Analyse comparative de l’ensemble seigneurial 

Les campagnes de construction

Sur la datation des constructions, l’historiographie se contente d’une attribution au seul Pierre d’Harcourt et à la date approximative de 1580. Ainsi, Galeron écrit-il, d’une manière assez contradictoire, que : « Guy d’Harcourt et Marie de Saint-Germain eurent leur résidence à Fresney (…) C’est aussi de ce lieu que Marie de Saint-Germain data son testament, en 1578. Pierre de Harcourt, fils de Guy, hérita de la seigneurie de Fresney, et c’est à lui que l’on attribue la construction du grand château qui existe encore aujourd’hui » ; puis : « le château, bâti pour Pierre de Harcourt vers 1580 … »171. Vaultier reprend la première assertion mais, concernant la datation, il est plus vague : « Ce qui reste du château parait ancien d’origine… »172. Au même moment, A. de Caumont, dans son Cours d’antiquité monumentale de 1830, écrit : « (le) château de Fresnay-le- Puceux, construction assez considérable, à 5 lieues de Caen, dont je n’ai pu encore rechercher la date, mais qui m’a paru de la seconde moitié du XVIe siècle »173. Il reprend ensuite l’assertion de Galeron sur la date de 1580 dans sa Statistique monumentale, tout en précisant : « Le style de l’édifice répond à cette date »174 ; cependant dans ses publications ultérieures, il est à nouveau moins précis. Ainsi parle-t-il en 1855 de « la masse imposante du château de Fresnay qui doit dater du XVIe siècle et en partie de la première moitié du XVIIe siècle »175. La riche documentation manuscrite nous montrera pourtant que ce sont trois, voire quatre campagnes de construction qu’il nous faut considérer, étalées sur une cinquantaine d’années, de la décennie 1550 ou 1560 à 1612.
Les deux dernières sont particulièrement bien documentées puisque nous disposons d’un remarquable ensemble de documents comptables : un cahier de 53 pages concernant les années 1589 et 15901, un deuxième de 6 pages pour l’année 15961, un troisième de 34 pages couvrant les années 1598 et 1599178 et un dernier de 6 pages recensant 136 acquis allant de 1611 à 1613.
De plus, 9 quittances sont datées de 1602 et 1603180. Nous ne disposons malheureusement pas de documents comparables pour la période précédente mais seulement d’un ensemble d’indices.
Ainsi, le contrat de mariage de Guy d’Harcourt et Marie de Saint-Germain, daté du 10 juin 1546, citant les « terres & seigneuries (…) assises en la parroisse de Fresney le Puceux, & illecques environ generallement quelconques, tant en bois, rentes, moulins, terres, prez, domaines & revenus quelconques es parties de par delà les bois de Cinglaie vers Caën, sans en rien excepter »181, ne parle pas d’un manoir. Pourtant Guy d’Harcourt et Marie de Saint-Germain résident à Fresney depuis 1561 au moins. Il ressort de plus du procès de 1570 avec Jacques de Bures « pour le soustien de l’action par luy intentée en haro et degrada(ti)on d’héritage », que la demie-acre de terre objet du litige « butte d’un bout sur le grand chemin du roy passant pres le cymetiere dud(ict) lieu de Fresney » ; et du cahier d' »addition en duplique de lad(icte) dame de Beuvron deffenderesse », que « lad(icte) dame maintient et soustient q(ue) led(ict) heritage est du nombre et (con)prins de son fief terre et s(ieu)rye de Fresné (…) d’aultant q(ue) led(ict) heritage est (con)tigu de son manoir s(ieu)rial ». Le « chemin du roy » est probablement celui qui passe devant l’église et qui s’appelle : « chemin de Fresnay le Puceux à Caen » au cadastre Napoléon de 1808. Nous pouvons en déduire que le manoir de Saint-Germain est alors situé près du cimetière. Il est donc très probable qu’il se trouve dans l’enclos actuel du château. Il est par ailleurs assez probable qu’il a été construit pour Guy d’Harcourt et Marie de Saint-Germain. La question est de savoir si ce premier manoir a été construit d’un seul jet, puis s’il a été, en tout ou partie, remplacé par les constructions des deux dernières campagnes de travaux.
Nous verrons plus loin avec les cahiers de comptes que si Pierre d’Harcourt fait démolir une partie des bâtiments d’exploitation de la cour de l’ancien manoir, il conserve au moins le logis, les écuries et le pressoir. Par ailleurs, les pièces du procès pour haro et dégradation d’héritage ne donnent que de rares et vagues informations sur ce manoir primitif, en 1570. Nous y voyons qu’il contient une
écurie mais pas d’abreuvoir : « les bestiaulx en toultes especes de sa maison tant de selle que de hernoys ont passé (par) dess(us) led(ict) heritage encores ch(ac)un jo(ur) pour aller et gaigner l’abreuveur desd(icts) chevaulx & tant aller que venir les chevaulx de son escurye se promenantz ainssy qu’il est acoustumé f(air)e » ; et des étables : « puys six a sept ans lad(icte) dame a faict parme(ner) sur lad(icte) piece de terre plus(ieu)rs bestes tant chevallines aumailles que bergines (…) & icell(e)s misses & emparquées aux estables dud(ict) manoir de Fresnay ».

