Analyse des leçons filmées chez les différentes enseignantes
Pédagogie constructiviste :
La pédagogie constructiviste est une forme d’éducation active, comme l’explicitent Devries et Ledoux (1997). Elles la définissent comme « visant en particulier à :
1. susciter l’intérêt de l’enfant.
2. favoriser l’expérimentation, avec ses nécessaires essais et erreurs.
3. renforcer la coopération entre adultes et enfants, et entre enfants » (p. 65).
Par intérêt de l’enfant, elles entendent qu’il est nécessaire que celui-ci ait un intérêt à réaliser le travail visé. En effet, si l’élève devait être contraint à réaliser une activité, il « ne modifierait jamais son raisonnement ni ses valeurs » (p. 65). Ensuite, par l’importance de l’expérimentation, il apparaît qu’il est capital pour l’enfant d’être acteur de ses apprentissages. En effet, c’est en agissant sur les éléments, en vivant la réussite, mais également les échecs que l’élève va apprendre. Finalement, en citant la coopération entre adultes et enfants, Devries et Ledoux (1997) attestent qu’il est parfois essentiel pour l’adulte de ne pas exercer son autorité sur l’enfant, de lui laisser une marge de manoeuvre afin de développer son autonomie et sa pensée créative. Elles démontrent ensuite que le fait de collaborer, avec des adultes ou des pairs, permet à l’enfant d’apprendre à se décentrer.
Le socio-constructivisme, développé par Vygotski, est une variante de cette pédagogie, qui suppose que la construction des connaissances se déroule de manière commune, de par le contact avec d’autres personnes et la collaboration (Theurelle-Stein & Barth, 2017). Le constructivisme se distingue d’une approche transmissive, également appelée traditionnelle de la pédagogie. Pour aborder celle-ci, Morandi (2005) déclare « le professeur transmet ses connaissances et ses valeurs, selon un modèle préélaboré » (p. 37). La pédagogie constructiviste s’illustre ainsi par sa manière de rendre l’élève lui-même acteur, de lui donner une réelle place au sein de ses apprentissages en lui permettant d’agir, de découvrir, d’expérimenter. Il est alors réellement actif. Cette particularité du constructivisme se retrouve directement dans le travail en ateliers. En effet, Delhaxhe explique que «[l]es enfants observés sont plus actifs en ateliers que dans d’autres contextes sociaux » (cité par Godenir & Descy, 1995, pp. 15-16).
Travail en ateliers : Godenir et Descy (1995) définissent les ateliers de la manière suivante : « [l]es “ ateliers ” définissent une série d’activités, proposées simultanément aux enfants de telle sorte qu’ils puissent réellement choisir et s’investir dans une action ludique ou fonctionnelle, individuellement ou en petits groupes » (p. 10). Cette définition illustre bien que le travail en ateliers s’inscrit dans une pédagogie tantôt constructiviste lors d’ateliers individuels, tantôt socio-constructiviste dans les ateliers en groupes. L’élève réalise son apprentissage par l’expérimentation, qu’elle soit individuelle, ou en groupes et ainsi liée à l’interaction sociale. Le choix de la pratique du travail en ateliers ainsi que la préparation de celui-ci prennent place dans la première préoccupation de l’enseignant, citée par Bucheton et Soulé (2009).
Comme ils l’exposent, c’est à ce moment-là qu’il réglera l’organisation de sa leçon, l’organisation spatiale, les règles qu’il communiquera aux élèves, les instruments de travail à disposition, et ainsi de suite. Afin de réaliser une leçon en ateliers, une préparation relativement importante est nécessaire. D’après Pierret-Hannecart et Pierret (2006), l’enseignant doit imaginer la constitution des groupes d’élèves, l’aménagement de la classe, anticiper sa propre présence au sein de la classe ainsi que les règles explicitées aux élèves en début de leçon, et ainsi de suite. Ces préparations, anticipations ont pour but de permettre à l’élève de travailler de manière constructiviste. Pierret-Hannecart et Pierret (2006) citent l’élève lors du travail en ateliers : « à travers des démarches de recherche, il manipule, formule des hypothèses et les teste, exprime ses constatations » (p. 46).
