Tous les êtres vivants dans le monde dépendent des écosystèmes terrestres y compris les services qu’ils fournissent (MEA, 2005), les multiples fonctions qu’ils assurent et enfin les bénéfices qu’ils apportent tant sur le plan économique que social. Cependant, au cours de ces 50 dernières années, ces ressources naturelles ont subi des pressions anthropiques croissantes qui ont entrainé le dysfonctionnement des différents écosystèmes terrestres et surtout des pertes en biodiversité (Roche, 1998). A cet effet, presque tous les écosystèmes terrestres ont subi d’importantes transformations. Les seuls écosystèmes terrestres n’ayant connu que des changements relativement mineurs sont les toundras et les forêts boréales. Néanmoins, l’impact du changement climatique se fait de plus en plus ressentir.( FAO, 2014). A Madagascar, la plupart des modèles bioclimatiques indiquent l’existence d’un minimum de cinq (5) écorégions distinctes et différentes, allant des forêts humides sempervirentes de l’Est , aux milieux plus saisonniers, en passant par les forêts succulentes et épineuses et la brousse des terres arides du Sud. Les 90% de ces écosystèmes ne sont rencontrés nulles part ailleurs dans le monde (Moat et Smith, 2007 ; Grady, 2011). Aucune écorégion comparable dans le monde ne présente ce niveau global. De plus, le niveau en biodiversité est élevé avec un endémisme aux échelons supérieurs de la famille et du genre. Une étude menée par la Banque Mondiale a révélé qu’en dehors des ressources minières, la valeur de la richesse en ressource naturelle de notre Ile est estimée à environ 65 milliards USD, soit 3 489 USD par habitant (The World Bank, 2010). Parmi ces écorégions, celles de l’Est et de l’Ouest présentent une hétérogénéité biologique et écologique marquée ce qui donne lieu à des taux d’endémisme local élevés. Cependant, Madagascar figure parmi l’une des plus grandes priorités de conservation au monde, à cause de cette richesse importante (Dufils, 2003;Zinner et al., 2014) qui est grandement menacée par les pressions anthropiques (Mama, 2013). A Madagascar, près 70 % de la population dépendent des biens et services que cette forêt tropicale fournit par l’exploitation de ces ressources (Roelens et al., 2010). De ce fait, la majorité des paysages sont transformées par la déforestation et la dégradation des forêts (ONE, 2013) alors que bon nombre d’espèces endémiques s’abritent dans ces 2 écorégions. Les forêts saisonnières de l’Ouest sont moins résilientes à une dégradation prononcée ou au défrichage et il est rare, voire impossible, qu’elles se régénèrent. Tandis que les forêts humides de l’Est semblent pouvoir se régénérer lentement sur une période de temps importante(MBG, 2013).
Problématique et hypothèses
Problématique
La spécificité et la richesse de sa biodiversité ont permis à Madagascar d’être classée « hotspot » en biodiversité (FCPF, 2014). Mais bien avant ce classement, Madagascar est depuis 1991, considérée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) comme une priorité mondiale en matière de conservation de la nature. En effet, plus de 85% de la flore, 39% des oiseaux, 91% des reptiles, 99% des amphibiens et 100% des lémuriens sont endémiques à Madagascar (PNUE, 2014). De ce fait, les écorégions Est et Ouest de Madagascar sont des refuges de grands nombres d’espèces animales et végétales. L écorégion Est est l’une des 35 écorégions mondiales prioritaires en raison de son niveau élevé d’endémicité et sa biodiversité exceptionnelle (Roelens et al., 2010), tandis que l’écorégion Ouest abrite les forets sèches qui sont choisies comme parmi les prioritaires au monde en matière de conservation de biodiversité notamment dans les écorégions prioritaires du WWF (WWF, 2004) à cause de l’existence de nombreuses espèces endémiques qui tendent à disparaitre due à la fragilité de leurs écosystèmes (CNFEREF, 2014). De nombreuses communautés dans ces écorégions dépendent étroitement des biens et des services fournis par ces forêts tropicales.