DE 1837 À NOS JOURS

L’Annuaire du département du Calvados évoque à Fresney-le-Puceux, en 1834, une « commune considérable, assise en partie sur une hauteur qui domine tout le pays, et où l’on voit un ancien château qui tombe en ruine ». Trois ans plus tard, il ajoute : « Ce château domine un parc que ses coteaux et ses vallons rendent fort agréable ; mais où l’on aperçoit d’autres traces de culture que celle qu’y laisse la charrue du fermier ». C’est donc un ensemble dégradé qui est vendu peu après la mort de Madame d’Haussonville, survenue en 1837. Il est possible se suivre les diverses mutations grâce aux matrices cadastrales270 : le château de Fresney, les deux fermes du Parc et de la Bélinière et la quasi-totalité des terres situées sur la commune de Fresney-le-Puceux sont vendus en 1841 à Charles Pierre Paul Paulmier, né à Paris le 11 octobre 1811 et mort à Bretteville-sur-Laize le 15 décembre 1887, lequel avait acheté dès 1835 la plus grande partie du bois d’Alençon, situé sur la commune de Boulon. Il était avocat, député de 1846 à 1871 (sauf en 1848), fut élu sénateur en 1876, mais fut battu en 1885, et membre du Conseil général depuis 1848, dont il fut président de 1865 à 1871. Le rôle de ce propriétaire reste ambiguë car si A. de Caumont écrit en 1860 : « On doit de la reconnaissance aux propriétaires qui conservent et restaurent les anciens châteaux qu’ils possèdent (…) Nous adressons donc les félicitations de l’Association normande à M. Ch. Paulmier, ancien député, membre du Conseil général, qui a eu la bonne pensée de restaurer et de consolider le château de Fresnay-le-Puceux » ; puis quelques années plus tard précise : « Il y a fait des travaux considérables de conservation (…) Par ses soins, les portions menaçant ruine ont été consolidées, les cloisons qui divisaient la grande galerie enlevées, les fenêtres revitrées et leurs volets de chêne rétablis, etc… » ; il avait écrit 16 ans plus tôt, dans le Bulletin monumental : « Il est question de détruire une partie du château de Fresnay-le-Puceux (…) Le grand corps de logis qui occupe le fond de la cour peut donner une idée très juste des constructions seigneuriales les plus importantes de l’époque et c’est un type intéressant à examiner. On démolit malheureusement une partie de ce grand bâtiment » ; et repris presque mot-à-mot le même texte en 1855, dans la Statistique routière de la Basse-Normandie. Une reproduction du dessin de Georges Bouet de la partie du logis située dans l’angle sud-ouest de la cour, alors en ruine, y est annexée. De plus, dès 1842, Auguste le Flaguais avait écrit dans la Revue du Calvados : « On démolit en ce moment le vieux château de Fresney-le-Puceux, auquel se rattachaient les noms des Fiesque et des Harcourt, et qui a été acheté, dans ces derniers temps, par une sorte de bande noire. Il n’était pas fort remarquable sous le rapport de l’art, mais il présentait dans sa masse imposante un type complet de l’architecture féodale au XVIe siècle. Il est triste sans doute de voir tomber sous la pioche brutale et sacrilège, ces vieux monuments historiques, gloire de notre province ». Nous reviendrons dans la troisième partie sur le fait que si Charles Paulmier a abandonné à la ruine la partie la plus ancienne du logis, nous lui devons d’avoir sauvegardé ce qui est parvenu jusqu’à nous.
Le 25 juillet 1932 un incendie vient détruire le premier étage du corps de galerie. Le rapport de gendarmerie indique : « Il ne reste du bâtiment qui servait à l’habitation que le rez-de-chaussée et le premier étage, qui a néanmoins souffert par le feu et aussi par l’eau. La toiture est entièrement détruite, ainsi que le plancher du grenier et le plafond de celui-ci ». Dans son rapport du 28 juillet, l’architecte en chef Herpe précise que « presque toutes les lucarnes en pierre qui décoraient la toiture ont été renversées et brisées ; une partie des menuiseries anciennes du 1er étage est détruit ». Mais un an après l’incendie, le 29 juillet 1933, il écrit au ministre de l’Education nationale : « J’ai l’honneur de vous informer que je me suis rendu sur place le 25 juillet dernier (…)
J’ai constaté que la moitié environ de la surface de la couverture de ce bâtiment était déjà refaite, charpente comprise (…) Toutefois de la conversation que j’ai eue avec ce dernier (M. Catel) il résulte qu’il n’entre aucunement dans ses intentions de faire continuer les travaux de façon à mettre complètement le bâtiment à l’abri des intempéries et pour bien prouver ses intentions il a fait édifier, sans votre autorisation, un mur de refend en maçonnerie de moellons qui divise en deux la grande salle de réunion du 1er étage. Pour exécuter cette clôture, il s’est adressé à un maçon du village, qui n’ayant que des notions très rudimentaires de construction, a trouvé le moyen de faire effondrer la voûte en anse de panier qui couvrait le passage au rez-de-chaussée. De plus il m’a fait part de sa résolution de faire séparer la partie couverte du 1er étage en petites chambres avec couloir de dégagement, pour l’occuper en détruisant ainsi la belle salle du 1er étage dans laquelle on voit encore des traces de peintures murales avec décorations aux armes de la famille d’Harcourt ». Une cinquantaine d’années plus tard, lors de l’achat du château par les propriétaires actuels, la partie ouest du corps de galerie est en ruine et il ne reste plus sur ce dernier que 2 des 12 lucarnes primitives.
Dès la fin de la deuxième guerre mondiale l’architecte en chef M. Ranjard engage la restauration du château au motif qu’il « a subi des dommages importants du fait de la guerre ». Ce point finira par être formellement contesté, le 24 avril 1953, par M. Herpe, devenu inspecteur général, et qui écrit dans un rapport à la Commission des monuments historiques : « Le château de Fresnay-le- Puceux a été occupé pendant la guerre par des troupes autrichiennes qui ont causé, parait-il, quelques dommages à l’intérieur des bâtiments, mais qui n’ont pu être les auteurs des dégradations qui sont signalées aux toitures. Il faut se rappeler que les couvertures des différents bâtiments sont fort anciennes et que leur propriétaire Monsieur Catel ne s’est jamais montré très généreux dans les fonds de concours qui lui étaient demandés pour les réparer (…) Nous ne pouvons accepter que les travaux soient considérés comme la réparation d’un dommage causé par la guerre mais bien comme le résultat de la vétusté, avec une participation financière du propriétaire ». D’ailleurs le 12 septembre 1953, le Conservateur L. Bourdil se range à son avis en citant le compte rendu de visite au lendemain de la bataille de 1944 de Lord Methuen. La traduction conforme de ce rapport indique : » Les constructions encadrent une cour rectangulaire dont un côté est bordé par deux pavillons. Celui de l’ouest a brûlé en partie juste avant la guerre. Pendant la bataille quelques dégâts ont été causés. Une lucarne des communs a été détruite et des parties de leur toiture endommagées. De très nombreuses tuiles manquent (…) Ces communs sont très négligés (…) La façade du château est légèrement éraflée. Toutes les fenêtres ont été brisées pendant la bataille ».

ANALYSE COMPARATIVE DE L’ENSEMBLE SEIGNEURIAL

L’ORGANISATION GÉNÉRALE DE L’ESPACE

Concernant la description du « pourpris » du château, l’historiographie est relativement pauvre et non exempte d’erreurs. Ainsi de Galeron, qui écrit en 1829 : « Le château (…) offre un grand carré de bâtimens, flanqué de hauts pavillons, et dont la porte d’entrée, crénelée et garnie de rainures, recevait un pont-levis qui s’abaissait sur les douves. Celles-ci enseignaient les quatre faces extérieures du château. De grandes galeries régnaient entre les pavillons (…) Le parc, de 160 acres d’étendue, était et est encore entouré de murs. (…) Dans la cour intérieure du château, au centre des galeries, sont les restes d’un grand bassin qui recevait, par des conduits souterrains, les eaux qui allaient ensuite alimenter les douves ». Quelques années plus tard, en 1837, Vaultier n’est pas plus précis : « Ce qui reste du château de Fresné (…) est entouré de fossés profonds, et on n’y entre que par un pont-levis. A ce même château, se trouve joint un parc, assez vaste, formé de deux coteaux parallèles, entre lesquels coule un joli ruisseau, venant des ruines du Thuit, pour se jeter, un peu plus loin, dans la Laize ». En 1850, A. de Caumont apporte quelques précisions mais, en suggérant que le logis est constitué d’un corps principal flanqué de hauts pavillons et que deux fontaines existaient dans la cour, il introduit une erreur qui sera souvent reprise par la suite : « Le château de Fresnay offre une masse imposante et se compose de grands bâtiments disposés en carré autour d’une cour. Le château proprement dit ou l’habitation principale est au fond de la cour, flanqué au nord et au sud de deux hauts pavillons : un de ces pavillons a été en partie démoli depuis peu d’années, (…) Deux fontaines monumentales, dont une existe encore devant le pavillon en ruine, se voyaient dans la cour. De grandes galeries régnaient entre les pavillons (…) Des fossés pleins d’eau faisaient le tour du carré formé par l’ensemble des bâtiments. L’entrée est encore intacte (…) On distingue les rainures qui recevaient les poutres du pont-levis (…) Un parc considérable entouré de murs est annexé au château ; il est traversé par un beau ruisseau venant du Thuit, et renferme plus de 120 hectares ». Aucun de ces auteurs ne semble s’interroger sur l’absence de charreteries et de colombier, notamment, dans la cour qu’ils décrivent et, ce faisant, ils
omettent de parler de la basse-cour. Pourtant la basse-cour est depuis longtemps déjà dissociée du
château et le nom de « ferme du parc » qu’elle porte au cadastre Napoléon suggère que ses bâtiments et les terres du parc forment depuis un certain temps déjà un ensemble relativement autonome par rapport au château. De même ces auteurs ne disent rien du jardin et des enclos voisins.
Comme l’écrit Jean-Pierre Ducouret dans Le manoir en Bretagne, 1380-1600 : « Le cadastre ancien, dit Napoléon, (…) est un instrument privilégié pour étudier l’implantation du manoir (…) (Il) révèle en effet une grande pérennité ». La figure 15 des annexes montre ainsi l’extrait du cadastre Napoléon de 1808, centré sur la cour château, avec une tentative de restitution des noms des différents éléments constitutifs du pourpris de ce dernier, à partir de l’analyse de documents inédits d’une part et des matrices cadastrales de 1811 d’autre part.
A la mort de Pierre d’Harcourt, en 1627, alors que l’ensemble seigneurial est à son apogée et s’annonce l’époque où « le château désert vieillit dans son veuvage », ce sont bien deux enclos de bâtiments séparés qu’il faut considérer.
Cette disposition des bâtiments de la cour est assez précisément décrite dans les lots faits en 1639 pour déterminer le douaire de Gillonne de Matignon : « led(ict) lot sera tenu souffrir a lad(icte) dame de Beuvron la jouissan(ce) du grand pavillon dud(ict) manoir de Fresné le Puceux depen(dan)t dud(ict) fief de S(ainc)t Germain et corps de logis vers le grand fruittier dud(ict) Fresné depuis la porte du jardin jusques a la muraille qui faict separa(ti)on de la court dud(ict) manoir d’avec les escuryes et au(tr)es maisons po(ur) par elle y f(air)e sa demeure et residence (…) avec une escurye le grenier dessus estant et une grange du nombre de celles dud(ict) manoir a son choix et obtion et la moictiyé des fruictz du grand et petit fruictier dud(ict) Fresné ». Ce document indique donc clairement que le grand fruitier est situé dans l’axe allant du pavillon au corps de logis principal, c’est-à-dire à l’ouest de l’enclos, et qu’il existe alors aussi un petit fruitier. Enfin, le cahier de comptes de 1599 montre la construction d’un mur de clôture pour la « garanne d’aupres le freuytier », mais il n’en subsiste rien.

La distribution intérieure du logis, en lien avec l’architecture

Distribution horizontale et plan des étages

Ici encore l’historiographie est pauvre. Galeron, en 1829, ne dit rien d’autre de l’organisation de l’intérieur du logis que : « De grandes galeries régnaient entre les pavillons »370. A. de Caumont, dans sa Statistique monumentale de 1850, n’est guère plus disert. Il ajoute à ce que dit Galeron : « Ce pavillon était plus élevé que l’autre ; on y voit quatre étages superposées ayant chacun une grande cheminée. Dans le pavillon opposé se trouve un appartement dont les poutres et les solives sont couvertes de peintures » ; puis, à propos de la « restauration et consolidation du château de Fresnay-le-Puceux », en 1860 :  » Un des pavillons du château est depuis longtemps à l’état de ruines. On se bornera à en consolider les murs ; c’est la partie centrale et l’extrémité opposée qui vont être restaurées. La galerie centrale, … » ; et enfin, en 1865 : « A l’extrémité méridionale de cette galerie et ouvrant sur elle, on trouve une petite pièce qui semble avoir été une chapelle funéraire ».
Notre connaissance de la l’organisation intérieure du logis dans sa conception originelle, c’est-à dire à la mort de Pierre d’Harcourt en 1627, serait donc limitée à l’observation de ce qui en reste, corps de galerie et grand pavillon, avec le risque d’incompréhension inhérent aux modifications ultérieures, si nous ne disposions de documents manuscrits trop rarement conservés tels que le « repertoire des biens meubles demeurez du deces de feu hault et puissant seigneur messire Pierre de Harcourt (…) au manoir et chasteau de Fresney le Puceulx » des 7 et 8 novembre 1627, complété des lots et partages du 14 décembre 1630 et de ceux du 29 janvier 1632 ; ainsi que d’un inventaire réalisé en 1644 « à la requeste de haut et puissant seigneur messire Charles Léon de Fiesque (….) ayant épouzé dame Gillonne de Harcourt (…) faire et dresser estat et estimation des meubles estantz dens le chasteau dudit Fresné à ladite dame appartenant ».
L’inventaire de 1627 décrit les biens meubles pièce par pièce, en donnant à chacune d’elle un nom, soit générique comme « la cuisine » ou la « salle », soit lui appartenant en propre comme « la chambre bleue » ou « la chambre pavée », soir caractérisant son occupant comme « la chambre de Madame » ou « la chambre de Monsieur le comte », soit encore représentatif de sa situation géographique comme « la chambre du haut de l’escalier » ou « la dernière chambre du haut du grand pavillon ». La variété de ces dénominations, ajoutée au fait que le scribe y ajoute parfois des précisions comme « la chambre du cul de lampe étant sur la précédente », montrent, avec son souci d’éviter les ambigüités, une démarche rationnelle. Nous allons donc tenter de restituer le plan masse de chaque niveau avec le nom et la fonction de chaque pièce en nous appuyant sur les indications notées dans l’inventaire, parfois éclairées par des compléments issus des lots et partages, et sur l’ordre dans lequel elles sont données ainsi que les observations que nous pouvons faire, sur le logis tel qu’il est aujourd’hui d’une part, et sur le dessin de Bouet de la partie du logis disparue, dans l’angle sud-ouest de la cour, d’autre part. L’inventaire de 1644 nous aidera enfin à situer quelques pièces non citées dans celui de 1627 et certains documents manuscrits déjà étudiés permettront de compléter l’analyse. Les essais de restitution des 5 niveaux d’habitation sont dans les annexes, fig. 55, 56 et 57.
