ANALYSE CHIMIQUE
Des analyses chimiques ont été effectuées, au département Matériaux et Mécanique des Composants (MMC-EDF) sur les tôles et sur des échantillons issus de composants expertisés suite aux incidents. Le Tableau I-1 résume les compositions obtenues. Dans le Tableau I-1 figure aussi la composition chimique de deux aciers 304L étudiés dans le programme recherche d’EDF et utilisés dans le cadre de notre étude : des éprouvettes prélevées dans une Bride (Bride BT) provenant d’une ébauche de bride de barrière thermique de pompe primaire et la tôle repère T112. La composition de la tôle T218 est assez représentative du coude RRA de Civaux 1, mais avec une teneur en nickel plus élevée qui doit lui assurer une plus grande stabilité vis à vis des transformations martensitiques induites par trempe, et une plus faible teneur en ferrite.
Instrumentation de l’essai
Les essais de fatigue isotherme sont réalisés soit sur une machine hydraulique soit sur une machine électromécanique. Les éprouvettes sont placées dans un four à images, à quatre lobes, d’une puissance maximale de 6 kW. Leur température est asservie à l’aide d’un thermocouple Chromel-Alumel ligaturé au centre de la zone utile. Pour la mesure de la déformation, nous utilisons un extensomètre longitudinal qui a entièrement été développé au laboratoire et qui est présenté sur la Figure II-3. Le contact avec l’éprouvette est réalisé par l’intermédiaire de deux couteaux en alumine qui transmettent, via un système d’articulation, l’allongement de l’éprouvette à quatre jauges d’extensométrie. Connaissant le coefficient d’amplification du capteur, nous pouvons calculer la déformation pour une valeur donnée de la base de mesure qui est proche de 10 mm. La précision des mesures de déformation est de l’ordre de 0,01 %, ce qui correspond à un déplacement d’environ 1 µm. L’extensomètre est situé sur un support, lui-même fixé sur le four dans lequel est pratiquée une ouverture pour le passage des tiges d’alumine. Pour détecter l’endommagement des éprouvettes, nous utilisons un suiveur électrique de fissures alimenté en courant continu. Nous mesurons ainsi continûment la différence de potentiel (ddp) entre deux points fixes de l’éprouvette. En effet, l’apparition de l’endommagement au sein du matériau se traduit par une variation de la résistance de l’éprouvette et donc par une variation de la ddp. Nous avons choisi d’arrêter les essais pour une variation de la ddp, DV/V0 de 0,125. Un tel critère correspond, dans notre cas, à la propagation d’une fissure de taille moyenne de 6 mm en surface. Nous appelons Nf le nombre de cycles écoulés pour l’obtention d’une telle fissure. N25 est le nombre de cycles correspondant à 25% de chute de charge par rapport au niveau enregistré à mi-durée de vie.
Transformation martensitique en fatigue
Dans certains aciers austénitiques métastables, l’austénite g peut se transformer par déformation plastique en martensite a’. Pat et al (1970) ont montré que la transformation suit l’ordre gÆeÆa’, L’apparition de la martensite a’ est observée principalement à l’intersection de deux bandes e ou une bande e avec un joint de grain. Ce type de transformation affecte dans certains cas aussi bien la réponse cyclique du matériau que sa durée de vie en fatigue. D’après Krupp et al (2001), le comportement de transformation martensitique est facilement modifié par la variation de la composition chimique. Ils ont ainsi constaté que la quantité de martensite formée augmente quand la teneur en carbone diminue dans le matériau. Lecroisey et Pineau (1972) ont montré que les propriétés mécaniques en traction de l’acier inoxydable métastable sont sensibles à la température et à la composition. Des observations microscopiques ont révélé que la morphologie et la structure de la martensite formée par déformation plastique diffèrent complètement de la martensite obtenue par transformation spontanée. Amazallag et al. (1976) ont constaté, dans le cas d’une nuance métastable de l’acier inoxydable austénitique à l’ambiante, une augmentation de l’écrouissage cyclique au-delà d’une amplitude de déformation plastique voisine de Dep/2 = 0,9%. Cette augmentation a été attribuée à l’apparition de deux phases martensitiques e et a’ qui augmentent avec le taux de déformation. Ils ont montré que les teneurs relativement faibles en martensite a’ transformée (< 15%) ne conduisent pas à une altération sensible de la résistance à la fatigue oligocyclique par rapport aux nuances stables. La transformation martensitique affecte aussi bien l’amorçage et la propagation des fissures. Dans ce cadre, Baffie et al (2000) ont trouvé que dans les aciers inoxydables métastables, les fissures s’amorcent généralement dans la région transformée et se propagent exclusivement dans la martensite. Ils ont montré que la diminution de la taille de grain a un effet plus bénéfique sur la durée de vie pour les aciers métastables que pour les aciers stables. Ils ont attribué cet effet à l’influence des joints de grains qui dévient le trajet de transformation en pointe de fissure et retardent la propagation de la fissure, et à la consommation élevée d’énergie de transformation dans le matériau à petit grains. Bassler et Eifler (1999) ont montré que dans le 304L l’initiation de la transformation martensitique commence à partir d’une certaine valeur de déformation plastique cumulée. Baudry et Pineau (1977) ont montré qu’à température ambiante et à 50°C, la transformation martensitique a’ se traduit par un durcissement cyclique du matériau et une diminution de la résistance à la fatigue pour des amplitudes de déformations totales supérieures à 1%. Ils ont montré aussi que l’amorçage et la propagation des fissures de fatigue sont accélérés par la transformation gÆa’ induite par déformation. En termes de propagation Mei et al (1990) ont mis en évidence une diminution de la vitesse de fissuration dans un acier inoxydable métastable due à la formation de martensite en pointe de fissure.
Effet de la forme du cycle sur la durée de vie du matériau
Sur le diagramme de durée de vie (Figure III-45) on remarque que la durée de vie du matériau en fatigue mécano-thermique suivant un cycle type ‘CEA 170 -320°C’ est inférieure à celle d’un essai de fatigue isotherme réalisée à 320°C. Sur un diagramme Ds/2 = f(Nf) la durée de vie en fatigue mécano-thermique 170 – 320°C correspond à l’ordre de grandeur de durée de vie de l’essai de fatigue isotherme à 320°C. Comparé aux essais de fatigue mécano-thermique hors-phase 90 – 165°C, le cycle 170 – 320°C conduit à une durée de vie beaucoup moins importante (réduction d’un facteur de 3,3). Bien que la déformation moyenne soit supérieure dans le cas du cycle 170 – 320°C, nous avons vu que la contrainte résultante est symétrique ce qui laisserait probablement imaginer plutôt un effet de température.
INFLUENCE DU PRE-ECROUISSAGE SUR LA DUREE DE VIE DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTENITIQUE 304L
La Figure IV-17 compare les durées de vies en fatigue (isotherme et anisotherme) sur matériau vierge et pré-écroui. Il ne semble pas y avoir de différence significative entre les essais réalisés sur matériau vierge et matériau pré-écroui à 165°C. Toutefois, le pré-écrouissage cyclique donne une durée de vie un peu plus grande que le matériau vierge et le matériau pré-écroui par traction monotone. Sachant que, dans le cas du matériau pré-écroui, la fissure de fatigue isotherme s’est propagée hors zone utile, on peut considérer que la durée de vie de ce type de matériau est supérieure à celle du matériau vierge. Les essais de fatigue mécano-thermique donnent les mêmes durées de vie que le matériau vierge suivant un cycle hors-phase entre 90 et 165°C. Le pré-écrouissage n’affecte pas la durée de vie de l’acier inoxydable austénitique 304L en fatigue isotherme. La variation de température a tendance à relaxer la contrainte moyenne induite par pré-écrouissage et par la suite un pré-écrouissage que ce soit cyclique ou monotone (plus sévère) donne des résultats comparables aux essais de fatigue mécanothermique hors-phase 90 – 165°C réalisés sur matériau vierge. La Figure IV-18 représente l’ensemble des résultats sur un diagramme donnant l’amplitude de contrainte à mi-durée vie en fonction du nombre de cycles à rupture. Pour une amplitude de contrainte donnée, le matériau pré-écroui en traction monotone possède une durée de vie 7 fois plus grande que le matériau vierge aussi bien à 165°C qu’en fatigue mécano-thermique type hors-phase. Une sollicitation anisotherme sur matériau pré-écroui n’affecte pas la durée de vie par rapport à un cyclage isotherme à 165°C à une fréquence plus élevée (1 Hz). La Figure IV-19 présente le diagramme de durée de vie en déformation plastique. Sur ce type de diagramme, pour une déformation plastique donnée, le pré-écrouissage cyclique ne semble pas avoir un effet sur la durée de vie du matériau à 165°C et en fatigue mécano-thermique. En effet, comme on l’a déjà vu, après un pré-écrouissage cyclique à température ambiante, l’acier inoxydable 304Lconserve un caractère viscoplastique assez marqué et comparable à celui de l’état vierge. En plus, un tel préécrouissage n’induit pas de différence de niveaux de contraintes entre les deux états du matériau. Par conséquent, à énergie élasto-plastique égale, le nombre de cycles à rupture ne change pas entre l’état vierge et l’état pré-écroui de l’acier inoxydable austénitique 304L. Un pré-écrouissage monotone à température ambiante donne des durées de vie réduites en fatigue isotherme à 165°C (avec un rapport de déformation supérieure à zéro), même pour des amplitudes de déformation plastique très faibles alors que sur un matériau vierge les essais durent 100 fois à 1000 fois plus longtemps (Figure IV-19). En fatigue mécano-thermique, et pour le niveau de déformation mécanique testé, on n’observe pas de différence entre le matériau vierge et le matériau pré-écroui. Sur un diagramme de durée de vie en déformation plastique (Figure IV-19), la sollicitation anisotherme tend à augmenter la durée de vie du matériau pré-écroui comparée à la sollicitation isotherme à 165°C.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
INTRODUCTION
ENJEU INDUSTRIEL
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
I PRÉSENTATION DU MATÉRIAU
I.1 INTRODUCTION
I.2 TRAITEMENT THERMIQUE
I.3 ANALYSE CHIMIQUE
I.4 CARACTÉRISTIQUES MÉTALLURGIQUES
I.4.1 Taille de grain
I.4.2 Teneur en ferrite
I.4.3 Transformation martensitique
I.5 CARACTÉRISTIQUES MÉCANIQUES DE TRACTION
EN RÉSUMÉ
II MÉTHODES EXPÉRIMENTALES
II.1 ESSAIS DE FATIGUE ISOTHERME
II.1.1 Les éprouvettes de fatigue isotherme
II.1.2 Instrumentation de l’essai
II.2 ESSAIS DE FATIGUE MÉCANO-THERMIQUE
II.2.1 L’éprouvette de fatigue mécano-thermique
II.2.2 Description de l’essai de fatigue mécano-thermique
II.2.3 Forme du cycle mécano-thermique
II.3 ESSAIS DE FISSURATION EN PLASTICITÉ GÉNÉRALISÉE
II.3.1 Principe de l’essai
II.3.2 Instrumentation des éprouvettes
II.4 ÉCROUISSAGE CYCLIQUE
II.5 ESSAIS DE RELAXATION
II.5.1 Les éprouvettes de relaxation
II.5.2 Description de l’essai de relaxation
II.6 EN RÉSUMÉ
III COMPORTEMENT EN FATIGUE DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L
III.1 COMPORTEMENT EN FATIGUE ISOTHERME DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L
III.1.1 Introduction
III.1.2 Rappels bibliographiques
III.1.3 Résultats expérimentaux
III.1.4 Durées de vie du 304L en fatigue isotherme
III.2 COMPORTEMENT EN FATIGUE MÉCANO-THERMIQUE DU 304L
III.2.1 Introduction
III.2.2 Rappels bibliographiques
III.2.3 Comportement de l’acier inoxydable austénitique 304L en fatigue mécano-thermique
III.2.4 Durée de vie du 304L en fatigue mécano-thermique
III.3 ENDOMMAGEMENT DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L
III.3.1 Fatigue isotherme
III.3.2 Endommagement en fatigue mécano-thermique
III.4 EN RÉSUMÉ
IV INFLUENCE DU PRÉ-ÉCROUISSAGE SUR LE COMPORTEMENT ET LA DURÉE DE VIE DU 304L
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 PRÉ-ÉCROUISSAGE CYCLIQUE À TEMPÉRATURE AMBIANTE
IV.2.1 Principe de l’essai
IV.2.2 Fatigue isotherme à 165°C
IV.2.3 Fatigue mécano-thermique hors-phase
IV.2.4 Effet de la sollicitation mécano-thermique sur le comportement cyclique du matériau préécroui en fatigue à 25°C
IV.3 PRÉ-ÉCROUISSAGE MONOTONE À TEMPÉRATURE AMBIANTE
IV.3.1 Principe du pré-écrouissage
IV.3.2 Fatigue isotherme à 165°C
IV.3.3 Fatigue mécano-thermique
IV.4 INFLUENCE DU PRÉ-ÉCROUISSAGE SUR LA DURÉE DE VIE DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L
IV.5 EN RÉSUMÉ
V COMPORTEMENT EN RELAXATION DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L
V.1 CARACTÉRISTIQUES D’UN ESSAI DE RELAXATION
V.1.1 Les différents types de machines
V.1.2 Essai de relaxation idéal
V.2 EFFET DE LA TEMPÉRATURE SUR LE COMPORTEMENT EN RELAXATION DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L
V.2.1 Rappels bibliographiques
V.2.2 Résultats expérimentaux à e˙ch =10-5 s-1
V.2.3 Taux de relaxation
V.2.4 Vitesses de déformation plastique
V.2.5 Volumes d’activation
V.3 INFLUENCE DE LA VITESSE DE CHARGEMENT SUR LE COMPORTEMENT EN RELAXATION DU 304L À 50°C
V.3.1 Taux de relaxation
V.3.2 Vitesses de déformation plastique
V.3.3 Volumes d’activation
V.4 EFFET DU PRÉ-ÉCROUISSAGE SUR LE COMPORTEMENT EN RELAXATION DU 304L
V.4.1 Introduction
V.4.2 Procédures expérimentales
V.4.3 Relaxation des états écrouis à 50°C
V.4.4 Relaxation de l’état écroui à 250°C
V.4.5 Effet de la température sur la relaxation du matériau pré-écroui en chargement monotone
V.4.6 Vitesses de déformation plastique et volumes d’activation
V.5 EN RÉSUMÉ
VI FISSURATION EN PLASTICITÉ GÉNÉRALISÉE DE L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L : FISSURES COURTES
VI.1 INTRODUCTION
VI.2 RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
VI.2.1 Fissuration en plasticité généralisée : Fissures courtes
VI.2.2 Fisuration de l’acier inoxydable austénitique 304L sous sollicitations mécano-thermiques
VI.2.3 Comparaison isotherme – anisotherme
VI.2.4 Effet du pré-écrouissage monotone sur la cinétique de fissuration du 304L
VI.3 ENDOMMAGEMENT EN PLASTICITÉ GÉNÉRALISÉE SUR L’ACIER INOXYDABLE AUSTÉNITIQUE 304L À MOYENNE TEMPÉRATURE
VI.4 EN RÉSUMÉ
VII MODÉLISATION ET DISCUSSION
VII.1 INTRODUCTION
VII.2 DÉMARCHE DE CALCUL DES DURÉES DE VIE À PARTIR DES ESSAIS DE FISSURATION
VII.3 RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
VII.4 LES DIFFÉRENTES APPROCHES DE CROISSANCE DE FISSURES COURTES EN PLASTICITÉ GÉNÉRALISÉE
VII.4.1 Utilisation de concept de mécanique de la rupture élasto-plastique
VII.4.2 Solution énergétique dans le cas d’une fissure 2D
VII.4.3 Solution énergétique dans le cas d’une fissure circulaire
VII.4.4 Modèle de Tomkins de propagation d’une fissure 2D en fatigue :
VII.5 IDENTIFICATION DE LA LOI DE COMPORTEMENT EN FATIGUE
VII.5.1 Loi de comportement
VII.5.2 Paramètres et validation de la loi de comportement
VII.6 ANALYSE DES COURBES DE FISSURATION DA/DN – JCYCLIQUE
VII.6.1 Essais de propagation à 165°C
VII.6.2 Essais de propagation à 90°C
VII.7 APPLICATION AU CALCUL DE DURÉE DE VIE
VII.7.1 Calcul à partir de la loi de fissuration da/dN – Jcyclique
VII.7.2 Modèle mixé da/dN – Jcyclique et Tomkins
VII.7.3 Modèle de durée de vie à 165°C
VII.7.4 Durées de vie en fatigue isotherme à 90°C
VII.7.5 Validation du modèle de durée de vie en fatigue mécano-thermique hors-phase 90 – 165°C
VII.8 LIMITES DU MODÈLE
EN RÉSUMÉ
CONCLUSIONS
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