendues ou étudiées en classe. En effet, les élèves avaient déjà vu quelques poèmes avec la maîtresse tels que : Locataires de Jean-luc Moreau, L’esprit d’enfance de Luc Bérimont, ainsi que des calligrammes avec des exemples comme L’araignée de Daniel Bruges et une production avec L’escargot de Robert Desnos. Ainsi, ils connaissaient déjà quelques caractéristiques, comme les rimes et disposaient d’un cahier de poésies.
J’en ai profité pour leur faire remarquer l’absence de rimes ici, la structure redondante : question/réponse en deux vers et l’exclamation finale avec la « grosse bête ». Puis, suite à une relecture où j’ai insisté sur les éléments qui composent le poème, nous avons pu progressivement, grâce à des échanges, identifier la notion de hiérarchie par taille : chaque élément est plus petit que le précédent et se situe dedans ou dessous, ainsi que l’élément final : « la grosse bête » et la raison de sa présence : « pour surprendre ».

Séance 2 

Durant la deuxième séance, j’ai organisé la classe en 6 groupes de 4. Chaque groupe a eu pour tâche de créer un poème qui repose sur le modèle de celui de Georges Jean que nous avions mis en avant au cours de la séance précédente. Un long temps de passation de consigne a été nécessaire car au sein de ces groupes, les élèves étaient organisés en binôme, donc 3 binômes dans chaque groupe ; il s’agissait de se répartir le travail : un binôme devait créer un vers contenant l’élément « gros », un autre binôme s’occuper de l’élément « moyen » et un dernier de l’élément « petit ». Une fois que ce travail a été réalisé, ils décidaient ensemble de quelle grosse bête conclurait le poème. Suite à cette mise en place, les binômes se sont consacrés à la création. Les groupes et les binômes ont été choisi selon un principe d’hétérogénéité afin qu’ils finissent plus ou moins en même temps (chaque binôme devait pouvoir compter sur un scripteur efficace), tout en insistant sur le fait que chacun devait donner son avis sur la création et ne pas subir le choix de son partenaire ou l’imposer. Cela s’est révélé assez laborieux du fait de certains caractères, d’une compréhension de la consigne variable selon les groupes/binômes. Mais après un aide conséquente de ma part, chaque groupe a finalement pu créer son propre poème à la troisième séance.

Séance 3-4

Durant celles-ci, les élèves ont commencé l’illustration de leurs productions. Là aussi, une explication des consignes et une reformulation systématique par les enfants se sont révélées nécessaires. Je souhaitais une illustration relative à un groupe entier, afin que chaque élève d’un groupe puisse coller sur son cahier de poésies le texte de son poème et en parallèle son illustration. J’ai fabriqué des supports adaptés à chaque binôme : pour l’élément « gros » un rectangle hachuré au centre de la feuille interdisait de dessiner sur ce rectangle, les élèves devaient donc dessiner leur élément autour de cette partie hachurée de manière à ce qu’il l’englobe, de même pour l’élément « moyen ». J’ai d’abord illustré, à titre d’exemple, au tableau, le poème de Georges Jean afin que chacun comprenne ce qui lui était demandé. Cela a relativement bien fonctionné, mais j’ai du réexpliquer plusieurs fois ce qui était attendu, la notion de contenant/contenu n’a pas été acquise par tous. Cette phase d’illustration a également occupé la quatrième séance. Le résultat de ces séances est visible en annexes (cf annexes 2-5).

