Analyse de l’alternance codique dans l’émission takdar tarbah
La situation sociolinguistique en Algérie est très complexe. Elle se caractérise par la présence de plusieurs langues comme l’a constaté S. ABDELHAMID : « le problème qui se pose en Algérie ne se réduit pas à une situation de bilinguisme, mais peut être envisagé comme un phénomène de plurilinguisme » (2002 : 35). En fait, cette complexité et richesse du paysage linguistique en Algérie est due à son histoire et sa géographie. Par ailleurs, le marché linguistique algérien a subi et continue de subir des changements importants qui sont le résultat de la coexistence de plusieurs langues et variétés de langues. La réalité linguistique en Algérie est caractérisée par la pluralité c’est-à-dire la présence de plusieurs parlers : l’arabe et ses variétés, le français, le berbère et ses variétés, etc. Nous en citons l’arabe dialectal (darja) qui est une langue essentiellement orale, très utilisée dans les situations de la vie sociale. Elle comprend plusieurs variétés et elle n’est pas une langue officielle contrairement à l’arabe classique qui est considéré comme la langue nationale et officielle du pays. Quoique informel, l’arabe dialectal est parlé par une grande partie de la population algérienne ; l’usage en est visiblement dans pratiquement toutes les institutions (l’administration, l’enseignement, la presse, les médias, etc.).
Sous un autre angle, la langue française, considérée comme une langue étrangère, prend une place très importante dans le paysage linguistique algérien et dans différents domaines : administratif, politique, économique et éducatif. Elle est souvent mélangée avec la langue maternelle, que ce soit dans la vie quotidienne ou professionnelle. La langue française permet d’accéder au développement et aux cultures étrangères. C’est l’une des raisons qui ont fait que la langue française occupe une place fondamentale dans l’enseignement universitaire, technique et scientifique. A ce sujet, S. RAHAL affirme l’expansion de cette langue : « Aujourd’hui, l’usage du français est omniprésent. Cette langue se réapproprie peu à peu l’espace qu’elle avait perdu » (2001).
Quant à tamazight, il se présente sous forme de variétés dont chacune est la langue maternelle d’une communauté importante de la population algérienne. Nous pouvons en citer le kabyle, le chaoui, le tergui, etc. Tamazight, enseigné à l’école et à l’université, est promu de nos jours au statut de langue nationale et officielle au même titre que l’arabe classique. La richesse de la situation linguistique de l’Algérie fait d’elle une véritable source d’interrogations et de recherches. En effet, de nombreuses recherches, menées par les sociolinguistes aussi bien algériens qu’étrangers sur le phénomène du contact de langues, ont tenté de décrire les comportements langagiers des locuteurs algériens caractérisés par un plurilinguisme manifeste. De ce point de vue, les problématiques autours de l’alternance codique ont été largement étudiées afin d’éclaircir la situation sociolinguistique algérienne et de porter un regard sur les différents « marques transcodiques » existant dans les usages linguistiques des locuteurs algériens. Notant que le contact de langues est à l’origine de divers phénomènes linguistiques (les interférences, les emprunts, le métissage, le mélange codique, etc.). Notre thème de recherche s’inscrit dans le domaine de la sociolinguistique qui s’intéresse à la langue dans son aspect social, et aux différents usages que font les locuteurs des langues en présence dans un environnement social bien déterminé. Intitulé « l’alternance codique dans les émissions télévisuelles de divertissement. Cas de takdar tarbah de l’ENTV », notre travail traitera de l’alternance codique, un phénomène combien même très récurrent dans les pratiques langagières des Algériens.
Situation sociolinguistique en Algérie et cadre conceptuel
Aperçu sur la situation sociolinguistique en Algérie
Afin d’étudier l’alternance codique et de comprendre les raisons qui poussent les médias à recourir à telle ou à telle langue, il nous a semblé utile de donner un aperçu sur les langues en présence en Algérie ainsi que sur leur statut Ce qui frappe l’observateur lorsqu’il est confronté à une situation semblable à celle de l’Algérie c’est la complexité de cette situation : situation rendue complexe par l’existence de plusieurs langues ou plusieurs variétés linguistiques sans entrer dans les détails de l’évolution historique qui demandent de longues études diachroniques. Nous pourrions dire que l’Algérie se caractérise par une situation de plurilinguisme social.
L’Algérie, comme tout pays maghrébin, ou le français fut implantée depuis 1830, son champ linguistique est constitué d’un bouquet de langues et variétés de langues. Il existe une configuration linguistique complexe, se composant fondamentalement de l’arabe algérien, la langue de la majorité, de l’arabe classique ou conventionnel pour l’usage de l’officialité, de la langue française pour l’enseignement scientifique, le savoir et la rationalité de la langue amazigh, connue sous l’appellation de langue berbère qui se compose elle-même d’une constellation de parlers et de langues locales ou régionales, tout en entretenant des rapports constants avec les langues dominantes l’arabe et le français en l’occurrence.
Les langues en Algérie
En Algérie, les langues en usage sont utilisées par les Algériens pour leurs besoins de communication, à des degrés de maitrise inégaux. Gilbert GRAND GUILLAUME a noté dans son ouvrage que : trois langues sont utilisées au Maghreb : la langue arabe, la langue française et la langue maternelle, les deux premières sont des langues de culture, de statut écrite, le français aussi utilisé comme langue de conversation. Toutefois la langue maternelle véritablement parlée dans la vie quotidienne est un dialecte. (1983 : 52).
La langue arabe
En Algérie il y’a deux types d’arabe : l’arabe classique et l’arabe dialectal qui sont totalement différents tant au niveau de la structure, du statut et de l’utilisation dans la vie de tous les jours.
L’arabe classique
L’arabe classique est une langue chamito-sémitique née au Moyen Orient et au Golf persique. Cette langue était restreinte dans cette zone géographique, mais avec l’avènement du Coran écrit en arabe et de l’Islam, elle eut une expansion assez grande pour arriver jusqu’au Maghreb. Elle est la langue du Coran, ce qui explique à la fois sa richesse en vocabulaire et son caractère sacre auprès de certains sujets parlants arabes.
L’arabe dialectal
On a beau considéré l’arabe dialectal comme la langue maternelle de la majorité de la population algérienne, il est transmis oralement, il n’existe ni littérature ni journaux en arabe dialectal ; il véhicule toute une culture populaire, traditionnelle et contemporaine. En effet, son apparition se limite à des contextes sociaux informels, ayant un statut de langue vernaculaire, non officielle et non enseignée. Son statut lui offre la possibilité d’influencer et de se faire influencer par d’autres langues, plus précisément l’arabe classique ou émergent certains faits de langue tels que les emprunts ; on cite à titre d’exemple le contact de l’arabe dialectal et l’arabe classique qui donne lieu a une situation de diglossie en Algérie: arabe dialectal / arabe classique. Sans être reconnu par l’Etat, l’arabe dialectal est employé par les medias et dans certaines productions artistiques comme le théâtre.
Le tamazight
C’est la langue maternelle d’une minorité, soit 10% de l’ensemble des habitants de l’Algérie et comprend de multiples variantes telles que : le chaoui, le kabyle, le m’zabi et le tergui. Le 08 avril 2002, le parlement algérien a reconnu le tamazight comme «Langue nationale à côté de l’arabe », suite a une série d’émeutes réclamant le parachèvement de l’identité nationale et la nécessite de son intégration dans les systèmes éducatifs et médiatiques. La constitutionnalisation du tamazight comme langue nationale est, pour Abdelkader BENSALAH (président de l’assemblée Populaire Nationale), «une grande réalisation, un tournant dans l’histoire de la nation et le début d’une étape importante dans le parachèvement des composantes de l’identité nationale.» (CHIBANE.R 2009 :20). Depuis ce grand tournant politique, l’Etat veillera à la promotion et au développement du tamazight usité sur l’ensemble du territoire algérien. Pour BENFLIS : « le moment d’ouvrir grandes les portes de l’école et des medias au tamazight est venu » (CHIBANE.R 2009 : 20). Des lors, cette langue berbère retrouve progressivement sa place au sein de quelques établissements scolaires en Algérie ; on cite a titre d’exemple la grande et la petite Kabylie, Batna, Alger…etc. Par ailleurs, elle s’installe dans les medias écrits et audiovisuels lors des informations, des émissions (exemple : Tamourthnagh), des publicités et d’autres.
Le français
Langue officielle, unique lors de la période coloniale (1830-1962). Le français en Algérie est une langue apprise à l’école et a priori ne présente pas de variante orale/écrite comme l’arabe et tamazight. La langue française est la langue la plus controversée du paysage linguistique algérien. Étant la langue du colonisateur français, elle est perçue comme la langue qu’il a utilisée pour asseoir son autorité sur l’Algérie. Après l’indépendance, le français, ce «vestige de la colonisation», est devenu pour le gouvernement algérien comme une maladie honteuse, dont il faut à tout prix se débarrasser pour unifier le peuple algérien et se venger en quelque sorte de l’ex colonisateur français, c’est pour ça que le gouvernement de l’époque et pratiquement tous ceux qui l’ont suivi ont adopté une politique offensive contre le français, avec plusieurs lois et ordonnances que nous avons mentionnées précédemment qui coupent tout contact entre tous les domaines de la vie publique et administrative et le français, avec les lois sur l’arabisation forcée de tous les domaines précédemment cités. L’objectif de ce processus d’arabisation est donc la généralisation de l’arabe et sa protection du français, langue qui rivalise avec la langue nationale dans beaucoup de domaines. Après ce processus le français est devenu langue étrangère enseignée à partir de la troisième année du primaire.
L’anglais
La langue anglaise est la deuxième langue étrangère, c’est la langue dominante au monde, c’est une langue universelle qui est réputée pour son statut de langue «Des recherches scientifiques et techniques». La place qu’occupe la langue anglaise en Algérie n’est pas très importante. Dès l’année scolaire 1995/1996 les parents d’élèves avaient le choix entre l’anglais et le français comme langue étrangère, les parents d’élèves se sont vite aperçus que dans le supérieur, la langue d’enseignement restait le français, et que parfois l’accès aux connaissances est complété par l’anglais par des besoins de traduction, ceci en général dans les phases terminales : mémoires, thèses et recherches. C’est la raison pour laquelle ces parents ont décidé massivement de choisir le français. Après quelques années, l’enseignement de cette langue fut abandonné. L’anglais en Algérie reste présent par la musique et le cinéma .
Concepts de base
Le contact de langues
Le contact des diverses langues entraine une alternance codique, d’où l’émergence d’un discours alternatif produit par un locuteur dans une situation de communication donnée. C’est le cas de l’arabe dialectal et du français en Algérie, dont l’usage dans un même énoncé demeure très fréquent. Le contact de deux ou plusieurs langues demeure une réalité différemment nommée selon la situation et les chercheurs sociolinguistes ; on cite alors l’alternance codique, l’interférence, l’emprunt, la diglossie,…etc.
L’alternance codique
L’alternance codique (appelée «code switching» dans la terminologie américaine traditionnelle) est un mélange de langues usées tour à tour par le sujet parlant afin de produire un énoncé ayant un sens qui correspond à une situation linguistique donnée. Or, le changement de langue s’effectue dans une même phrase ou d’une phrase a une autre. Les travaux de GUMPERZ ont opéré une rupture dans le domaine des études sur l’alternance. En effet, il a démontré que l’alternance codique est une stratégie communicative et non pas un simple mélange linguistique aléatoire et arbitraire comme beaucoup ont eu tendance à le croire. Nous allons prendre en considération les travaux de GUMPERZ mais aussi les travaux d’autres chercheurs pour notre essai de définition. Pour J. GUMPERZ : « l’alternance codique dans la conversation peut se définir comme la juxtaposition à l’intérieur d’un même échange verbal de passage où le discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents » (1989 : 57).
Conclusion générale
En guise de conclusion générale, l’objectif principal de notre recherche consiste à décrire et à comprendre par la même occasion les usages alternatifs des langues dans une situation de communication bien précise. En effet, notre corpus est extrait d’une émission télévisuelle de divertissement. Il s’agit de l’émission takdar tarbah de la télévision algérienne. Nous avons essayé à travers ce travail de décrire les pratiques linguistiques bilingues chez l’animateur et les candidats, et de répondre au mieux à notre problématique qui est : Comment ce manifeste cette alternance codique ?et quelle serait la langue la plus alternée après l’arabe dialectal ?
En Algérie de nombreuses personnes adoptent un parler particulier, la situation sociolinguistique actuelle en Algérie est marquée par la présence de plusieurs langues et dialectes de statut remarquable. C’est un croisement de plusieurs langues inégal (arabe dialectal, arabe classique, français, kabyle et Anglais). Les conversations observées nous montrent une instabilité dans l’utilisation de ces codes, ainsi les locuteurs algériens passent très souvent d’une langue à une autre. Ces langues se trouvent constamment en concurrence, mais la langue française continue à jouer un rôle de communication important dans ce contexte multilingue. Les tentatives de faire de cette même langue une langue d’union tout au long de la période coloniale ont échoué, le français est de nos jours perçu comme une langue d’ouverture sur le monde, une langue de la modernité, voire une langue de culture. Face à cette situation, le contexte médiatique est devenu un terrain d’investigation privilégié, en tant que lieu de production et d’actualisation des langues. En choisissant le contexte des émissions télévisées, nous voulions mettre l’accent sur les systèmes linguistiques en usage tout autant que sur un phénomène qui résulte du contact de ces mêmes langues présentes dans le paysage sociolinguistique algérien. Il se trouve que notre pays devenu indépendant voit sa population s’exprimer en plusieurs langues à statut différents. D’abord la langue maternelle qu’est l’arabe dialectal et d’autres. Ensuite, la langue du prestige est qui est devenue une langue très utilisé aujourd’hui. D’un point de vue méthodologique, notre travail est organisé en deux chapitres. Le premier chapitre est d’ordre théorique, Dans ce dernier nous avons jugé utile d’exposer cette étude en deux sections ; la première est consacrée à la présentation de la situation sociolinguistique en Algérie, nous avons essayé de présenter les langues utilisées dans le pays. Ensuite dans la deuxième partie intitulée concepts de base nous avons abordé le phénomène du contact de langues et tout ce qui s’y rapporte comme l’emprunt, l’interférence…, ce qui nous a intéressé particulièrement est l’alternance codique.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Situation sociolinguistique en Algérie et cadre conceptuel
1. Aperçu de la situation sociolinguistique en Algérie
2. Concepts de base
Chapitre II : Analyse de l’alternance codique dans l’émission takdar tarbah
1. Présentation de l’étude
2. Analyse du corpus
Conclusion générale
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