Analyse des praKques des psychiatres de l’hôpital Saint Jacques

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VERSION DU 16 DÉCEMBRE 2020

Suite à ceGe déclara?on d’incons?tu?onnalité, l’ar?cle L3222-5-1 a été modifié le 16 décembre 2020 via l’ar?cle 84 de la loi sur le financement de la sécurité sociale (Annexe 1). CeGe nouvelle version a entraîné plusieurs changements majeurs dans l’encadrement de l’isolement et de la conten?on. Ces mesures ne peuvent désormais concerner que des pa?ents hospitalisés sans leur consentement, et leur surveillance doit être « soma?que et psychiatrique » avec une obliga?on de traçage dans le dossier médical. Un encadrement des durées d’isolement et de conten?on est désormais inscrit dans la législa?on :
– La mesure d’isolement a une durée maximale de 12 heures et peut être renouvelée toutes les 12 heures. La durée totale ne peut dépasser 48 heures, sauf cas d’urgence.
– La mesure de conten?on a une durée maximale de 6 heures et peut être renouvelée toutes les 6 heures. La durée totale ne peut dépasser 24 heures, sauf cas d’urgence.
Si la prescrip?on dépasse les durées maximales indiquées, le JLD est alors informé de la mesure sans délai par le médecin. Il peut alors se saisir d’office, ou être saisi par le pa?ent ou ses proches, afin de statuer sur la poursuite ou non de la mesure en ques?on. L’autorité judiciaire, par l’intermédiaire du JLD, devient donc compétente pour contrôler les mesures d’isolement et de conten?on, mais sa saisine n’est pas systéma?que.
Par ailleurs, il est indiqué dans le texte de loi qu’en plus du JLD, le médecin doit également informer les proches du pa?ent du renouvellement de la mesure en cours (le conjoint, le ?ers ou un parent par exemple). Enfin, le registre rendant compte de toutes les mesures doit désormais obligatoirement être établi sous forme numérique.
Une instruc?on datant du 29 avril 2021 et émanant de la DGOS amène quelques précisions sur l’applica?on de ces nouvelles mesures (62). Elle précise par exemple que ce nouveau cadre légal ne remet pas en cause la possibilité d’isoler un pa?ent en soins libres « pour quelques heures », dans l’aGente de la mise en place d’une mesure de soins sous contrainte si l’isolement doit être prolongé ou alors le temps de la résolu?on de la situa?on d’urgence. Concernant le renouvellement des mesures, si ce dernier doit intervenir en « nuit profonde » alors que le pa?ent dort, le psychiatre a la possibilité de le réaliser « à distance » en l’absence de signe d’inquiétude clinique ou de consigne de surveillance par?culière.

DÉCLARATION D’INCONSTITUTIONNALITÉ

Bien que ceGe loi statue sur l’ordre juridic?onnel compétent pour contrôler les mesures d’isolement et de conten?on, on constate qu’elle ne répond pas totalement aux demandes du Conseil Cons?tu?onnel : en effet le contrôle par le JLD est désormais possible, mais n’est ni obligatoire, ni systéma?que. C’est dans ce contexte qu’une nouvelle QPC a été transmise par la Cour de Cassa?on en avril 2021, avant même la paru?on du décret précisant les modalités d’applica?ons de la loi du 14 décembre 2020. CeGe QPC a été suivie d’une nouvelle déclara?on d’incons?tu?onnalité de ceGe dernière version de la loi. Toutefois, le Conseil Cons?tu?onnel a déclaré que « l’abroga?on immédiate des disposi?ons déclarées contraires à la Cons?tu?on entraînerait des conséquences manifestement excessives ». (63) L’abroga?on de ceGe loi a donc été reportée au 31 décembre 2021 afin de laisser un délai supplémentaire au législateur.
Une nouvelle écriture de ceGe loi a été proposée dans l’ar?cle 41 de projet de financement de la sécurité sociale pour 2022, puis à nouveau abrogée le 16 décembre 2021, accusée d’avoir été introduite comme un cavalier législa?f. Plus aucun ar?cle de loi encadrant l’isolement et la conten?on mécanique n’était donc en vigueur à par?r du 31 décembre 2021. Pour combler ce vide juridique temporaire, la DGOS a fait paraître une note à des?na?on des établissements psychiatriques dans l’aGente de nouvelles disposi?ons législa?ves. CeGe note indique qu’aucun dépassement des durées maximales légales ne sera possible, c’est-à-dire 48 heures pour l’isolement et 24 heures pour la conten?on. Le JLD ne pourra pas être saisi par le pa?ent ou ses proches mais pourra se saisir lui-même à tout moment. Il est également précisé dans ceGe note qu’en cas de dépassement des durées légales, c’est la responsabilité de l’établissement d’accueil qui sera alors engagée.