Séance 5

Durant la cinquième séance, les élèves avaient pour tâche de s’entraîner par binôme à dire les vers qu’ils avaient créés conjointement avec leur partenaire. L’objectif final, qui était de présenter le poème par groupe au reste de la classe, leur avait été annoncé en début de séance. Je leur ai laissé 30 minutes afin que chaque binôme parvienne à dire ses deux vers en même temps et que le groupe entier dise les deux derniers ensemble. Dans la dernière partie de la séance, les groupes présentaient leur production à la classe. La charge d’enregistrer le passage était attribuée à un élève d’un autre groupe afin de faire manipuler un outil numérique (enregistreur vocal), une explication de l’usage de cet outil ayant été faite au préalable.
Plusieurs passages ont parfois été nécessaires mais les élèves ont globalement très bien réussi cet exercice. J’ai par la suite récupéré les enregistrements afin de monter une vidéo réunissant toutes leurs productions (cf annexe 6). Celle-ci leur a été présentée afin qu’ils entendent le résultat de leurs travaux, elle a également permis d’expliquer comment elle était accessible via internet sur le blog de l’école, par qui, etc. Cela a donné lieu à des échanges sur l’usage des outils numériques et sur les risques potentiels qu’ils représentent. Certains élèves n’ont pas pu participer à l’enregistrement car les droits n’avaient pas été accordé par les parents, ces éléments ont également été explicités collectivement en classe.

Analyse de cette séquence

Ce projet de création poétique « à la manière de… » a été mené à bien durant les cinq séances dont je disposais, mais pouvons-nous pour autant le qualifier de projet de poésie numérique ? Pour répondre à cette question, voyons quelle place est accordée au numérique dans ce projet.
Idéalement, les élèves auraient dû transcrire numériquement leurs productions via un logiciel de traitement de texte mais cela aurait demandé une organisation qu’il m’a été impossible de mettre en place. En effet, la classe ne disposait que d’un seul ordinateur et pour beaucoup il s’agissait d’une découverte du matériel informatique (clavier, souris, logiciel) qui aurait demandé un travail spécifique et des séances dédiées or je partageais mon temps de stage avec un autre étudiant qui devait lui aussi mener des séances avec cette même classe.
Quelques élèves ont pu manipuler un appareil d’enregistrement afin de capter les différents passages des groupes. De plus, la présentation de la vidéo a permis d’apporter une explication sur sa diffusion sur le blog de l’école, ainsi que sur la notion de droit d’auteur. Cependant, il s’agit ici, même dans le cas où chaque binôme a transcrit sa création, de manipulations et de réflexions autour d’outils numériques. Le numérique ne fait pas partie intégrante de la poésie. Je pensais à l’époque que si les créations de chacun étaient compilées sous forme de vidéo fusionnant ainsi l’écrit, l’image et le son (la mise en voix) cela en faisait une oeuvre de poésie numérique. Finalement, il s’agit seulement d’une oeuvre de poésie numérisée.

Deuxième expérience : L’application Dans mon rêve

Présentation et contextualisation

Dans mon rêve est une application de 2012 disponible sur tablettes (I-pad par exemple), elle a été programmée par la maison d’éditions numériques E-toiles, les textes sont écrits et illustrés par Stéphane Kiehl, racontés par Tom Novembre. Il s’agit d’une application de poésie générative combinatoire qui suit le même principe que Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau. Elle est composée de deux parties : d’abord des dessins illustrant un poème situé en-dessous. Ces deux sections sont constituées de trois segments, donc le texte est un poème de trois vers. En faisant glisser son doigt sur un segment, de droite à gauche, ou de gauche à droite, celui-ci change pour un autre. Par exemple, si je change le premier segment de la partie texte, alors le premier vers du poème change pour un autre, tout en conservant la cohérence du poème. De plus, le dessin du premier segment de la partie illustration change lui aussi pour un autre dessin qui illustre le nouveau vers. Cela peut aussi se faire dans l’autre sens : si c’est un segment de la partie illustration qui est changé alors le vers correspondant dans la partie texte change lui aussi et reste logique par rapport au nouveau dessin. Ainsi à chaque vers est associée une illustration. Pour un seul segment vingt possibilités sont offertes au lecteur, ainsi cela correspond à 20 x 20 x 20 = 8000 poèmes possibles dans cette application pour à chaque fois une illustration spécifique.
De plus, certaines fonctionnalités sont présentes pour rendre le tout encore plus ludique : tout d’abord les graphismes sont assez enfantins et adaptés au plus jeune âge (cette application est disponible dès 3 ans). Pour chaque poème créé, il est possible d’entendre la voix de Tom Novembre en appuyant sur un bouton. Un mode nuit est aussi disponible, jouant sur le noir et le blanc, les graphismes en sont changés et le texte invisible, c’est une expérience nouvelle de lecture d’images qui s’offre alors. Cette fonctionnalité permet de s’adapter au contexte de lecture.
J’ai pu faire manipuler cette application par trois groupes de deux élèves de la classe de Madame Blanc. J’ai pris en charge ces groupes les uns après les autres, séparément du reste de la classe. J’ai choisi pour le premier groupe deux élèves bons lecteurs, pour le deuxième deux élèves lecteurs mais pas encore experts et pour le troisième, deux élèves en difficulté de lecture. Mon but ici était simplement d’observer la manière dont ils se servaient de l’application et de recueillir leurs impressions sur ce format.
Ainsi, après une présentation de l’objet-tablette et de ce qu’est une application, je leur ai expliqué ma consigne : « Vous allez regarder la tablette et vous pourrez la toucher, la manipuler pendant quelques minutes, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses ici. »
Suite à cela, je leur ai posé quelques questions sur leur ressenti. Ils étaient donc libres dans leur manipulation et je ne leur ai pas expliqué la relation entre le texte et l’image.

Analyse de l’expérience

Groupe 1

Les deux élèves sont rentrés dans l’application par l’illustration, ce qui semble logique car elle occupe les trois quarts de l’écran et attire directement l’oeil par ses formes et ses couleurs. Ils se sont alors focalisés sur les images passant d’un simple amusement pendant la découverte des nouveaux dessins à une recherche de but. En effet, à plusieurs reprises, je les ai entendus chuchoter : « Il faut trouver » ; « On cherche le pied » (cf annexe 7), ils sont en fait entrés dans un travail de composition cherchant à trouver un ensemble cohérent de formes pour créer un dessin unique et logique, comme par exemple un bonhomme. Ces deux élèves étant de bons lecteurs, je m’attendais à ce qu’ils aperçoivent le poème en-dessous des illustrations, en lisent quelques vers pour ensuite faire la relation avec les illustrations.
Cependant, ils n’ont pas du tout remarqué le texte, même en faisant jouer une fois la voix de Tom Novembre qui lit le poème présent à l’écran, ils n’ont pas associé cela à la partie écrite.
L’attention de ces élèves était entièrement fixée sur les images durant toute l’interaction, en mode jour et en mode nuit, à la recherche d’un sens à trouver dans les possibilités offertes. Après plus de six à sept minutes de manipulation, je leur ai demandé s’ils souhaitaient un délai supplémentaire avec l’application, afin de percevoir leur implication dans cette dernière. Ils ont répondu oui, comme d’ailleurs les deux autres groupes après eux. Suite à cette phase, un questionnaire oral de ma part a suivi. A la première question : « Qu’est-ce que vous en avez pensé ? », les élèves ont trouvé cela « marrant », « rigolo », « bien », des qualificatifs qui mettent en avant l’aspect ludique de la tablette. Ensuite, à la question :« Estce que c’est un jeu ou un travail ? », ils ont trouvé que l’application se rapportent davantage à un jeu ; de même à la question : « Cette application, c’est quelque chose que vous auriez pu faire en classe ou à la maison ? » , les deux ont été d’accord pour dire que c’est une activité qu’ils feraient à la maison. Je leur ai ensuite demandé : « Cela peut-il être de la poésie ? » et de donner quelques raisons à leur choix. Ainsi, pour eux, l’application peut être de la poésie car : « On entend de la musique », « Il y a une personne qui parle », ce serait donc l’aspect multimédia de l’application qui lui donnerait son caractère poétique, de plus la poésie aurait besoin d’être dite, déclamée ; le seul support textuel ne semble pas suffisant, il n’a cependant pas été perçu. Ils ont pourtant remarqué un lien entre la déclamation de Tom Novembre et l’écran car la personne qui parlait « devait faire » ce qu’il y avait à l’écran, elle devait en fait raconter l’illustration. Finalement à la dernière question : « Vous préférez faire de la poésie avec la tablette ou avec le cahier de poésies ? » leurs avis divergeaient, l’un préférait avec la tablette car : « C’est pas la peine d’écrire, y a des images », à l’inverse l’autre préférait avec le cahier de poésies car : « Je préfère écrire ». Ainsi l’aspect ludique, l’interactivité, le multimédia constitue une source de motivation et d’intérêt. Cependant l’absence d’activité d’écriture, notamment à cet âge ou cela constitue l’enjeu primordial de l’année, peut rebuter certains pour qui l’écriture, c’est le travail que l’on fait à l’école.

D’autres expériences menées en classe

Présentation et enjeux

En France, d’autres professeurs ont voulu mettre en place des projets incluant poésie et numérique, mais pouvons-nous trouver des exemples réels d’expériences de poésie numérique en classe et non simplement de poésie numérisée ou de poésie reliée à des outils numériques ? A Besançon, durant l’année scolaire 2014-2015, à l’école primaire Saint Bernard, une enseignante, Marie Agnes Devys, a mis en place avec sa classe de CM1, la création d’un recueil de poésies multimédia. Cela semble se rapprocher de la deuxième situation mise en avant par l’Education nationale que nous avons vue précédemment : Création d’un recueil numérique de poésies ; pourtant quelques différences sont à noter. Ses élèves ont dû créer un livre illustré pour tablette iPad, par rapport à leur histoire personnelle. Cette séquence intègre des visioconférences avec des artistes canadiens : Sylvain Dodier et Luc Pallegoix qui sont à l’origine du projet et l’accompagnent tout du long. En voici la description : « À travers un processus de création parfois fort exigeant qui s’est échelonné sur toute l’année scolaire par le biais de plus d’une dizaine de visioconférences, les enfants ont été invités à questionner, découvrir et s’approprier leur histoire personnelle. Une recherche qui a servi de base à la création d’un poème, d’un tartan et d’un blason personnel.» .

 

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Table des matières

Remerciements 
Introduction
I) Cadre théorique de la poésie numérique
1) Historique de la poésie numérique
a) L’influence des mouvements avant-gardistes
b) L’introduction des nouvelles technologies dans la création poétique
2) Les différentes formes de poésie numérique
a) La poésie générative
b) La poésie hypertextuelle
c) La poésie interactive
3) Éléments de définition de la poésie numérique
a) La place du texte
b) Le rôle du programme
c) Une spécificité française : l’esthétique de la frustration
II) La place de la poésie numérique dans les consignes officielles et les ressources disponibles
1) Analyse des recommandations de l’Éducation nationale pour la poésie
a) La place de la poésie dans les programmes
b) La place du numérique
2) Analyse des ressources à disposition des professeurs des écoles
a) Les manuels
b) Un apport supplémentaire : La poésie à l’école – Mars 2004 (mise à jour en 2010)
c) D’autres ressources Eduscol : Enseigner avec le numérique
III) La place de la poésie numérique sur le terrain
1) Première expérience : projet de création poétique
a) Contextualisation et présentation
b) Analyse de cette séquence
2) Deuxième expérience : l’application Dans mon rêve
a) Présentation et contextualisation
b) Analyse de l’expérience
3) D’autres expériences menées en classe
a) Présentation et enjeux
b) Les possibilités ouvertes par les nouvelles technologies
Conclusion 
Bibliographie 
Articles en ligne 
Sitographie 
Annexes 

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