Analyse de profils de deux categories de patients du service des urgences de l’hôpital Max
Conceptualisation du problème de recherche
Problématique : En France, la prise en charge des urgences médicales repose dans une large mesure sur les hôpitaux publics et les établissements privés participant au service public hospitalier. Pour compléter cette mission, les hôpitaux ont développé des services très performants : les Services d’Aide Médicale Urgente1. Depuis leur création dans le milieu des années 1960, les services d’accueil des urgences hospitalières n’ont cessé de voir leur activité croître d’années en année (Baubeau D. et al., 2000). Cette augmentation constante de la fréquentation des services d’urgence (SU) est un phénomène qui touche aussi bien les urgences pédiatriques que les urgences « adultes » et qui traduit de nouveaux comportements des usagers en matière de recours aux soins (Devictor D., Cosquer M., Saint Martin J., 1997 ; Alfaro C. et al., 1992). Elle est commune à tous les pays qui en sont dotés (Lacroix J., Arseau M., 1999 ; Zimmerman D.R. et al., 1998). Une grande partie de la demande de soins d’urgence est prise en charge par la médecine générale de ville : en 2004, on estimait à 35 millions le nombre de recours urgents ou non programmés, à la médecine générale de ville en France (Collet M. et Gouyon M., 2007). Depuis la fin des années 1980, on assiste à une forte progression de la demande de soins non programmés et les services d’urgence hospitaliers ont vu leur activité croître de 7 à 14 millions de passages entre 1996 et 2004 (Cour des comptes, 2006). Une moyenne de 23 000 passages par an est enregistrée par unité d’accueil des urgences. L’Ile-de-France, qui dispose d’unités de taille importante, voit 40% de ses structures d’urgence réaliser plus de 40 000 passages par an (Praznoczy-Pépin C., 2007).
Ce chiffre pourrait être dépassé de nos jours, deux hôpitaux du département des Hauts-de- Seine, le Centre d’Accueil et de Soins Hospitalier de Nanterre (CASH) Max Fourestier et l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP) Louis Mourier de Colombes ayant prodigué ensemble, des soins d’urgence à 45 686 adultes en 2008 (CASH-Nanterre Max Fourestier, 2008 ; APHP-Louis Mourier, 2008). L’accroissement de la demande de soins d’urgence semble être un phénomène multifactoriel : aux pratiques individuelles de recours aux soins des malades s’ajoutant celles des populations, l’organisation du système de soins (désengagement de la médecine de ville de la Permanence Des Soins2, instauration du système du « budget global»3) et les facteurs climatiques (variations saisonnières). Dans l’optique d’assurer une offre de soins hospitaliers publics cohérente dans leur bassin de vie4, les hôpitaux Louis-Mourier et Max-Fourestier ont constitué un Syndicat Interhospitalier (SIH) à travers lequel sont gérés conjointement le service d’accueil des urgences, l’organisation de la garde chirurgicale, l’activité d’anatomo-cytopathologie et l’ouverture de lits soins de suite et de réadaptation. Depuis quelques années en France, la volonté des élus locaux est de réduire en même temps que les inégalités sociales, les inégalités spatiales tout en rationalisant les dépenses (Amat-Roze J.M., 1994 ; Célérier M.C., 1994).
L’accessibilité
Le concept d’accessibilité est à la frontière de plusieurs disciplines scientifiques : économie, sociologie, géographie (Bonnet P., 2002). C’est un concept qui présente au moins deux dimensions : une dimension matérielle et une dimension sociale. L’accessibilité est considérée comme un indicateur de santé et un éventuel facteur de risque. Selon Picheral H. (2001), dans sa dimension matérielle, l’accessibilité est « surtout fonction du couple distance/temps donc de la proximité (…) » de l’établissement de soins et de la longueur du trajet à parcourir. Vue sous cet angle, l’accessibilité traduit la possibilité de recourir aux prestataires de soins et n’a qu’une valeur potentielle. « Indicateur social (inégalités) et indicateur de santé fréquemment utilisé, l’accessibilité est une condition de l’accès aux soins mais ne détermine pas à elle seule le recours aux soins effectif ». Mesurée à travers les distances réelles parcourues par les populations pour accéder aux structures de soins, l’accessibilité devient réelle et permet de définir un espace sanitaire, qui est l’aire de recours aux soins d’un individu ou d’une population (Boury F., 2004). L’un des objectifs de tout système de santé est l’équité qui traduit le niveau social de l’accessibilité. Cette dimension sociale se perçoit à travers « la possibilité financière de recourir à des services de santé (couverture, assurance sociale) ou à une innovation médicale (pratique, technique, équipement, diffusion) » (Picheral H., 2001, p 34). L’accessibilité peut aussi dépendre de facteurs culturels ; dans ce cas, elle est dite culturelle.
L’urgence médicale
En partant du général et en allant vers des domaines d’activité particuliers, on se rend compte que le concept d’urgence médicale est pluriel. Ainsi, une urgence médicale est généralement présentée comme un cas « nécessitant une intervention médicale ou chirurgicale rapide » (Dictionnaire le Petit Larousse, 2009, p. 1049). Selon certains praticiens médicaux, « les urgences sont le service hospitalier chargé d’accueillir et de prendre en charge les malades et les blessés qui se présentent d’eux-mêmes ou sont amenés par les services de secours (pompiers…). Dans certains CHU, il existe des urgences spécialisées (maternité, psychiatrie, cardiologie…), dans lesquelles chacun peut se rendre ou être orienté directement » . The Federal Emergency Medecine Treatment and Active Labor Act de 1986 (EMTALA) a défini l’urgence comme une condition médicale se manifestant par des symptômes aigus de sévérité tels que l’absence d’assistance médicale immédiate pourrait raisonnablement aboutir à mettre en danger la vie de l’individu, à provoquer des séquelles ou le dysfonctionnement sérieux de n’importe quel organe (EMTALA, 1986 ; Billemont M., 2007). L’une des définitions donnée dans les SU aux usagers précise que « c’est une situation qui implique une intervention médicale ou chirurgicale rapide, un état qui nécessite des gestes de réanimation destinés à préserver la vie » (Hôpital Louis Mourier, urgences adultes, service communication, Poster affiché, Août 2004 ; Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre, Poster affiché, 2004). Appliquée à la géographie de la santé, l’urgence se définit comme « la filière des soins raccourcie et pratiquée en situation de crise, quand l’état du patient (parturiente, malade ou accidenté) nécessite un transport rapide (ambulance, hélicoptère…) jusqu’à un service d’urgence spécialisé et équipé d’un hôpital, ouvert 24h sur 24 (équipement lourd) » (Picheral H., 2001, p.25)
Contexte de l’étude
L’association nationale des villes pour le développement de la santé publique « Élus, Santé Publique & Territoires » créée en octobre 2005 à l’initiative d’élus locaux en charge de la Santé, a signé le 14 juin 2007, un accord de partenariat avec d’une part la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV) et d’autre part l’Université Paris Ouest – Nanterre La Défense (Ex-Université Paris X Nanterre). Dans ce cadre, des étudiants de Master de Géographie de la Santé effectuent leur stage dans les villes membres de l’association qui en ont exprimé le besoin pour des diagnostics locaux de santé. C’est dans ce contexte global que s’inscrit notre étude, qui au-delà de sa dimension scientifique pour notre formation, s’est révélée intéressante pour les praticiens médicaux des Centre de Soins Hospitaliers Max Fourestier de Nanterre et de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris Louis Mourier de Colombes.
Au cours de notre parcours scientifique antérieur, nous avons déjà utilisé des données médicales pour des analyses géographiques, mais les contextes géographiques, socioculturels, la nature des données à traiter, ainsi que les objectifs étaient différents de ceux des soins d’urgence à Nanterre et Colombes. De ce fait, cette étude constitue pour nous, une opportunité de raffermir notre capacité d’analyse géographique de faits de santé à partir données médicales, tout en répondant à une demande précise. Ainsi, autour de cette thématique de recherche, travaillent de concert cinq partenaires que sont les Ateliers Santé Ville de Nanterre et de Colombes, les Hôpitaux Max Fourestier et Louis Mourier ainsi que l’option de Géographie de la Santé de l’Université Paris Ouest – Nanterre La Défense.
|
Table des matières
Introduction
Partie I : Approche conceptuelle et méthodologique
Chapitre I : Conceptualisation du recours aux soins d’urgence hospitalier
I- Conceptualisation du problème de recherche
II- Définition et rappel de concepts
Chapitre II : Contexte de l’étude, présentation de la démarche et des outils méthodologiques
I- Contexte de l’étude
II- Approches et outils méthodologiques
Partie II : Accessibilité géographique des services d’urgence des hôpitaux Max Fourestier et Louis Mourier : de l’échelle régionale à l’échelle infra communale
Chapitre I : Détermination des espaces médicaux des hôpitaux Max Fourestier et Louis Mourier, deux aires d’influence couvrant tout le territoire français en 2008
I- Nanterre et Colombes, des communes abritant deux établissements engagés dans un processus de complémentarité de l’offre de soins médicale
II- Des disparités régionales dans le recours aux soins d’urgence à Max Fourestier et Louis Mourier
Chapitre II : Une analyse stratifiée et comparative des aires de chalandise des hôpitaux Max Fourestier et Louis Mourier en 2008 et 2009
I –Analyse stratifiée du recours aux soins d’urgence des franciliens
II- Les trajectoires de recours aux soins d’urgence des populations
III- Caractéristiques des patients résidant dans des aires communes de chalandise : une opposition entre profil de patients de Louis Mourier et ceux de Max Fourestier
Partie III : Analyse de profils de deux categories de patients du service des urgences de l’hôpital Max
Fourestier : les résidents de la commune de Nanterre et les personnes sans domicile fixe
Chapitre I: disparités socio-spatiales du recours aux soins d’urgence dans la commune de Nanterre en 2008
I- Les patients de Nanterre : une structure par âge inchangée du niveau régional à celui infra-communal
II- Le Petit Nanterre, un quartier au profil de patients différent des autres quartiers
III- Le profil des patients pris en charge pour traumatologie à Nanterre
IV- Quelles structurations spatiales dans la ville de Nanterre ?
Chapitre II : Le recours aux soins des personnes sans domicile fixe (SDF) ou sans domicile stable (SDS)
I- Caractéristiques des patients sans domicile fixe ou sans domicile stable
II-. Les consultations d’ordre traumatologiques chez les personnes sans abris
Conclusion
Télécharger le rapport complet