Analyse de sensibilité pour la modélisation du comportement thermique d’un quartier par approche typologique

Contextes mondial, national et local

La très grande majorité de la communauté scientifique mondiale s’accorde sur le réchauffement de la planète Terre. La modification globale future du climat est certaine, et diverses caractéristiques sont déjà notables à l’échelle du globe, d’après les travaux du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC): hausse des températures moyennes de l’atmosphère et de l’océan, fonte massive de la neige et de la glace et élévation du niveau des mers . Entre 1970 et 2004, les émissions annuelles de gaz à effet serre (GES) – CO2, CH4, NO2, gaz fluorés, etc. – ont augmenté de 28,7 à 49 Gt.éq.CO2. Bien que nombreux soient les paramètres qui influent sur les concentrations atmosphériques en GES (rayonnement solaire, activité volcanique, circulation océanique,…), « l’essentiel de l’élévation de la température moyenne du globe observée depuis le milieu du XXe siècle est très probablement attribuable à la hausse des concentrations de GES anthropiques », d’après le GIEC, hausse qui serait notamment due à l’utilisation massive des énergies fossiles que sont le pétrole, le gaz naturel et le charbon. La biosphère, les écosystèmes et l’Homme vont être impactés – de façon plus ou moins importante – par ce réchauffement climatique mondial.

Cet impact sur l’Homme et les écosystèmes risque d’être d’autant plus important que la démographie est, à l’heure actuelle, un aspect clé des problématiques alimentaires comme énergétiques. Alors que la Terre compte 6,812 milliards d’habitants début 2010 , ce chiffre pourrait s’élever à 9,1 milliards d’habitants d’ici 2050.

Au regard de ces enjeux, la France, en signant la déclaration de Rio en 1992 ainsi qu’en ratifiant le Protocole de Kyoto en 2000, s’est engagée avec 173 Etats à mettre en œuvre un programme d’actions intégrant le concept de développement durable pour le XXIème siècle, appelé Agenda 21. Selon la loi Grenelle I votée en octobre 2008, les collectivités territoriales apparaissent comme des « acteurs essentiels de l’environnement et du développement durable ». Les autorités locales sont appelées à mettre en place un programme d’Agenda 21 à leur échelle à partir d’un mécanisme de consultation de la population, en y intégrant à la fois les dimensions sociales, économiques, environnementales et de solidarité. En cohérence avec ces Agendas 21, des Plans Climat Territoriaux et leur composante Plan Énergie Climat Territorial (plans stratégiques comprenant différents volets sur un territoire donné, obligatoires pour les communes de plus de 50 000 habitants), intégrés à la logique de réduction par 4 d’ici 2050 des émissions de GES de 1990, commencent à voir le jour. A Nantes Métropole, le Plan Climat est prévu d’ici 2013, avec un objectif de réduction de 25% des émissions de GES en 2025 par rapport au niveau de 1990. Au niveau régional, le Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE), prévu par la loi Grenelle II promulguée le 12 juillet 2010, devient le nouveau document de planification territoriale, explicitant les politiques qui seront menées pour le développement de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, la lutte contre le réchauffement climatique et l’amélioration de la qualité de l’air. Enfin, ces dispositifs législatifs prévoient des obligations d’évaluation et de synthèse des expériences et plans réalisés.

Enjeux énergétiques dans le bâtiment 

Dans l’habitat et le tertiaire, qui représentent 28% des émissions de GES en France métropolitaine en 2003 (ETHEL n°2, 2005), l’enjeu est de taille.

Malgré la diminution de la consommation moyenne d’un logement français entre 1973 et 2003 (de 372 kWh/m² à 245 kWh/m²), l’augmentation de la surface de logement par habitant, la progression des parcs résidentiel et tertiaire et l’augmentation des standards de confort ont entraîné une augmentation de la consommation finale d’énergie dans le bâtiment de 24% en volume, entre 1973 et 2004 (ADEME, 2005 ; ETHEL, 2005). Suite à la directive européenne sur la performance des bâtiments (Energy performance of buildings Directive – EPBD) de 2002 (Poel et al., 2007), l’ensemble législatif issu du Grenelle de l’environnement vise à « favoriser un urbanisme économe en ressources foncières et énergétiques » et généraliser les bâtiments basse consommation dans la construction à partir de 2012. L’enjeu véritable reste cet objectif de rénovation thermique de « 400 000 logements par an à partir de 2013 » et des « 800 000 logements sociaux les plus énergivores d’ici à 2020 » . En effet, «sans travaux d’amélioration, c’est-à-dire en ne considérant que les flux démolitions/constructions, il est impossible de descendre sous la barre des 200 kWhEP/m2 .an avant 2025 puis sous la barre des 175 kWhEP/m2 .an en 2050, même au prix d’une réglementation sur le neuf atteignant la basse consommation en 2012 et le bâtiment passif en 2020» (Marchal, 2008).

En 2020, au moins 23% de l’énergie finale consommée en France devra être renouvelable. En volume, et compte tenu de la réduction des besoins notamment dans les bâtiments, cela revient à augmenter de 20 Mtep annuelles la production d’énergie à partir de sources renouvelables. La chaleur renouvelable représente la moitié de cet objectif. La chaleur est en effet le premier poste de consommation énergétique nationale. Elle est aujourd’hui produite à 85% à partir d’énergies non renouvelables, et à 73% à partir d’énergies fortement émettrices de gaz à effet de serre. Le chauffage du résidentiel-tertiaire représente à lui seul un tiers des émissions de gaz à effet de serre de la France. Or d’importantes sources d’énergies renouvelables et de récupération, utilisables pour la production de chaleur, sont aujourd’hui sous-exploitées. Pour cela, il est nécessaire de mener de front des politiques d’économies d’énergie dans le bâtiment et des modèles de localisation de la demande énergétique.

De plus, comme l’énonçait déjà Schilling (1984), la seule performance énergétique des bâtiments pris individuellement ne suffit pas à caractériser le comportement thermique d’un fragment urbain. La forme urbaine, le système « fragment urbaine», influe lui aussi sur la consommation énergétique des logements qui le composent partiellement. L’enjeu est donc de taille. Travailler à l’échelle du quartier renvoie donc aussi à l’étude aux échelles macroscopique et microscopique.

Rappel de la commande initiale de stage 

La commande initiale de stage s’intitule : « Analyse de la pertinence d’une étude de sensibilité pour la modélisation du comportement thermique d’un quartier par approche typologique, lors de la phase de reconstitution ».

« La modélisation du comportement thermique dynamique de bâtiments est une chose maîtrisée (en témoignent les nombreux outils dédiés). Dès lors qu’on opère un changement d’échelle et que l’on considère un ensemble de bâtiments (ex : quartier) ces outils deviennent vite limités (manque de flexibilité nécessaire à la représentation de la diversité des situations par exemple). Une des possibilités rencontrées dans la littérature est une approche par typologie de bâtiments. Sur la base de la connaissance du comportement d’un nombre limité de bâtiments et de leurs représentativités dans le quartier, on peut envisager une vision (plus ou moins) bonne du comportement de ce dernier. La « reconstitution » de l’objet d’étude qu’est le quartier n’est souvent qu’une répartition des consommations types proportionnellement au nombre de ces bâtiments. On envisage ici de vérifier la valeur ajoutée d’une approche par analyse de sensibilité sur la base d’une population de bâtiments simulés par ailleurs grâce aux outils classiques.

Etat de l’art

L’approche typologique, fréquente dans la modélisation du comportement thermique du bâtiment, renvoie à la classification du bâti selon des caractéristiques diverses. Toute classification quelle qu’elle soit peut être valable, si son intérêt au regard des objectifs de modélisation est démontré. Ainsi, les bâtiments peuvent être classés, définis selon des paramètres variés dont les valeurs seront propres à chaque classe. Compte-tenu de la richesse d’une approche par typologies de bâtiments, les objectifs de cet état de l’art sont multiples :
• Inventorier l’ensemble des approches par typologies utilisées en contexte urbain, à l’échelle du quartier (au minimum)
• Expliciter les objectifs de chaque approche, les outils utilisés, ainsi que les avantages et inconvénients de chacune d’elle
• Recenser les différents travaux ayant mis en évidence l’influence qualitative voire quantitative d’un ou plusieurs paramètres clés dans la consommation énergétique d’un logement .

Stratégies de modélisation

A l’échelle urbaine (îlot, fragment urbain, quartier ou ville), deux stratégies de modélisation sont envisagées (Swan et Ugursal, 2008) :
• Une approche « de haut en bas » ou « descendante » (top-down) qui consisterait à relever la consommation énergétique globale de l’ensemble des bâtiments d’un quartier et à déterminer à partir de ratios (désagrégation) la part de l’énergie imputable aux différentes fonctions (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation, etc.) ou à chaque bâtiment ou type de bâtiments. Les méthodes sont généralement économétriques et les variables mises en jeu se retrouvent être, à titre d’illustration, des indicateurs macroéconomiques (produit intérieur brut, indices des prix,…), les taux de constructions/démolitions et nombre d’unités dans le secteur résidentiel ou encore le taux de pénétration d’une technologie nouvelle. Les données nécessaires sont fréquemment utilisées sur le long terme (plusieurs années), d’où la difficulté à collecter des informations sur une même base de temps (heure, jour, mois,…) et sur une durée significative.
• Une approche « de bas en haut » ou « montante » (bottom-up) qui consisterait à agréger les besoins énergétiques pour les différents usages de l’ensemble des bâtiments voire installations qui composent le quartier. Sont différenciées les méthodes statistique et d’ingénierie. La première permet, d’après des informations historiques et grâce à une analyse par régression, l’attribution de consommations énergétiques à des usages particuliers puis, d’après un stock représentatif de bâtiments, l’estimation de la consommation énergétique globale. La seconde méthode – « approche thermodynamique » – est plus analytique, puisqu’elle utilise des données de puissance et d’utilisation des équipements, ainsi que des modèles de transferts de chaleur. Cette dernière approche est donc plus fine et précise, mais beaucoup plus chronophage. De façon générale, le temps de collecte important des données est la principale limite de cette approche.

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Table des matières

Introduction
enjeux – contexte général
1) Contextes mondial, national et local
2) Enjeux énergétiques dans le bâtiment
Rappel de la commande initiale de stage
I/ Etat de l’art
1) Choix de l’échelle d’analyse
2) Stratégies de modélisation
3) Variété des modèles
4) Analyse de sensibilité : définition, intérêts, méthodes
5) Influence des différents paramètres sur la consommation énergétique des bâtiments
6) Les systèmes d’informations géographiques dans l’analyse énergétique à l’échelle urbaine et le processus d’affectation géographique
II/ Problématique, méthodologie et données
1) Problématisation et hypothèses
2) Méthodologie
3) Données et outils
III/ Analyse spatiale
1) Collecte des données, indicateurs statistiques et identification du terrain d’étude
2) Analyse et indicateurs spatiaux
3) Affectation d’une localisation aux bâtiments
IV/Analyse énergétique
1) Définition de typologies initiales
2) Simulation de bâtiments
3) Paramètres d’entrée et précision des typologies de bâtiments
4) Consommation énergétique finale des bâtiments
5) Profils de puissance appelée
V/ Synthèse : discussion et limites de l’approche
1) Discussion
2) Limites de l’approche et du thème de stage
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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