Madagascar est l’un des pays tropicaux et insulaires de l’hémisphère Sud où la diversité biologique est particulièrement importante. Cette méga biodiversité constitue les besoins vitaux des populations riveraines. En effet, ces dernières en deviennent de plus en plus dépendantes (Rajaspera et al., 2009) et elles ne perçoivent guère la conservation de ces ressources comme une priorité. À Madagascar, la déforestation qui dérive le plus souvent des activités anthropiques constitue l’une des menaces les plus importantes des diversités biologiques. Elle se manifeste par la transformation des massifs forestiers naturels en environnements artificiels fragmentés. Malgré la mise en œuvre de différentes politiques publiques ainsi que les aides de la coopération internationale, la biodiversité Malgache disparaît petit à petit sans que les normes formelles élaborées et parfois imposées ne puissent réguler l’usage durable de ces ressources.
Devant cette situation, le gouvernement malgache encourage la facilitation des initiatives de conservation par un renforcement de la volonté politique (Rajaspera et al., 2009). Une réorientation de la politique forestière a été alors engagée à partir des années 1980 (Bertrand et al., 2007). Cette réforme a commencé par le renouvellement des politiques publiques environnementales qui incluent les nouvelles politiques et lois forestières ainsi que les textes environnementaux (Rajaspera et al., 2009). Dernièrement, le concept de conservation s’est orienté vers deux programmes : d’une part la détermination de Madagascar à tripler la superficie des aires protégées lors du Vème Congrès des Parcs à Durban en 2003, et d’autre part, la traduction de cette déclaration dans la feuille de route pour le développement du « Madagascar Action Plan ». De ceux-là découle alors la mise en place du Système des Aires Protégées de Madagascar regroupant différentes catégories d’aires protégées et une gamme de gouvernance forestière avec un cadre juridique approprié.
Les différents réseaux du Système des Aires Protégées de Madagascar sont en majorité sous la responsabilité de Madagascar National Parks. Leurs objectifs sont respectivement de conserver, de gérer et de valoriser d’une manière durable les réseaux nationaux de parcs, les réserves représentatives de la diversité biologique ainsi que les patrimoines naturels. Par ailleurs, différents modes de gouvernance d’accès aux ressources occupent actuellement une place prépondérante au niveau national (Blanc-Pamard et Rakoto Ramiarantsoa, 2008). Si les populations étaient longtemps mises à l’écart de la gestion des ressources naturelles à cause de leurs pratiques jugées préjudiciables à l’environnement, le transfert de gestion de certaines ressources aux communautés locales permet leur participation à la conservation des ressources comprises dans les limites de leur terroir (République de Madagascar, 1996).
METHODOLOGIE
Problématique et hypothèses
En raison de l’explosion démographique et du nombre élevé des habitants bordant les zones forestières, les pressions exercées sur ces dernières ne cessent d’augmenter. L’étendue du massif forestier se trouve ainsi désagrégée de part et d’autre menaçant sa rupture à certains endroits. Depuis l’intervention des différents programmes environnementaux, une privation des richesses locales accompagnait la gestion de la forêt (Blanc-Pamard et Rakoto Ramiarantsoa, 2008). La logique de gestion imposée est alors en contradiction flagrante avec la perception locale des ressources, car il est difficile pour la population locale d’accepter toute forme d’interférences au niveau des ressources qui leur appartenaient autrefois ni de s’engager d’une manière contractuelle pour les conserver. Ainsi, les arrangements et agencements de territoires, de pouvoirs et de savoirs générés par le nouveau mode de gestion font apparaître des décalages entre les objectifs et ce qui se passe réellement (Blanc-Pamard et Rakoto Ramiarantsoa, 2008).
En réalité, le zonage au niveau des ressources transférées ne prend pas en compte la qualité des ressources. En effet, la proportion de forêts accordée aux populations locales s’accorde mal avec leurs objectifs et leurs besoins. Ainsi, les défrichements à vocation agricole et les exploitations minières artisanales anarchiques commencent à prendre une ampleur alarmante (Andrianandrasana et al., 2009). Par ailleurs, certains groupes ne sont point favorables au transfert de gestion qui, selon eux, n’est autre qu’une barrière à la libre utilisation des ressources forestières, et donc, source d’appauvrissement. Ce phénomène concerne particulièrement les classes les plus nécessiteuses qui puisent une partie considérable de leurs revenus dans l’exploitation à but commercial des ressources forestières (Rakotondrazaka et al., 2009).
Les pressions les plus sévères s’exercent sur les forêts ayant encore des intérêts écologiques, économiques et sociaux, notamment les aires protégées. En effet, une large proportion de la couverture forestière originelle y est déjà transformée en habitats secondaires ou en terres agricoles (Blanc-Pamard, Rakoto Ramiarantsoa, 2007). Par ailleurs, l’accès relativement aisé des populations locales aux périphéries de cette aire constitue un facteur de déforestation. Cependant, la limitation d’accès aux ressources ou l’exclusion des populations via la mise en place de l’Aire Protégée a contribué à réduire les pressions qui y sont exercées. De plus, la tendance conservationniste des gestionnaires n’a pas permis la mise en œuvre effective d’aucune activité de valorisation irrationnelle des ressources forestières issues de la zone (Toillier, 2009).
Depuis 2001, nombreux sont les Communautés de Base qui ont signé des contrats de transfert de gestion dans les zones périphériques du Parc National Ranomafana et tout au long du corridor Fandriana Vondrozo. Ces COBA ont été soutenues par différents programmes et projets partenaires de l’administration forestière. Ces transferts de gestion ont pour objectifs de responsabiliser les COBA vivant aux alentours des forêts, d’assurer une gestion efficace des forêts et de freiner les pressions sur les ressources pour une meilleure considération des modes de vie des paysans. Cette initiative a été accompagnée par la promotion de différentes alternatives aux pratiques traditionnelles destructrices. Ainsi, il a été constaté que les pressions au niveau des ressources transférées ont diminuées. Par ailleurs, les rapports sur les délits forestiers enregistrés auprès des Cantonnements des Eaux et Forêts ont également diminué. (Raharinomenjanahary, 2009).
Localisation spatiale des sites d’étude
Le Parc National Ranomafana et ses zones périphériques ont été choisis puisqu’ils sont d’une importance capitale dans le domaine de l’environnement. Ce parc constitue l’un des patrimoines mondiaux représentant la richesse en biodiversité de Madagascar. Par ailleurs, les zones périphériques représentent un exemple concret sur la juxtaposition de différents modes de gestion forestière. Cependant, ces zones figurent parmi les plus vulnérables et les plus menacées, malgré les différentes mesures prises dans le cadre de nombreux programmes environnementaux. Compte tenu des principales pressions et menaces qui s’y pèsent, ses couvertures forestières n’ont cessé de diminuer.
Le Parc National Ranomafana
Situation géographique et description
Le Parc National Ranomafana (PNR) est localisé entre les régions Vatovavy Fitovinany et Haute Matsiatra. Il se situe entre 47°18’ et 47°37’ de Longitude Est et 21°02’ et 22°25’ de Latitude Sud. Il se trouve à 412 km au Sud-est d’Antananarivo, à 65 km au Nord-est de Fianarantsoa et à 139 km à l’Ouest de Mananjary. Il s’étend sur une superficie de 41 601 ha environ selon le décret de création n° 91-250 du 07 mai 1991 (MNP, 2006). Les routes nationales N°45 et N°25 le traversent et le partageant en trois parcelles :
– Parcelle 1 : ou partie au Nord, avec une superficie de 23 970 ha ;
– Parcelle 2 : ou partie à l’Ouest, d’une étendue de 3 503 ha, et
– Parcelle 3 : au Sud, d’une superficie de 14 128 ha.
Le Parc National Ranomafana est caractérisé par une «biodiversité exceptionnelle et un niveau de menace supérieur» (MNP, 2001). Il est classé dans la catégorie «A» en matière de conservation et joue d’importants rôles du point de vue écologique, économique et social en raison de sa richesse inestimable en biodiversité. Par conséquence, son objectif principal de conservation est de maîtriser les menaces actuelles et potentielles sur la biodiversité, d’accroître les connaissances relatives à cette biodiversité afin d’assurer une maintenance efficace du Parc.
Flore et végétation
Selon la division phytogéographique, le Parc National Ranomafana appartient au domaine de l’Est. En effet, il est doté d’une richesse floristique très élevée. Avec des variations altitudinales de 600 m à 1300 m, l’analyse de sa biodiversité met en exergue l’existence de différents habitats, d’espèces exceptionnelles, de biens et services écologiques. Constituée de plus de 257 espèces floristiques, la formation végétale est caractérisée par des :
– Forêts denses humides sempervirentes de basse altitude (600-800 m)
– Forêts denses humides sempervirentes de moyenne altitude (800 -1.200 m)
– Forêts denses humides sempervirente de moyenne altitude (1.200 -1.400 m)
– Forêt à bambous à une altitude comprise entre 1.200 et 1.300m.
Faune
En raison de la diversification et de la richesse en biodiversité de la zone, cette dernière constitue un refuge pour nombreuses espèces faunistiques. Elle représente presque la majorité des groupes taxonomiques existant à Madagascar. En effet, les dernières statistiques divulguent qu’il y existe 47 espèces de mammifères, 115 espèces d’Oiseaux, 60 espèces de Reptiles, 106 espèces d’Amphibiens, 6 espèces de Poissons, 6 espèces de crustacées, 350 espèces d’araignées de Madagascar. Comme exemple, on peut y distinguer des:
– Primates comme :Hapalemur spp., Propithecus spp., Varecia spp., Daubentonia spp. et Eulemur spp.
– Autres Mammifères :Limnogale mergulus, Eupleres goudoti, Cryptoprocta ferox, Brachyuromys betsileonsis, Nesomysau deberti, Eidolondu preanum,
– Oiseaux : Anas melleri, Neodrepanis hypoxantha, Circus macrosceles, Mesitornis unicolor, Brachypteracias leptosomus, Geobiates squamigera, Sarothrura watersi
– Amphibiens : Mantella bernhardi
– Poissons : Bedotia sp.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. METHODOLOGIE
2.1 Problématique et hypothèses
2.2 Localisation spatiale des sites d’étude
2.2.1 Le Parc National Ranomafana
2.2.2 Les zones périphériques
2.3 Analyse de la dynamique spatio-temporelle de la couverture forestière de la zone d’étude
2.3.1 La télédétection comme outil d’analyse de la dynamique d’une couverture forestière
2.3.2 Situation de la mise en place du Parc National Ranomafana
2.3.3 Analyse de la mise en place des Gestions Contractualisées des Forêts
2.3.4 Impacts de la mise en place des Gestions Contractualisées des Forêts sur le Parc National Ranomafana
2.3.5 Matériels et méthodes
2.4 Cadre opératoire
2.5 Démarche méthodologique
III. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
3.1 Caractéristiques des classes
3.2 Évaluation de la précision des classifications
3.3 Dynamique spatio-temporelle de la couverture forestière
3.3.1 Parc National Ranomafana entre 1990 et 2002
3.3.2 Gestion Contractualisée des Forêts entre 1990 et 2011
3.3.3 Parc National Ranomafana entre 2002 et 2011
3.3.4 Matrice de transition
IV. DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
4.1 Discussions
4.1.1 Discussion sur les méthodes
4.1.2 Discussion sur les résultats
4.1.3 Discussion sur les hypothèses
4.2 Recommandations
4.2.1 Recommandation sur les méthodes
4.2.2 Recommandations pratiques
V. CONCLUSION
REFERENCES