Législa?on en vigueur depuis janvier 2022

AGendues ini?alement avant le 15 janvier 2022, les nouvelles disposi?ons législa?ves ont finalement été publiées le 24 janvier 2022 et comportent plusieurs modifica?ons. Il y est à nouveau indiqué que l’isolement ne peut être prescrit que pour une durée maximale de 12 heures et la mesure de conten?on pour une durée maximale de 6 heures, mais il est précisé que la mesure d’isolement doit « faire l’objet de deux évaluaKons par vingt-quatre heures » et la mesure de conten?on de « deux évaluaKons par douze heures » en cas de renouvellement (et non plus toutes les 12 heures et toutes les 6 heures). Les durées totales autorisées, sauf situa?on excep?onnelle, restent les mêmes c’est-à-dire 48 heures pour l’isolement et 24 heures pour la conten?on, et le JLD est informé au terme de ces durées maximales. La nouveauté majeure de ce texte réside dans la saisine systémaKque du JLD par le directeur de l’établissement au-delà de 72 heures d’isolement et de 48 heures de conten?on. Le JLD doit donc obligatoirement statuer sur chacune des mesures d’isolement et de conten?on au terme des durées indiquées ci-dessus, dans un délai de 24 heures. S’il ordonne la mainlevée de la mesure en ques?on « aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expira?on d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure ». Une excep?on est toutefois prévue pour les cas où de nouveaux éléments rendraient indispensable la prescrip?on d’une nouvelle mesure.
Enfin la no?on de secret médical est réaffirmée dans ceGe nouvelle version, et l’informa?on d’un proche du pa?ent ne peut se faire que « dans le respect de la volonté du pa?ent et du secret médical ».

Accueil de ce nouveau cadre légal

Ce nouveau cadre légal a soulevé de nombreuses cri?ques au sein du corps médical, comme en témoignent les différents communiqués de presse émanant de plusieurs ins?tu?ons. (64) Par exemple, les communiqués de presse du 17 novembre puis du 21 décembre 2020, dénoncent l’impossibilité de meGre en applica?on l’ar?cle de loi dans les condi?ons actuelles et évoquent de poten?els droits de retrait. (65) Le communiqué de presse du 17 février 2021 insiste à nouveau sur l’impossibilité d’appliquer le texte de loi, qu’il juge « loin de la réalité clinique vécue quo?diennement par les professionnels ». (66)
La plupart des établissements psychiatriques ont en effet rencontré de grandes difficultés à meGre en applica?on les changements imposés par ces nouveaux textes de loi, demandant une réorganisa?on importante des soins dans un délai très court. De plus, ces changements interviennent dans une période de grande tension hospitalière avec un absentéisme soignant de plus en plus important, souvent dû à un épuisement professionnel, et un manque criant de moyens techniques et humains. La temporalité exigée par ceGe nouvelle loi est également difficile à respecter : l’informa?on du JLD doit se faire « sans délai » lorsqu’une mesure dépasse la durée maximale autorisée, cependant l’échéance de ceGe durée peut survenir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, weekend et jours fériés y compris. CeGe disposi?on semble difficile à respecter sans moyens humains supplémentaires, et avec des logiciels de prescrip?on qui ne sont pas toujours adaptés. (61) (64) Par ailleurs, la complexité de la procédure, imposant une mul?plica?on des cer?ficats médicaux, a également été pointée du doigt.
En avril 2021, une enquête a été réalisée par l’Associa?on des établissements du service public de santé mentale (Adesm) concernant les condi?ons d’applica?on de ceGe réforme. Parmi les 96 hôpitaux qui ont répondu à ceGe étude, 80% avaient mis en applica?on le nouveau texte de loi dont 75 % d’entre eux avec une applica?on seulement par?elle. Seuls 22% des hôpitaux ayant appliqué ce texte l’ont fait de manière stricte. Bien que la volonté d’un recours moindre aux mesures d’isolement et de conten?on semble partagée par tous, ceGe enquête a mis en évidence un retour plutôt cri?que du corps médical vis-à-vis de ceGe nouvelle loi, vécue parfois comme « une forme de puni?on », avec un fort sen?ment de « défiance » envers la psychiatrie. (67)
Une autre cri?que souvent évoquée à l’encontre de ce texte est qu’il ne concerne que l’isolement et la conten?on dans les établissements psychiatriques, or ces mesures peuvent également être pra?quées dans d’autres types d’établissements de santé : on citera par exemple les EHPAD dans lesquels les personnes âgées font parfois l’objet de mesures de conten?on (ceintures de conten?on au fauteuil, barrières du lit relevées) (61), mais également les services d’urgences dans lesquels des mesures d’isolement voire de conten?on peuvent être prises et qui ne sont actuellement pas concernés par ces modifica?ons législa?ves. Une des revendica?ons du corps médical est donc la créa?on d’une loi globale, prenant en compte les secteurs autres que la psychiatrie. (64) (66)
Dans son rapport d’ac?vité pour 2020, le CGLPL, qui avait été consulté par le Gouvernement à ce sujet, salue les avancées présentées par la version de 2020 en ma?ère de respect des libertés individuelles.
(68) Dans le rapport de l’année suivante, Dominique Simonnot évoque à nouveau les modifica?ons législa?ves récentes et regreGe les « incer?tudes juridiques » qui touchent un secteur déjà en crise. Elle constate également le mauvais accueil réservé à ceGe nouvelle loi dans les établissements psychiatriques, avec pour principal mo?f de contesta?on la mul?plica?on des formalités administra?ves qu’elle exige. Cependant, elle qualifie ceGe loi de « salutaire ». (43)

Mise en place de ceGe loi à l’hôpital Saint Jacques

Une réflexion globale sur les pra?ques et notamment le recours à l’isolement et la conten?on est en cours au sein du CHU de Nantes depuis plusieurs années déjà. Ainsi en 2019 un groupe de travail comprenant des psychiatres responsables d’unités fermées, les cadres de ces unités, des infirmiers et des psychologues, s’est intéressé à la prise en charge en CSI ainsi qu’aux pra?ques à développer afin de « prévenir et limiter la durée des mesures d’isolement et de conten?on ». Ces réflexions ont conduit à plusieurs ac?ons, dans un objec?f d’améliora?on des pra?ques professionnelles : la restaura?on et l’aménagement des CSI et des chambres sécurisées, la créa?on des « salons fumeurs » au sein des unités fermées, la forma?on du personnel soignant aux stratégies d’apaisement et la réalisa?on d’un travail autour de la créa?on de chambres d’apaisement. Durant l’année 2021, 336 professionnels du PHU 8 (psychiatrie et santé mentale) ont bénéficié d’une forma?on spécifique en lien avec les mesures d’isolement et de conten?on, et les situa?ons de violences et d’agressivité : le programme OMEGA. De plus, une équipe de sûreté intervenant sur l’établissement de 7h à 19h du lundi au samedi a également été créée, afin de renforcer la sécurisa?on des équipes soignantes.
Dès la publica?on du nouvel ar?cle de loi fin 2020, un groupe de travail spécifique a été créé à l’hôpital Saint Jacques afin de réfléchir sur sa mise en applica?on au sein de l’établissement. Ce groupe de travail est régulièrement en lien avec le Centre Hospitalier G. Daumezon, hôpital psychiatrique à Bouguenais, ainsi qu’avec le tribunal judiciaire de Nantes. Plusieurs réunions communes ont été organisées, avec les JLD, pour échanger autour des modifica?ons législa?ves récentes.
En pra?que, sur l’établissement, le renouvellement des prescrip?ons d’isolement se fait toutes les 12 heures via le logiciel de prescrip?on, et toutes les 6 heures pour la conten?on. Ce renouvellement peut se faire à distance lorsqu’il intervient en nuit profonde, en l’absence de signe d’inquiétude ou d’instruc?on par?culière, sous surveillance infirmière.
Par ailleurs il a été décidé que l’informa?on du JLD se ferait systéma?quement à l’aide de cer?ficats médicaux horodatés, qui sont donc rédigés toutes les 24h pour les conten?ons et toutes les 48h pour l’isolement. Un cer?ficat médical ini?al horodaté est également rédigé lors de l’ini?a?on de toute mesure d’isolement ou de conten?on. Lorsque le début des mesures, ou la date limite de renouvellement, interviennent en dehors des heures de présence d’un médecin senior, le cer?ficat médical peut être rédigé de manière an?cipée ou décalé au lendemain ma?n. En cas de prescrip?on d’isolement pour un pa?ent en soins libres, le temps passé en isolement dans l’aGente de la mise en place de la mesure de contrainte n’est pas comptabilisé pour la réalisa?on des cer?ficats. Face à ceGe charge de travail supplémentaire, une ligne de garde de psychiatre a été mise en place depuis septembre 2021 sur l’établissement, le dimanche de 9h00 à 18h00, avec pour objec?f la rédac?on des cer?ficats médicaux.
Le logiciel de prescrip?on actuel du CHU semble peu adapté aux prescrip?ons d’isolement et de conten?ons en psychiatrie. En effet, la durée de prescrip?on automa?que est de 30 heures en l’absence de modifica?on, pour les isolements comme pour les conten?ons, ce qui semble peu adapté aux modifica?ons législa?ves récentes. De plus, lors du renouvellement des prescrip?ons, la nouvelle prescrip?on ne met pas automa?quement fin à la précédente, il peut donc parfois y avoir deux prescrip?ons simultanées d’isolement et/ou de conten?on pour le même pa?ent.

