Analyse de la campagne de communication “Paris entre en Jeux”

Dans le cadre de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, sa stratégie narrative conditionne le choix de ses acteurs. Qu’ils soient politiques ou sportifs, l’un et l’autre personnages ne peuvent ni s’échanger leurs rôles ni entrer en scène de manière impromptue au risque d’envoyer un signal qui serait mal perçu de l’opinion publique, des médias, du Comité d’évaluation du CIO voire même en interne, dans le comité de candidature lui-même. Pour autant, cela signifie bien que le politique occupe une place centrale dans la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, autrement dit qu’il est question de capter un soutien politique préalable qui restera inscrit dans le temps de la candidature. Pour rappel, ce sont précisément des erreurs de mises en scène et de casting, du sportif et du politique, qui auraient nui aux candidatures françaises passées.

Afin de tester notre première hypothèse selon laquelle la réussite de la candidature de Paris 2024 repose sur des éléments de langage particuliers mais d’abord structurés pour emporter l’adhésion des personnalités politiques et le soutien des pouvoirs publics, il nous sera utile d’analyser en amont la première pièce du dossier de cette candidature, à savoir la synthèse de l’étude d’opportunité . Présentée comme la première étape chronologique et le premier point structurant du plan de communication de la – future – candidature française, nous ne pouvions pas en faire l’économie. A cet effet, nous analyserons sa stratégie narrative pour mieux saisir ensuite la distribution des premiers rôles dans la candidature de Paris 2024.

L’étude d’opportunité, marqueur politique dans la stratégie de communication de la candidature de Paris 2024

Au cœur de la candidature Paris 2024, non pas un seul mais un ensemble d’experts chargés de définir la nature du projet et ses contours – pourquoi la France souhaiterait se porter candidate à l’organisation des JOP en 2024, quels moyens seraient à mettre en place et qui porterait cette candidature ; en somme, de procéder à une évaluation technique, humaine et budgétaire en vue de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques dans un futur proche. Cette démarche structurée et stratégiquement structurante en amont de l’officialisation de la candidature désigne l’ étude d’opportunité dont la présentation orale a été confiée à Bernard Lapasset alors Président du Comité Français pour la Solidarité Internationale (CFSI), l’une des commissions du CNOSF, le 12 février 2015 à l’Hôtel de Ville de Paris. En tant que document officiel de référence émanant du Mouvement Sportif Français, il est à lui seul un inventaire de toutes les bonnes raisons d’organiser les JOP , à savoir ses modalités et ses avantages démontrés point par point .

L’usage de la forme conditionnelle dans les trois questions posées ci-avant est important car le but principal de l’étude d’opportunité est avant tout de convaincre les pouvoirs publics avant de rendre officielle la candidature de la France et à plus forte raison la candidature de la ville de Paris. Autrement dit, qu’une décision politique est attendue avant l’officialisation de la candidature auprès du CIO. Raison pour laquelle, par ailleurs, l’étude d’opportunité ne titre pas explicitement sur une candidature de Paris mais “la France (qui) s’interroge sur l’opportunité d’une candidature” . Cette nuance importante n’implique pas encore dans toutes ses parties la ville de Paris mais désigne plutôt “un grand projet fédérateur pour la France” . L’usage de périphrases permettant, à juste titre, de masquer à demi-mots le choix réel de la ville candidate tout en faisant appel à d’autres intérêts, autres que sportifs, de la France.

Analyse de l’étude d’opportunité dans son approche narrative

Nous avons replacé ci-après les trois questions que le rapport Keneo pose au regard de la construction du projet de candidature et nous les avons confronté aux trois questions qui structurent la trame narrative de l’étude d’opportunité. Dans les deux cas, il s’agit bien d’insister sur l’idée selon laquelle le Mouvement Sportif Français souhaite se porter candidat à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Pour rappel, ce qui distingue de prime abord le rapport Keneo de l’étude d’opportunité et outre leur présentation, c’est leur chronologie. Le rapport Keneo est antérieur de 3 années à la publication de l’étude d’opportunité (2012 pour le premier, 2015 pour le second).

Analyse des récurrences dans l’utilisation du terme projet dans l’étude d’opportunité 

La forte récurrence du terme projet dans la synthèse de l’étude d’opportunité est frappante : il est utilisé 70 fois en 12 pages. Devant cette constatation, nous avons établi un relevé systématique qui s’emploie à montrer quel usage rhétorique en est fait et comment son utilisation permet de passer d’un “projet olympique et paralympique” à “un projet ayant du sens pour la France et au service du Mouvement olympique international” . De cette manière, nous pourrons valider l’hypothèse selon laquelle l’étude d’opportunité est avant tout un outil de conviction sinon de manipulation des politiques dans le futur discours de la candidature de Paris.

Quatre thèmes sont convoqués l’un après l’autre dans l’étude d’opportunité, les multiples déclinaisons du terme projet servant de fil conducteur dans la trame narrative : l’inclusion sociale, l’héritage, l’intérêt général et la responsabilité sociétale. D’un point de vue sociologique, ces quatres thèmes mis en avant dans l’étude d’opportunité définissent une action collective et qui sont “typiques des régimes démocratiques contemporains” en ce qu’ils agissent “en faveur d’une cause définie” . Ici, l’intérêt de la nation ou, pour aller plus loin, qu’une candidature de la France aux Jeux Olympiques et Paralympiques est transformée en une grande cause nationale. La portée du discours dans l’acte de naissance de la candidature de Paris 2024 est, en ce sens, politique et décliné au travers d’un enjeu fort pour la société française.

Dans la mesure où l’étude d’opportunité s’adresse en priorité aux pouvoirs publics, il est nécessaire que la narration adopte à la fois les mêmes sujets et les mêmes techniques rhétoriques, c’est-à-dire les mêmes codes de communication, qu’un discours politique : en effet, “alors que Barthes considérait le récit comme un moyen de comprendre et d’ordonner le monde, Salmon a privilégié la récupération de cette idée dans le management et dans la communication politique, avec pour conséquence la mise en exergue de la dimension stratégique de l’élaboration d’un patron narratif, les enjeux identitaires ayant été mis de côté. Or, aujourd’hui, l’importance du partage de récits communs pour la construction d’une communauté est évidente. Salmon envisage le récit comme l’utilisation du récit à des fins de contrôle. C’est là une conception instrumentale et technique de la communication et une conception manipulatoire de la politique. Le récit est ici pensé pour faire partie de la communication persuasive et le storytelling est davantage séduction qu’argumentation.” De ce point de vue, éléments d’analyse à l’appui, l’étude d’opportunité remplit parfaitement son rôle de partage de récits communs pour la construction d’une communauté de politiques autour de la candidature aux JOP de 2024 : “un projet ayant du sens pour la France et au service du Mouvement olympique international” .

A la lumière des analyses conduites précédemment, il apparaît que la portée du discours politique de l’étude d’opportunité doit être considérée à un double niveau : de politique nationale d’abord où il s’agit de convaincre l’Etat et les collectivités territoriales de l’intérêt d’une candidature française aux JOP de 2024 avant de convaincre le CIO lui-même à un deuxième niveau, celui du dossier de candidature. Les éléments de langage développés dans l’étude d’opportunité, très politiques en ce qu’ils évoquent des thèmes qui leur sont communs (l’inclusion sociale, l’héritage, l’intérêt général et la responsabilité sociétale), sont déjà formatés pour faire écho aux prérogatives du CIO, l’Agenda 2020 , dans sa volonté de soutenir les candidatures “à présenter un projet conforme aux besoins de planification à long terme sur les plans économique, social et environnemental” .

Autre élément important à prendre en considération dans l’agenda des événements sportifs et culturels internationaux possibles à cette période, la candidature de la France et la ville de Paris à l’Exposition Universelle de 2025.

