Dans de nombreux pays asiatiques persistent des espaces et des groupes sociaux marginaux qui vivent souvent en périphérie des pays sur les hautes terres : «nationalités » chinoises, « autochtones » indiens, « minorités » vietnamiennes et laotiennes. Les différents gouvernements souhaitent intégrer l’ensemble de ces populations à travers de nombreuses politiques et notamment celles de « mise en tourisme » des territoires de ces groupes minoritaires. L’objectif est « de réduire la pauvreté et l’exode rural, de freiner les impacts écologiques (brûlis rendus responsables de l’érosion et menaçant l’aval), de limiter les mouvements autonomistes politiquement centrifuges ». Cette politique de développement touristique est destinée à enraciner ces espaces marginaux, difficilement possible du fait de la touristification de ces espaces, au centre de gravité du pays, pour attirer une clientèle estivale internationale ou nationale. Dans ces pays asiatiques où le tourisme est majoritairement urbain, des familles de tourismes ruraux apparaissent, fondées sur la valorisation du patrimoine de minorités ethniques. Des populations sont aujourd’hui mises en avant comme atout pour le développement touristique de par leurs spécificités et leur façon de marquer leur identité alors que pendant des siècles, ils ont fait l’objet de discriminations. De nombreuses questions, notamment sur leur ambiguïté, se posent sur ces politiques de développement touristique : « le soutien aux cultures locales (artisanats « traditionnels », chants et danses, mais aussi maintien de certains paysages considérés comme « typiques »). Serait‐il un moyen de renforcer les identités des ces groupes, dans le cadre d’un renversement historique ou l’État tenterait de compenser des décennies de mise à l’écart voire d’oppression ? Ou bien s’agit-il d’une « simple » muséification de pratiques folkloriques, doublée d’une commercialisation économique, d’une assimilation politique et d’une homogénéisation culturelle ? L’encouragement de l’agriculture locale, parfois via la mise en place d’indications géographiques et de filières biologiques, peut‐il bénéficier à tous les groupes et à tous les espaces ? Et ce, à quel prix social, économique et spatial ? » .
Méthodologie
Le projet AQAPA : A Qui Appartient les Paysages en Asie ?
Le projet AQAPA se propose d’analyser les politiques de développement touristique et la mise en tourisme des hautes terres en Asie méridionale en se concentrant sur les dynamiques sociales et la patrimonialisation des paysages dans les campagnes à minorités ethniques. Le projet AQAPA a pour originalité de se concentrer sur les paysages ruraux et agricoles et de laisser de côté les objets de tourisme déjà très étudiés (folklore, habitat typique, ….) : ne privilégiant pas les paysages exceptionnels, susceptibles de séduire et d’attirer les touristes, mais plutôt la trame des paysages « ordinaires ». Le projet consiste à confronter les représentations, discours et pratique du paysage de différents acteurs : sociétés locales, États, et opérateurs touristiques, tout en prenant en compte l’analyse des mutations paysagères contemporaines. Il faudra alors évaluer quels sont les postulats servant à la qualification des paysages devant être conservés : donne-t-on la priorité à une certaine esthétique (comme dans les « paysages ouverts » chéris par la France), ou à la préservation de la biodiversité voire désormais à la fixation du carbone ? Une forte valeur demeure-t-elle associée à la fonction de production alimentaire, ou à des critères culturels ou religieux ? Afin de mettre en lumière les différences liées aux politiques nationales et régionales, établir un gradient de l’importance variable de l’écotourisme ethnique et évaluer les effets d’un tourisme domestique plus ou moins développé, cinq espaces d’étude himalayens sont étudiés :
• Inde : Région de Kumaon (Uttarkhand)
• Laos :Province de Louang Namtha
• Népal : Les vallées de l’Himalaya au nord de Pokhara (parties inférieures et supérieures)
• Vietnam : province de Lam Dong
• China : province de Guizhou.
L’interprétation de ces diverses trajectoires en référence à un hypothétique modèle occidental de gestion des territoires ruraux et de patrimonialisation des paysages, soucieux des identités locales et de la biodiversité, s’efforcera avant tout de comprendre, au delà des discours, les raisons de ces différenciations au sein de structures socio-économiques, culturelles et paysagères fort contrastées. L’hypothèse est que les changements dans les «paysages ordinaires» et leurs représentations sont à la fois un moteur et une expression de la dynamique socio culturelle engendrée par le processus de «touristification» et plus généralement par la mondialisation. Pour chaque terrain, l’analyse sera multiscalaire, interdisciplinaire (géographie, ethnologie, agro-économie), et selon trois axes : paysages (structures matérielles et dynamiques contre pratiques et représentations des acteurs) ; processus de transformation (tourisme et patrimonialisation, dynamiques rurales, gouvernances territoriales) ; articulations entre dynamiques socio-économiques et recompositions identitaires (intégration/marginalisation, appartenance et ethnicité). L’ambition comparative affirmée du projet repose sur ce schéma de recherche commun aux cinq terrains.
Mise en place d’une démarche d’enquête
Si la conduite de cette enquête mène à l’analyse des trois axes sur ces cinq territoires himalayens pour en déterminer une lecture du paysage et sa touristification, dans les conditions temporelles connues et d’une étude d’une seule personne, l’analyse paysagère s’est faite sur un unique territoire (le massif de l’Annapurna) et sur une partie du 1er axe du projet. Cet axe consiste à identifier le paysage, son importance et sa représentation. En effet, par l’intermédiaire de la «lecture du paysage », des unités homogènes peuvent être définies d’après les usages et pratiques locales, les différents modes d’utilisation et les changements de paysage qui peuvent en être déduits. Toute cette analyse se fera à travers les points de vue individuels car chacun a son propre paysage « vu et décrit». Les divers récits et descriptions seront associés à la matérialité des paysages. Selon les catégories des paysages dans les points de vue des touristes, les relations entre les représentations du paysage et la territorialité des personnes seront mises en évidence. Enfin, nous essayerons de mettre en évidence les interactions entre les types de représentation du paysage et la touristification de ces mêmes paysages. Cette analyse sera effectuée à partir de données provenant des médias sociaux et des sites web des opérateurs touristiques, en effet le réseau virtuel est une source de données considérables.
Le massif de l’Annapurna
Le toit du monde
En 1953, le Néo-zélandais Edmund Hillary et le Népalais Tenzing Norgay gravissent pour la première fois de l’histoire le mont Everest, culminant à 8848 mètres. Leur ascension s’est faite sur le versant sud, du côté népalais. L’alpinisme vient de classe très aisé pouvant mobiliser de nombreux moyens, en effet cette ascension a mobilisé plus de 300 porteurs et d’impressionnants moyens. L’alpinisme dans de telles conditions reste pour les professionnels. Malgré cela, ces paysages et ces possibilités attirent de nombreux curieux du monde entier. Le concept touristique de trekking est né. Les voyageurs veulent voir le toit du monde. Le Népal est un petit pays de 800km de long sur 200 km de large, mais sa zone montagneuse, sur la partie nord, possède quelques-uns des sommets les plus hauts du monde tel que l’Everest, Makalu, Dhaulagiri ainsi que notre sujet d’étude l’Annapurna. C’est en tout près de 250 sommets qui dépassent les 7000 mètres d’altitude. Depuis cette première ascension, l’Himalaya népalais devient la station de trekking. Les voyageurs veulent ressentir la pureté et cette sensation d’élévation de l’âme liées à l’imaginaire des hautes montagnes. Le tourisme augmente progressivement, notamment avec l’apparition de nombreuses offres sur les sites internet. En 1990, les touristes sur le massif de l’Annapurna n’étaient que 50.000 au Népal, en 2013, le chiffre est passé à 130.000, avec une quasi absence pendant la guerre entre 2003 et 2006. Tout comme en 2015-2016 avec de nombreux tremblements de terre causants des problèmes matériels mais également économiques avec une baisse considérable du tourisme. Parmi tous ces touristes, les français ne représentent qu’entre 5 à 10%. De nombreux magazines français font régulièrement l’éloge des treks népalais, tel que Trek-Magazine ou bien Montagnes-Magazine. Il existe différentes possibilités pour découvrir ces massifs, parmi celles-ci, une se détache et est proposée dans chaque sociales médias : le grand tour de l’Annapurna. Ce trek de 15 à 20 jours permet de découvrir de multiples paysages et cultures autour du massif de l’Annapurna regroupant 8 sommets. Le trek est de la sorte, le seul moyen historique de découvrir le massif. Ce dossier s’appuie donc sur la recherche des treks correspondant à ce circuit, une aventure sportive en pleine nature. Le trek fait ainsi parti du tourisme d’aventure, les voyageurs cherchent avant tout, des sensations, un dépaysement total, dans une nature conservée et originel.
Le massif de l’Annapurna, une zone protégée à double tranchant
Cette conservation de la nature se fait principalement grâce à la mise en place d’une zone protégée sur cette aire de 7630 km². En 1986, est ainsi crée Annapurna Conservation Area Project (ACAP), l’aire de conservation la plus étendue au Népal. L’ACAP permet la conservation et le développement rural tout en permettant au tourisme de s’implanter. En effet le principe d’écotourisme se met en place dans cette région. Cette notion définie toute forme de tourisme basée sur la nature dans laquelle la principale motivation des touristes est l’observation et la jouissance de la nature ainsi que des cultures traditionnelles qui prévalent dans les zones naturelles (Organisation Mondiale du Tourisme, 2010). Cette protection du territoire accentue le tourisme car 50% des voyageurs veulent généralement, voir ces hectares protégés, elle permet également aux touristes, de profiter d’une nature conservée. Les paysages ne peuvent se retrouver envahis d’industries, en revanche, ACAP ne permet plus de réguler la faune comme autre fois. Le territoire agropastoral se voit ainsi détruit à cause de la pullulation des animaux sauvages. Cette perte peut être compensée par l’écotourisme car il permet une utilisation différente de la terre. La terre initialement produit de ressource, devient produit de développement et de conservation environnementale.
|
Table des matières
Introduction
I. Le massif de l’Annapurna
I. 1. Le toit du monde
I. 2. Le massif de l’Annapurna, une zone protégée à double tranchant
I. 3. Un territoire himalayen en pleine mutation
II. Méthodologie
II. 1. Le projet AQAPA : A Qui Appartient les Paysages en Asie ?
II. 2. Mise en place d’une démarche d’enquête
II. 3. Confrontation de deux visions
III. Le tourisme dans le massif de l’Annapurna
III. 1. Différenciation des modes de découverte
III. 1. 1. Des avis élogieux pour un séjour réussi
III. 1. 2. Des tour-opérateurs vendeurs de rêve
III. 1. 3. Des photos dévoilant les multiples facettes du massif de l’Annapurna
III. 2. Les touristes de plus en plus présents à la recherche de dépaysement
Conclusion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet