Analyse de la question musées et tourisme

Analyse de la question musées et tourisme

Où se trouve le défi?

Il y a plus de dix ans, la muséologue Elsa Olu soulignait déjà dans son article « L’argument culturel du « touristique », l’argument touristique du culturel, symptômes de « la fin du muséal » »: « nous voici également désormais dans une « ère de loisir » difficilement discutable », dont les principaux ressors sont « le tourisme et la culture. Dans ce contexte, le tourisme devient un argument: l’économie en joue, l’utilise, quand la Culture, elle, s’en méfie. Et c’est là que se dessine une première ligne de fracture : si le tandem « économietourisme semble « aller de soi », l’économie et la culture sont souvent ressenties comme difficilement conciliables et l’alliance des deux, envisagée la plupart du temps comme subordination de la seconde à la première dans une société libérale et capitaliste, est elle ouvertement rejetée. De ce choc de valeurs entre tourisme et culture est né une véritable schisme, avec la survenue, d’un côté, de « l’économie-touristique », qui travaille le « tourisme culturel », et, de l’autre, le maintien de « La Culture » (sous-entendu la vraie, l’authentique, désintéressée, qui se voudrait à jamais indépendante des contextes et de contingences sociales, politiques, économiques… « 11. Mais, avec l’évolution de la société -en société des loisirs12- qui a rapidement joué en faveur de l’économie et du tourisme, sans même que les musées -les grands représentants de « La Culture »- aient vraiment donné leur « accord », l’institution muséale s’est vue devenir le « produit phare « à packager » » du tourisme culturel. C’est à dire, « l’économie touristique a trouvé dans le musée un nouveau potentiel », celui-ci devenant un magnifique argument de vente du site où il est implanté, pour en faire la promotion ; dans le marketing on parle de l’Unique Selling Proposition (USP). Dans ce sens, « les musées entendus comme « grands projets architecturaux » servent ainsi souvent à redorer l’image d’une ville et en assurent le rayonnement » 13 , tel l’exemple par excellence du Musée Guggenheim à Bilbao (ouvert en 1997). Cette évolution a aussi été dictée par un financement public moins généreux que dans le passé, à certaines exceptions près (selon la politique culturelle du pays). Dès lors, les musées « sont appelés à financer une partie de leurs dépenses eux-mêmes, que ce soit par la recherche de sponsors, les recettes de droits d’entrée ou la vente dans leurs boutiques de produits dérivés […]. Les dirigeants des musées sont devenus, souvent à leur corps défendant, de véritables entrepreneurs »14; c’est le début de « l’ère gestionnaire » des musées, ayant pour objectif d’augmenter leur autonomie. De toute façon, pour trouver des fonds, même publics, les musées se doivent d’attirer les regards. Ils y parviennent en se lançant dans une course effrénée d’expositions-événements qui se succèdent en effet à un rythme accéléré, dans le but de divertir et séduire le visiteur. Cäsar Menz, ancien directeur du Musée d’art et d’histoire de Genève s’insurge: « Nous ne devons surtout pas sous-estimer les visiteurs en leur proposant des manifestations de style fast-food »15, avec une programmation très dense, pour toujours faire parler de son institution. Évidemment que les moments de crise économique de la branche touristique ont favorisé l’envie de rapprochement, comme cela a été le cas en Belgique, en 2016. « […] avec une forte chute de la fréquentation touristique depuis plus d’un an, l’industrie et les institutions du tourisme ont envie de mettre fin à certains freins qui retarderaient une reprise. Comme en France, des milliers d’emplois et la croissance sont en jeu et, dans ce contexte, le rôle de la culture et des musées est capital pour l’image, la notoriété et l’attractivité d’une région, en particulier pour ses visiteurs étrangers. Parmi les freins à la reprise, l’absence d’une forte coopération entre les opérateurs du tourisme et les musées d’une destination pose problème »16, explique Evelyne Lehalle. On ne peut cependant nier que cette « instrumentalisation » du musée par l’économie où l’institution devient « l’outil au service du « tourisme culturel », met un coup de projecteur sur l’institution muséale qui, à court terme, a un impact positif -économique, touristique (un nouveau public) et éventuellement social (le musée en tant que dispositif fédérateur d’une population fière de son institution revalorisée). Le problème, selon la muséologue Elsa Olu, réside surtout du côté des musées qui doivent de leur côté entreprendre un questionnement profond sur leur identité et le nouveau rôle à jouer dans le monde actuel, pour s’atteler à un vrai projet muséal novateur, intégrant les changements sociétaux tout en gardant à l’esprit leurs missions premières (conserver, rechercher, enseigner). C’est le seul moyen de garder toute légitimité17. Beaucoup de musées semblent reculer devant cette ample tâche et palier à ce manque de renouveau interne en acceptant quelque part cette subordination au tourisme culturel, qui arriverait, dans certains cas, pour ainsi dire au « bon moment ».

Que se passe-t-il vraiment du côté des musées?

Le musée serait-il devenu « à ce point insuffisant, obsolète et injustifié » 18? Une petite recherche bibliographique suffit pour se rendre compte que l’institution muséale n’est pas arrivée à bout du processus de sa transformation, annoncée il y a plus de 30 ans comme une nécessité absolue19. Une chose est donc certaine, les musées savent depuis fort longtemps qu’ils doivent changer. Comme mentionné plus haut, la direction du changement émerge aussi dans ses grandes lignes, parallèlement à la société de loisir à laquelle les musées doivent s’adapter. Pour mieux comprendre en quoi consiste le nouveau virage pris par le musée et en quoi ses objectifs premiers divergent de ceux du tourisme, il faut d’abord se rappeler ses missions, bien définies depuis 1986 par l’ICOM), dans le code de déontologie pour les musées : « Le musée est une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l’homme et son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à des fins d’étude, d’éducation et de délectation ». Si, dans le passé, les conservateurs se « profilaient » comme collectionneurs et brillaient par leurs connaissances, œuvrant avant tout à la conservation, l’étude et l’accroissement de la collection muséale -la grande priorité du musée-, la donne a changé. Le métier du conservateur se trouve par ailleurs sous la loupe des chercheurs20. Les musées se sont désormais refondés autour du visiteur21 et de son accueil. « Du musée traditionnel, parvenu jusqu’à nous sans grande transformation depuis le XIXe siècle, au musée « événement » instrumentalisé par les politiques urbaines et l’économie touristique, les musées connaissent une transformation profonde depuis une trentaine d’années » 22… C’est dans ces termes que commence l’appel à communication pour le colloque « Nouveaux musées, nouvelles ères urbaines, nouvelles mobilités touristique », qui s’est tenu à l’Université Paris1 – Panthéon-Sorbonne, en 2011. Les musées semblent donc bien avoir pris en considération les changements advenus dans l’industrie touristique, et notamment la dimension d’expérience vécue. Cette dernière est devenue centrale aux musées comme au tourisme, ainsi que le montre l’article « Destination musée » de Barbara Kirshenblatt-Gimblett 23 . Les mutations que traversent les musées sont entre autre perceptibles justement par ce changement d’équilibre dans les différentes missions du musée, comme formulé aussi par Nélia Dias, commentant le texte de Kirshenblatt-Gimblett: « les musées se caractérisaient jusqu’à très récemment par leurs collections, et leurs responsables étaient désignés par le terme de « conservateurs ». De nos jours, les musées se définissent beaucoup plus par leurs relations avec les visiteurs qui sont envisagés comme des clients. Autrement dit, ce qui compte c’est le service rendu au public plutôt que le produit qu’on expose. « 24… Sans discuter le fond, la formulation pourrait froisser bon nombre de gens du musée. Car, sans nier ce que les musées et le tourisme peuvent avoir comme but commun, « on ne peut sous-estimer ce que leurs visées ont de profondément différent »25. Pour Evelyne Lehalle, les points qui les différencient doivent absolument être pris en compte dans une tentative de rapprochement entre tourisme et musées. Ça commence par le tempo. Dans le monde du tourisme on agit vite, on parle d’efficacité et d’efficience, pour pouvoir avoir des « résultats » immédiats, alors que les professionnels des musées sont moins pressés par le temps, car ils savent que dans leur monde les changements sont long à mettre en place (il faut souvent passer par les différentes étapes bureaucratiques); peu importe en principe, car ils cherchent à réaliser des progrès durables. Les conservateurs de musées ont des missions à long terme, dans une certaine continuité avec leurs prédécesseurs pour pérenniser l’identité et les valeurs de leur institution publique. Cherchant à avoir un impact plus profond sur la société, « les musées n’aiment en principe pas trop les touristes. Comment peut-on durablement enseigner à quelqu’un qui, par définition, ne fait que passer? Visiter « en touriste » un musée, n’est-ce pas le visiter en vitesse, de façon superficielle? Travailler à l’intégration sociale d’un touriste est aussi, évidemment, impossible » 26 . Spécialiste du tourisme, Remy Knafou rappelle: « […] il existe encore une tendance chez certains professionnels de la culture, chez des conservateurs de musée, à considérer les touristes comme des intrus et, au mieux, comme un mal nécessaire »27. William Saadé, conservateur honoraire du patrimoine et commissaire d’exposition, va encore plus loin en expliquant qu’au fond le tourisme culturel s’adressait prioritairement aux couches favorisées des sociétés occidentales, accessoirement aux classes populaires et en réalité à une part infime de la population mondiale. […] Les inégalités ne font qu’accentuer les ressentiments entre riches et pauvres et entre nord et sud. […] La seule véritable question que les professionnels de la culture, les aménageurs et décideurs politiques devraient se poser serait la suivante: à qui profitent réellement les investissements cultures publics et privés? […] Au-delà de l’aspect strictement culturel, les enjeux sont de l’ordre de la démocratie, du bien-être partagé et de la dignité citoyenne »28.

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Table des matières

INTRODUCTION: Méthodologie de travail
SECTION 1: Analyse de la question musées et tourisme
I) Musées et tourisme : état de la question
a) Où se trouve le défi
b) Que se passe-t-il vraiment du côté des musées
c) Bref, quelle serait la situation idéale pour qu’un rapprochement de qualité entre musées et
tourisme puisse avoir lieu
d) Pour résumer
II) Musées et tourisme: que se passe-t-il à Genève? Évolution 2011-2020
SECTION 2: COMBINAISON RECHERCHÉE: ART/CULTURE-HÔTELS.
CHRONOLOGIE APPROXIMATIVE D’UNE TENDANCE QUI SE CONFIRME
I) Initiatives au nom de la culture
II) Une nouvelle formule du concept « boutique-hôtel » avec l’art (contemporain) comme
spécificité
III) Les hôtels qui se mettent au trend de l’art contemporain
IV) Exemples qui s’inspirent des premières initiatives au nom de la culture
V) Les hôteliers/ères collectionneurs/euses d’art contemporain
VI) L’hôtellerie dans des lieux historiques séduite par l’art contemporain
VII) Initiatives d’un rapprochement avec l’hôtellerie émanant des musées
VIII) Le Motown 2024, projet australien hôtel-musée aux dimensions extravagantes
IX) Résumé
SECTION 3: CRÉATION D’UN ÉVÉNEMENT TEST À GENÈVE
I) Expérience sur le terrain: vers la mise en place d’un événement test
a) Mon positionnement
b) L’institution muséale choisie: Le musée Ariana de Genève
c) Prémisses: le choix du public cible
d) À la recherche d’hôtels avec une salle de conférence
e) Le lieu partenaire: l’Hôtel InterContinental
f) Le partenariat entre l’InterContinental et l’Ariana: un accord « win-win
II) Concrétisation de la forme de l’événement test
a) Touristes et médiation culturelle
b) Analyse de la situation de base et analyse SWOT
SECTION 4: STRATÉGIE
I) Définir la vision et le positionnement
a) Vision
b) Mission
c) Positionnement
c.1) Cadre de référence :
c.2) Public cible :
c.3) USP/UCP :
c.4) Les raisons :
II) Définition des objectifs et des indicateurs clés de performances des différentes
perspectives
a) Objectifs SMART
b) Perspective du groupe-cible
c) Perspective de l’expérience
c.1) L’économie de l’expérience liée à la culture permet de vivre le moment plus intensément:
c.2) L’Experience sharing
c.3) Facteur WOW:
III) Gestion
a) Événement Ariana-American International Women’s Club of Geneva
b) Double événement Ariana-InterContinental
IV) Détails du Projet
a) Événement Ariana-American International Women’s Club of Geneva
b) Double événement Ariana-InterContinental
V) Budgets sur la base du « donnant-donnant »
VI) Évaluation
a) Événement Ariana-American International Women’s Club of Geneva
b) Double événement Ariana-InterContinental
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
RÉSUMÉ

 

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