Adversaires du point de vue budgétaire mais jumelles dans leurs stratégies narratives en ce qu’elles invoquent toutes les deux “un grand projet” pour la France , les deux candidatures doivent pourtant obtenir le soutien des politiques. La nouvelle Maire de Paris Anne Hidalgo en premier lieu, alors que son prédécesseur Bertrand Delanoë, tout acquis à la cause olympique, faisait partie des membres fondateurs de la candidature de Paris 2012. Cette dernière s’étant soldée par un échec sur fond de polémique politique lors de son mandat à la Mairie de Paris . Autant dire qu’une future candidature de la ville de Paris à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques s’établit sur fond de dossier sensible à la Mairie de Paris.

Si l’étude d’opportunité mentionne effectivement la ville de Paris comme ville candidate recommandée , cette mention sera justifiée et mise en lumière par la qualité de ses infrastructures (hébergement, sécurité, télécommunication, transport) et de ses équipements sportifs. Pour aller plus loin, la référence aux infrastructures en devenir du projet de transport public “Grand Paris” joue un rôle capital dans le choix de la ville qui représentera la candidature française, au même titre que son rayonnement culturel et touristique. La référence n’est pas exclusive à la ville de Paris en tant que telle mais à ces territoires environnants, à savoir l’engagement global du territoire et des infrastructures de la Région Île-de-France, Paris y compris. L’accueil et le transport des visiteurs pour les JOP de 2024 est l’un des piliers, voire la caution de la stratégie narrative de la ville candidate : l’étude d’opportunité reprend subtilement et à son bon compte le nom de l’établissement public “Société du Grand Paris” pour le transformer en “Grand Paris des Jeux” à l’endroit du point 8, l’élément de langage retenu à cet effet est “l’animation des territoires” . Le message de l’étude d’opportunité est on ne peut plus clair au sujet du choix de la ville candidate, à savoir qu’il n’y a pas de meilleure ville en France, au moins du point de vue de ses infrastructures, que celle de Paris pour accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE De l’art de convaincre et de rallier les politiques dans l’acte de naissance de la candidature Paris 2024
Introduction partielle
1. L’étude d’opportunité, marqueur politique dans la stratégie de communication de la candidature de Paris 2024
A. Analyse de l’étude d’opportunité dans son approche narrative
B. Analyse des récurrences dans l’utilisation du terme projet dans l’étude d’opportunité
2. Le rôle complexe des politiques dans l’acte de naissance de la candidature de Paris 2024
A. François Hollande et Anne Hidalgo : premier faux pas politique sur la future candidature de la France aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
B. “Paris entre en Jeux” : Anne Hidalgo et la Ville de Paris comme quatrième acteur dans la candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
C. Analyse de la campagne de communication “Paris entre en Jeux”
Conclusion partielle
DEUXIÈME PARTIE Les enjeux du leader et du discours de mobilisation dans la construction médiatique de Paris 2024
Introduction partielle
1. Le discours fondateur de la candidature de Paris 2024 : “notre force, c’est notre rêve”
A. La conceptualisation du message du dossier de candidature : “Nous sommes prêts pour 2024”
B. Analyse du spot “Nous sommes prêts pour 2024”
2. Tony Estanguet et la candidature de Paris 2024, une construction médiatique commune
A. Les enjeux d’une notoriété combinée
Conclusion partielle
TROISIÈME PARTIE Jouer le jeu de la surveillance constante du CIO, des médias et de l’opinion publique
Introduction partielle
1. Les différentes formes de contrôle à l’oeuvre dans la campagne de communication de Paris 2024
A. L’absence de consultation démocratique : un défaut majeur ?
B. Emmanuel Macron, atout principal de la candidature Paris 2024 ?
2. Être vu comme une “équipe” : la mise en scène conjointe du sportif et du politique dans le dispositif panoptique
A. Adopter une posture d’unité et de partage : vers une viralisation du message de la candidature
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ANNEXES

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