L’argumentation
Historiquement, l’argumentation est née au cœur de la démocratie grec comme outil d’un nouveau rapport social plus juste et plus pacifié. L’argumentation n’a pas une définition juste ni exhaustive. Diverse théories sont abordées par différents auteurs à ce sens. En effet, selon Jean Belanger « l’argumentation est constituée par une série d’arguments reliés ou de façon moins méthodique, par une accumulation d’arguments qui tendent tous à obtenir l’acquiescement, l’accord, la croyance en la vérité, la justice, l’utilité de ce que nous soutenons contre ce que soutient notre adversaire».Cette définition s’emble incomplète en la comparant à celle soutenue par Philipe Breton (2006, 2007) ;selon laquelle : « argumenter c’est d’abord communiquer : nous sommes donc dans une « situation de communication », qui implique, comme toute situation de ce type des partenaires et un message ».On distingue deux types de l’argumentation : l’argumentation directe ou explicite et l’argumentation indirecte ou implicite.
L’argumentation directe : On dit qu’une argumentation est directe ou explicite lorsque l’auteur argumente lui-même, personnellement sans utiliser d’intermédiaire. Le message est explicite à tel point qu’il ne le fait pas passer à travers un récit ou une fiction.
L’argumentation indirecte : Par opposition à l’argumentation directe, l’argumentation indirecte ou implicite consiste à formuler une thèse en opposant des arguments avec des exemples.
La communication argumentative se distingue à d’autres activités de communications. Vouloir convaincre suppose une opinion que l’on va s’employer à défendre, à transporter vers l’auditoire en vue de lui faire partager. Les applications de l’argumentation sont immenses dans la vie privée comme dans la vie publique et professionnelle. La plus part des débats de société en ont massivement recours. Des débats pacifiques comme celui de la réduction d’un mandat présidentiel, de la légalisation de l’homosexuel etc. L’argumentation, pour qu’elle soit efficace, est régie sur de rigoureuses techniques et de stratégies. En effet, la plus part des techniques de l’argumentation ont été décrites au sein de la rhétorique ancienne, conçue comme « l’art de convaincre ». P. Breton fait savoir que la théorie d’Aristote (1967)décrit les techniques de l’argumentation au travers du rapport que l’auteur doit avoir avec son auditeur, ainsi que les principes éthiques qu’il faut mettre en œuvre en cette occasion. Une argumentation doit techniquement et tactiquement se préparer. Il s’agit dans ce cas d’une anticipation à une situation de communication, à laquelle toutes les conditions de possibilité à la production d’un discours argumentatif seront confrontées. C’est ainsi que chaque locuteur ou orateur doit distinguer entre maintes étapes, avec à chaque fois des questions qui auront des réponses au courant d’une préparation préalable. En présence par exemple : quel auditeur aurai-je devant moi ?, qui suis-je pour lui ?, qui est-il pour moi ?, comment dois-je me comporter ?, quel est le meilleur ordre pour les arguments ?, quels arguments utiliser pour défendre l’opinion ? Il existe en effet plusieurs taxinomies d’arguments : des arguments s’appuyant sur une autorité, des arguments d’évidence ; c’est-à-dire ceux qui font appel à des présupposés communs, des arguments fondant leur référence à une réalité, des arguments qui s’inspirent de la démarche scientifique où l’on distingue le raisonnement par déduction ou par induction, des arguments qui utilisent des images fortes qui frappent l’imagination et les arguments évoquant une analogie. En effet, P. Breton et Proulx fournissent une explication sur la démarche de certains arguments comme suit :
« – La famille des arguments d’autorité : recouvre tous les procédés qui consistent à mobiliser une autorité positive ou négative, acceptée par l’auditoire et qui défend l’opinion que l’on propose ou que l’on critique.
– La famille des arguments de communauté : fait appel à des croyances ou à des valeurs partagées par l’auditeur qui contiennent déjà, en quelque sorte, l’opinion qui est l’entreprise de conviction.
– Les arguments de cadrage : consistent à présenter le réel de certains points de vue, en amplifiant par exemple certains aspects ou en minorant d’autres, afin de faire ressortir la légitimité d’une opposition.
– La famille des arguments d’analogie : met en œuvre des figures classiques, comme l’exemple, l’analogie à quatre (04) termes, ou la métaphore, en la dotant d’une portée argumentative. »
L’analyse de l’argumentation se fait, tant du point de vue technique tant du point de vue stratégique. L’approche de ces trois verbes : convaincre, persuader et délibérer, lesquels s’actualisent au tour de, « argumenter », permet aux locuteurs de s’inscrire dans une stratégie argumentative. Les stratégies qui tracent le schéma argumentatif varient. En effet,
– le locuteur peut choisir de défendre sa propre thèse et de passer sous-silence celle de son adversaire
– le locuteur peut aussi commencer à réfuter la thèse adverse ou à l’inverse, il peut se montrer conciliant en acceptant quelques points de la thèse adverse afin de mieux disposer le destinataire à accepter la sienne. Tout dépend du rapport de force réel ou supposé.
Au total, la pratique de l’argumentation permet le renforcement du bien- être social. Ainsi, l’activité argumentative nous parait donc investie par les acteurs comme une ressource interactionnelle leur permettant de donner corps à leur statut de militants. Dans ce sens, elle constitue une figure centrale de l’activité de la communication au côté de l’expression et de l’information. Cependant, l’information, dans l’activité de la communication, est en générale indiquée par des circonstances de l’énonciation.
Le débat télévisé
Considéré du double point de vue de phénomène langagier et de phénomène audiovisuel, le débat télévisé désigne une forme discursive de genre d’opinions d’où émergent les stratégies de communication et les enjeux de la pratique de l’information. Selon Noël NEL, «le débat télévisé est une situation télévisée, qui place les orateurs en face à face sous les yeux de téléspectateurs.» Comme tous les genres, le débat est aussi un genre, dont la structuration est réglementée. C’est pour cela que Noël NEL explique que le débat, en plus des stratégies d’argumentation auxquelles il est ancré, doit obéir à des contraintes systématiques, à un encadrement rituel, et à des paramètres situationnels. D’une manière générale, le débat désigne une discussion souvent organisée au tour d’un thème. Pour que le débat soit mieux considéré, son thème doit être introduit dans les tensions entre « savoir et croire », « comprendre et transformer ».
L’interactionnisme symbolique
Cette perspective de recherche, nous permet d’envisager que l’identité comme l’un des plans d’organisation du discours, doit s’intéresser de près à la notion de rapports de places et s’inscrire dans le prolongement épistémologique de l’interactionnisme symbolique, développé en partie par les travaux d’Erving Goffman. Il s’agit de penser, dans faram facce, l’identité comme le produit intériorisé des interactions vécues par un sujet, chaque locuteur se définissant par une sorte de profil identitaire construit dans la dialectique d’une reconnaissance intersubjective. Ce profil identitaire est à la fois le motif inaugural et le produit de l’interaction verbale. Et c’est à travers ces deux notions que se réalise la négociation discursive des identités. Si cette notion engage à penser l’identité en tant que processus relationnel, motivé par l’usage du langage, dans le même temps l’action langagière ne peut se comprendre indépendamment de l’identité des inter-actants et des enjeux instrumentaux. L’interactionnisme symbolique de GOFFMAN relève d’une approche dramaturgique des interactions sociales, accordant une place centrale à la définition que se font les protagonistes de la situation d’énonciation. A la lumière de ses travaux et au regard du corpus on voit que la situation de communication procède d’une construction et n’est donc pas une donne statique en rupture ainsi avec le paradigme traditionnel « locuteur-auditeur » envisagé par le modèle du code relevant d’une linguistique immanentiste héritée des premières théoriciens du langage. Par ailleurs, si la conception structuraliste ne se préoccupait pas de l’activité des sujets et encore moins de leurs représentations, de leurs propres façons de mettre du sens sur les interactions, la remise en question de l’explication causale du rapport entre langue et identité a permis que l’on questionne la façon dont les individus se construisent eux mêmes, et construisent leurs appartenances. Cette perspective centrée sur la notion d’identité s’écarte des conceptions conventionnelles (classiques) de l’argumentation qui posent comme objectif un discours argumentatif idéal, qui serait avant tout rationnel, libéré des contraintes de temps, obéissant aux règles du dialogue raisonné.
