Contraintes de la filière Gomme arabique
Au Burkina Faso, la filière Gomme arabique souffre d’une faible maîtrise des techniques de production, des prix peu rémunérateurs, d’un manque d’organisation efficace. Au niveau de la production, les principales difficultés selon le MEDD (2010) sont:
– la dégradation de la ressource terre, sous diverses pressions anthropiques (défriches, coupe abusive, surpâturage, feux…), les intempéries (déficit pluviométriques, tornades) et les mauvaises pratiques d’exploitation ;
– le manque d’organisation des acteurs qui ne leur permet pas d’assurer l’entretien et la protection des peuplements ;
– la faible organisation des acteurs n’entraînant pas une production groupée en quantité et en qualité, condition susceptible de les aider à négocier des prix rémunérateurs avec les exportateurs ;
– la production commercialisable qui est encore récente, comparativement aux pays voisins concurrents comme le Niger, le Mali ou le Sénégal et le Soudan où s’est développée une véritable filière gomme arabique depuis des années ;
– la jeunesse de la filière entraînant le manque de structures organisationnelles efficaces à l’instar du coton, avec un pouvoir de négociation ;
– la pénibilité du travail de récolte de la gomme exigeant de nombreuses formations sur les techniques de récolte, de conservation, de tri, de la pratique des saignées sur les arbustes que les organisations à la base n’ont pas le plus souvent.
Au niveau de la collecte, les difficultés rencontrées selon le MEDD (2010) sont :
– le bas prix de vente qui ne permet pas de payer la gomme aux producteurs à des prix encourageants (incitatifs) ;
– les faibles quantités de gomme récoltées ;
– l’insuffisance des équipements de transport et des infrastructures de stockage de la gomme ;
– la faiblesse ou même l’absence d’organisations des collecteurs ;
– le non-accès aux crédits au moment des récoltes (crédits de campagne).
Au niveau de la commercialisation, les difficultés selon le MEDD (2010) sont :
– le manque de moyens financiers : pas assez de liquidité pour pouvoir stocker en grande quantité et augmenter ainsi le profit ;
– le problème d’accès aux crédits : lenteur au niveau des banques pour l’octroi des crédits ;
– le manque de moyens de transport/ déplacement pour l’approvisionnement ;
– la faible maîtrise du marché/prix à l’exportation ;
– l’insuffisance de la qualité et de la quantité de la gomme.
Dans ces conditions, la gomme arabique peut-elle être économiquement et financièrement rentable ? Autrement dit, quelles peuvent être ses performances économiques et financières ? Cette question centrale est sous-tendue par trois questions secondaires à savoir :
– comment les acteurs de la filière sont-ils organisés ?
– quels revenus la gomme arabique procure-t-elle aux acteurs de sa filière ?
– ces revenus attestent-ils de la rentabilité économique et financière de la gomme arabique ?
ACTEURS DE LA GOMME ARABIQUE
Les résultats indiquent que la gomme arabique dans le Sahel est constituée d’acteurs directs (producteurs, des collecteurs et des exportateurs), et d’acteurs indirects (le MEEVCC par l’APFNL, le PCESA, la FAO, les institutions de micro-finance). Les producteurs de la gomme arabique sont ceux ou celles qui assurent sa cueillette. La majeure partie des personnes qui font la cueillette est formée des femmes. Cela s’explique par le fait que les femmes sont plus actives dans la cueillette de la gomme que les hommes, et la cueillette de la gomme par les femmes se fait en même que la recherche du bois de chauffe. Ces résultats sont similaires à ceux de KROMA (2012), qui a montré également que dans le maillon de la production de la filière gomme arabique, les femmes participent fortement et activement à la production et que le maillon de la collecte est assuré par les hommes. Nos résultats indiquent que l’âge moyen des producteurs est de 41 ans avec des extrêmes de 15 ans et de 66 ans, l’âge moyen des collecteurs est de 47 ans avec des extrêmes de 28 ans et 65ans. Ces âges moyens nous permettent de dire que les enquêtés sont relativement expérimentés, étant donné que les activités de la production commencent à 15 ans et la collecte à 28 ans. Par ailleurs, les résultats de l’étude indiquent que grâce à l’appui des acteurs indirects, les producteurs et les collecteurs se sont organisés en groupements et en Unions Provinciales des producteurs de gomme arabique. Ces organisations ont permis à leurs membres de bénéficier des formations sur la technique de cueillette, de collecte et de tri de la gomme, du don de matériel, la construction des magasins de stockage et l’octroi de crédit du côté des collecteurs principaux . Ces formations leur ont permis d’améliorer la qualité de la gomme et les prix. A ce niveau, GAUTIER et al. (2009) a montré que les prix obtenus par les organisations paysannes sont plus élevés : 300 à 400FCFA en moyenne le kg contre 200 FCFA le kg dans le meilleur cas pour les cueilleurs qui vendent auprès de collecteurs. Le ministère de l’environnement et du cadre de vie (MECV, 2012) indique qu’en 2010, le prix d’achat de la gomme au producteur était de 350 FCFA, au collecteur primaire de 450 FCFA, et de 600 FCFA au collecteur principal par l’exportateur. Le prix d’achat actuel de la gomme au producteur varie entre 400 à 500 FCFA. Il est de 500 à 650 FCFA au collecteur primaire et de 1000 à 1100 FCFA au collecteur principal. L’efficacité de ces organisations varie d’une Province à l’autre. Cela s’explique par la non-maîtrise du marché par certaines Provinces. Ainsi, l’Union de Yagha n’a pas pu écouler sa gomme collectée en 2016. Souvent, la quantité de gomme collectée est faible et ne facilite pas l’exportation de la gomme. Cette situation a poussé beaucoup d’exportateurs à abandonner l’exportation de la gomme arabique durant ces trois dernières années. Cette insuffisance de quantité peut s’expliquer par la faiblesse du prix d’achat aux producteurs, la dégradation des peuplements, de leur mode de gestion, du faible niveau d’analphabétisme des acteurs et surtout de l’installation des sites d’orpaillage dans la Région. Ces sites d’orpaillage poussent les jeunes à abandonner la cueillette de la gomme arabique au profit de l’orpaillage qui, selon eux, est plus rentable que la filière gomme. Egalement, les prix pratiqués au niveau des transactions avec les pays voisins (Niger) sont plus rémunérateurque ceux pratiqués par les exportateurs nationaux, d’où un forte influence de ce facteur sur l’organisation de la filière et sur la quantité demandé par nos exportateurs. ABOUDRAMANE (2010) a expliqué cette insuffisance de quantité par l’absence d’organisation de la collecte. Dans ces conditions, il est difficile de constituer des stocks minimum pour intéresser le marché extérieur.
RENTABILITES ECONOMIQUE ET FINANCIERE
Les résultats des rentabilités économique et financière indiquent que chaque producteur de gomme arabique a engrangé un revenu net de 83 044 FCFA. Cela témoigne d’un allègement des couts de productions. En effet, la gomme arabique étant un PFNL, sa cueillette ne nécessite pas beaucoup d’investissements. La Chambre régionale de l’agriculture du Sahel (2009) a indiqué également que la production de la gomme arabique ne fait pas encore l’objet de gros investissements. Ainsi, en dehors de quelques petits équipements rudimentaires (sac, bidon pour l’eau de boisson, gaule, saignette, plats, etc.) il n’y a pas d’intrants utilisés. A proprement parler, il s’agit plus de cueilleurs/cueilleuses que de producteurs/productrices, car la gomme est cueillie au niveau des arbres qui exsudent naturellement, sans saignée. Pour ce qui concerne les collecteurs, les résultats indiquent que le collecteur primaire a un revenu net de 62 237 FCFA. Le revenu de cet agent est inférieur à celui du producteur. Cela s’explique par l’alourdissement des coûts liés à la collecte par rapport aux recettes. D’ailleurs, le prix d’achat proposé par le collecteur principal est faible. En plus, très souvent, la gomme est transportée à vélo ou par location de charrette, ce qui limite la capacité de livraison de gomme arabique, et influence le profit car les coûts de collectes étant élevés. Le collecteur principal a un gain net de 4 329 750 F CFA et l’exportateur un revenu net de 84 930 000 F CFA. Les revenus de ces deux acteurs sont nettement plus élevés que ceux des producteurs et des collecteurs primaires. Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que les exportateurs et les collecteurs principal sont plus instruits par rapport aux deux autres. Ils ont un pouvoir de négociation du prix de vente et une maitrise du marché de la gomme. Ces deux agents amélioraient leurs revenus s’ils parvenaient à réduire leurs consommations. Par ailleurs, ces résultats montrent que la filière est financièrement rentable pour tous les acteurs de la filière. Ils tirent profit de l’activité. Cependant cette rentabilité varie d’un acteur à l’autre. Ainsi comparativement aux revenus, l’exportateur est l’acteur qui profite au mieux à la filière, ensuite le collecteur principal. Le producteur et le collecteur primaire sont les acteurs qui profitent peu de la filière. Leurs revenus sont faibles. Outre les revenus que la filière procure aux acteurs, elle crée également de la valeur ajoutée pour l’économie nationale. En effet, l’exportateur est celui qui a créé près de la totalité de la valeur ajoutée de la filière avec 85 050 000 FCFA, suivi du collecteur principal avec 4 841 500 FCFA. La part du producteur est de 86 219 FCFA et celle du collecteur primaire de 85 500 FCFA. La contribution de ces deux acteurs de la filière est faible. La structure de la répartition des revenus et de la valeur ajoutée est similaire à celle que KROMA (2012) a trouvée dans son étude. Notons par ailleurs que les revenus des acteurs de notre étude sont meilleurs à ceux que KROMA a trouvés en 2012. Ce qui s’explique par une amélioration des conditions de vie des acteurs et donc de la performance de la filière. Cet auteur a montré que l’activité est rentable financièrement pour tous les agents de la filière. Cette rentabilité est plus ou moins importante selon les maillons. En effet, l’exportateur est l’acteur qui a le plus grand profit. A ce niveau, KROMA (2012) a indiqué que le revenu net tiré par le producteur est de 30 985 F CFA, celui du collecteur de 485 156 FCFA celui de l’exportateur de 30 515 972 FCFA Les résultats de l’étude indiquent que l’ensemble des acteurs a des marges nettes positives. Ce qui signifie que l’activité est économiquement rentable et que la collectivité tire profit de la filière. Le produit brut permet donc de couvrir toutes les charges de production. L’exportateur est celui qui participe fortement à l’économie nationale avec une marge nette de 84 810 000 de FCFA. Le collecteur primaire a une participation de 38 974 FCFA. Cette marge est marginale par rapport à celui de l’exportateur. Le collecteur primaire est donc l’agent économique le moins performant de la filière. Cela est dû au fait que celui-ci a eu les charges plus élevées, ce qui affecte son profit. Les analyses montrent également que le producteur, le collecteur primaire et l’exportateur ont des TRI supérieurs aux taux d’intérêt des banques qui est de 0,1. L’activité est donc économiquement rentable par rapport à l’investissement, pour le producteur, l’exportateur et le collecteur principal. Ces derniers gèrent au mieux leurs investissements.
RECOMMANDATIONS
L’analyse des résultats de notre recherche montre que la gomme arabique au Sahel est économiquement et financièrement rentable. C’est dans la perspective d’améliorer cette rentabilité que nous faisons quelques recommandations aux acteurs de la filière. Aux autorités administratives de la Région et du pays, nous recommandons d’entreprendre les actions suivantes :
– accompagner véritablement la filière en s’investissant dans la formation et l’encadrement des producteurs ;
– former également les formateurs locaux (agents de l’environnement) pour un suivi continu des producteurs ;
– appuyer la structuration de la filière (notamment appui à la constitution d’une Interprofession régionale, à même de mieux répondre aux exigences du marché et du renouvellement de la ressource);
– faire des plantations d’Acacia senegal, assisté par les groupements et accompagner l’entretien des gommiers et de leur saignée afin d’accroître la productivité et la qualité de la gomme dure.
– faire des forages pour résoudre le problème d’eau de boisson lors de la cueillette de la gomme ; Cela permettra d’augmenter la capacité de production des producteurs ;
– améliorer la connaissance des marchés par les acteurs (y compris les services d’appui et les exportateurs), les informer sur les prix et les mettre en contact avec les acheteurs. Il ne sert à rien de mobiliser des acteurs autour d’une ressource qui n’a pas de marché bien établi, sous peine de les décourager ;
– créer un observatoire de l’évolution du marché de la gomme arabique ;
– aider les acteurs à faire des voyages d’étude pour les échanges d’expériences
Aux partenaires techniques et financiers, nous suggérons de :
– faciliter l’accès aux financements de la collecte pour les exportateurs et organisations provinciales ;
– contribuer à l’organisation d’une structure privée de transformation de la gomme et faire un plaidoyer pour l’utilisation de la gomme domestique atomisée dans les industries agroalimentaires locales.
Aux acteurs directs, nous recommandons de :
– renforcer leurs capacités organisationnelles ;
– créer les groupements par maillon car cela va leur permettre de mieux s’organiser et faire face aux marchés ;
– définir un cahier des charges portant sur les tâches de chaque acteur ;
– promouvoir la gomme par l’organisation des journées « portes ouvertes » sur la gomme ;
– rendre leurs organisations (groupements, unions) plus dynamiques et plus efficaces.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
1.1. Contexte international
1.2. Contexte sous – régional
1.3. Contexte national
2. REVUE DE LITTERATURE
2.1. GOMME ARABIQUE
2.1.1 Botanique
2.1.2 Adoption au Burkina Faso
2.1.3 Usages
2.1.4 Economie
2.2 Etudes sur la gomme arabique
2.3 Contraintes de la filière Gomme arabique
CHAPITRE II : METHODOLOGIE
2.1 Recherche documentaire
2.2 SITES DE LA RECHERCHE
2.2.1 Géographie
2.2.2. Présentation du Cadre Physique
2.2.3 Administration et Démographie
2.2.4 Justification de la Zone d’étude
2.3. Echantillonnage
2.4 Elaboration des outils de collecte
2.5. Traitement des données
2.6. DEFINITION DES CONCEPTS
2.6.1. Concept de filière
2.6.2. Concept de performance
2.6.3. Concept de rentabilité
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSION/INTERPRETATION
CHAPITRE I : RESULTATS DE LA RECHERCHE
1.1. CARACTERISTIQUES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES DES ACTEURS
1.1.1 Producteurs
1.1.2 Collecteurs
1.1.3 Exportateurs
1.1.4. Agents d’appui
1.2. Organisation et fonctionnement des structures des acteurs
1.3. RENTABILITE ECONOMIQUE ET FINANCIERE
1.3.1 Financement des acteurs
1.3.2 Prix de la gomme arabique
1.3.3 Démarche qualité
1.3.4 Commercialisation
1.3.5 Coûts de production
1.3.6 Comptes et Ratios
CHAPITRE II : DISCUSSION ET INTERPRETATION
2.1. ACTEURS DE LA GOMME ARABIQUE
2.2 RENTABILITES ECONOMIQUE ET FINANCIERE
2.3 RECOMMANDATIONS
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
OUVRAGES
MEMOIRES et THESES
ANNEXES
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