Cette dépendance reflète la pauvreté de la population qui concerne 82% des ménages ruraux et qui, suite à l’évaluation effectuée par l’INSTAT en 2010, montre un taux d’incidence nationale de 69,6% en 2001, 72,1% en 2004 et 76,5% en 2010. Toutefois, la pauvreté n’entraine pas seulement que la dépendance de la population. A cette situation de grande pauvreté s’ajoute la dégradation importante des paysages forestiers à cause des perturbations anthropiques, telles que la déforestation, l’agriculture , l’urbanisation et la surpopulation (Noumi et al., 2011). Ainsi, la conquête de nouvelles terres devient une nécessité pour assurer la survie de la population locale afin de pouvoir étendre les superficies cultivées (Green et Sussman, 1990 ; Ramamonjisoa, 2004 ;Raharinirina, 2005).
L’homme est devenu la force majeure dans la dynamique des paysages naturels (Gardi et al., 2011) et contribue à la conversion des catégories d’occupation du sol (FAO, 2010) dans ces 2 écorégions actuellement. Cela se traduit par une réduction de la couverture forestière de 24% à 28% du territoire national en 1950 et n’occupe que 16 à 17 % de l’île en 2003 (ONE, 2003). La couverture de forêt naturelle en 2010 a été évaluée à 9 220 040 ha, avec un rythme de déforestation d’environ 36 000 ha par an entre la période 2005 et 2010 (ONE, 2013). La déforestation se présente comme une menace réelle pour l’ensemble du paysage de l’Ile (Ramohavelo et al., 2014). Cette réduction se présente sous différentes formes comme la réduction de la couverture en mosaïque ou fragment de taille différente. Mais la situation devient de plus en plus précaire dans les forêts sèches de l’écorégion de l’Ouest (CI, 2011). A cause de l’aridité de cette écorégion accentuée par les variations climatiques qui affectent la productivité de la végétation et la survie des plantes (Hulme, 2005), la déforestation devient une solution précaire pour l’agriculture de subsistance d’où l’intensification de la culture sur brulis provoquant ainsi les fréquents feux de forêts. (PNUE, 2014). De ce fait, la connaissance des dynamiques spatio-temporelles de l’occupation et du mode d’utilisation des sols est considérée comme un des éléments fondamentaux depuis plusieurs années permettant de mesurer les impacts des activités anthropiques sur le paysage.(Matsushita et al., 2006 ;Sarr, 2008).
Pour cela, en valorisant les méthodes pour l’analyse de système de la dynamique du paysage, les outils qualitatif et quantitatif de SIG et télédétection (Zheng et al., 2007) par cartographie d’occupation du sol constituent une voie prometteuse pour la conservation des écosystèmes (Mama, 2013). En plus, comme il s’agit de la protection du paysage naturel des actions anthropiques (tavy, feux de brousse, etc.) (CI, 2011), ces outils de prise de décision pourraient servir d’aides aux aménagistes du territoire pour mieux gérer les ressources naturelles. Des travaux ultérieurs de cartographie de la végétation en utilisant l’outil de SIG et télédétection plus particulièrement à l’échelle régionale ont été réalisés. Cette étude évoque généralement l’intensité de déforestation et sa principale cause par région (ONE, 2013) notamment en considérant les divisions phytogéographiques de Madagascar, à l’exemple l’étude menée sur le paysage naturel de différentes régions de Madagascar (Goodman, 2008).
Une autre étude sur les forêts denses humides de basse altitude dans le région Est de Madagascar, avec un climat tropicale humide vue sous l’angle de télédétection affirme que les activités anthropiques, principalement l’agriculture itinérante, affectentle changement d’occupation du sol et provoquent la fragmentation du paysage et de l’habitat (Rabenilalana, 2011). De plus, l’étude des unités paysagères des forêts sèches en nouvelle Calédonie à partir des cartographies fait ressortir une tendance de fragmentation des paysages au niveau écorégionale (Kelly, 2005) La présente étude vise à analyser la dynamique du paysage forestier dans une zone tropicale avec des caractéristiques totalement différentes. Ainsi, cette étude se focalise sur une zone de forêt humide et une zone de forêt sèche : d’une part pour comprendre la tendance évolutive de l’écosystème, et d’autre part pour anticiper les mesures à prendre à la conservation de ces précieuses ressources faces aux différentes pressions qui affectent le paysage naturel.
Concept paysage
Définition
Une définition du concept « paysage » est nécessaire. Le paysage occupe une place privilégiée parmi les concepts qui nous relient à notre milieu (Burel et Baudry, 2003). Plusieurs autres définitions pertinentes ont été présentées par des scientifiques suivant leur formation. Selon Forman et Gordon, (1987) le concept du paysage correspond à « l’interaction, assemblage répété d’une manière similaire à travers le territoire ». Cela se résume comme : «un ensemble cohérent d’écosystèmes en interaction. » (Lorgulescu et Schlaepfer, 2002).
Elément du paysage
Forman et Gordon, 1987 ont proposé une distinction entre les différents éléments à savoir :
● Premièrement, les paysages sont considérés comme des mosaïques d’unités fonctionnelles ou « tache » (Forman et Godron, 1986 ; Burel et Baudry, 2000 ; Iorgulescu et Schlaepfer, 2002). Les taches peuvent largement varier en taille, en forme, en type, en hétérogénéité et en caractéristiques des frontières.
● Deuxièmement, les « corridors » qui sont des unités ayant une forme linéaire caractérisent et remplissent des fonctions écologiques de conduit (passage), de filtre ou de barrière. Ils sont souvent présents dans un paysage en forme d’un réseau. (Bogaert et Mahamane, 2005)
● Le dernier type est la matrice qui est résultant de l’ensemble des taches ayant des caractéristiques similaires pour le processus considéré « types »ou « classes ». Parmi les types, la « matrice » est le type le plus répandu et le moins fragmenté, (Lorgulescu et Schlaepfer, 2002).
Chaque écosystème peut être reconnu à partir de la distribution, de la taille, de la forme, du nombre et de la configuration dans l’espace de ces trois composantes de base (Forman et Godron, 1986, Burel et Baudry, 2003).
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. MÉTHODOLOGIE
2.1 Problématique et hypothèses
2.1.1 Problématique
2.1.2 Hypothèses de recherche
2.2 Concept paysage
2.2.1 Définition
2.2.2 Elément du paysage
2.2.3 Caractéristiques d’un paysage
2.2.4 Dynamique des paysages
2.3 Matériels
2.3.1 Milieu d’étude
1.1.1 Caractéristique de la zone d’étude
1.2 Données satellitaires
1.2.1 Images satellitaires
1.2.2 Modèle numérique de terrain
1.2.3 Bases de données sur le bassin versant de Madagascar
1.3 Prétraitement des images
1.3.1 Calibration radiométrique
1.3.2 Correction atmosphérique
1.3.3 Mosaïque des images
1.4 Cartographie de l’occupation du sol
1.4.1 Classification semi-supervisée
1.5 Evaluation de la précision des classifications
1.5.1 Matrice de confusion
1.5.2 Evaluation de la classification par l’indice de kappa
1.6 Analyse de la dynamique de l’occupation du sol
1.6.1 Matrice de transition
1.6.2 Taux de changement net
1.6.3 Indice des structures spatiales
1.6.4 Taux annuel de déforestation
1.7 Les limites de l’étude
1.8 Cadre opératoire de recherche
1.9 Synthèse méthodologique
3. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
3.1 Caractéristiques des deux écorégions
3.1.1 Altitudes
3.2 Evolution spatio-temporelle de l’occupation du sol
3.2.1 Différents types de classes dans les deux écorégions
3.2.2 Matrice de confusion
3.2.3 Indice de Kappa
3.3 Etat de l’occupation du sol
3.3.1 Etat des occupations du sol versant Est
3.3.2 Etat des occupations du sol versant Ouest
3.3.3 Dynamique de la composition du paysage Ecorégion Ouest
3.3.4 Dynamique de la composition du paysage écorégion Est
3.3.5 Structure spatiale du paysage actuel de l’ écorégion Est
3.3.6 Structure spatiale du paysage actuel de l’ écorégion Ouest
3.3.7 Tendance des écosystèmes forestiers écorégion Est
3.3.8 Tendance des écosystèmes forestiers écorégion Ouest
4. DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
4.1 Discussion sur la méthodologie
4.1.1 Vérification de la classification d’occupation du sol
4.1.2 Indice de structure spatiale actuelle du paysage
4.2 Discussion sur les résultats
4.2.1 Dynamique du paysage forestier
4.2.2 Dynamique forestière suivant la topographie du terrain
4.2.3 Taux de déforestation
4.2.4 Indice de structure spatiale
4.3 Discussion sur les hypothèses
4.4 Recommandations
4.4.1 Opérationnalisation de la recherche
5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE