La variabilité climatique, notamment le réchauffement climatique, dans le monde en général et en Afrique en particulier n’est plus à démontrer. En raison de leurs répercussions immédiates sur la santé de la population, les questions de changements climatiques sont placées depuis quelques temps au centre des préoccupations des scientifiques et des décideurs politiques dans le monde. Selon le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), le réchauffement planétaire en cours pourrait atteindre 1,1 à 6,4°C d’ici 2100 favorisant des modifications de l’environnement, une élévation du niveau de la mer et des évènements climatiques extrêmes comme les vagues de chaleur. Ces dernières font partie des extrêmes climatiques les plus préoccupants au regard de la vulnérabilité de nos sociétés et de l’évolution attendue de leur fréquence et leur intensité au XXIe siècle. Elles contribuent à déclencher certaines pathologies comme les maladies de l’appareil respiratoire et les maladies cardiovasculaires particulièrement chez les jeunes, les personnes âgées et les personnes à la santé fragile et provoquent une augmentation du nombre de décès. Ce phénomène climatique provoque de manière récurrente à travers le monde des catastrophes humaines, économiques et sanitaires.
Ainsi, en dépit de certains progrès réalisés dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie environnementales et de la santé, la canicule affecte davantage les populations les plus vulnérables. Le stress thermique, qui menace ces populations, constitue également, pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une des priorités sanitaires des prochaines décennies : « Au-delà d’un certain seuil, chaque degré Celsius supplémentaire est susceptible d’accroître la mortalité de 2 à 5% », indiquent l’OMS et l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) .
En effet, le Sénégal a un climat tropical à tendance chaude. De ce fait, les épisodes de forte chaleur sont relativement fréquents et ils risquent de s’accentuer avec le changement climatique. C’est dans cette optique que le GIEC confirme qu’au cours du XXIème siècle, le réchauffement climatique en Afrique serait plus important qu’au niveau mondial .
PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
La problématique des vagues de chaleur s’inscrit dans un contexte de changement climatique caractérisé par un dérèglement du système climatique qui expose les populations à des risques sanitaires. Par ailleurs, les épisodes caniculaires sont de plus en plus fréquents. Or le Sénégal n’a pas pris conscience du problème qui nuit la santé des populations, d’autant plus que le système de santé n’est pas préparé pour faire face à cette situation. Aucune alerte n’a été mise au point pour prévenir et protéger la population. En effet, le service météorologique ne savait pas à qui s’adresser pour prendre un dispositif d’alerte contre la canicule et de ses impacts. Par ailleurs, l’exposition d’une personne à une température extérieure élevée pendant une période prolongée, sans possibilité de récupération, est susceptible d’entraîner de graves complications par manque de régulation thermique du corps humain. Le plus important, c’est l’excès de température nocturne car dans ce cas le corps ne peut pas se reposer. Les périodes de fortes chaleurs sont alors propices aux pathologies et/ou à l’aggravation de pathologies préexistantes, due à l’hyperthermie, surtout chez les personnes fragiles (notamment les petits enfants, les personnes âgées, atteintes d’un handicap ou d’une maladie chroniques, traités par certains médicaments…) et/ou les personnes particulièrement exposées à la chaleur (habitat, conditions de travail…).
Le Sénégal est à la fois un pays sahélien très sensible aux impacts des changements climatiques et un pays à faible revenu où les populations sont confrontées à de multiples problèmes de santé engendrés par des facteurs socio-économiques, environnementaux, politiques et culturels. En effet, ces dernières années selon l’Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie (ANACIM) le Sahel est marqué par un épisode caniculaire exceptionnel du 20 au 27mai 2013 . D’ailleurs des recherches ont montré les impacts sanitaires qui découlent des vagues de chaleur dans plusieurs pays surtout dans les pays développés où la surmortalité a été largement étudiée, ce qui permet d’expliquer relation qui existe entre la santé et le climat. Le changement climatique au Sahel représente donc un nouvel enjeu pour ceux qui s’emploient à protéger la santé humaine.
Contexte et justification
Dans le contexte du changement climatique global, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat prévoit une augmentation de la température et de la fréquence d’épisodes de chaleur très intenses (GIEC, 2001). La relation entre la température et la mortalité, qui pendant longtemps n’a guère intéressé les chercheurs, est en train de prendre une importance toute nouvelle dans le contexte d’un possible ou probable réchauffement planétaire. Au Sénégal, les études sont essentiellement orientées vers les précipitations. En effet le climat mondial se réchauffe et ce réchauffement continu est dû à l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre qui est corrélée à la fois au développement des activités humaines et à la croissance de la population mondiale.
De manière générale, il est admis que les effets de cette modification rapide du climat sur la santé risquent d’être très largement négatifs, notamment pour les populations les plus pauvres, les plus faibles, les plus mal préparées. Avant de confirmer le réchauffement à l’échelle de la planète, le GIEC s’est assuré que la tendance détectée était belle et bien statistiquement significative et qu’elle se démarquait de la variabilité naturelle du climat. La confirmation d’un réchauffement statistiquement significatif à l’échelle de toutes les régions du globe, comme celle du Sahel au Sénégal se fera certainement attendre. L’augmentation des températures au Sahel et en particulier au Sénégal est fortement liée au rayonnement solaire. La répartition énergétique de ce rayonnement n’est pas uniforme autour du globe. La zone intertropicale est excédentaire en énergie thermique tandis que les régions polaires en sont déficitaires. Cette inégalité entretient la circulation générale atmosphérique et concourt à expliquer une certaine variabilité saisonnière des paramètres climatiques.
Ce qui a émergé des discussions est de se focaliser sur les districts de la région de Matam où l’évènement extrême de mai 2013 a été le plus marquant avec des températures maximales supérieure à 45°C pendant plusieurs jours et un certain nombre de décès directement imputable à priori à ces températures élevées .
Dans le contexte de la variabilité climatique, l’augmentation des températures et des vagues de chaleur constituent un impact négatif pour la population. D’ailleurs le Sénégal est intégré dans le projet ACASIS qui a pour objectif de mettre un système d’alerte pré-opérationnel aux canicules au Sahel adaptés aux risques sanitaires des populations. Plus spécifiquement il s’agit :
– d’évaluer la vulnérabilité physiologique, sociétale et environnementale aux vagues de chaleur, définir des indicateurs biométéorologiques adaptés ;
– d’évaluer et améliorer la prévisibilité des vagues de chaleur ;
– et de mieux connaitre l’évolution future de ces vagues de chaleur .
Au Sénégal, dans les régions chaudes et sèches marquées dans leur grande majorité par des mutations rapides affectant les domaines économique, politique, social, culturel, environnemental et sanitaire, le changement climatique pose la question de la canicule avec un intérêt considérable. Face à l’incapacité de maîtriser la dynamique climatique et à satisfaire les besoins de la population, la zone sahélienne pose de redoutables problèmes de santé liés à la variabilité climatique entrainant l’extrême chaleur. Il est donc devenu primordial d’analyser l’impact de la canicule sur la santé des populations. C’est d’ailleurs l’objet des recherches du projet ACASIS financé par l’ANR dans les contextes de sociétés, changements climatiques et environnementaux.
Les impacts sanitaires des vagues de chaleur ont été analysés dans les pays développés surtout après la canicule de 2003 en Europe de l’Ouest alors dans les pays en développement peu d’actions ont été mises en place pour évaluer les impacts, en particulier en Afrique de l’Ouest où le climat est chaud et sec et que les capacités d’adaptation sont faibles. D’ailleurs les vagues de chaleur sont en augmentation ces dernières 20 années appuyant ainsi les projections climatiques qui indiquent l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur dans les années à venir. Leurs impacts sur la santé des populations sont moins étudiés en Afrique.
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Table des matières
I.INTRODUCTION
II.PROBLEMATIQUE
II.1.CONTEXTE ET JUSTIFICATION
II.2. OBJECTIFS DE L’ETUDE
II.3.QUESTIONS DE RECHERCHE
II.4. HYPOTHESES
II.5.ANALYSE CONCEPTUELLE
III. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
PREMIERE PARTIE : GEOGRAPHIE DES DEPARTEMENTS DE LOUGA ET DE LINGUERE ET VARIATION DES TEMPERATURES
CHAPITRE I : GEOGRAPHIE DES DEPARTEMENTS DE LOUGA ET DE LINGUERE
CHAPITRE II : EVOLUTION ET VARIATION DES TEMPERATURES DANS LES DEPARTEMENTS DE LOUGA ET DE LINGUERE
DEUXIEME PARTIE : CONSEQUENCES SANITAIRES LIEES A LA VAGUE DE CHALEUR DE MAI 2013
CHAPITRE I : ANALYSE DE LA MORBIDITE DIAGNOSTIQUEE ET DE LA MORTALITE EN RELATION AVEC LA VARIABILITE CLIMATIQUE
CHAPITRE II : MORBIDITE RESSENTIE ASSOCIEE A LA HAUSSE DES TEMPERATURES
TROISIEME PARTIE : CONTRIBUTION A LA MISE EN ŒUVRE D’UN SYSTEME D’ALERTE PRECOCE AUX CANICULES PAR L’ANALYSE DES CAPACITES D’ADAPTATION ET DE RESILIENCE DES COMMUNAUTES DE BASE
CHAPITRE I : CAPACITES D’ADAPTATION DES COMMUNAUTES DE BASE
CHAPITRE II : SYSTEME D’ALERTE PRECOCE AUX CANICULES
CONCLUSION GENERALE