Analyse critique de la construction d’un leurre informationnel

Mise en place d’un ensemble de lieux communs

Le systรจme sensationnel utilise les mรชmes procรฉdรฉs et la mรชme rhรฉtorique de faรงon rรฉcurrente, si bien que l’on assiste finalement ร  la constitution d’une topique oรน se rรฉpรจtent les motifs narratifs utilisรฉs par les magazines.

Des stars

Les stars sont primordiales dans une rhรฉtorique de la captation, car elles jouent le rรดle d’appรขts, rรดle trรจs important si l’on considรจre que la star est l’unique marchandise vendue par ces magazines : si la star prรฉsentรฉe en couverture n’attire pas le lecteur, que reste-t-il au magazine pour se vendre ?
On peut s’attacher aux couvertures de magazines pour des pรฉriodes donnรฉes afin de voir sur un รฉchantillon prรฉcis quelles stars sont prรฉsentes, et dรฉgager certaines caractรฉristiques quant au fonctionnement des magazines eux-mรชmes. Les pรฉriodes retenues pour notre รฉchantillon sont celles du 22 au 29 novembre 1998, du 14 au 21 dรฉcembre 1998 et du 8 au 15 juin 1999. Le tableau prรฉsentรฉ en annexe 1 rรฉpartit les stars par ordre d’importance. Cet ordre d’importance est dรฉfini selon la place accordรฉe par le magazine sur l’espace page de la couverture.
Ce tableau met en รฉvidence une catรฉgorisation des stars qui peuvent se rรฉpartir entre ยซ habituรฉes ยป des couvertures et ยซ occasionnelles ยป. Parmi les habituรฉes, on a les membres des familles royales de Buckingham et de Monaco, reprรฉsentรฉes tour ร  tour par le Prince Charles, Diana, Stรฉphanie, Caroline, Rainier etc. ; on trouve รฉgalement le clan Hallyday ; et les grandes stars de l’annรฉe, ร  savoir Cรฉline Dion, Lara Fabian, Laetitia Casta et quelques personnalitรฉs du football. Au delร  de ce constat, on s’aperรงoit que certaines lois rรฉgissent les couvertures : des lois d’opposition essentiellement mises en place par les magazines. Les deux familles royales se trouvent par exemple en affrontement, et si un magazine fait sa couverture avec Diana, son concurrent jettera son dรฉvolu sur Albert de Monaco.

Tout vient ร  point

Il est ร  noter que les articles de la presse ร  sensation paraissent toujours au moment mรชme oรน les stars en question sont en promotion pour un film, un disque, un spectacle etc. Il existe des exceptions qui concernent essentiellement des hommages ร  une star dรฉcรฉdรฉe ou des รฉvรฉnements qui ont rรฉuni un grand nombre de personnes.
Cette coรฏncidence avec les promotions des stars est parfois revendiquรฉe par le magazine, c’est le cas par exemple de l’article consacrรฉ ร  la troupe de Notre-Dame de Paris dans le Voici nยฐ 584 ; le plus souvent, il est fait mention des projets ou des rรฉalisations antรฉrieures des stars dont il est question, les exemples sont lรฉgions mais nous nous consacrerons ร  deux d’entre eux : un article du Voici nยฐ 575 sur Robbie Williams, et un autre du nยฐ 13 de Allรด sur Lara Fabian. Parfois, on peut croiser des hybrides qui font la promotion d’un produit dรฉrivรฉ en marge d’un article sur la star.
L’article sur Didier Derlich du France Dimanche nยฐ 2728 en est une bonne illustration.

Le public vs le privรฉ

Le lieu dont on parle a son importance. Il est ร  noter que plus il correspondra au privรฉ, plus il sera racoleur et sensationnel. Les stars sont des personnages publics, tout ce qu’il font dans la sphรจre du public sera donc photographiรฉ, relatรฉ etc. Mais ce qu’elles font dans la sphรจre du privรฉ est bien plus intรฉressant pour ces journaux et pour le public. Le caractรจre sensationnel d’une information sera proportionnel ร  la parcelle d’intimitรฉ qui aura รฉtรฉ volรฉe ร  la star.
A travers les articles et les photos qui les illustrent, les magazines font voyager le lecteur d’un lieu ร  un autre avec allรฉgresse (annexe 5). On peut dรฉnombrer une quinzaine de lieux oรน les stars ont รฉtรฉ surprises par les journalistes, parmi ces lieux : la rue, la scรจne, une boรฎte de nuit, une plage, une sรฉance de dรฉdicaces, une piscine, leur voiture, leur maison, un jardin public, les tribunes de Rolland Garros etc. Pour plus de clartรฉ, on est tentรฉ de classer ces lieux sous les รฉtiquettes de lieux publics et de lieux privรฉs. Mais cette catรฉgorisation ne saurait rendre compte de toute la complexitรฉ du systรจme sensationnel, et elle devra donc s’enrichir d’une dimension supplรฉmentaire qui rendra compte de l’ambivalence de certaines situations ; ce sera la dimension de lieux semi-publics ou semi-privรฉs, qui sera exploitรฉe ici. On se rend compte en effet qu’il existe des lieux publics que les stars voudraient garder comme privรฉs (lieux semipublics) et inversement, des lieux privรฉs que les stars rendent publics (lieux semiprivรฉs).
On aura donc :
La publicitรฉ et l’effraction sont deux composantes majeures du marchรฉ des stars : soit on montre au public ce que la star veut que le public voit ; soit on lui montre ce que la star ne veut pas qu’il voit. L’effraction, c’est ร  dire le fait de pรฉnรฉtrer un lieu sans autorisation, varie selon les moments. Si le moment n’est pas celui de la ยซ reprรฉsentation ยป, alors le lieu sera toujours inopportun pour la star.
Sensationnalisme et dรฉsinformation – Caractรฉristiques d’une rhรฉtorique de captation Et les paparazzi veulent justement capter les moments de non-reprรฉsentation et les rendre publics, sous prรฉtexte de chercher ร  montrer la vรฉritรฉ : ยซ Je suis invitรฉ ร  rendre compte, par mes photos, d’une avant-premiรจre au cours de laquelle chacun prรฉsente son meilleur visage, sourire dรฉployรฉ, harmonie gรฉnรฉrale, congratulations. Puis le cocktail ou le dรฎner, ses conversations mondaines, ses voisinages surprenants, ses toasts รฉlรฉgants. Au nom de quoi devrais-je m’arrรชter ร  ces apparences, ร  ces fauxsemblants, et ranger mes appareils quand les couples se sรฉparent, quand les propos s’aigrissent, quand l’alcoolisme mondain tourne ร  la beuverie ? ยป. L’effraction n’est pas tant dans la publicitรฉ de moments privรฉs mais dans la publicitรฉ de moments de non reprรฉsentation, qu’ils soient publics ou privรฉs.
Il y a tout de mรชme un lieu qui reste privรฉ et que les stars n’offrent pas facilement aux mรฉdias, c’est la chambre. On peut rendre publique la vie du foyer, faire pรฉnรฉtrer les journalistes dans sa maison, mais on veut laisser le public ร  la porte de la chambre. Ce sera justement le lieu du sensationnel et de l’effraction par excellence. On peut faire un rapprochement entre la chambre, lieu sensationnel et la chambre comme lieu de la tragรฉdie racinienne tel qu’il a รฉtรฉ รฉtudiรฉ par Barthes : ยซ La chambre est ร  la fois le logement du pouvoir et son essence, car le pouvoir n ‘est qu ‘un secret : sa forme รฉpuise sa fonction : il tue d’รชtre invisible ยป. la chambre est le lieu du pouvoir parce qu’elle est secrรจte et invisible, parce que c’est lร  que tout se passe.
Pour les stars, hรฉros tragiques modernes, l’impression est la mรชme : il semble que le seul lieu que l’on ne puisse pรฉnรฉtrer soit celui oรน tout se passe. Entre la chambre et le reste de la maison, il y a la porte dont Barthes tentation et une transgression ยป. Et il arrive parfois qu’il y ait effectivement transgression et que les journalistes ou les photographes, extensions visuelles du lecteur, rรฉussissent ร  capturer sur la pellicule des moments qui appartiennent au domaine du privรฉ et de l’intime. Cela donne lieu ร  des clichรฉs qui semblent avoir รฉtรฉ pris par le trou de la serrure, ร  l’insu de tous (voir illustration). Parallรจlement on parle beaucoup de ยซ l’aprรจs-chambre ยป, de la grossesse par exemple, comme pour se consoler de n’avoir pu รชtre tรฉmoin de l’acte, on s’en veut rapporteur.

Saisir et orienter le regard

L’exclusivitรฉ et la nouveautรฉ sont indispensables ร  la rhรฉtorique sensationnelle. Celles-ci dรฉpendent d’habitude de l’information elle-mรชme : l’รฉvรฉnement se produit, un journaliste s’en empare et le magazine pour qui il รฉcrit se l’approprie, le confisquant ainsi ร  ses concurrents. Mais ici, l’exclusivitรฉ apparaรฎt plus comme un traitement de l’information. Elle intervient moins au moment du prรฉlรจvement de l’information, qu’au moment de son traitement et de son รฉcriture. Les faits sont donc peu exclusifs, leur reprรฉsentation l’est par contre excessivement ; d’oรน un statut particuliรจrement observable de celle-ci.

Une logique visuelle

L’espace-page

L’espace de la page de couverture est le lieu privilรฉgiรฉ de cette ostentation. Tout y est orchestrรฉ, et organisรฉ de faรงon ร  montrer les choses telles que l’on veut qu’elles soient vues. Le lecteur se trouve ainsi face ร  une mosaรฏque de formes et de couleurs qui lui indiquent ce qu’il doit y voir.
Les couleurs tout d’abord, ont leur importance : on remarque l’abondance des couleurs primaires comme le rouge bien sรปr, mais รฉgalement le jaune, le bleu et le blanc. Celles-ci attirent le regard et soulignent ce qu’il est important de voir, les gros titres, les noms des stars… La taille utilisรฉe pour les titres, par ailleurs, permet d’instaurer une gradation : certains titres sont plus gros que d’autres, on les lira en premier lieu d’autant qu’ils sont souvent accompagnรฉs des plus grandes photos. Le regard est orientรฉ vers certains points de la couverture, puis vers d’autres, l’oeil suit donc un parcours qui le mรจne du plus au moins visible.
Si l’on compare les couvertures entre elles, on peut constater que la faรงon d’organiser la page y est ร  chaque fois diffรฉrente. Certains jouent la carte de la sobriรฉtรฉ tandis que d’autres prรฉfรจrent la surcharge (cf. annexe 6). On peut ainsi comparer la couverture du Paris Match nยฐ 2611 avec celle du Voici nยฐ604, pour remarquer que malgrรฉ tout, l’espace de la page est toujours rรฉgi par la mรชme logique.

La logique textuelle et รฉnonciative

Le traitement de l’information peut รฉgalement รชtre textuel et รฉnonciatif. Le magazine aura par exemple recours ร  une classification sous forme de rubriques qui feront jouer entre eux les diffรฉrents registres de l’exclusivitรฉ (confessions, revue de presse, bruits de couloirs et rumeurs). Il pourra aussi s’agir de la faรงon dont un article sera rรฉdigรฉ, et la maniรจre de prรฉsenter une information affectera alors directement son contenu, ou plutรดt l’idรฉe que va se faire le lecteur de son contenu.
Dans les confessions exclusives, une star s’adresse ร  un journal en particulier, le vรดtre, et choisit d’y faire des rรฉvรฉlations. L’information a donc un statut particulier puisqu’elle a valeur de confidence, ce qui implique une forte relation de confiance entre la star et le journaliste (et par revers, entre la star et le lecteur). On peut dรจs lors faire le rapprochement avec la tragรฉdie, oรน le confident est rรฉellement un double du hรฉros tragique, statut ici relativement valorisant pour le lecteur.
Mais dans la presse ร  sensation, le secret est fait pour รชtre divulguรฉ.
L’exclusivitรฉ est dans le fait d’avoir รฉtรฉ dans ยซ le secret des Dieux ยป, mais cela ne suffit pas, il faut rendre les choses publiques, montrant par lร  mรชme que l’on est en avance sur la concurrence. La publicitรฉ du secret est induite par le contrat avec le lecteur, bien sรปr, mais elle l’est รฉgalement par la rivalitรฉ avec les autres magazines. Sans cela, l’exclusivitรฉ perdrait de son importance, il faut avoir ce que les autres n’ont pas et montrer aux autres qu’on l’a.
Et on peut dire que l’exclusivitรฉ est montrรฉe de faรงon rรฉcurrente dans la presse ร  sensation. Les exemples sont lรฉgions : ยซ pour Voici, elle accepte de parler ยป, ยซ Exclusif : Elie Kakou, sa derniรจre interview ยป, ยซ Entretien exclusif : Lara Fabian nous ouvre son coeur ยป, ยซ Pierre Bachelet s’explique ยป etc. Et mรชme si le contenu des articles est beaucoup moins exclusif qu’on nous le laisse entendre, cette rรฉcurrence de l’exclusivitรฉ (et รฉgalement cette rรฉcurrence du terme mรชme d’ยซ exclusivitรฉ ยป et de tous ses dรฉrivรฉs), laisse sa trace dans l’imaginaire du lecteur qui a vraiment l’impression que la star se confie ร  lui.
Les confessions et rรฉvรฉlations exclusives proposaient un positionnement par rapport ร  la star, les bruits de couloirs et la rumeur quant ร  eux, se positionnent par rapport ร  l’information elle-mรชme. Dans ce type de rubrique, tout consiste ร  publier une information avant mรชme qu’elle ait rรฉellement conquis son statut d’information : elle n’a pas vraiment de source, elle n’a pas รฉtรฉ vรฉrifiรฉe etc. Mais elle est quand mรชme publiรฉe par la presse ร  sensation. C’est une faรงon de gagner du temps finalement, c’est comme si la rรฉdaction disait au lecteur : ยซ si un jour cela s’avรจre vrai, vous en aurez entendu parler ici en premier ยป. C’est aussi une faรงon de faire participer le lecteur aux dessous du showbiz, en relatant les rumeurs qui y circulent.
Il se pourrait mรชme que certaines rumeurs soient de fausses rumeurs, j’entends par lร  des rumeurs inventรฉes par la rรฉdaction du magazine (Voici s’oblige ร  quatre rumeurs par semaine, comment soutenir ce rythme ?). Mais qu’importe, ici c’est la reprรฉsentation de la chose et non la chose elle-mรชme qui compte. ยซ Une rumeur est une information non-officielle que le grand public n ‘aurait pas dรป connaรฎtre ยป9, c’est pourquoi elle a de la valeur.
C’est aussi pour cela qu’il est de bon ton d’avoir quelques rumeurs parmi ses informations : pour montrer au lecteur qu’on ne lui cache rien.
Bien sรปr il faut que celles-ci soit identifiรฉes comme telles – perdant bizarrement leur statut de rumeurs – sinon le ridicule guette le magazine.
On peut remarquer tout le registre du sonore qui annonce les rumeurs : chez Gala, la rumeur est placรฉe sous la rubrique ยซchuchotementsยป, France dimanche parle ยซ d’รฉchos ยป… rien de tout cela ne fait appel ร  l’รฉcrit, parce que la rumeur est principalement orale (รฉtymologiquement, la rumeur est un son sourd qui se rapproche du murmure), elle se transmet par la parole plus que par l’รฉcrit : c’est comme si les magazines mimaient la rรฉalitรฉ, essayant de retranscrire les vรฉritables conditions de circulation de la rumeur. D’autres magazines comme Voici, Allo ! et Point de vue, font appel ร  la notion de ยซ potins ยป.
En gรฉnรฉral, ยซ le potin n ‘est pas mรฉchant et se consomme essentiellement pour le plaisir de le mรขcher : il est trรจs fugace et doit alors รชtre remplacรฉ par un nouveau potin encore tout savoureux ยป. Le journalisme sensationnel se rรฉsumerait-il ร  des commรฉrages de midinettes ?

La logique scripto-visuelle

Parce que le texte et l’iconique sont ร  voir ensemble, et parce qu’ils sont souvent associรฉs dans l’espace journalistique, cette รฉtude devait s’enrichir de cette dimension supplรฉmentaire. On trouvera dans le scripto-visuel du textuel qui a un rรดle visuel : c’est le cas des titres et des intertitres qui sont des informations รฉcrites, mais qui sont ร  lire du premier coup d’oeil, fonctionnant donc comme les messages iconiques. On y trouvera รฉgalement les associations texte-image, le texte venant enrichir l’image, et vice versa, apportant une รฉpaisseur supplรฉmentaire ร  l’information.

Une logique de la catharsis

La presse ร  sensation attire son lectorat en jouant sur ses besoins les plus inavouรฉs et en y rรฉpondant de faรงon cathartique : elle rรฉpond au besoin du lecteur d’รชtre quelqu’un d’autre en lui proposant des modรจles, et elle rรฉpond ร  son besoin de vivre ses perversions en lui proposant la forme รฉthรฉrรฉe de la procuration.

Mimรฉtisme identificatoire

Le lecteur a surtout besoin de ressentir des รฉmotions diffรฉrentes de celles que lui offre dรฉjร  sa propre vie, tout en se sentant en sรฉcuritรฉ. C’est donc pour cela qu’il va รชtre attirรฉ par la lecture de ces magazines. Il va chercher ร  voir des personnes diffรฉrentes, des situations diffรฉrentes, et la presse ร  sensation va lui offrir des stars et des vies de stars. Cette offre va conduire le lecteur ร  vouloir ressembler ร  ces personnes exceptionnelles que sont les stars, ainsi va apparaรฎtre chez lui un besoin d’identification.
Il va รฉgalement ressentir le besoin de vivre des situations et des รฉmotions exceptionnelles, mais en รฉliminant les risques qu’elles impliquent, de ce besoin naรฎtra une relation cathartique entre lui et la presse sensationnelle.
Le mimรฉtisme identificatoire est ce phรฉnomรจne qui consiste ร  s’identifier ร  une personne pour qui on รฉprouve de l’admiration et ร  se conformer ร  son mode de vie pour se constituer sa propre personnalitรฉ. La presse ร  sensation joue sur ce besoin de l’รชtre humain ร  se trouver des modรจles, et propose toute une galerie de stars pour y rรฉpondre.
Le mimรฉtisme identificatoire peut, ร  mon avis, se situer ร  deux niveaux : on peut assister ร  une identification ร  la star, bien sรปr, mais รฉgalement ร  une identification au journaliste lui-mรชme. Ce second niveau peut surprendre a priori, mais se justifie parfaitement.
L’identification ร  la star peut รชtre une identification amoureuse ou identification ร  une sorte de pair. L’identification amoureuse consiste ร  voir la star comme un amour possible, et par consรฉquent cherche ร  tout savoir la concernant : joies, peines, dรฉtails de la vie privรฉe etc. Toute information lui est nรฉcessaire, mais celles qui concernent la vie amoureuse et les รฉventuels ruptures ou mariages, le sont davantage.

Des ยซ perversions ยป sublimรฉes

L’analyse de la presse ร  sensation a un effet de rรฉvรฉlateur pour celui qui l’รฉtudiรฉ, puisqu’au fur et ร  mesure qu’il avance dans l’รฉtude de son objet, il peut voir apparaรฎtre les perversions qui guident le lecteur vers ce type de presse. On voit, en effet, transparaรฎtre le fรฉtichisme et le voyeurisme en tant que pulsions qui se satisfont de ce que leur apporte la lecture sensationnelle.
Le fรฉtichisme a deux dรฉfinitions, l’une est religieuse, et dรฉcrit le fรฉtichisme comme un culte, une adoration sans limite pour l’objet matรฉriel auquel on attribue un pouvoir surnaturel ; l’autre est psychanalytique, et conรงoit le fรฉtichisme comme une perversion sexuelle dans laquelle on obtient la satisfaction par le contact ou la vue d’objets habituellement dรฉnuรฉs de signification รฉrotique. Ici, on peut considรฉrer que le fรฉtichisme du lecteur de la presse people rรฉpond aux deux dรฉfinitions : il entretient un culte pour son idole et pour tous les objets qui le rattachent ร  elle, et il recherche la satisfaction par le contact ou la vue d’objets appartenant ou ayant un lien avec la star.
Edgar Morin a largement montrรฉ dans Les stars14, que s’รฉtablissait une vรฉritable ยซ liturgie stellaire ยป autour des stars, un culte qui se nourrit de photos, d’articles, etc. On a donc des stars-dieux devant lesquelles le public tombe en adoration, et l’on peut considรฉrer que les mรฉdias interviennent dans ce processus comme des oracles : le public et la star appartiennent ร  deux mondes diffรฉrents qui ne coรฏncident pas, et il faut un mรฉdiateur pour les mettre en relation, un oracle pour dรฉcoder les messages des dieux vers les non-dieux et pour instaurer une communication.
Toute religion, tout culte a ses rites, le fรฉtichisme correspond tout ร  fait au culte des stars : les adorateurs reportent leur amour sur des objets ayant un lien avec la star ; ces objets ont pu รชtre en contact avec la star (vรชtements, autographes), ce sont les plus prรฉcieux et les plus rares ; ils peuvent aussi avoir un lien moins matรฉriel ร  dรฉfaut de lambeaux de vรชtements, le tout รฉtant d’avoir quelque chose qui puisse les rattacher un peu plus ร  leur idole. Et les photos, articles et interviews trouvรฉs dans la presse people participent au culte pour la star: ยซ(…) Le culte des adorateurs se nourrit de ces publications qui dรฉversent sur eux les รฉlรฉments vivifiants de la foi : photos, potins, interviews… ยป.
La presse ร  sensation offre donc un palliatif au besoin compulsif du public de tout avoir et de tout savoir. Le magazine rapproche un peu plus le lecteur de son dieu en lui offrant un ersatz de prรฉsence ร  travers les interviews, les potins et les photos. La photo, rรฉjouit particuliรจrement le lecteur car elle lui offre une matรฉrialisation de la star, mais le potin n’est pas non plus dรฉnuรฉ d’intรฉrรชt pour l’adorateur ร  qui l’on offre une autre forme de matรฉrialitรฉ : ยซ le poids de la star, son plat favori, la marque de ses caleรงons, son tour de poitrine sont porteurs de prรฉsence, dotรฉs alors de la prรฉcision et de l’objectivitรฉ du rรฉel, ร  dรฉfaut du rรฉel lui-mรชme ยป16. L’interview quant ร  elle confirme le rรดle d’oracle de la presse, en restituant la parole divine.
Mais si l’on se rapproche de la psychanalyse, le fรฉtichisme est aussi une perversion, puisqu’elle consiste ร  rechercher le plaisir en dehors des usages traditionnels. Le fรฉtichisme au sens fort est cette pulsion qui dรฉplace le dรฉsir vers des objets habituellement dรฉnuรฉs de toute connotation รฉrotique. Et on assiste ici ร  un dรฉplacement du dรฉsir vers des objets sans valeur : l’amour pour la star trouve son aboutissement dans la collection de coupures de presse, de photos, de dรฉtails etc.
Le voyeurisme est une autre perversion qui trouve sa satisfaction dans l’acte de voir. Le voyeurisme est trรจs prรฉsent dans la presse ร  sensation, et cela ร  travers les nombreuses photos que l’on trouve ร  longueur de pages. Tout l’intรฉrรชt du voyeur est de voir sans รชtre vu des choses qu’il n’est pas autorisรฉ ร  voir. La presse people lui offre cette satisfaction en รฉtalant devant lui les photos des stars. La plupart des photos sont prises ร  l’insu de ces derniรจres, et il arrive mรชme que des scรจnes intimes soient rendues publiques par les journalistes. C’est pour satisfaire le voyeurisme latent du lecteur, que la presse ร  sensation essaie de donner ร  celui-ci le frisson de la photo interdite.
L’รฉtalage des photos permet ainsi au lecteur d’utiliser principalement la vue pour trouver l’information : l’acte de voir est donc particuliรจrement valorisรฉ par cette presse.
Le voyeurisme se caractรฉrise รฉgalement par le fait qu’il se sert du corps de l’autre pour satisfaire son propre plaisir : ici le voyeur peut se servir des stars photographiรฉes pour assouvir sa curiositรฉ maladive. On peut mรชme prolonger la rรฉflexion en รฉmettant l’hypothรจse qu’au delร  du corps photographiรฉ, le lecteur se sert รฉgalement du corps photographiant, c’est ร  dire du journaliste lui-mรชme, pour satisfaire son dรฉsir. C’est par procuration que le lecteur aura vu la star, il se sera donc รฉgalement servi de celui qui lui a prรชtรฉ son corps, de l’intermรฉdiaire, pour parvenir ร  ses fins.
Ici encore on est dans une logique de la catharsis oรน l’on vit les choses ร  travers l’autre, par procuration. La lecture sensationnelle permet ainsi de sublimer ces perversions par un dรฉtournement cathartique. Le lecteur charge le journaliste de satisfaire ses perversions, รฉvitant ainsi de les satisfaire lui-mรชme de faรงon moins louable. Il ne reste donc plus que la sensation du fรฉtichisme et du voyeurisme sans qu’il y ait vraiment acte, le seul acte condamnable serait le journalisme sensationnel qui va recueillir les รฉlรฉments de la vie privรฉe des stars. Le voyeurisme et le fรฉtichisme prennent donc une forme plus รฉthรฉrรฉe quand ils sont dans les magazines et l’on peut dire que le lecteur passe au delร  de la perversion pour parvenir ร  un but socialement plus valorisรฉ, ร  savoir la connaissance.

 

 

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Table des matiรจres

Introduction
1. Caractรฉristiques d’une rhรฉtorique de captationย 
1.1. Mise en place d’un ensemble de lieux communs
1.2. Saisir et orienter le regard
1.3. Une logique de la catharsis
1.4. La rรฉponse sensationnelle, une rhรฉtorique informationnelle de l’exclusivitรฉ
2. Analyse critique de la construction d’un leurre informationnel
2.1. Le sensationnalisme comme principe organisateur de l’information
2.2. Le faux pris en flagrant dรฉlit
2.3. L’information malmenรฉe
2.4. La dรฉsinformation, dรฉfinition d’un concept
3. Crรฉation d’un horizon d’attenteย 
3.1. Consรฉquence du contrat de communication
3.2. Les outils de la reprรฉsentation
3.3. Un modรจle communicationnel
Conclusionย 
Index des auteurs citรฉs
Index des notions abordรฉesย 
Bibliographie
Annexes

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