Analyse des positions maternelles et de leurs conséquences sur la mécanique obstétricale
La femme enceinte peut adopter de nombreuses postures afin de tantôt se reposer, tantôt soulager la douleur des contractions utérines ou encore favoriser la dilatation du col par l’appui de la présentation fœtale ou l’engagement dans le bassin. Ces positions peuvent se diviser en deux grandes catégories : les postures horizontales et les postures verticales (5 ; 6). Cette classification se définit par l’angle d’inclinaison que la ligne reliant les 3ème et 5ème vertèbres lombaires réalise par rapport à l’horizontal. Si cet angle est inférieur à 45°, il s’agit d’une position horizontale alors que s’il est supérieur à 45°, c’est une position verticale.
Les postures horizontales
Parmi les positions horizontales, nous détaillerons plusieurs variantes de la position en décubitus dorsal à savoir la position allongée sur le dos.
Description
Comme dit précédemment, la position la plus adoptée par les femmes est la position dite gynécologique ou position de lithotomie. Cette posture est un décubitus dorsal avec les cuisses en abduction et fléchies vers le bassin et les jambes fléchies sur les cuisses. Afin d’avoir une hyper-flexion des jambes, l’utilisation d’une barre d’accouchement ou d’étriers est souvent nécessaire.
Lors des accouchements, une posture de plus en plus utilisée en France, est la position en décubitus latéral gauche ou droit. Pour ce type de position, la patiente est couchée sur le côté, une jambe est fléchie, bien souvent la jambe supérieure et l’autre jambe est en extension. Cette posture, bien que peu utilisée en France jusqu’à récemment est utilisée en Angleterre depuis plusieurs siècles.
Nous pouvons également noter que la position déclive est exceptionnellement adoptée lors des accouchements. Pour toutes les positions horizontales, le poids du corps de la patiente repose essentiellement sur le dos (4 ; 13).
Conséquences sur la mécanique obstétricale
La position en décubitus dorsal et la position gynécologique sont des postures souvent favorisées par les parturientes pour se reposer durant le travail et par les professionnels de santé pour les examens qui sont plus faciles. Cependant, elles ont tendance à accentuer la courbure sacrée, ce qui empêche le mouvement de nutation. D’autre part, en position gynécologique notamment, l’axe de poussée utérine et l’axe de descente du mobile fœtal ne sont pas vraiment concordant, ce qui dirige le fœtus vers l’avant. La mobilité du bassin est également réduite par le fait que le poids de la patiente repose sur son dos et en partie sur le sacrum. En outre, ces postures, bien que reposantes, favorisent la compression des gros vaisseaux (aorte et artère cave) et donc le syndrome cave. Afin de libérer le sacrum, il est possible de mettre la parturiente en décubitus latéral. Cette position présente, par ailleurs, plusieurs avantages. En effet, en plus d’être une position reposante, elle favorise une respiration abdominale automatique très utile pour oxygéner l’utérus et le fœtus. Le bassin de la parturiente est libre et nous pouvons positionner ses jambes soit en flexion soit en extension pour favoriser l’engagement ou bien l’expulsion selon le moment de l’accouchement. De même, l’orientation des fémurs en interne ou en externe permet une meilleure descente du fœtus dans le bassin. D’autre part, cette posture permet aux forces des contractions d’agir dans le bon sens et ainsi de favoriser l’engagement. Au moment de l’accouchement, elle a également tendance à protéger le périnée postérieur.
Les postures verticales
Les postures verticales sont les plus nombreuses et peuvent être adoptées durant le travail comme l’accouchement. Nous en distinguons plus précisément quatre : les positions « debout », les positions assises, les positions accroupies et les positions à genoux ou à quatre pattes. Pour chaque posture, il existe également des variantes avec souvent l’utilisation d’accessoires.
Description
En position debout, l’appui est essentiellement pédestre. Beaucoup utilisée en début de travail, la déambulation est très intéressante pour favoriser la dilatation cervicale, la gravité y étant maximale. Des variantes de cette position consistent à ajouter une suspension ou bien un appui pour permettre éventuellement des mouvements du bassin qui est alors totalement libre.
Les positions assises sont caractérisées par leur appui fessier. La patiente peut également fléchir les genoux dans cette posture. Dans tous les cas, le dos de la parturiente est à la verticale. Une galette ou bien un ballon peut aussi être placée sous ses fesses afin de gagner en mobilité du bassin.
Dans la position accroupie, la patiente a le dos bien à la verticale et le poids du corps est supporté par les pieds. Il n’y a aucun appui au niveau des fesses, ce qui favorise la mobilité du bassin. Cette posture est souvent associée à la suspension afin de pouvoir être maintenue.
Enfin, en position à genoux, la répartition du poids de la patiente varie en fonction de l’appui des mains. D’autre part, cette posture permet de varier la rotation des fémurs en interne ou en externe, ce qui peut favoriser soit l’engagement soit l’expulsion. Afin de réduire le poids au niveau des poignets notamment dans la position à quatre pattes, nous pouvons placer un coussin sur les jambes de la patiente sur lequel elle pourra s’asseoir.
Conséquences sur la mécanique obstétricale
Les positions verticales présentent de nombreux avantages. Elles dynamisent l’utérus et favorisent la gravité et donc la descente du fœtus. Il existe une synergie entre la pesanteur et la force des contractions utérines. Elles sont peut-être moins fréquentes mais sont intensifiées, mieux coordonnées et donc plus efficaces, ce qui facilite le travail, le rendant plus efficace et plus rapide (4). D’autre part, elles ont un effet variable sur les dimensions du bassin. Ainsi, la position accroupie est celle qui facilite le plus la nutation sacrée. Nous retrouvons globalement les mêmes effets posturaux pour les positions à genoux ou à quatre pattes. En revanche, la position assise limite ce mouvement. Les positions verticales notamment les positions accroupies, debout ou à genoux et à quatre pattes présentent également l’avantage de n’impliquer aucun appui postérieur. Le bassin est donc totalement libre et facilite l’engagement ou l’expulsion selon le stade du travail et de l’accouchement proprement dit. Cependant, il nous faut noter que ces postures augmentent la pression exercée sur le périnée, ce qui peut être trop fatiguant et/ou trop douloureux pour certaines femmes, notamment pour les parturientes ayant un périnée fragile .
Ce qu’il faut retenir de cette analyse
Finalement, les différentes étapes de l’accouchement ne nécessitent pas nécessairement les mêmes positions. C’est la mobilisation de la parturiente qui présente un véritable intérêt pour le bon avancement du travail. Nous pouvons jouer sur plusieurs éléments : la dynamique utérine, la douleur maternelle, l’adaptation de la tête fœtale au bassin maternel. Ainsi, pour la dilatation cervicale, il faudrait encourager la déambulation et la verticalisation. Les balancements et les bercements apportent également un élément supplémentaire favorable à la dilatation. Au moment de l’engagement, il convient d’optimiser les dimensions du détroit supérieur en provoquant une nutation sacrée et une rotation externe des fémurs ainsi qu’en évitant une hyperlordose. Une posture d’engagement largement utilisée est le décubitus latéral asymétrique. La jambe supérieure est en hyper flexion, la cheville légèrement abaissée par rapport au reste de la jambe afin d’obtenir une rotation externe du fémur. L’autre jambe est en extension. La descente fœtale dans le bassin maternel peut être obtenue par plusieurs postures. Par exemple, si une patiente souhaite être assise, nous pouvons placer une barre devant elle afin qu’elle puisse se pencher en avant et agrandir le diamètre bi épineux ou encore si elle souhaite rester en décubitus latéral, nous pouvons conserver la posture en décubitus latéral asymétrique en modifiant la rotation de la cuisse vers l’intérieur et non plus vers l’extérieur comme lors de l’engagement. Enfin pour le dégagement, la position idéale est le quatre pattes. En effet, le bassin est totalement libre ce qui permet la nutation et la contre-nutation au moment de l’accouchement. De plus, cette posture permet un dégagement très rapide. Cependant, cette posture n’est que très peu utilisée en France car considérée comme trop proche de la parturition animale, trop primitive. En position gynécologique, posture classique d’accouchement dans les hôpitaux, le fœtus s’engage en oblique et commence sa descente dans le même axe mais il est obligé de tourner pour franchir les épines sciatiques, de défléchir sa présentation pour remonter sous la symphyse pubienne. Enfin les épaules restent dans l’axe d’engagement. Ce trajet complexe rend peu directe la poussée en provenance du fond utérin transmise à la tête fœtale à partir du sacrum. Il existe donc une succession d’angulations qui diminuent l’efficacité de cette propulsion. Ainsi, il est indispensable d’aménager les postures comme le préconise le Dr. Bernadette de Gasquet (17) ou de proposer d’autres postures plus favorables au dégagement (13; 14). Le changement de positions au cours du travail permet ainsi d’améliorer le confort de la patiente en diminuant les douleurs, en diminuant également la durée du travail à tous les stades et l’utilisation d’oxytociques. Ces changements favorisent également les accouchements par les voies naturelles en diminuant le nombre de césariennes et préservent le périnée des lésions de grade III et IV (9). En fin de compte, la décision finale à condition qu’elle soit éclairée devrait revenir à la patiente, ce que souligne, par ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé : « Les femmes devraient être libres de choisir, et encouragées à le faire, la position qu’elles préfèrent pour l’accouchement. Elles changeront souvent de position car aucune d’elles n’est confortable pendant longtemps » (18). Nous venons donc de voir que c’est la mobilisation de la patiente qui favorise le bon avancement du travail mais un autre élément très important doit être pris en compte : la respiration.
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Table des matières
Introduction
1. Problématique et méthodologie
1.1. Problématique
1.2. Méthodologie
2. Rappels anatomiques et mécanique obstétricale
2.1. Le bassin osseux
2.2. Les articulations et mouvements
2.2.1. Les mouvements intrinsèques
2.2.2. Les mouvements extrinsèques
2.3. Les tissus mous
2.4. Les différentes étapes de l’accouchement
3. Analyse des positions maternelles et leurs conséquences sur la mécanique obstétricale
3.1. Les postures horizontales
3.1.1. Description
3.1.2. Conséquences sur la mécanique obstétricale
3.2. Les postures verticales
3.2.1. Description
3.2.2. Conséquences sur la mécanique obstétricale
3.3. Ce qu’il faut retenir de cette analyse
3.4. Et la respiration dans tout cela
4. Historique des accouchements de la Préhistoire à nos jours
4.1. L’accouchement à la Préhistoire
4.2. L’accouchement durant l’Antiquité
4.2.1. Accoucher dans l’Egypte Ancienne
4.2.2. Accoucher chez les Hébreux
4.2.3. Accoucher dans la Grèce Antique
4.2.4. Accoucher dans la Rome Antique
4.3. L’accouchement au Moyen Age
4.3.1. Les connaissances obstétricales
4.3.2. Le déroulement de l’accouchement
4.3.3. La formation des sages-femmes de l’époque et leurs rôles
4.4. L’accouchement à la Renaissance
4.4.1. Les connaissances obstétricales de l’époque
4.4.2. Le déroulement de l’accouchement
4.5. L’accouchement au XVIIe siècle
4.5.1. Le vécu de la grossesse et de l’accouchement
4.5.2. L’accouchement durant l’Ancien Régime
4.5.3. La naissance de la rivalité entre chirurgiens et sages-femmes
4.5.4. L’influence des chirurgiens dans la posture d’accouchement
4.6. L’accouchement au XVIIIe siècle
4.6.1. La posture d’accouchement
4.6.2. L’apogée de la rivalité entre chirurgiens et sages-femmes ou la naissance de la formation en maïeutique
4.7. L’accouchement au XIXe siècle
4.7.1. La maternité au XIXe siècle
4.7.2. Aménagement de la profession de sage-femme
4.7.3. L’accouchement à l’hôpital et la lutte contre la fièvre puerpérale
4.7.4. Les prémices de la maîtrise du mal joli
4.8. Accoucher au XXe siècle
4.8.1. L’explosion technologique et la prise en charge de la douleur
4.8.2. Le triomphe des médecins
4.9. L’accouchement au cours du XXIe siècle
4.9.1. Les revendications des femmes
4.9.2. Accoucher autrement
5. Discussion
5.1. Critique méthodologique
5.2. Les apports de la science
5.3. La notion de risque en obstétrique
5.4. Sécurité ou humanité ? Telle est la question
Conclusion