Avec une péjoration climatique qui se répercute sur la végétation et une croissance démographique augmentant la demande, la gestion des ressources naturelles pose de nombreux défis pour une utilisation et une exploitation durable. Ainsi le Sénégal concentre un vaste réseau d’aires protégées qui sont contrôlées par le pouvoir public à travers une élaboration d’un cadre réglementaire et législatif et des plans stratégiques.
Située au niveau du delta du Saloum dans la communauté rurale de Toubacouta, la forêt classée de Sangako s’inscrit dans ce cadre. Elle a été classée durant la période coloniale pour s’opposer aux fronts de cultures qui menaçaient sérieusement les espaces boisés de la zone écogéographique dans laquelle elle se trouve. Cette menace durant la période des années 30 l’est encore, avec une accentuation des conditions défavorables et des facteurs de dégradation.
Une bonne gestion de ces espaces nécessite des données actualisées pour mieux apprécier la situation de la flore et de la végétation mais aussi le système de gestion et le comportement des populations qui en bénéficient. C’est dans ce cadre que s’inscrit ce TER qui est une sorte de contribution pour connaître les ressources actuelles de cette forêt et voir les conditions de sa conservation. Ce travail est organisé en trois parties contenant chacune deux chapitres. La première partie porte sur une présentation des généralités avec la problématique, la méthodologie et des informations sur la zone d’étude. La seconde partie concerne les résultats de l’analyse de la flore et de la végétation. La dernière partie concerne l’étude de la structure, de la dynamique et de ses facteurs en plus de la gestion et des rapports que la population locale entretient avec la forêt.
Problématique
Contexte et justification
Faisant l’objet de plusieurs recherches à différents niveaux d’analyse, l’importance des forêts est toujours visible à travers les biens et services qu’elles offrent et les fonctions écologiques qu’elles remplissent.
Pour s’opposer à une dégradation des écosystèmes forestiers et mieux conserver ses ressources, le Sénégal s’est toujours engagé dans des politiques de préservation de la nature décrites dans de nombreux documents de planification comme celui de la politique forestière. Les efforts des pouvoirs publics sont principalement orientés vers l’élaboration d’un cadre législatif et réglementaire autour des aires protégées existantes. Cette option est traduite à travers différents recueils parmi lesquels figurent le code forestier, le code de la chasse, le code de l’environnement et le code de l’eau, qui imposent des restrictions et comportements sur l’utilisation des ressources naturelles.
Ce cadre législatif est appliqué à un réseau de plusieurs aires protégées comprenant sept parcs nationaux, des réserves et environ 213 forêts classées, dont dispose le Sénégal. La majeure partie de ces forêts classées ont acquis leur statut durant la période coloniale. La politique de classement des forêts consiste en la prise et en l’application d’un ensemble de dispositions législatives et réglementaires restrictives sur l’utilisation d’un massif bien déterminé. En plus de ces besoins de conservation d’aires menacées et d’espace pratique pour la recherche, ces décisions de classement étaient dès fois accompagnée de projection d’exploitation du massif pour les besoins des colons en produit forestier.
Aujourd’hui cette perception persistante des forêts classées comme appartenant à l’Etat, parce que faisant partie du domaine national, ne favorise pas une participation des populations riveraines à la conservation, conduisant aux abus sur les droits d’usage dont elles bénéficient. Ainsi la superficie théorique 2 519 000 ha de ces forêts classées n’est pas complètement boisée. Certaines d’entre elles se retrouvent avec des espaces très dénudés. Ce phénomène est accru par le manque de moyens et d’effectifs du service des Eaux et Forêts qui est chargé de la gestion des forêts classées. Ses agents sont confrontés à des contraintes liées à une législation difficilement applicable et des approches qui ne sont pas en phase avec les réalités du terrain. Les interventions des populations et les changements qui les suivent à travers les droits d’usage ne sont pas complètement maitrisés par les agents, avec une réglementation qui n’interdit pas toutes les pratiques. En outre, les stratégies de gestion appliquées n’ont pas souvent fait l’objet d’une évaluation régulière pour orienter et proposer des méthodes plus judicieuses.
La forêt classée de Sangako se situe au centre ouest du bassin arachidier, au nord-est de la communauté rurale de Toubacouta. Elle couvre une superficie de 2 140 ha.
Elle a été classée « réserve forestière » sous l’administration coloniale par l’arrêté nº 2537 du 26 octobre 1932. Ce classement a été précédé par des destructions d’arbres qui s’effectuaient sous le prétexte d’une extension des terres agricoles alors que les surfaces ensemencées par la suite ne justifiaient pas ces défrichements.
La zone éco géographique dans laquelle elle se situe se caractérise par une dégradation des espaces boisés au profit des cultures. A l’origine du classement, ce souci de conservation de l’administration coloniale était renforcé par des projections d’exploitation du bois dont le transport serait facilité par le Saloum. Elle fait partie des premiers massifs à être réglementé durant cette phase de création de réserves forestières en Afrique occidentale française (A.O.F).
Sept villages et deux hameaux se trouvent à la périphérie immédiate de la forêt dont Keur Aliou Gueye, Sandicoly, Medina Sangako, Sangako, Soucouta, Toubacouta, Bamako, Blouf et Medina Bacar Sarr. En plus de ceux-ci, quatorze autres villages et trois hameaux se trouvent à moins de cinq kilomètres et profitent aussi des ressources de cette forêt. En outre nous avons un autre groupe de six villages qui se trouvent à moins cinq kilomètres mais qui ne recherchent pas systématiquement les ressources forestières dont ils ont besoin dans la forêt de Sangako. Cette situation est due à des contraintes physiques d’accessibilité qui font qu’il est plus pratique pour les habitants de ces villages d’aller vers d’autres endroits comme la mangrove ou les petites forêts plus proches.
Les limites de la forêt ont fait l’objet de modifications après des demandes de la population riveraine et ont ainsi été revues pour une extension des terroirs villageois. Ces modifications ont principalement intéressé le nord et l’ouest de la forêt au niveau desquelles l’extension des terroirs est contrainte par les tannes et la mangrove. Le paysage actuel de la forêt laisse apparaître une savane arborée à arbustive. Le classement de la forêt est maintenu pour sa conservation parce qu’elle fait partie des rares espaces boisés du bassin arachidier.
Pertinence
La pertinence d’une étude spécifique sur la forêt classée de Sangako réside dans l’insuffisance de données fiables et actualisées sur son environnement. La plupart des recherches qui sont effectuées sur la zone ont une orientation générale visant un cadre large comme lors de l’élaboration du plan de gestion de la réserve de biosphère du delta du Saloum dont la forêt fait partie, ce qui implique une absence de suivi de l’efficacité du système de gestion et une ignorance de son potentiel pour sa valorisation. En outre, une planification de la conservation nécessite des données suffisantes sur l’évolution et la structure de la forêt ainsi qu’une évaluation de la gestion pour permettre un aménagement rationnel et conforme aux principes écologiques. La protection et la conservation de la forêt doivent correspondre aux valeurs et aux problèmes de la zone, se conformant de ce fait à la perception des acteurs concernés.
Revue de littérature
Pour une analyse de la gestion et de la conservation de la forêt classée de Sangako, nous nous sommes intéressés à un certain nombre d’ouvrages contribuant à une meilleure compréhension de ses composantes et une orientation de la méthodologie. Ainsi, ces nombreuses et intéressantes réflexions, produites par ces auteurs et chercheurs que nous avons eu à exploiter, peuvent être regroupées en cinq grandes catégories.
Parmi ces ouvrages, nous avons dans un premier temps ceux qui ont eu à traiter de l’état et de la gestion des ressources naturelles du Sénégal et des forêts classées en particulier. Ainsi en 1998, la D.E.F.C.C.S et l’UICN ont publié une étude « répertoriant et analysant les différentes approches utilisées par le Service des Eaux et forêts en matière de gestion des forêts classées en vue d’en déceler les lacunes mais également les leçons à retenir pour sauvegarder les forêts classées restantes ». Cette étude intéressante permettant une vue d’ensemble de la gestion forestière au Sénégal s’est faite à travers une revue et une analyse critiques des textes législatifs et réglementaires régissant les forêts classées, avec un bilan de l’application de ces derniers. Mais aussi, une appréciation de l’état végétatif et des niveaux de pression humaine sur les ressources des forêts classées. Ce document est complété par des recommandations et des suggestions pour une meilleure conservation de ce qui reste de ces forêts à travers une utilisation durable de ces espaces.
Le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature a publié en 2005 deux documents dont le « rapport sur l’état de l’environnement au Sénégal » et la « politique forestière du Sénégal 2005-2025 ». Ces publications ont fait l’état des ressources forestières du Sénégal avec une analyse des planifications antérieures. De plus, elles ont identifié les différentes pressions que subissent ces ressources et proposent des mécanismes et plan d’actions en phase avec les politiques, stratégies et programmes nationaux et internationaux.
Méthodologie
Pour la réalisation de cette étude nous avons dans un premier temps exploité les informations d’un certain nombre de centres de documentation et de services pour voir les travaux qui ont été déjà effectués sur le sujet et la zone. Cette première phase nous conduit à la bibliothèque du département de Géographie, à la BU, à l’IRD, au CFR, à l’ANSD, à l’ANAMS, au CSE, à l’IRD, à la DTGC, à la DEFCCS et ses différentes subdivisions (IREF de Fatick, secteur de Foundiougne, sous-secteur de Sokone et à la brigade de Toubacouta), à l’INP, à l’UICN, etc.
La seconde partie du travail est consacrée à la préparation des supports pour la collecte des données et leur application sur le terrain.
D’une part ces données ont été collectées, à travers un inventaire des espèces ligneuses qui se trouvent dans la forêt, durant le mois de mars 2010. Cet inventaire a été effectué sur un échantillonnage mixte de 0,5% de la superficie de la forêt, soit 10,7 ha. Il est basé sur une stratification préalable de l’espace couvert par la forêt à partir de la composition colorée d’une image satellite Landsat-Spot combinée de mars 2003 (Carte 1). Ainsi quatre zones homologues, considérées comme les strates majeures, ont été déterminées suivant la couleur dégagée par la réflectance de la composition colorée. Des placettes circulaires de 0,25 ha ont été ensuite distribuées au hasard d’une manière proportionnelle par rapport à la superficie de chaque strate .
Avec les coordonnées des centres de placettes choisies sur l’image géoréférencée et localisées sur le terrain avec un GPS (Cf. Annexes), nous avons enregistré pour chaque individu qui se trouve dans la placette le nom de l’espèce et un certain nombre de paramètres. Ainsi pour chaque individu sur pied sa hauteur est prise en compte de même que son diamètre à hauteur de poitrine (1,30 m), si celui-ci est supérieur ou égal à 5 cm. En plus de ces mesures, l’état de l’individu est aussi caractérisé pour voir si c’est intact ou il a subi une mutilation pour pouvoir ainsi apprécier l’anthropisation de la placette et identifier les espèces plus ciblées. Pour ce qui concerne les souches, le nom de l’espèce est consigné et le diamètre a été aussi mesuré en plus d’autres observations en cas de rejets ou de souche morte. Pour les rejets, les buissons et les petits individus la hauteur est prise en compte en plus de l’indentification de l’espèce. Ces observations et mesures sont combinées à des appréciations concernant chaque placette par rapport au passage de feu et à la présence de traces de bétail.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION GENERALE
CHAPITRE 1: PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE
CHAPITRE 2 : PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE
DEUXIÈME PARTIE : ANALYSE DE LA FLORE ET DE LA VÉGÉTATION
CHAPITRE 3 : LA FLORE DE LA FORÊT CLASSÉE DE SANGAKO
CHAPITRE 4 : LA VÉGÉTATION DE LA FORÊT CLASSÉE DE SANGAKO
TROISIÉME PARTIE : ANALYSE DE LA DYNAMIQUE ET DE LA CONSERVATION DE LA FORÊT
CHAPITRE 5 : ANALYSE DE LA DYNAMIQUE DE LA VÉGÉTATION ET DE SES FACTEURS INTRINSÈQUES
CHAPITRE 6 : ANALYSE DE LA GESTION DE LA FORET CLASSEE DE SANGAKO
CONCLUSION GENERALE
BILIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIÈRES