ANALYSE DES MARQUEURS DE L’INFLAMMATION CHEZ LES BOVINS

ANALYSE DES MARQUEURS DE L’INFLAMMATION CHEZ LES BOVINS

Variations dues à l’âge et au sexe

Chez le veau, les gammaglobulines, et par voie de conséquence les protéines totales sont fortement dépendantes de l’absorption colostrale. On considère ainsi qu’une prise colostrale correcte s’accompagne d’une concentration en protéines totales supérieure à 50 g/l, alors qu’en dessous de 45 g/l le transfert de l’immunité colostrale est jugé insuffisant [193]. Les immunoglobulines absorbées subissent ensuite une dégradation, tandis que l’organisme produit activement ses propres anticorps. Sur une période, variable selon les individus, de quelques semaines les IgG sériques déclinent, suite à un catabolisme plus important que la synthèse.
Contrairement aux paramètres hématologiques, et en dehors d’infection in utero, les concentrations plasmatiques de la SAA et de l’haptoglobine chez le veau ne semblent pas être affectées par la naissance. L’hypercortisolémie prénatale ne semble pas induire pas de variation [3, 5]. Contrairement à ce qui est observé chez l’homme [200], les valeurs moyennes de SAA chez les veaux à la naissance sont inférieures à celles observées chez l’adulte.
En cas d’infection ou de traumatisme en période néonatale, la synthèse hépatique de la SAA semble possible dès les premières heures de vie, tandis que celle de l’haptoglobine ne serait effective qu’après quatre,ou cinq jours [3]. Ces résultats s’accordent avec ceux connus depuis longtemps chez le nourrisson, chez qui la concentration se normalise vers l’âge de six mois [74]. Ces remarques doivent cependant être confrontées aux différences de cinétique précoce entre ces deux molécules (voir page 91 et suivantes).
A partir d’un mois d’âge on ne note pas de variation significative concernant l’haptoglobine [213], l’ α1-AGP [124, 255] et la SAA, ni d’effet sexe.
Le fibrinogène augmente progressivement chez les jeunes bovins jusqu’à l’âge de deux an et demi [70, 167]. Les concentrations plasmatiques en fibrinogène sont significativement plus faible chez le veau par rapport à l’adulte : des valeurs moyenne de 2.85 ± 1.45 g/l à 3.80 ± 1.13 g/l sont rapportées pour des veaux de 24 heures à 5 semaines d’âge [204, 268].
Comme chez l’homme, la concentration de la céruloplasmine diminue de sérique avec l’âge. Entre 3 mois et 5 mois d’âge, Conner et al. (1988)[41] notent une diminution de 20 % en moyenne sur 4 veaux.

Variations dues au stress

Le mode d’action du stress comme élément inducteur de la synthèse et la libération des protéines de la phase aiguë n’est à l’heure actuelle que mal connu chez les bovins. En effet les études réalisées mettent en évidence de profondes différences entre l’espèce bovine et le chien, le lapin, ou le rat.Cependant, les résultats obtenus in vivo montrent que certaines PPA sont sensibles au stress. Ainsi une augmentation significative de l’haptoglobine est notée après le transport de taurillons pendant 48 h, alors que les concentrations de l’α1-AGP ne sont pas affectées [177].
Une nouvelle augmentation significative de l’haptoglobine est notée le lendemain du déchargement des animaux. Les valeurs obtenues suite à cette épreuve de stress sont en dehors de valeurs usuelles (26.5 ± 14,1 mg HbBC/100ml, valeurs usuelles < 10 mg HbBC/100ml).De même, la teneur plasmatique en fibrinogène n’est pas affectée par une épreuve de stress de courte durée (transport de taurillons sur 160 kilomètres), tandis qu’une augmentation significative est observée lorsque le trajet est de 400 kilomètres [196]. Les valeurs mesurées restent cependant dans les valeurs usuelles.Les concentrations plasmatiques de l’Hp et de la SAA ont étaient mésurées pour deux lots de veaux élevés dans des conditions différentes de logement (une des deux situations étant établie comme stressante par des mesures du durée de sommeil, de prise alimentaire et de station debout versus couchée) [3]. La SAA augmente nettement pour le lot en situation stressante (17.9 ± 1.8 mg/l versus 2.8 ± 0.9 mg/l ; p<0.001). Cette augmentation n’est cependant pas significative par rapport aux valeurs usuelles supérieures.Par ailleurs, aucune augmentation de la cortisolémie n’est mise en évidence. Ceci pourrait remettre en cause le rôle du cortisol endogène dans l’induction des PPA sous l’effet du stress.Chez le veau, l’injection d’ACTH longue action entraîne une augmentation considérable de la cortisolémie pendant 10 heures sans que les concentrations du fibrinogène ne soient affectées, à la différence de ce qui est observé chez le lapin [82]. De même la synthèse hépatique de la SAA ne semble pas être sensible à l’action de l’ACTH [267].Ainsi, malgré l’action des corticoïdes sur la synthèse hépatocytaire des PPA, il semble que l’hypercortisolémie mesurée lors du stress ne soit pas directement à l’origine de l’augmentation des certains de ces marqueurs observée in vivo.

Variations dues au statut physiologique

Chez la femme, pendant la grossesse, les oestrogènes augmentent la synthèse hépatique du fibrinogène, de la céruloplasmine de l’α1-PI et diminuent celle de l’haptoglobine et de l’α1- AGP Chez les bovins les données concernant l’effet de la gestation sont très limitées.
La concentration de l’haptoglobine [213] et de l’α1-AGP [124] ne semblent pas être influencées par la gestation.Le fibrinogène augmente sensiblement en fin de gestation (9e mois) (4.33 à 8.61 g/l, moyenne 5.85 ± 1.15 g/l) [70].Les protéines totales, les γ1 et β2 globulines commencent d’augmenter 2 mois avant le terme, sont maximales 1 mois ante-partum, et diminuent rapidement dans le dernier mois, en relation avec la colostrogénèse [135].En revanche les concentrations de Hp et de SAA semblent influencées par la mise bas.La SAA augmente dans les 24 h suivant la mise bas chez la vache parturiente, pour atteindre un maximum 48 heures post-partum, tandis que les concentrations restent inchangées chez le foetus [5]. Les teneurs plasmatiques maternelles restent élevées jusqu’à 96 heures après la mise-bas. Ces résultats sont comparables à ceux observés chez la femme au moment de l’accouchement.Dans une autre étude, les concentrations moyennes de SAA sont de 32 mg/l (comprises entre 25 et 45 mg/l) 48 heures post-partum contre 8 mg/l en moyenne 4 heures ante-partum [145].L’haptoglobine est détectée chez 31 vaches sur 42 après la mise bas de 30 à 970 mg/l, alors que la concentration reste à un niveau indécelable chez 38/42 entre 21 et 9 jours avant terme [263].Chez 8 brebis dont l’agnelage s’est bien déroulé et chez qui l’absence de métrite postpartum est vérifié par bactériologie sur écouvillon génital, la concentration en haptoglobine est significativement augmentée le jour de la mise bas (p<0.05), maximale à 24 h (p<0.001) et décroît rapidement dès le 3e jour. Au 7e jour, les concentrations retournent au niveau antepartum [211]. Les concentrations en α1-AGP restent inchangées autour de la mise-bas chez les 8 brebis du groupe témoin et varient entre 0.40 et 0.63 g/l entre –5 jours et +42 jours.Ces données suggèrent une augmentation de la synthèse de certaines protéines de la phase aiguë (SAA et haptoglobine en particulier) en association avec la mise-bas. Il est difficile de distinguer le rôle des facteurs endocriniens et du traumatisme tissulaire important associé à la mise-bas [5]. Cependant les concentrations d’haptoglobine sérique ante-partum de 12 brebis dystociques (insuffisance de dilatation du col utérin) (moyenne 240 mg/l, extrêmes entre 70 et 650 mg/l) et de 9 brebis agnelant sans problèmes (moyenne 250 mg/l, extrêmes entre 20 et 890 g/l) étaient significativement supérieures à celles de brebis non gravides (moyenne 50 mg/l, extrêmes entre 10 et 520 g/l) [227].Il semblerait que cette augmentation de l’haptoglobine coïnciderait avec la sécrétion endogène de prostaglandine PGF2α qui initie la lutéolyse. L’injection de PFGF2α est suivie d’un accroissement de la concentration d’haptoglobine [240].
L’haptoglobine et la SAA augmenteraient de façon physiologique dans les derniers jours de la gestation, à partir de 8-9 jours avant mise-bas pour l’haptoglobine et 24-48 heures pour la SAA , indépendamment des lésions engendrées par l’expulsion du foetus [5, 263].

Variations iatrogènes et alimentaires

Chez les bovins comme chez l’homme, les glucocorticoïdes induisent la synthèse et la libération de protéines de la phase aiguë par des cellules hépatiques, in vitro [106, 179]. Des résultats similaires sont rapportés in vivo par l’injection de déxaméthasone (phosphate sodique, 0.1 mg/kg, IV, une fois) [288].Les concentrations d’haptoglobine obtenues suite à ces traitements sont comprises entre 0.2 et 0.4 g/l.Chez les bovins carencés en cuivre sur de longues périodes (cuprémie inférieure à 5.6 μmol/l), les activités enzymatiques de la céruloplasmine sont réduites, pouvant être divisées par deux [32].

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Table des matières

TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES TABLEAUX
INTRODUCTION 
PREMIÈRE PARTIE NATURE, FONCTIONS, ET METHODES D’ANALYSE DES MARQUEURS DE L’INFLAMMATION
I – PARAMETRES HEMATOLOGIQUES 
I.1 – DEFINITION
I.2 – METHODES D’ANALYSE
II – PROTEINES DE LA PHASE AIGUË
II.1 – DEFINITION
II.1.1 – Classification
II.1.2 – Différences inter-espèces (tableau 2)
II.2 – NATURE ET PROPRIETES BIOCHIMIQUES DES PROTEINES DE LA PHASE AIGUË CHEZ LES BOVINS
a) haptoglobine
b) SAA
c) α1-AGP
II.3 – FONCTIONS DES PROTEINES DE LA PHASE AIGUË
II.3.1 – Fonctions antiprotéasiques des PPA
II.3.2 – Fonctions épuratrices et antioxydantes des PPA
II.3.3 – Fonction de restauration tissulaire des PPA
II.3.4 – Fonctions des protéines négatives de la phase aiguë
II.4 – DOSAGE DES MARQUEURS PROTEIQUES
II.4.1 – Protéines totales et globulines
II.4.2 – Dosage de l’haptoglobine
a) Spectrophotométrie différentielle
b) Méthodes biochimiques
c) Techniques immunochimiques
I.1.1 – Dosage de la Sérum Amyloid A (SAA)
I.1.2 – Dosage de l’α1-AGP
I.1.3 – Dosage de la céruloplasmine
I.1.4 – Dosage de l’α1- protéase inhibitor (α1-PI)
I.1.5 – Dosage du fibrinogène
II – PARAMETRES DU LCR
II.1 – ASPECTS MACROSCOPIQUES ET PHYSIQUES
II.2 – ANALYSE CYTOLOGIQUE
II.3 – ANALYSE BIOCHIMIQUE
II.3.1 – Protéines : albumine, globulines et protéines de la phase aiguë
II.3.2 – Autres paramètres biochimiques
III – PARAMETRES DU LAIT
III.1 – COMPTAGES CELLULAIRES
III.1.1 – Comptage des cellules somatiques (Somatic Cell Count = CCS)
III.1.2 – Californian Mastitis Test (CMT)
III.1.3 – Comptage cellulaire différentiel (Différential Cell Count = DCC)
III.2 – PROTEINES DE LA PHASE AIGUË
III.3 – AUTRES PARAMETRES
IV – ANALYSE DU LIQUIDE ABDOMINAL
IV.1 – TECHNIQUE DE PRELEVEMENT
IV.2 – MARQUEURS D’INTERET DIAGNOSTIQUE
IV.2.1 – Aspects macroscopiques
IV.2.2 – Paramètres cytologiques
IV.2.3 – Paramètres biochimiques
DEUXIÈME PARTIE PHYSIOPATHOLOGIE DES MARQUEURS DE L’INFLAMMATION
V – SYNTHESE ET RECRUTEMENT DES MARQUEURS
V.1 – MOBILISATION DES LEUCOCYTES
V.1.1 – schéma général
V.2 – SYNTHESE DES PROTEINES DE LA PHASE AIGUË
V.2.1 – Schéma général
a) Synthèse hépatique
b) Synthèse extra-hépatique
V.2.2 – Action des cytokines et des glucocorticoïdes
a) Les cytokines
b) Les glucocorticoïdes
c) Autres facteurs de régulation
V.2.3 – Mécanismes intracellulaires
a) Induction
b) Arrêt de la synthèse
c) Passage à la chronicité
II – VALEURS USUELLES ET VARIATIONS EN DEHORS DU CONTEXTE INFLAMMATOIRE
II.1 – FORMULE SANGUINE
II.1.1 – Valeurs usuelles
II.1.2 – Variations dues à l’âge et au sexe
II.1.3 – Variations dues au stres
II.1.4 – Variations dues au statut physiologique
II.1.5 – Variations iatrogènes
II.2 – PROTEINES DE LA PHASE AIGUË
II.2.1 – Valeurs usuelles
II.2.2 – Variations dues à l’âge et au sexe
II.2.3 – Variations dues au stress
II.2.4 – Variations dues au statut physiologique
II.2.5 – Variations iatrogènes et alimentaires
II.3 – LIQUIDE CEPHALO-RACHIDIEN (LCR)
II.3.1 – Valeurs usuelles et variations dues à l’âge
II.4 – PARAMETRES DU LAIT
II.4.1 – Valeurs usuelles et variations dues à l’âge
II.4.2 – Variations dues au stress
II.4.3 – Variations dues au statut physiologique
a) Comptage des cellules somatiques
b) Albumine et protéines de la phase aiguë
II.5 – LIQUIDE DE PONCTION ABDOMINALE
II.6 – FACTEUR PATHOGENES INTERFERANT AVEC L’EVALUATION MARQUEURS DE L’INFLAMMATION
II.6.1 – Déshydratation
II.6.2 – Jeûne, cétose et stéatose hépatique
II.6.3 – Atteintes rénales
II.6.4 – Atteintes intestinales
II.6.5 – Atteintes hépatiques
II.6.6 – Parasitisme
II.6.7 – Maladies systémiques
III – VARIATIONS LORS DE REACTION INFLAMMATOIRE
III.1 – CINETIQUES DE VARIATION
III.1.1 – Cinétique de variation des paramètres hématologiques
a) Cinétique précoce
b) Evolution lors de réaction inflammatoire aiguë avec résolution
c) Cinétique lors de réaction inflammatoire chronique
III.1.2 – Cinétique des marqueurs protéiques
a) Phase précoce
b) Cinétique lors d’inflammation aiguë
c)Inflammation chronique
III.1.3 – Cinétique des marqueurs du lait
a) Mammite aiguë
b) Mammites chroniques
III.2 – LIAISON DES MARQUEURS AVEC LA SEVERITE ET LA GRAVITE DE L’INFLAMMATION
III.2.1 – Paramètres hématologiques
III.2.2 – Marqueurs protéiques
a) Corrélation avec les signes cliniques
b) Corrélation avec les lésions
III.2.3 – Paramètres du LCR
III.2.4 – Paramètres du lait
c) Protéines de la phase aiguë
d) Comptage des cellules somatiques
TROISIÈME PARTIE APPLICATIONS ET PERSPECTIVES EN MEDECINE BOVINE
IV – MISE EN EVIDENCE D’UN FOYER INFLAMMATOIRE
IV.1 – PARAMETRES SANGUINS
IV.1.1 – Protéines de la phase aiguë
IV.1.2 – Numération formule
IV.2 – MESURE DANS LE LAIT
IV.2.1 – Mammites cliniques
IV.2.2 – Mammites sub-cliniques
IV.3 – PARAMETRES DU LCR
IV.4 – PARACENTESE ABDOMINALE
V – APPRECIATION DE L’ANCIENNETE
V.1 – NUMERATION FORMULE ET PROTEINES DE LA PHASE AIGUË
V.2 – PROTEINES TOTALES SERIQUES
VI – SUIVI THERAPEUTIQUE ET POST-OPERATOIRE ; PRONOSTIC
VI.1 – MARQUEURS SANGUINS
VI.1.1 – Suivi cliniques et pronostic
VI.1.2 – Suivi post-opératoire
VI.2 – MARQUEURS DU LAIT
VI.3 – MARQUEURS DU LCR
VI.4 – MARQUEURS DU LIQUIDE DE PONCTION ABDOMINALE
VII – ORIENTATION CAUSALE
VII.1 – PARAMETRES SANGUINS
VII.2 – MARQUEURS DU LCR
VII.2.1 – Atteintes inflammatoires versus atteintes non inflammatoires
VII.2.2 – Atteintes inflammatoires
VII.3 – LIQUIDE DE PONCTION ABDOMINALE
VII.4 – MARQUEURS DU LAIT
CONCLUSIONS
REFERENCES

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