Le travail en ateliers se distingue du travail de groupe. Comme l’explique Cohen (1994), ce dernier désigne « une situation où des élèves travaillent ensemble dans un groupe suffisamment petit pour que chacun puisse participer à la tâche qui lui a été clairement assignée » (p. 1). Cette définition démontre que des activités de travail de groupe peuvent être réalisées à l’intérieur d’ateliers, mais que ce n’est pas toujours le cas. Cette méthode de travail par ateliers va dans le sens du Plan d’Études Romand (PER) qui demande de développer les capacités transversales comme la collaboration, la communication, la démarche réflexive, le sens critique, la pensée créatrice, les stratégies et la réflexion métacognitive.
Résultats de recherches, théories et synthèses
Comme le citent Godenir et Descy (1995) : « [q]u’il s’agisse des compétences langagières, de la socialisation ou de l’investissement de l’enfant dans l’activité, l’organisation d’une classe en ateliers constitue indéniablement une pratique éducative intéressante » (p. 16). En effet, par la pratique de cette forme de travail, l’élève sera régulièrement mis en relation avec ses pairs, il expérimentera l’expression de ses sentiments, le conflit, la collaboration, etc. ce qui constitue un apport relatif à la socialisation et ses compétences langagières. De plus, le fait de pouvoir choisir dans quel atelier travailler, parmi un éventail varié de propositions, permet à l’enfant de réaliser un travail qui le motive, et dans lequel il se sent investi, actif. Cette notion de motivation fait directement écho à une des caractéristiques de la pédagogie constructiviste citées précédemment. En effet, Devries et Ledoux (1997) mentionnent « [l]’intérêt est au coeur de la pédagogie constructiviste (…) Sans intérêt, l’enfant ne ferait pas l’effort de construction du sens de l’expérience » (p. 65). De plus, la pratique d’ateliers permet à l’enseignant d’effectuer de la différenciation. Pierret- Hannecart et Pierret (2006) développent cela, en expliquant que par le biais de différents ateliers « c’est un même objet d’apprentissage […] qui est rencontré plusieurs fois, en peu de temps, dans divers contextes » (p. 46). Par le biais d’ateliers, il semble alors possible de faire travailler de mêmes éléments par différentes approches1.
Du point de vue de l’enseignant, cette pratique est extrêmement intéressante. Comme l’expliquent Pierret-Hannecart et Pierret (2006), une fois les consignes données, les élèves peuvent généralement travailler seuls, sans recourir à l’aide de l’enseignant. Celui-ci peut ainsi soit décider d’aller observer un atelier en particulier, soit se consacrer aux élèves en difficulté ou au travail demandant le plus son aide, sa participation. La phase des consignes est donc primordiale. Si celle-ci est réalisée de manière efficace, complète, les élèves sont alors dans la mesure de travailler de manière réellement autonome. Finalement, du point de vue de l’élève, lorsque celui-ci sera acteur de ses expériences et apprentissages, un réel développement cognitif sera possible. «
Le développement cognitif du sujet est un processus par bonds successifs qui réalise l’équilibre entre l’assimilation (intégration des stimuli nouveaux aux schèmes existants) et l’accommodation (émergence de nouveaux schèmes) » (Roegiers, 2010, p. 36). C’est en étant confronté seul à de nouvelles situations que l’élève devra remettre en question les schèmes existants, afin d’effectuer le travail demandé. Si cette même situation arrive lorsque l’élève travaille dans un atelier en groupe, on parlera alors de conflit sociocognitif : « des apprenants mis en présence et confrontés à une même tâche seront amenés à développer des actions et des verbalisations qui vont entrer en conflit » (Roegiers, 2010, p. 37). Ces deux types de conflits cognitifs sont directement liés au (socio-)constructivisime, puisqu’ils sont le fruit de situations dans lequel l’élève est lui-même acteur de ses apprentissages.
Récolte des données
Afin de récolter les données nécessaires à mon travail, j’ai décidé de travailler de deux manières différentes : par le biais de films, que j’analyserai ensuite, et également par le biais d’entretiens. Ces deux aspects seront travaillés conjointement avec les enseignants contactés. Pour la réalisation des vidéos, je filmerai une leçon en ateliers chez les enseignants dans le but d’analyser deux moments particuliers. J’ai choisi d’observer un extrait allant de l’introduction d’un nouvel atelier (ainsi que les consignes relatives) à la mise au travail des élèves dans celui-ci, en passant par la répartition des ateliers dans la classe. Afin d’analyser les extraits filmés, j’utiliserai l’outil développé par Schubauer-Leoni, Leutenegger, Ligozat et Flückiger (2007) : la structure fondamentale de l’action conjointe. Celui-ci me permettra d’observer les différentes interactions entre un enseignant et ses élèves lors de phases d’échanges, mais également de les analyser afin de déterminer de quel type d’interactions il s’agit. Durant les différentes phases, cet outil permet d’observer différentes composantes : la nature des interactions, mais également la posture d’accompagnement de l’enseignant et le temps didactique dans lequel s’inscrivent lesdites phases. Concernant les consignes, il s’agira majoritairement de se pencher sur la nature des interactions, en analysant également les autres composantes.