Isolement et contenKon : en praKque

Epidémiologie

EN FRANCE

Dans un premier temps, il semble important de préciser qu’il reste à ce jour très difficile de faire un état des lieux précis de l’u?lisa?on de l’isolement et de la conten?on en psychiatrie. En effet, malgré la tenue d’un registre rendu obligatoire depuis la loi de 2016, il existe très peu de données accessibles, fiables et exhaus?ves concernant l’u?lisa?on de l’isolement et de la conten?on mécanique sur le territoire na?onal. Les chiffres retrouvés dans différentes études et les rapports successifs du CGLPL font état de pra?ques très hétérogènes selon les régions, certains établissements ayant proscrit l’usage des conten?ons mécaniques et d’autres ne possédant aucune chambre d’isolement, bien que ces derniers représentent une minorité.
Le recueil d’informa?ons médicalisées en psychiatrie (RIM-P) permet de décrire l’ac?vité des établissements psychiatriques publics et privés sur le territoire na?onal via un recueil de données qui est effectué par l’Agence technique de l’informa?on sur l’hospitalisa?on (ATIH). Il cons?tue également une source d’informa?ons concernant le recours à l’isolement thérapeu?que qu’il permet de quan?fier. D’après les données du RIM-P en 2016 il y a eu 33 771 meures d’isolement thérapeu?que en France, concernant 29 002 pa?ents soit 9,7 % du nombre total de paKents hospitalisés, pour une durée moyenne de 12 jours. Concernant l’année 2017 il y a eu 34 529 mesures d’isolement thérapeu?que sur le territoire, concernant ceGe fois-ci 29 060 pa?ents soit 9,8 % du nombre total de paKents hospitalisés sur l’année, et pour une durée moyenne de 11,9 jours. Toutefois, ce recueil d’informa?ons comporte de nombreuses limites. En effet il ne prend en compte que les isolements d’une « durée con?nue égale ou supérieure à deux heures » et ne permet pas de dis?nguer les mesures d’isolements effectuées dans un endroit dédié (telle qu’une chambre d’isolement ou une chambre sécurisée par exemple) de celles effectuées dans la chambre habituelle du pa?ent. De plus, il permet de recueillir uniquement les mesures d’isolement qui correspondent au protocole de surveillance de la HAS. On peut donc supposer que les chiffres fournis par ce recueil sous-es?ment le recours à l’isolement, même s’ils permeGent tout de même de donner un ordre d’idées sur la propor?on de son u?lisa?on. (3)
Plusieurs études se sont intéressées à l’épidémiologie des mesures d’isolement et de conten?on. Une de ces études, menée en 2003 sur 189 services psychiatriques, a montré que 91,1 % des services étudiés possédaient au moins une chambre d’isolement. (4) Une autre étude datant de 2009 et portant sur l’u?lisa?on de la chambre d’isolement dans un centre hospitalier psychiatrique en Alsace a relevé une incidence de 5 % : ce chiffre signifie que 5% des pa?ents qui ont été hospitalisés durant la période d’étude ont fait l’objet d’une mesure d’isolement. (5)
Une étude menée en 2014 s’est intéressée à l’u?lisa?on de l’isolement et de la conten?on dans un service d’urgences psychiatriques au CHU de Saint E?enne. CeGe étude a mis en évidence un taux d’isolement de 25 % parmi l’ensemble des pa?ents hospitalisés dans le service en ques?on sur une année. Ce taux aGeint 89 % parmi les pa?ents hospitalisés sous contrainte (SPDT ou SPDRE). Concernant la conten?on, le taux d’u?lisa?on sur l’ensemble des pa?ents est de 15 %, et représente 53 % des pa?ents admis sous contrainte. (7)
Plus récemment, une étude datant de 2018 et menée par la Fédéra?on de Recherche en Psychiatrie et Santé Mentale d’Occitanie (FERREPSY) sur 13 établissements psychiatriques a retrouvé une incidence moyenne des mesures de conten?on de 2,5 % parmi les admissions réalisées, avec un taux bien plus élevé dans les services d’urgences compara?vement aux autres unités étudiées (6,9% contre 1,7%). (6)
Malgré de grandes disparités, la plupart des ar?cles sur le sujet rendent compte d’une augmentaKon de l’u?lisa?on de l’isolement et de la conten?on depuis le début des années 2000. (8)(9) C’est également le constat que fait Adeline Hazan (alors CGLPL) dans un ar?cle datant de 2016 (10).
CeGe augmenta?on du recours aux moyens de contrainte est à meGre en parallèle avec l’augmenta?on ces dernières années des faits de violence à l’hôpital (11). L’observatoire na?onal des violences en milieu de santé (ONVS), qui recense les aGeintes aux personnes et aux biens, constate dans son rapport de 2020 que 18 % des faits signalés, dont 19,4% des aGeintes aux personnes, concernent des services de psychiatrie. Ce pourcentage correspond à 4371 signalements, dont 4137 signalements d’aGeinte aux personnes, chiffre en légère augmenta?on. Ce sont les membres du personnel soignant qui sont vic?mes des violences signalées dans plus de 80 % des cas. La psychiatrie est le premier service à faire face à des événements violents d’après ce rapport, viennent ensuite les urgences (recensant 16% des faits de violence) puis les USLD/ EHPAD (13% des signalements de violence).