La structure interne de l’interaction
Elle est par définition l’unité de rang supérieur. Il s’agit dans notre corpus d’étude d’une interaction en face qui a pour condition de possibilité le sens commun partagé par des acteurs sociaux. C’est en ce sens qu’on évoque GOFFMAN qui a mis en évidence le rôle moteur de la relation à l’œuvre de l’interaction : « par une interaction on entend l’ensemble de l’interaction qui se produit en une occasion quelconque quand les membres d’un ensemble donné se trouvent en présence continue les uns des autres, le terme « une rencontre » pouvant ainsi convenir. » Ce sens commun manifeste la présence du social au sein même de la psychologie individuelle sous forme d’une certaine compétence. Cela s’explique par le fait que les sujets en présence et la structure sont intrinsèquement liés au cœur de l’unité qui est la relation. Dès lors, une interaction pertinente est assurée dans l’émission faramfacce par la rencontre de deux ou plusieurs partenaires issus d’un même lieu, partagent évidemment les mêmes valeurs et la même langue afin de s’accorder bien entendu aux critères d’éthiques et de politesse. Ainsi, l’ordre de l’interaction apparaît ici comme un ordre structurel où les structures n’existent que pour autant qu’elles sont mises en œuvre à chaque instant par les acteurs, mais les facteurs ne peuvent eux-mêmes les mettre en œuvre que sur la base de ce sens commun guidant leur condition. D’ailleurs l’analyse qu’on porte sur l’interaction qui est entretenue par les participants à l’émission faram facce a pour objet : la constitution de la relation ; donnée première, qui engendre les unités mises en relief. Notre analyse s’intègre également dans la sociologie compréhensive de GOFFMAN qui adopte pour objet le sens commun qui ordonne à son tour les interactions en les constituant en ordre social autonome. Ici les interactants partagent un sens commun leur permettant d’interpréter les situations de la même manière en sachant comment se comporter. Ils déploient au même regard un comportement qui intervient à un double niveau ; la forme de savoir immédiat et l’élucidation de cette forme de savoir. Dans ces conditions, ainsi appréhende-t-on l’interconnexion menant à une intercompréhension entre participants ou acteurs aux débats dans faram facce sur la Télévision Futur Média (TFM.) Cette intercompréhension repose en effet sur l’existence d’un sens commun partagé par les différents participants à l’émission (animateurs, invités, spectateurs ou téléspectateurs). Cette perspective nous renseigne que, sur les rapports structures, acteurs et sujets, le sens commun doit se comprendre comme un ensemble de représentations collectives assurant :
Le partage d’un même idiome rituel qui rend capable d’attribuer la même signification aux actions ; les participants à l’interaction interprètent les comportements de la même manière.
Le partage de la même syntaxe qui rend capable de produire par son propre comportement des énoncés cohérents et accessibles.
Le sens commun doit être qualifié ici dans le même temps de sens pratique où chacun doit se comporter en fonction des exigences de la situation, exigences qui existent sous la forme d’attente normative assurée par un contrat de négociation entre acteurs. En effet, les points sensibles sont quand bien même dévoilés soit par un locuteur (sous forme de question) soit par un interlocuteur en l’insérant sous une forme déclarative dans son intervention. Pour chaque forme, l’accueillir ou l’accepter par une défense explicite est l’horizon d’attente des différents acteurs en place.On peut également envisager que les différents participants ont une expérience individuelle leur permettant de maintenir la relation vue dans son double sens ; socialisante et individualisante.
Socialisante par un trait de dépendance et de coordination qui unissent les participants.
Elle est individualisante étant donné que chaque participant guidé par le sens commun, donne une certaine image de soi dans l’interaction.
Cette image est, à chaque fois, valorisée de tous les participants à l’interaction car étant réaménagé par le soi lui-même au cours du processus social de l’interaction. Toutefois, nous ne pouvons pas parler de subjectivité car le moi n’y est pas compris comme une entité produite passivement. On y voit le moi sous l’angle d’une construction sociale parce que les attentes d’autrui jouent un rôle constructif d’où le principe de construction. De même, la dépendance et la coordination des participants à l’interaction s’actualisent sur l’élaboration de l’activité :
Activités dans l’interprétation de la situation et des comportements des autres pour comprendre ce qui est attendu,
Activités dans l’incorporation des croyances (que cette incorporation soit une adhésion sincère ou cynique),
Activités dans la régulation de leurs actions de manière à soutenir l’ordre de l’interaction.
Bref, les participants à l’émission faram facce veillent au sens commun qui les lie avec une attention particulière et cognitive accordée aux attentes normatives portant sur leur manière de se comporter devant telle ou telle mise en situation. Ils assurent leur interaction en prenant l’esprit de l’autre en considération. « Le véritable acteur des sciences sociales est donc la relation » GOFFMAN (une sociologie compréhension). D’ailleurs, cette relation couvre intégralement l’émission faram facce surtout au niveau du schéma participationnel où l’interaction est délimitée par la rencontre ou par la séparation des interactants en présence marquées respectivement par des (salutations, des présentations, des mots de bienvenue, des mots de prise de congé, des excuses, des remerciements… Etant donné, cette délimitation de l’interaction, au niveau le plus élevé de généralisation, se décompose en séquences.
L’argument d’autorité
La forme d’argument d’autorité est assez constante dans les interactions à titre de témoignage. L’opinion qu’on lui affecte s’attache directement à l’auditoire du fait qu’une autorité ou un expert dans un domine quelqu’un la soutienne, que cette autorité elle-même en est une pour l’auditoire. De ce fait, l’auditoire adhère gratuitement aux dires du locuteur autorité car ayant déjà accepté comme vraisemblable ce qu’elle lui déclare. Comme nous l’avons vu dans spécial débat faram facce dont les invités étaient Abdoul Mbow, Lamine Diallo, Babacar Diouf et Massaly, où Lamine Diallo réplique à Mbow en évoquant Maître Wade comme étant l’initiateur de la campagne de courtoise avec la marche bleu. En effet il fait appel à Abdoulaye Wade carc’est une autorité connue et incontestable par l’opinion publique qu’il cherche à convaincre. Le cas de Sérigne Mbacké Ndiaye informe sur un autre schéma vue qu’il se fait volontairement autorité sur la pertinence de la bonne gouvernance, de l’éthique et de la transparence. Au demeurant, l’auditoire ne peut s’empêcher à donner une certaine crédibilité aux déclarations des locuteurs car ces derniers font eux-mêmes légitimement autorité sur le sujet. Plus formellement : si les locuteurs sont compétents pour faire des déclarations fiables sur un sujet, alors les arguments seront crédibles. En d’autre terme, des déclarations faites par un locuteur qui possède le degré nécessaire d’expertise pour pouvoir faire une déclaration digne de confiance seront renforcées par la crédibilité du locuteur en question dans son domaine. Pour déterminer si le locuteur possède un degré nécessaire d’expertise on peut, même si ça ne suffira pas, faire strictement recours à son rang et titre mais aussi à sa technique de raisonnement dont la plus fréquente ici est la déduction.
|
Table des matières
Introduction.
Première partie: Cadre méthodologique et conceptuel
I.1. Problématique
I.1.1. Revue de littérature
I.1.2. Contexte et justification
I.1.3. Objectifs et questions de recherche
I.1.4. Etat de la recherche
I.1.5. Hypothèse
I.2. Cadre théorique et conceptuel
I.2.1. Cadre théorique
I.2.2. Cadre conceptuel
a- Analyse du discours
b- L’interaction verbale
c- Le débat télévisé
I.3. Méthodologie
I.3.1. Démarches
I.3.2. Présentation du Corpus
Deuxième partie: L’émission « faramfacce » et l’organisation structurale des conversations
II.1. Présentation de l’émission « faramfacce »
II.1.1. La communication comme acte relationnel
II.1.2. L’interactionnisme symbolique
II.1.3. L’identité comme produit social
II.1.4. La courtoisie : une interaction qui fait sens
II.1.5. Locuteur et être du monde
II.2. L’organisation structurale des conversations
II.2.1. La structure interne de l’interaction
II.2.2. La séquence
Troisième partie: Manifestation des marques de témoignage dans le débat
III.1. L’argumentation et les traits d’objectivité
a- L’argument d’autorité
b- L’argument par déduction
c- Argument par délibération
d- La construction de l’identité
III.2. L’explicite communicationnel
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet