Les terres mises en location
Cette tenure est assez peu fréquente dans le périmètre irrigué de Dagana, moins d’un pour cent des tenures. Pour des raisons diverses, le propriétaire concède la terre à un autre paysan moyennant une somme d’argent. Les raisons les plus souvent évoquées étant les difficultés financières pouvant permettre au propriétaire de mettre lui-même en valeur ses terres. Il se trouve parfois que l’attributaire initial dispose d’une très grande parcelle qu’il ne peut malheureusement pas exploiter, il décide alors de mettre en location une portion de celles-ci pour trouver de l’argent lui permettant d’assurer le fonctionnement des terres restantes. Si une personne se trouve intéressée par les parcelles impayées par l’ancien attributaire, elle peut rembourser les dettes de ce dernier et prendre possession de ces parcelles. Ces manœuvres se font bien évidemment sous l’égide de la SV. L’attributaire endetté peut toutefois recouvrer ses terres mais il se doit au préalable s’acquitter de la dette qui le lie au nouveau repreneur. C’est un système profondément inspiré de la SAED, au moment où celleci avait le monopole de l’aménagement dans le Delta.
Dimension genre
Le domaine de la riziculture a été pendant longtemps le monopole des hommes au Sénégal en dehors de la région naturelle de la Casamance où les femmes en sont les principales actrices. Des stratégies destinées à la promotion des activités des populations les plus défavorisées, constituées en majorité de femmes ont été menées. Elles visaient essentiellement à lutter contre la pauvreté et une plus grande implication des femmes dans le secteur de la riziculture. C’est ainsi que les femmes sont de plus en plus impliquées dans l’activité rizicole. Au début des aménagements en 1974, une section villageoise leur a été attribuée. C’était la SV foyer des femmes de Dagana dirigée par Mariéme.F.Mbana. Elle regroupait une dizaine de groupements féminins sur une dizaine d’hectare de terre. Au début des années 2000, des problèmes organisationnels ont conduit à l’implosion de cette SV. Les terres appartenant aux femmes n’ont pas été réaffectées à d’autres bénéficiaires par l’union. Des repreneuses comptent redynamiser cette section, c’est dans ce sens qu’elles ont ouvert un compte bancaire à la CNCAS en 2014 et comptent même s’engager pour la contre saison de Février.
Les contrats de concession entre la SAED et L’UH
Lorsque l’Etat s’est désengagé de certaines activités de la production, il s’est opéré un transfert de compétence au profit des populations locales réunies au sein des unions. Cette délégation porte sur la gestion et l’entretien des aménagements agricoles. L’union de Dagana A a été créée en 1992. Sa zone d’influence est circonscrite à Dagana commune. En 2003 et 2007, des divergences ont conduit à l’installation de comité Ad ‘hoc. Son rôle est d’assurer la distribution et l’évacuation de l’eau dans l’ensemble du casier, de façon équitable. Elle est aussi chargée de l’entretien régulier des aménagements et des infrastructures hydro-agricoles. Mais toutefois :
Les biens relèvent du domaine public de l’Etat et sont constitués du matériel hydraulique : canaux d’irrigation, de drainage, les équipements publics : station de pompage.
Les équipements et matériels agricoles sont des biens appartenant à l’Etat, affectés au service public. L’union n’a donc qu’un droit d’usage sur ces équipements.
L’union hydraulique de Dagana est constituée d’un regroupement de sections villageoises.
La section villageoise est un démembrement d’une coopérative. A cause de son statut juridique, elle n’a pas la latitude de passer des contrats.
L’impact négatif de la NPA sur la riziculture
Le développement de la riziculture irriguée est le fruit d’une forte implication de l’Etat. La SAED a joué un rôle important, son action est prépondérante sur le plan technique par l’encadrement des riziculteurs. L’Etat contrôle la partie avale de la filière riz, la SAED d’alors assurait la collecte et l’usinage du paddy, ainsi que sa commercialisation sur le marché national. La filière riz était totalement prise en charge, des aménagements jusqu’à la commercialisation en passant par le soutien du prix au producteur. Le Fonds Monétaire Internationale (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), obligent le gouvernement sénégalais à apporter une rectification à sa politique agricole nationale, fondée jusqu’ici sur un fort interventionnisme de l’Etat avec notamment la SAED. La Nouvelle Politique Agricole (NPA) intervenue en 1984, réside en un désengagement progressif des sociétés d’Etat au profit des organisations paysannes (OP) par l’encadrement technique des paysans. Les autres étapes du désengagement interviennent en 1990 et en 1994. Ces étapes se sont matérialisées par le désengagement de la SAED de la production et de la distribution des semences. Enfin la libéralisation a été effective avec la vente des rizeries et la suppression et la caisse de péréquation et de stabilisation des prix. Cette libéralisation de la filière riz intervient au plus mauvais moment, la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. Elle entraine une profonde déstructuration de la production locale, anéantissant la riziculture. Les prix des matériels agricoles et des intrants atteignent des niveaux considérablement élevés alors que ceux du paddy croissent à un rythme très modeste. Cette inflation des équipements agricoles entraine des répercussions néfastes sur les résultats des campagnes suivantes. Cette transformation intervenue dans le système de production se traduit par une désorganisation de l’économie de la vallée. Les revenus des agriculteurs chutent, accentuant l’état de pauvreté de la majeure partie des agriculteurs de la vallée. Tout un pan de la population se voit marginalisé, exclu de la riziculture. L’intensification de la riziculture demande des investissements lourds qui passent par l’achat de semences sélectionnées, d’engrais, d’herbicides, de produits phytosanitaires, et par le paiement de façons culturales motorisées et de la redevance hydraulique, 85.500f/ha, jugée exorbitante par l’ensemble des paysans rencontrés. La faible pente du fleuve impose le pompage. L’eau à la parcelle a un prix, du fait des dépenses de gasoil ou d’électricité, du renouvellement de la pompe et de son entretien, de la maintenance des canaux et des vannes. La pauvreté, qui touche bon nombre d’exploitants, ne leur permet pas de s’autofinancer. Le recours au crédit s’avère indispensable.
