Les blessures maternelles pendant la grossesse affectent la femme enceinte mais aussi le fœtus. Les blessures par traumatisme sont la première cause de mortalité non liée à la grossesse. (Rozenberg & Leonetti, 2010). Concernant ces traumatismes, les accidents de la route sont le deuxième motif de consultation aux urgences chez la femme enceinte (après la chute) (Verge, 2012) et sont, pour le fœtus, la première cause de décès fœtal (Weiss, 2001). D’après le bilan de l’observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR), il y a eu en France en 2012, 47 341 accidents corporels impliquant une voiture de tourisme, 2736 tués, dont 1882 automobilistes. Aucune donnée ne concerne le nombre de femmes enceintes impliquées, blessées et décédées dans ces accidents, et le nombre de décès fœtal inhérent est inconnu vu que la loi n’oblige pas la déclaration des enfants nés sans vie dans le registre d’état civil .
Les femmes enceintes impliquées dans un accident de voiture ont un risque plus élevé d’accouchement prématuré, de décollement placentaire et de césarienne. L’issue périnatale est aussi compromise avec une augmentation du risque de souffrance fœtale, de détresse respiratoire du nourrisson et de mort fœtale in utero (MFIU) (Schiff & Holt, 2005a). D’autres symptômes, comme des contractions utérines, saignements vaginaux, des ruptures prématurées des membranes et des anomalies du rythme cardiaque fœtal ont été constatées (Metz & al, 2006) après un accident de la route.
Le pronostic fœtal est corrélé à la gravité de l’accident, aux blessures maternelles, au non port de la ceinture de sécurité et à l’âge gestationnel (Klinich & al, 2008). Ce dernier vecteur est compréhensible du fait que l’utérus est un organe pelvien durant le 1er trimestre de la grossesse, et donc protégé par le bassin osseux et devient, au 2ème et 3ème trimestre un organe abdominal en refoulant les viscères et donc plus vulnérable aux chocs. Ainsi, Hyde & al en 2003 relate dans son étude, que 41% de morts fœtales in utero sont apparues au 2ème trimestre et 59% au 3ème trimestre. Concernant la gravité de l’accident, l’étude de Schiff & Holten (2005b) décrit des blessures fœtales sévères dans des accidents de faible gravité.
Matériels et Méthode
Objectif de l’étude
Afin d’évaluer les principaux risques maternels et fœtaux chez la femme enceinte lors d’un accident de voiture en analysant les conditions d’accidents, une étude rétrospective, épidémiologique, observationnelle, descriptive sur une série de cas a été effectuée.
Modalités de sélection de la population à l’étude
Ce travail est issu d’une collaboration entre le Laboratoire de Biomécanique Appliqué de Marseille et L’Unité Mixte de Recherche Epidémiologique et de Surveillance Transport Travail Environnement (UMRESTTE) qui met à jour la base du registre du Rhône comprenant tous les cas d’accident dans la région du Rhône lorsque la victime a été pris en charge à l’hôpital. La collaboration a résulté en l’obtention des cas d’accidents impliquant les femmes enceintes dont les conditions d’accident et le bilan lésionnel maternel étaient directement enregistrés dans leur base. Les informations du bilan obstétrico-foetal des accidents correspondant à partir des fiches disponibles dans les hôpitaux y ont été rajoutées. De cette base de données exhaustive, ont été extraits et admis comme critère d’inclusion toutes les femmes enceintes impliquées dans un accident de voiture en tant qu’occupante du véhicule, amenées dans un hôpital par la suite, dans la région Rhône Alpes, du 1 er janvier 2004 au 31 décembre 2012 et dont le bilan obstétrico-foetal ainsi que les conditions d’accidents étaient disponibles.
Ainsi, 342 dossiers répondaient à ces conditions et ont donc été inclus dans l’étude. Pour pouvoir avoir plus d’informations concernant les conditions d’accident, 107 dossiers ont pu être reliés aux bulletins d’analyses d’accidents corporels de la circulation (BAAC) remplis par le service de police ou de gendarmerie. Cette analyse s’appuie donc sur une base de données constituée spécifiquement pour cette étude.
Variables analysées
Les variables analysées ont été :
– l’activation de l’airbag
– l’âge des femmes enceintes en année révolues
– l’année de l’accident
– la place de la femme enceinte dans le véhicule
– le bilan obstétrico-fœtal
– le port de la ceinture
– l’âge gestationnel
– La direction de l’impact
– l’injury severity score (ISS) qui est un système de notation anatomique qui fournit un score global pour les patients souffrant de multiples blessures. Chaque blessure est assigné à un Abbreviated Injury Scale (AIS) score et est affectée à l’une des six régions du corps (tête et cou, face, thorax, abdomen et organes pelviens, extrémités et ceinture pelvienne, atteintes superficielles). Seul le score le plus élevé de l’AIS dans chaque région du corps est utilisé. Les trois régions du corps les plus gravement blessées ont leur score au carré et additionnées pour obtenir le score ISS. (Baker & al, 1974) .
– la gravité globale de l’accident mesurée en fonction du Maximum des AIS (MAIS) allant de 1 à 6 (1 = blessure mineure, 2 = blessure modérée, 3 = blessure sérieuse, 4 = blessure sévère, 5 = blessure critique, 6 = blessure maximale), Les données ont été regroupées de la manière suivante :
– position de la femme enceinte dans le véhicule (conductrice, passagère avant, passagère arrière).
– le bilan obstétrico-foetal: bilan normal (pas d’anomalie décelée), bilan nécessitant une surveillance (contractions utérines, métrorragies), bilan critique (décollement placentaire, expulsion fœtale à 24h de l’accident, mort fœtale suite à l’accident et mort maternelle et fœtale). A noter le fait que les grossesses inférieures à 25 semaines d’aménorrhée (SA) ont été considérées comme de l’obstétrique et non de la gynécologie.
– l’âge gestationnel : trimestre 1 correspond aux grossesses inférieures à 15 semaines d’aménorrhées (SA) et 6 jours, trimestre 2 aux grossesses de 16 SA à 28 SA, trimestre 3, aux grossesses supérieures à 28 SA.
Modalités pratiques de recueil de données
L’outil de recueil de données utilisé a été Microsoft Excel, toutes les analyses statistiques des données (médianes, moyennes, pourcentages, fréquences) et les graphiques ont été réalisés à partir de ce logiciel.
Analyse des résultats, discussion
Validité de l’article et limites
La base de données utilisée pour cette étude semble être exhaustive et comprendre tous les accidents de voiture incluant des femmes enceintes. En effet, en comparant avec la littérature l’incidence de femmes enceintes impliquées dans un accident de voiture à Washington entre 1989 et 2001 était de 0,62 pour mille naissances vivantes (Hyde & al, 2003b). D’après cette étude, l’incidence dans la région Rhône Alpes serait de 0,48 pour mille naissances vivantes.
Concernant les limites, la vitesse des véhicules impliqués dans ces accidents n’a pas pu être exploitée malgré une étude préliminaire sur 10 procès verbaux récupérés grâce aux fichiers BAAC. La vitesse était estimée par des personnes impliquées dans l’accident lui même ce qui rendait l’information trop subjective et donc inexploitable. La vitesse aurait aussi pu être estimée à partir des photos en faisant des reconstructions de l’accident mais cette méthode et trop longue et compliquée. De plus, beaucoup de données, notamment concernant des femmes enceintes avec un bilan obstétrico-fœtal pathologique n’étaient pas renseignées. Par exemple, le port de la ceinture n’était pas indiqué concernant l’une des patientes présentant des métrorragies ainsi que le terme de la grossesse pour une autre. Le bilan obstétrico-fœtal renseigné est celui fait à l’entrée de l’hospitalisation, le suivi à long terme n’a pas pu être communiqué.
Condition d’accidents
Dans notre étude, 96,8 % des passagères avant et 84,2% des passagères arrière portaient la ceinture de sécurité ce qui est proche du taux du port de la ceinture dans la population générale en France qui reste stable depuis 2005, 96,5% pour les passagers avant et 80% pour les adultes en passager arrière, d’après le bilan de l’accidentalité de l’ONISR de 2012. Il y avait moins de femmes enceintes impliquées dans un accident de voiture au 3ème trimestre, ce qui pourrait s’expliquer par le fait que celles ci prennent moins la voiture. Il y avait 64,7% de conductrices impliquées dans un accident de voiture au 1er trimestre, 76,1% au second trimestre et 67,4% au 3ème trimestre. Ainsi, malgré la diminution du nombre de femmes enceintes utilisant la voiture au 3ème trimestre de grossesse, il y avait la même proportion de femmes enceintes conductrices au 1er et au 3ème trimestre. Le port de la ceinture semble diminuer le risque de blessure chez la mère. En effet, dans cette étude, 16,7% des patientes ne portant pas la ceinture avait un MAIS > 1, contre 4,4% des patientes portant la ceinture de sécurité . Les 2 seules patientes présentant des MAIS>3 étaient en passager arrière.
Lésions materno-fœtales
Les principales lésions maternelles retrouvées ont été des hématomes ou des contusions au niveau de l’abdomen et des étirements de la colonne vertébrale au niveau cervical, qui pourrait venir du fait de la retenue par la ceinture de sécurité. Dans cette étude, parmi les 4 bilans obstétrico-fœtaux critiques, deux d’entre eux ont présenté une mort fœtale et un décollement placentaire malgré des blessures maternelles mineures (ISS 1 et 2). Cette observation a déjà été constatée par Wolff & al, 1993 où des femmes enceintes ayant subi des blessures non sévères ont été sujettes à des risques d’accouchement prématuré, de décollement placentaire et de césarienne. Un traumatisme relativement mineur peut avoir un impact important sur la poursuite de grossesse.
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Table des matières
Introduction
Matériel et méthode
Objectif de l’étude
Modalités de sélection de la population à l’étude
Variables analysées
Modalités pratiques de recueil de données
Résultats
Caractéristiques générales de la population à l’étude
Etude des lésions maternelles
Conditions d’accidents et gravité globale de l’accident associée
Données concernant les lésions obstétrico-foetales
Analyse des résultats, discussion
Validité de l’article et limites
Conditions d’accident
Lésions materno-foetales
Propositions
Conclusion
Références bibliographiques
Documents annexes
Table des matières