L’Amazonie est l’une des régions du globe qui reçoit le plus de précipitations par an avec des volumes compris entre 1000 et 4000 mm.an-1 (Figueiroa et Nobre, 1990). Ces extrêmes montrent qu’il existe une forte variabilité spatiale des pluies qui dépendent de circulations atmosphériques synoptiques et locales. Les perturbations générées à grande échelle principalement par le mouvement de la Zone de Convergence Inter Tropicale (ZCIT), la pénétration de fronts froids et la formation de la Zone de Convergence de l’Atlantique Sud (ZCAS) varient au cours de l’année. D’autres évènements climatiques tels qu’El Niño et La Niña liés aux températures de surface de l’océan Pacifique ont des impacts sur les variabilités interannuelles des précipitations en Amazonie. L’activité convective de systèmes locaux ainsi que les interactions entre la surface et l’atmosphère sont autant d’éléments à prendre en compte pour l’analyse des volumes précipités. Les échanges entre les différentes occupations des sols (OS), en particulier la forêt amazonienne, et l’atmosphère influencent les formations nuageuses et l’activité convective.
En outre, les mesures et la détection des taux de pluie extrêmes ainsi que les durées des périodes sèches et humides sont relativement importantes afin de cartographier les secteurs les plus vulnérables. La pluie est une variable centrale à considérer dans la prévention et l’appréhension des catastrophes naturelles. Les sécheresses historiques de 2005 (Marengo et al., 2008) et 2010 et les inondations exceptionnelles de 2009 et 2012 en Amazonie illustrent que cette thématique doit être étudiée de manière accrue.
L’Amazonie est un espace très vaste et la mesure des taux de pluie peut parfois relever du défi. De nombreuses régions encore peu explorées, difficilement accessibles et dépourvues de pluviomètres, ne permettent pas un suivi spatiotemporel des précipitations. La représentation des champs de pluie par l’outil de la géostatistique est peu fiable dans les régions où le réseau pluviométrique au sol est peu dense. L’apport de la télédétection est alors un atout incontournable mais de nombreuses erreurs d’estimation quantitative des précipitations (QPE) par satellite altèrent l’estimation des taux de pluie réels. Les sources d’erreur peuvent être liées à la calibration, à l’échantillonnage et à l’algorithmie (Roca et al., 2010), ou en d’autres termes, aux méthodes déployées pour détecter les précipitations.
Les précipitations en Amazonie brésilienne: dynamiques, et principes d’études
A l’échelle planétaire, l’Amazonie a une influence certaine sur les cycles de l’eau et du carbone caractérisés par des interactions complexes entre les surfaces et l’atmosphère (Arvor, 2009). Les circulations atmosphériques synoptiques provoquent les variabilités spatiotemporelles des pluies sur ce vaste territoire. Le rôle de phénomènes climatiques interannuels en lien avec les températures de surface océanique (SST) doit aussi être considéré. Les interactions de ces perturbations avec des systèmes précipitants locaux sont difficiles à mesurer. A l’échelle du Brésil, le réseau d’instruments de mesure au sol (stations météorologiques, radars, etc) possède une distribution spatiale très inégale d’une région à l’autre. En plus de cette disparité spatiale, il existe une forte variabilité de l’historique des données au sol. En effet, les réseaux des instruments de mesure peuvent être d’implantation récente avec un report des données plus ou moins complet.
Afin de pallier ces différents problèmes spatiotemporels, la télédétection est un outil intéressant afin d’estimer les précipitations. Le premier avril 1960, les premières images météorologiques apparaissent avec le lancement du satellite Television InfraRed Observation (TIROS-1) par la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Depuis cette date, à l’échelle internationale, de nombreux satellites météorologiques ont été développés avec des avancées technologiques considérables. L’archivage des données de précipitations dérivées des mesures par l’IR est réalisé depuis 1979 (Kidd et al., 2009). Cependant, les données quotidiennes de qualité ne sont disponibles au maximum que depuis une dizaine d’années.
Introduction aux dynamiques atmosphériques amazoniennes
A l’échelle globale, 60% des précipitations ont lieu dans les régions tropicales. Ces dernières sont aussi les zones du globe qui reçoivent la plus forte intensité du rayonnement solaire pendant une année. Les dynamiques atmosphériques et océaniques, qui redistribuent l’excédent de l’énergie reçue dans ces régions vers les latitudes moyennes, expliquent les fortes variabilités spatiotemporelles des précipitations dans les tropiques (ex. Pagney, 1976). Certes, l’Amazonie possède un excédent énergétique net annuel proche de celui de la cuvette congolaise (entre 40 et 60 watt.m-²) mais l’organisation des mécanismes pluviogènes est différente du schéma rencontré en Afrique et en Asie (Dubreuil, 2005). Les régimes des précipitations sur cette vaste région sont déterminés par l’action conjointe d’évènements climatiques d’échelles synoptiques et locales. Les interactions entre l’occupation des sols (OS) et l’atmosphère ont des effets importants sur les systèmes précipitants qui doivent être pris en compte.
Présentation du territoire d’études
L’Amazonie brésilienne peut être définie selon deux limites géographiques : des limites naturelles et une limite administrative. La limite naturelle est caractérisée par le réseau hydrographique du fleuve Amazone et ses affluents qui constituent le Bassin amazonien. Cet espace géographique, d’une vaste superficie de 6.312.375 km², s’étend sur six pays de l’Amérique du sud : la Bolivie, le Brésil, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le Venezuela. De plus, Droulers (1995) évoque les frontières de l’Amazonie en relation avec l’étendue de sa forêt. La limite administrative définit le territoire de l’Amazonie brésilienne Légale qui a été initialement mise en place en 1953 et a connu plusieurs évolutions. Ce territoire est actuellement composé de quatre Etats en Amazonie occidentale: Amazonas (AM), Acre (AC), Roraima (RR) et Rondônia (RO), et de cinq Etats en Amazonie orientale: Pará (PA), Maranhão (à l’ouest de la longitude – 44° O), Amapá (AP), Tocantins (TO) et Mato Grosso (MT) . Les problématiques de développement socio-économique et des projets de colonisation de l’Amazonie menés par les différents gouvernements brésiliens au pouvoir depuis les années 1930, et leur conséquence sur l’environnement, sont largement analysées par la communauté scientifique (Droulers, 1995 ; 2001 ; 2004; Droulers et Le Tourneau, 2000 ; Le Tourneau, 2004 ; 2006 ; Fearnside, 1997c ; 2001 ; 2002 ; 2005a ; 2005b ; 2006 ; Théry, 1996 ; 1997 ; 2004 ; 2005 ; 2006 ; Théry et De Mello, 2005 ; Dubreuil, 2005 ; Arvor, 2009).
Dans cette thèse, toutes les analyses des précipitations sont focalisées sur l’Amazonie brésilienne Légale pour des raisons pragmatiques. En effet, le report des séries pluviométriques des différents instituts tels que l’Agence Nationale de l’Eau brésilienne (en portugais : Agência Nacional das Aguas, ANA) ou le Centro de Previsão de Tempo e Estudos Climáticos (CPTEC) sont répertoriées par limite administrative. En outre, l’accès aux données historiques des pays frontaliers au Brésil est relativement difficile et laborieux. Le projet The Environmental Research Observatory – Geodynamical, hydrological and biogeochemical control of erosion/alteration and material transport in the Amazon basin (ORE-HyBam) relève le défi de construire une grande base de données pluviométriques à l’échelle du Bassin Amazonien mais des limitations telles que l’homogénéisation des données (horaires des relevés, etc) se posent (Espinoza, 2009 ; Espinoza et al., 2009). La recherche des stations et la constitution de la base de données pluviométriques sont par conséquent largement facilitées si l’on considère les limites de l’Amazonie brésilienne Légale.
Les principales circulations atmosphériques de large échelle
Le rôle des circulations atmosphériques de large échelle permet d’expliquer les variabilités spatiotemporelles des précipitations en Amazonie.
Les cellules de Hadley, qui se forment au niveau de l’Equateur avec l’ascendance de masses d’air importante, sont les principales sources de transport d’énergie (Kodama, 1992 ; Nobre and Shukla, 1996 ; Kayano et al., 1997 ; Marengo, 2004 ; Espinoza et al., 2009). La branche ascendante des cellules de Hadley correspond à une zone de forte convection qui définit la ZCIT (figure 3). Dans les hautes couches de l’atmosphère, on observe une zone de divergence qui permet la redistribution de l’énergie reçue dans les zones excédentaires (latitudes équatoriales) vers les zones déficitaires (latitudes subtropicales) selon une orientation méridienne. Dans les basses couches de l’atmosphère, les alizés de Nord-Est dans l’Hémisphère Nord et ceux de Sud-Est dans l’Hémisphère Sud convergent vers l’équateur météorologique (Roucou, 1997 ; Sette, 2000 ; Durieux, 2002 ; Ronchail et al., 2002). La position de la ZCIT est dépendante de la position du soleil et des SST de l’océan Atlantique et explique les variabilités saisonnières des précipitations en Amazonie. Ainsi, en été (hiver) austral, lorsque l’Atlantique Sud est plus chaud (froid) que l’Atlantique Nord, la ZCIT se déplace en latitude vers le Sud (Nord) de l’Amazonie et provoque des précipitations importantes. Cette migration est plus importante sur les continents que sur les océans caractérisés par une inertie thermique. Ainsi, en été austral, à l’interface de l’Océan Atlantique et des surfaces continentales de l’Amérique du Sud tropicale surchauffées, Sadourny (1994) montre que ce différentiel de températures créé des phénomènes de dépressions et d’ascendances alimentées par des flux d’air humide trans équatorial venant de l’océan. Des précipitations intenses ont lieu alors jusqu’aux latitudes subtropicales ; on parle de mousson Sud-américaine (Roucou, 1997 ; Zhou and Lau, 1998).
Pendant cette même période, l’Anticyclone du Pacifique Sud (APS) migre vers le Sud et les alizés du Sud-Est sont déviés vers le Sud du Brésil à cause de l’affaiblissement de l’Anticyclone de l’Atlantique Sud (AAS) (Espinoza, 2009). La convergence d’alizés et de circulations extratropicales forment une bande d’instabilité et d’air humide, appelée ZCAS . Cette dernière est une zone de convergence orientée selon un axe Nord-Ouest/SudEst, identique à celui du jet subtropical de bas niveau (Low Level Jet, LLJ). La dynamique de la ZCAS, visible toute l’année, est plus intense durant les printemps et été austraux. La pénétration des masses d’air atlantiques à l’intérieur du continent est favorisée par la topographie du plateau brésilien entouré au Nord par des reliefs modestes des Guyanes et séparée du Pacifique à l’Ouest par la Cordillère des Andes.
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Table des matières
Introduction générale
Partie 1. Les précipitations en Amazonie brésilienne: dynamiques, et principes d’études
Introduction de la Partie 1
Chapitre 1. Introduction aux dynamiques atmosphériques amazoniennes
Chapitre 2. Les systèmes d’observation des précipitations
Chapitre 3. Principes d’estimation des précipitations par satellite
Chapitre 4. Analyse des erreurs d’estimation des précipitations
Synthèse de la Partie 1
Partie 2. Construction de la base de données pluviométriques de référence en Amazonie brésilienne Légale (1998-2009)
Introduction de la Partie 2
Chapitre 5. Analyse géostatistique des données pluviométriques
Chapitre 6. Contrôle de qualité des données pluviométriques
Synthèse de la Partie 2
Partie 3. Validation et inter comparaison des produits satellitaires d’estimation des précipitations en Amazonie brésilienne Légale (2003-2009)
Introduction de la Partie 3
Chapitre 7. Analyse statistique des erreurs des QPE par satellite
Chapitre 8. Construction d’un modèle d’erreur des QPE par satellite
Chapitre 9. Influence des surfaces terrestres sur l’erreur d’estimation des précipitations quotidiennes par satellite: cas d’études en Amazonie méridionale
Synthèse de la Partie 3
Partie 4. Apport des données satellitaires à la climatologie de l’Amazonie brésilienne Légale sur la période 2003-2009 : application au produit satellitaire CMORPH
Introduction de la Partie 4
Chapitre 10. Etudes des précipitations saisonnières et annuelles mesurées par satellite
Chapitre 11. Analyses des régimes annuels et des évènements extrêmes des précipitations par satellite
Synthèse de la Partie 4
Conclusion générale
Références bibliographiques