A L’ÉTRANGER

L’u?lisa?on de l’isolement et de la conten?on est également très hétérogène entre les différents pays. Une revue de la liGérature datant de 2009 a recueilli des données concernant le recours à l’isolement et à la conten?on dans 12 pays différents. On constate que les taux d’u?lisa?on ainsi que les durées moyennes des mesures varient considérablement d’un pays à l’autre. Par exemple, l’u?lisa?on des moyens de contrainte (isolement et conten?on) en Australie concerne 35,6 % des admissions en unité psychiatrique pour une durée moyenne de 4,5 heures. En Angleterre, on constate que l’isolement n’est quasiment jamais u?lisé. La conten?on mécanique étant proscrite, ce sont des mesures de conten?on physique qui sont u?lisées et pour une durée moyenne de 20min. Les durées moyennes les plus importantes concerne les Pays-Bas : l’isolement, qui concerne 11,6 % des admissions, a une durée moyenne de 294 heures et la conten?on mécanique, beaucoup plus rare puisqu’elle concerne 1,2 % des admissions, a une durée moyenne de 1182 heures. (12) Une étude rétrospec?ve menée sur deux ans dans un hôpital psychiatrique au Canada et publiée en 2011 a montré que sur les 2721 pa?ents hospitalisés durant ceGe période, 632 soit 23,2% ont fait l’objet d’une mesure d’isolement et 476 pa?ents soit 17,5% d’une mesure de conten?on. (13) En Islande, pays qui ne possède que 10 services de psychiatrie répar?s sur deux sites différents, les moyens de contrainte tels que l’isolement ou la conten?on ne sont quasiment jamais u?lisés, et ce depuis plusieurs siècles. (14)

Facteurs de risque de recours à l’isolement et à la conten?on

FACTEURS RELATIFS AU PATIENT

Plusieurs facteurs de risque de recours à l’isolement et à la conten?on ont été iden?fiés dans la liGérature et certains concernent le pa?ent lui-même. Nous pouvons citer par exemple un âge jeune (entre 20 et 35 ans) et le genre masculin. (15) Le fait d’être hospitalisé sous contrainte augmente également le risque de faire l’objet d’une mesure d’isolement et/ou de conten?on, sans qu’une réelle différence entre chaque mode d’hospitalisa?on ait pu être mise en évidence. (16)
La présence d’antécédents psychiatriques et d’antécédents de comportement violent sont aussi des facteurs associés à une plus grande u?lisa?on de l’isolement et de la conten?on. D’autres facteurs de risque sont davantage en lien avec la pathologie psychiatrique : un diagnos?c de schizophrénie semble être un facteur de risque majeur, de même qu’un diagnos?c de trouble bipolaire, la présence d’un trouble de la personnalité, ainsi qu’un trouble lié à l’usage de substances. (17) (16)

FACTEURS RELATIFS AUX SOIGNANTS

D’autres facteurs de risque de recours à l’isolement et à la conten?on sont davantage liés à l’équipe soignante : nous pouvons par exemple citer la présence d’un soignant masculin dans l’équipe. (15) Par ailleurs, une équipe soignante exprimant plus facilement la colère et l’agressivité aura davantage recours à ces pra?ques. C’est également le cas lorsque la fréquence des agressions physiques envers les soignants est plus importante. On note toutefois que la percep?on par l’équipe d’un niveau de sécurité suffisant aura tendance à réduire ceGe u?lisa?on. (17) Le manque de personnel, entraînant une majora?on du sen?ment d’insécurité chez les soignants, est également un facteur de risque de recours à l’isolement et à la conten?on.
Enfin, de nombreux auteurs meGent en avant la forma?on insuffisante des équipes infirmières depuis la fin de la forma?on spécifique d’infirmier en psychiatrie datant de 1992. Ce manque de forma?on entraînerait un plus grand recours aux moyens de contrainte que sont l’isolement et la conten?on. (18)

FACTEURS EN LIEN AVEC L’ENVIRONNEMENT

Enfin, des facteurs de risque liés à l’environnement ont également été iden?fiés. Une étude menée
entre 2013 et 2014 en Angleterre, a montré que la présence d’une chambre d’isolement dans un service renforçait son u?lisa?on, et renforçait également son acceptabilité par l’équipe soignante. En revanche, dans les services ne possédant pas directement de chambre d’isolement, on constate que l’équipe soignante tolère un risque de violence plus élevé avant de recourir à des mesures de contrainte et notamment à la conten?on. (19)
D’autres études ont montré que la mul?plica?on des priva?ons de libertés, notamment dans les services fermés, conduisait à une plus grande u?lisa?on de l’isolement et de la conten?on en augmentant le risque d’agressivité de la part du pa?ent. La surpopula?on d’une unité et l’appel aux renforts via des alarmes de sécurité lors des moments de tension sont également des facteurs qui induisent une augmenta?on du recours à ces mesures. (18) (20)

L’isolement et la conten?on : des pra?ques controversées

ARGUMENTS EN FAVEUR DU RECOURS À L’ISOLEMENT ET À LA CONTENTION

Le rôle « thérapeu?que » de l’isolement et de la conten?on mécanique est souvent avancé par une
par?e des soignants y ayant recours. C’est le rôle de contenance assuré par les murs de la chambre d’isolement et/ou les conten?ons mécaniques qui est alors le plus fréquemment évoqué. Dans ce cas, l’isolement est u?lisé pour apaiser et « rassembler » un pa?ent présentant des angoisses de morcellement, des symptômes de désorganisa?on majeurs ou un envahissement psychique. (21) Parfois, les pa?ents eux-mêmes peuvent demander à être admis en chambre d’isolement pour contenir des angoisses trop envahissantes. (22) (23) Dans son autobiographie, Temple Grandin, aGeinte d’au?sme, témoigne de son expérience personnelle en ce qui concerne la conten?on mécanique, qu’elle a expérimenté elle-même via les « trappes à conten?on » du bétail. Elle décrit un effet « s?mulant et décontractant » de ces trappes de conten?on. (24)
Un autre mo?f fréquemment évoqué lors du recours à ces moyens de contrainte est la préven?on d’un danger, pour le pa?ent lui-même ou pour les autres. Une revue de la liGérature datant de 1994 conclue à une efficacité de l’isolement et de la conten?on par?culièrement dans les cas d’agita?on et pour prévenir les risques hétéroagressifs. Les auteurs rajoutent que dans le cas de pa?ents présentant une symptomatologie sévère, il était quasiment impossible de faire sans une certaine forme d’isolement et de conten?on (mécanique ou physique). (25)

UNE EFFICACITÉ THÉRAPEUTIQUE CONTESTÉE

Il n’existe pas à ce jour de travaux scien?fiques meGant en évidence, avec un niveau de preuve suffisant, une quelconque efficacité thérapeu?que du recours à l’isolement et à la conten?on mécanique en psychiatrie. (18) (79) Les études sur le sujet sont rares, comportent de nombreux biais et portent la plupart du temps sur de faibles effec?fs.
Une revue de la liGérature datant de 2006 et portant sur 35 études menées entre 1985 et 2002 conclut qu’il y a peu, voire pas, de preuve concernant la sécurité et l’efficacité sur le court terme du recours à l’isolement et à la conten?on, lorsque ces derniers sont u?lisés pour gérer des états d’agita?on et des comportements violents. (26)
Une revue de la liGérature norvégienne datant de 2015 et portant sur des publica?ons na?onales et interna?onales entre 1930 et 2013 pointe à son tour l’absence d’études récentes démontrant l’efficacité thérapeu?que des pra?ques d’isolement, alors que son u?lisa?on est très largement répandue. (27)
De plus, parmi les pa?ents ayant fait l’objet d’une mesure de conten?on très peu en perçoivent le bénéfice thérapeu?que, et certains perçoivent même une aggrava?on de leur état de santé du fait de ceGe mesure. (23) (28)
Dans son rapport datant de 2012, le CPT rappelle qu’il « n’y a pas de preuve scien?fique d’un bénéfice thérapeu?que quelconque découlant du recours à la conten?on ». (29) En 2017, ce comité publie un document regroupant des recommanda?ons rela?ves à l’u?lisa?on des moyens de conten?on. Dans ce document, la conten?on est définie comme « une mesure de sécurité » et il est précisé qu’y « recourir à des fins thérapeu?ques ne peut se jus?fier ». (30) L’absence d’étude scien?fique démontrant l’intérêt thérapeu?que de l’isolement et des conten?ons mécaniques est également pointée par le CGLPL dans un ar?cle datant de 2016 (10).

UN RISQUE D’EFFETS INDÉSIRABLES CONSÉQUENT

Le recours aux mesures de contraintes que sont l’isolement et la conten?on n’est pas sans risque, que ce soit pour le pa?ent lui-même mais également pour les soignants qui meGent en œuvre de telles mesures. Certains es?ment d’ailleurs que 3% des arrêts de travail concernant l’équipe soignante sont directement en lien avec ces pra?ques (18).
• Un risque de rupture thérapeuKque :
Si certains pointent la surveillance infirmière rapprochée permise par la prise en charge en isolement, qui serait bénéfique pour le pa?ent, d’autres justement meGent en avant le risque de rupture thérapeu?que induit par le recours à des mesures de contrainte. La préven?on du risque de rupture thérapeu?que est pourtant l’une des cinq indica?ons de la mise en isolement iden?fiée par l’ANAES en 1998 (31). Bien souvent, les pa?ents hospitalisés en psychiatrie, et notamment ceux qui ne consentent pas à ceGe hospitalisa?on, présentent un déni de leur pathologie. La recherche d’une alliance thérapeu?que est donc primordiale dans la prise en charge de ces pa?ents, et ceGe alliance thérapeu?que peut être mise à mal par le recours à des mesures de contrainte.
• Des conséquences psychiques négaKves :
De nombreux travaux meGent en évidence les conséquences psychologiques délétères de l’u?lisa?on de la conten?on sur le personnel soignant, et notamment l’équipe infirmière. On retrouve la plupart du temps de l’anxiété, un sen?ment de colère et parfois même une résurgence de symptômes en lien avec un trauma?sme antérieur. (32) (33)
Chez les pa?ents faisant l’objet d’une mesure de conten?on, il existe également un risque de résurgence de symptômes en lien avec un trauma?sme passé. Le caractère trauma?que de la mesure en elle-même a également été mis en évidence, avec la plupart du temps des sen?ments de colère, de peur, d’humilia?on et d’impuissance chez les pa?ents qui en font l’objet. (32) (33) (34)
La conten?on mécanique mais également l’isolement peuvent entraîner des états confusionnels chez le pa?ent. (35) (36)
De plus, l’isolement et a for?ori la conten?on entraîne un sevrage brutal chez les pa?ents ayant une consomma?on de tabac ou d’autres toxiques. Les risques associés à ce sevrage sont donc à prendre en compte lors de l’ini?a?on de ces mesures.
• Un risque de blessures physiques :
La majorité des blessures physiques consécu?ves aux mesures de contraintes concernent principalement les mesures de conten?ons. Une revue de la liGérature datant de 2013 rappelle les risques de blessures physiques pour les soignants meGant en œuvre des mesures de conten?on, et par?culièrement les blessures musculo-squele•ques. (33)
L’immobilisa?on induite par les conten?ons mécaniques chez les pa?ents présente de nombreux risques physiques. Tout d’abord, nous pouvons citer les risques cutanés tels que l’abrasion, les contusions ou les lacéra?ons, les plaies pouvant être provoquées par les sangles, allant jusqu’aux escarres dans le cas d’immobilisa?on prolongée. Il existe également un surrisque de fracture associé à la conten?on. (37)
Une majora?on du risque thromboembolique est retrouvée dans de nombreuses études. En effet, l’immobilisa?on prolongée augmente le risque de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire, pouvant mener au décès du pa?ent. Ce risque est majoré par l’u?lisa?on des traitements an?psycho?ques de seconde généra?on ainsi que certains an?dépresseurs, fréquemment prescrit en psychiatrie, qui sont eux-mêmes des facteurs de risque d’événements thromboembolique. (38) Ce risque semble exister même lorsque les pa?ents bénéficient d’un traitement an?coagulant préven?f, comme préconisé par les recommanda?ons de la HAS datant de 2017. (37)
Il existe également une augmenta?on du risque de chute chez les pa?ents contenus sur de longues périodes, du fait d’une désadapta?on psychomotrice induite par les conten?ons. L’immobilisa?on et la posi?on allongée peuvent également majorer le risque de cons?pa?on.

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Table des matières

 IntroducKon
Première parKe : isolement et contenKon, éléments de contexte
I. DéfiniKons
1. Isolement en psychiatrie
2. Conten?on mécanique en psychiatrie
II. Historique et évoluKon du cadre légal
1. De l’An?quité jusqu’au 19ème siècle
2. Loi du 30 juin 1838
3. Loi du 27 juin 1990
4. Créa?on de l’ar?cle L-3222-5-1 du CSP
A) Contexte
B) Ar?cle L-3222-5-1 du CSP – version 2016
5. Loi de décembre 2020
6. Législa?on en vigueur depuis janvier 2022
7. Accueil de ce nouveau cadre légal
8. Mise en place de ceGe loi à l’hôpital Saint Jacques
III. Isolement et contenKon : en praKque
1. Epidémiologie
A) En France
B) A l’étranger
2. Facteurs de risque de recours à l’isolement et à la conten?on
A) Facteurs rela?fs au pa?ent
B) Facteurs rela?fs aux soignants
C) Facteurs en lien avec l’environnement
3. L’isolement et la conten?on : des pra?ques controversées
A) Arguments en faveur du recours à l’isolement et à la conten?on
B) Une efficacité thérapeu?que contestée
C) Un risque d’effets indésirables conséquent
D) Le vécu des pa?ents et des soignants
4. Situa?on par?culière : l’isolement et la conten?on des mineurs
Deuxième parKe : Analyse des praKques des psychiatres de l’hôpital Saint Jacques
I. IntroducKon de l’étude
1. Présenta?on de l’hôpital Saint Jacques
2. Isolement et conten?on à l’hôpital Saint Jacques
A) Les chambres de soins intensifs
B) Les chambres sécurisées
C) Le matériel de conten?on
II. ObjecKfs de l’étude
III. Matériel et méthode
1. Critères d’inclusion et d’exclusion
2. Descrip?on du ques?onnaire
3. Diffusion du ques?onnaire
IV. Résultats de l’étude
1. Descrip?on de la popula?on
2. Pra?que générale
3. Vécu des psychiatres et internes en psychiatrie
4. Législa?on
5. Alterna?ves et ou?ls
A) Isolement
B) Conten?on
C) Ou?ls spécifiques
V. Discussion de l’étude
VI. Conclusion de l’étude
Troisième parKe : Analyse des registres
I. IntroducKon de l’étude
II. ObjecKfs de l’étude
III. Matériel et méthode
1. Recueil des données
2. Descrip?on des registres
3. Critères d’inclusion et d’exclusion
4. Analyses sta?s?ques
IV. Résultats
1. Ac?vité globale
2. Isolement
3. Conten?on
V. Discussion de l’étude
VI. Conclusion
Quatrième parKe : Réflexion globale sur l’isolement et la contenKon
A) Moindre recours : quelques exemples
B) Réflexions autour du changement législa?f
C) Vers une suppression de la conten?on ?
Conclusion
Bibliographie

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