Les machines pour la façon culturale
La mise en œuvre des surfaces implique la présence de tracteurs qui vont réaliser les travaux d’offset, qui s’inscrivent dans un intervalle de temps bien précis qui ne peut être dépassé faute de quoi, la production sortira du calendrier agricole. Le paysan est obligé de respecter ce délai de rigueur. Le problème qui se pose, c’est que la plupart du temps ces tracteurs en nombres très insuffisant par rapport à la demande réelle des riziculteurs. Ils se retrouvent logiquement indisponibles et 100% des paysans interrogés soulignent cet état de fait.Il s’en suit pour le producteur un long moment d’attente qui peut aller jusqu’à un mois après le début de la campagne (calendrier agricole). Cette saison normale qui devrait débuter au mois de juillet, en plein été et se terminer au mois de décembre, est en grande partie modifiée du fait du nombre insuffisant de tracteurs. Ce retard se répercutera forcément sur la production se traduisant par des pertes considérables car les exigences climatiques de la plante (la riziculture est fortement tributaire de l’ensoleillement) n’ont pas été respectées. Dans tout le périmètre, seules deux sections (1A et 1B) disposaient de tracteurs. A l’heure actuelle, ils sont tous en panne. Les SV sont obligés de faire appel à des prestataires privés pour emblaver les surfaces. Le parc de tracteurs pour la façon culturale n’est pas bien fourni. Lorsque la campagne démarre, il y’a une demande simultanée très forte à laquelle les prestataires ne pourront pas répondre. Pendant la saison normale qui débute fréquemment au mois de juillet, il arrive que beaucoup de paysans renoncent à la riziculture. A l’arrivée des premières pluies, les tracteurs ne peuvent plus entrer dans les champs à cause des risques d’enlisement, ce qui les oblige de reporter les travaux à une date ultérieure. Ce report conjugué à la demande pléthorique, obligent certains à tout bonnement renoncer pour ne prendre des risques. La façon culturale est inscrite dans le paquet de financement octroyé par la CNCAS. Un appel d’offre est ensuite formulé pour l’attribution du marché. Les financements arrivent souvent tardivement à cause des lenteurs dans les remboursements. La CNCAS, n’accepte de débloquer l’argent que s’ils sont effectifs à 100%. Ce manque de flexibilité de la banque, entraine un démarrage tardif des campagnes. La commercialisation du paddy pour rembourser les dettes relèvent d’un parcours de combattants. Cette situation n’est pas inconnue de la CNCAS, qui continue de faire la sourde oreille. Les moratoires sur les dettes sont quasi impossibles. Les prestataires sont payés par bons délivrés par cette banque. Avec toutes les tracasseries inhérentes aux banques, ils préfèrent travailler pour les particuliers qui payent en liquide leurs opérations de mises en valeur. Tous les paysans rencontrés, soutiennent mordicus la rareté des machines d’offset, pourtant primordiales pour le démarrage des travaux. Le coût est de 25.000FCFA/ha, jugé élevé par 77% des riziculteurs de la zone. A cause de la vétusté des machines, certains paysans font un double passage. Le premier n’ayant pas répondu à leur attente, les socs ne pénètrent pas tellement le sol, ce qui peut réduire la perméabilité. Les chefs des sections villageoises soutiennent que chaque section devrait avoir ses propres machines pour ne plus dépendre des prestataires privés et des banques, qui ne font que retarder le démarrage des campagnes, ce qui les expose à des risques d’endettements colossaux. Si chaque SV avait 2 tracteurs, cela contribuerait fortement à diminuer les risques de retard sur le calendrier agricole. Récemment, Dagana A a bénéficié d’un financement pour l’acquisition de deux tracteurs à hauteur de 93 millions de FCFA. L’appel d’offre a été fait depuis l’année dernière, mais le GIE Cap Vert qui a gagné le marché, n’a toujours pas livré les tracteurs. Toutes fois, ils espèrent disposer de ces machines d’ici 2013. Ils prendront entière possession de ces tracteurs qu’après avoir rembourser la totalité du prêt et les intérêts éventuels.
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Table des matières
Introduction générale
Première partie : Présentation de la zone d’étude et diagnostic des aménagements hydro-agricoles dans le périmètre irrigué de Dagana
Chapitre I : Présentation du milieu
Chapitre II : Modalités d’accès et d’utilisations des terres
Chapitre III : Les aménagements hydro-agricoles
Deuxième partie : Analyse des besoins en investissement de la riziculture
Chapitre I : Les contraintes du crédit
Chapitre II : Le faible niveau de mécanisation
Chapitre III : Les intrants agricoles et la main d’œuvre
Troisième partie : Analyse de la transformation et de la commercialisation du riz de la vallée
Chapitre I : La transformation du paddy
Chapitre II : Les circuits de commercialisation
Chapitre III : La compétitivité du riz local
Conclusion générale
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