Analyse des contraintes d’adoption de l’itinéraire technique dans la région cotonnière de Bobo-Dioulasso

La production du coton est un enjeu incontestable pour la stabilité macroéconomique et sociale de l’Afrique en général et du Burkina Faso en particulier. Au Burkina Faso, le coton a joué un rôle crucial dans les récentes performances économiques. En effet le coton contribue pour 60% aux recettes d’exportation du pays et 3,5 % au PIB en termes réels (MAH, 2011 ; FMI, 2014). La production du coton occupe environ 250000 ménages, près de trois millions de burkinabés doivent leur moyens d’existence à la production du coton et une personne sur six tire son revenu de la culture du coton (Sebego, 2010). Au Burkina Faso, des enquêtes sur le revenu des ménages (MEVC, 2011) ont montré que le coton s’affiche comme la première source de revenu monétaire et représente en moyenne 65% des revenus monétaires des ménages. La culture du coton constitue la principale source de revenu monétaire du monde rural et plus spécifiquement dans les zones cotonnières (MAFAP, 2013).

Cependant, les acteurs de la filière coton en particulier les producteurs, sont soumis à de fortes contraintes qui traduisent leur vulnérabilité. Celle-ci relève de multiples facteurs qui tiennent à la fois des conditions naturelles, des facteurs structurels des exploitations agricoles et de l’environnement socio-économique dans lequel se déroule l’activité cotonnière (Loada, 2012). La cotonculture au Burkina Faso, est exclusivement pluviale, pratiquée par des producteurs faiblement équipés, dans un contexte de changement climatique et de baisse de fertilité des sols. Au niveau de la productivité, la faiblesse des rendements constitue l’un des principaux facteurs de contre-performance de la filière. Ainsi, pendant que le rendement potentiel d’une exploitation équipée est de l’ordre de 2 tonnes/ha, la moyenne nationale effective est de l’ordre de 1 tonne/ha depuis les années 1980 (Banque Mondiale, 2009 cité par Sebego, 2010). La forte augmentation de la production observée au cours des dernières campagnes est davantage due à l’extension des superficies que de celui des rendements qui ont globalement tendance à stagner et voire décroitre. De plus, l’augmentation des superficies est essentiellement liée à un fort accroissement du nombre d’exploitations cultivant du coton  (Guissou et al, 2012). En effet entre 1985 et 2006, la production et les superficies cultivées en coton ont connu respectivement une augmentation de 519% et 617% avec des rendements globalement en baisse (-14%) (Side et al, 2014). Cette évolution est inquiétante dans un contexte de forte concurrence au plan mondial.

Adoption et innovation

L’innovation apparait dans tous les domaines d’activité et est incontournable pour le développement. Schumpeter (1912), cité par Gaglio (2011) fut l’un des premiers auteurs à s’intéresser à l’innovation et la définissait comme « une nouvelle combinaison de moyen de production apparaissant sous cinq formes : un bien nouveau ou un même bien doté de propriétés nouvelles et distinctes ; une méthode de production nouvelle ; l’ouverture de nouveaux marchés ; la conquête d’une source de nouvelles matières premières pas encore exploitées ; la réalité d’une nouvelle organisation comme la création d’une situation de monopole ». Pour Olivier de Sardan (1989) l’innovation n’est autre que « toute greffe de technique, de savoirs ou de modes d’organisation inédits (en général sous forme d’adaptation locales à partir d’emprunts ou d’importations) sur des techniques, savoirs et modes d’organisation en place ». L’innovation est donc l’adoption, par un nombre significatif de producteurs d’une région, d’une façon de faire différente (CIRAD-GRET, 2002).

L’adoption d’une innovation technique passe par un processus de communication (diffusion). Selon Rogers (1962), la diffusion se définit comme un processus par lequel une innovation est transmise à travers certains canaux dans le temps entre les membres d’un système social. L’adoption d’un thème technique donné ne concerne pas seulement la connaissance théorique du thème mais sa mise en œuvre pratique sur le terrain. L’adoption est donc un processus d’appropriation de l’innovation par le producteur.

Vulgarisation agricole 

Selon Canonge (1959) :« On entend par vulgarisation agricole toute action consistant à mettre à la portée de tous les agriculteurs d’une même région agricole ou d’une même catégorie (jeunes, viticulteurs…) des connaissances de progrès technique, économique et social permettant à ces agriculteurs d’élever leur niveau de vie, compte tenu des données de la politique agricole définie par les pouvoirs publics ». Cependant, la vulgarisation est trop souvent considérée comme un moyen de diffusion du progrès scientifique et technique et de transfert de technologies. Cette définition étroite est très insatisfaisante. La diffusion des connaissances ne se fait pas à sens unique, du milieu scientifique vers les producteurs. Il existe des savoirs paysans qu’il faut recenser, analyser, valoriser, faire circuler et diffuser (Groupe de Neuchâtel, 1999). La vulgarisation doit s’adresser à tous les agriculteurs, elle ne peut se concevoir indépendamment de la politique agricole. Pour cela plusieurs approches de vulgarisation et d’appui conseil ont été développées et promues.

Dans la zone cotonnière de Bobo-Dioulasso, l’approche spécialisée par produit ou approche filière est utilisée par la SOFITEX. Cette approche part du principe que pour accroitre la production d’une culture donnée, il faut regrouper les fonctions qui la concernent : vulgarisation, recherche, fournitures d’intrants, transformation, commercialisation (MAHRH, 2010). D’autres approches telles que le conseil à l’exploitation familiale (CEF) ont été testées (2009-2012). Cette approche est un outil d’aide à la décision. Elle devait permettre au producteur d’avoir une image sur la rentabilité de son travail et de prendre des décisions d’orientation sur son exploitation agricole en vue d’augmenter son revenu et de contribuer à l’amélioration de ses conditions de vie. L’approche CEF n’a cependant pas été élargie à l’ensemble des producteurs de la zone SOFITEX en raison du coût élevé du dispositif. De nos jours, il n’existe pas de système de vulgarisation formel à la SOFITEX. Les différentes approches sont testées de manière ponctuelle sur des échantillons de producteurs en fonction des techniques et des caractéristiques des producteurs (Traoré, 2015). En revanche, la SOFITEX dispose depuis 1992 d’un dispositif d’encadrement des producteurs constitué de chefs de zones, de correspondants coton, d’agents techniques coton spécialisées, d’agent techniques coton et d’agents de suivis.

Système de culture 

Un système de culture peut être défini comme l’ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles traitées de manière identique (Sebillotte, 1990). Chaque système de culture se définit par:
♢ la nature des cultures et leur ordre de succession ;
♢ les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures, ce qui inclut le choix des variétés pour les cultures retenues. L’étude des systèmes de cultures permet de décrire la façon dont les agriculteurs gèrent leurs parcelles dans la durée, en observant certaines règles implicites ou explicites (CIRAD-GRET, 2002).

Itinéraire technique 

L’itinéraire technique peut être défini comme une suite logique et ordonnée d’opérations culturales appliquées à une espèce ou association d’espèces cultivées dans le cadre d’un système de culture.

L’itinéraire technique est une conduite cohérente de la culture, tout au long de son cycle de végétation, dans un milieu naturel et social donné (CIRAD-GRET, 2002). Ceci signifie, en particulier, que :

♦ toutes les opérations sont interdépendantes. La réalisation d’une opération dépend de ce qui s’est passé auparavant. Elle va elle-même influencer le choix et la réalisation des opérations suivantes. La conduite de la culture n’est donc pas une juxtaposition d’opérations regroupées dans différentes rubriques sans lien entre elles: travail du sol, semis, fertilisation, protection… Il faut gérer un ensemble d’interactions entre techniques culturales, milieu et peuplement végétal et prendre simultanément en considération un ensemble de risques ;
♦ les opérations sont décidées par un agriculteur. Celui-ci effectue des choix selon des critères et des contraintes techniques, économiques et sociales. « La pratique d’un itinéraire technique correspond à la mobilisation de moyens (matériels, intrants), à la fourniture de travail humain (manuel, intellectuel) et à la poursuite d’un objectif de production donné (qualité et quantité)» (Capillon et al, 1987). Les itinéraires techniques sont ainsi indissociables du fonctionnement de l’exploitation agricole.

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Table des matières

Introduction
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
CHAPITRE I : Définition des concepts
1.1. Adoption et innovation
1.2. Vulgarisation agricole
1.3. Système de culture
1.4. Itinéraire technique
2.1. Variété
2.2. Préparation du sol
2.3. Semis
2.4. Démariage
2.5. Fertilisation
2.6. Entretien des cotonniers
2.6.1. Sarclage
2.6.2. Buttage
2.6.3. Herbicides
2.7. Traitement d’insecticides
2.8. Récolte
CHAPITRE III: Filière coton au Burkina Faso
3.1. Acteurs de la filière
3.1.1. Producteurs
3.1.2 Sociétés cotonnières
3.1.3 Etat et les autres acteurs
3.2. Evolution de la production et contribution de la filière à l’économie du Burkina
Faso
3.2.1 Evolution de la production
3.2.2. La contribution de la filière à l’économie du Burkina Faso
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS ET METHODES
1. Présentation de la zone d’étude
1.1. Justification du choix de la zone d’étude
1.2. Présentation de la zone d’étude
1.2.1.Situationgéographique
1.2.2.Relief
1.2.3.Sols
1.2.4.Climat et hydrographie
1.2.5.Végétation
2. Méthodes d’étude
2.1. Echantillonnage
2.2. Cadre conceptuelle
2.3. Outils de collectes des données
2.3.1.Observations directes au champ
2.3.2.Fiches d’enquêtes
2.4. Méthode d’analyse
2.4.1.Analyse de l’itinéraire technique
2.5.2. Evaluation des rendements et des paramètres économiques
2.5. Méthodes d’analyses des données
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSIONS
CHAPITRE I : Caractérisation des unités de productions
1.1. Age et expérience des chefs d’unités de production
1.1.1.Age des chefs d’unité de production (CUP)
1.1.2.Expérience des producteurs dans la culture du cotonnier
1.2. Niveau d’instruction des chefs d’unité de production
1.3. Taille des ménages et actifs dans les champs
1.4. Equipements agricoles
1.5. Assolement et évolution des superficies cultivées
1.5.1.Assolement
1.5.2.Evolution des superficies emblavées en coton
1.6. Association et rotation des cultures
1.7. Niveau d’accès des producteurs aux formations et aux visites au champ
Conclusion

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