Durant la phase de mise au travail, l’observation de l’accompagnement de l’enseignant permettra, je l’espère, d’observer l’éventuelle autonomie des élèves. Celle-ci sera naturellement complétée par les autres composantes. J’étudierai ainsi les moyens mis en oeuvre par les enseignants afin d’introduire un nouveau travail et, si possible, rendre les élèves autonomes. Je pourrai ensuite constater si l’autonomie recherchée est atteinte. Schneuwly (2007) explique : « l’action de l’enseignant […] ne peut être comprise qu’en tenant compte en même temps de celle de l’élève » (p. 1). Il me paraît donc essentiel de réfléchir au travail réalisé par l’enseignant avant d’observer son effet sur les élèves. Je filmerai donc autant l’enseignant que les élèves afin de rendre compte des consignes communiquées, mais également des interrogations et besoins, ou au contraire de l’autonomie des élèves.
Le film d’une leçon sera suivi, pour chaque enseignant, d’un entretien. Celui-ci permettra de compléter les données récoltées par le point de vue de l’enseignant sur sa pratique en général, ainsi que sur la leçon réalisée. J’ai donc décidé de réaliser des entretiens en deux temps. Pour commencer, une partie en autoconfrontation simple, méthode de récolte de données présentée par Clot, Faïta, Fernandez et Schneller (2000), sera réalisée. Puis l’enseignant pourra répondre à différentes questions semi-directives. La réalisation de ces deux types d’entretien de manière combinée me permettra de connaître son point de vue sur sa propre leçon, ainsi que sur le thème abordé en général. Clot et al. (2000) présentent l’autoconfrontation simple comme étant un type de récolte de données dans lequel un sujet est placé devant les images de sa propre pratique, qu’il commente en s’adressant à un chercheur.
L’enseignant sera ainsi placé devant des extraits de sa leçon et je lui demanderai d’analyser sa propre pratique. Ces extraits auront été sélectionnés préalablement en fonction de leur appartenance à la phase des consignes ou à celle de la mise au travail dans le nouvel atelier de la classe. Il s’agira pour moi uniquement de poser un cadre et de demander à l’enseignant de développer son regard critique par rapport à l’autonomie de ses élèves, sans pour autant poser de questions précises. Cette partie en autoconfrontation simple sera complétée par une fin d’entretien menée de manière semi-directive. D’après Fenneteau (2007) :
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Problématique
1.1 Définition et importance de l’objet de recherche
1.1.1 Raison d’être de l’étude
1.1.2 Présentation du problème
1.1.3 Intérêt de l’objet de recherche
1.2 Etat de la question
1.2.1 Origine ou bref historique
1.2.2 Champs théoriques et concepts
1.2.3 Résultats de recherches, théories et synthèses
1.2.4 Point de vue personnel à l’égard de la théorie
1.3 Question de recherche et objectifs ou hypothèses de recherche
1.3.1 Identification de la question de recherche
1.3.2 Objectifs de recherche
1.4 Fondements méthodologiques
1.4.1 Type de recherche
1.4.2 Type d’approche
1.4.3 Type de démarche
1.5 Nature du corpus
1.5.1 Récolte des données
1.5.2 Procédure et protocole de recherche
1.5.3 Echantillonnage
1.6 Méthodes et/ou techniques d’analyse des données
1.6.1 Transcription
1.6.2 Traitement des données
1.6.3 Méthodes et analyse
Chapitre 2. Analyse et interprétation des résultats
2.1 Introduction à l’analyse
2.2 Analyse
2.2.1 Analyse des leçons filmées chez les différentes enseignantes
2.2.2 Analyse du discours des enseignantes rencontrées
2.2.3 Analyse et interprétation de la corrélation entre le contenu des extraits vidéo et le discours des enseignantes rencontrées
Conclusion
Références bibliographiques
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