Il est problématique de constater que le scribe circule entre le premier étage et l’étage de combles du corps occidental par travées verticales. Certes, comme nous l’avons vu, l’étage de combles n’est
probablement pas accessible directement depuis l’escalier de la salle. Cependant, il ne semble pas y avoir de possibilité de circulation horizontale, tout au moins doit-il y avoir des escaliers secondaires permettant de circuler verticalement. Nous ne savons rien de ces escaliers et le cadastre Napoléon ne révèle pas de saillie hors oeuvre, à l’arrière de ce bâtiment. De plus, nous constatons que chacune des trois chambres du premier étage a une garde-robe et que les chambres situées dans les combles n’en ont pas. Quant au cabinet de Madame de Beuvron, il serait logique de penser qu’il se trouve à proximité de sa chambre, mais rien ne vient à l’appui de cette supposition. Nous proposons donc sur l’essai de restitution des 1er et 2e étages, et en allant du sud vers le nord, la chambre des filles et sa garde-robe, au-dessus de la cuisine et de l’arrière-cuisine, la chambre de Monsieur le comte, probablement Odet d’Harcourt comte de Croisy, le plus jeune des fils de Pierre d’Harcourt et Gillonne de Matignon, et sa garde-robe au-dessus de l’office et de l’arrière-office, et la chambre de La Rivière et sa garde-robe au-dessus de la salle du commun. Il est à noter que La Rivière était l’homme de confiance de Pierre d’Harcourt, comme cela apparait dans un document écrit par ce dernier en 1620 et contenant des instructions pour le premier : « Memoyre au sieur de la Riviere qui demeure p(our) moy dans ma maison de Fresney le Puceulx de faire en mon absence ce qui ensuit ». A l’étage de combles nous trouvons alors la chambre de Madame, avec peut-être le cabinet lambrissé de bois, puis la chambre jaune et enfin la chambre du cul de lampe.
Après être redescendu et ressorti dans la cour, le scribe visite successivement : « la chambre basse estant au boult de la salle », appelée aux lots et partages « la chambre basse près de la salle » ; puis « une basse chambre nommée la fauconerye p(ro)che de la porte du jardin » ; puis « ung cabinet estant en bas p(ro)che de lad(icte) fauconnerie », avec la précision aux lots et partages : « chambre du cabinet de dessoubz la gallerye ou couche des Roziers, m(ait)re d’hostel laquelle est proche de la fauconnerie » ; puis « ung autre cabynet estant a costé du precedent », avec la précision aux lots et partages : « ou couche La Pierre vallet de chambre lequel est soubz lad(icte) gallerye » ; puis « une grande chambre basse estant soubs la gallerye près le grand pavillon p(ro)che du jeu de paume », et « la garderobbe de lad(icte) chambre ».

Distribution verticale et escaliers

L’état de ruine du corps de logis principal dès les premières décennies du XIXe siècle n’a sans doute pas incité les auteurs de l’époque à décrire les dispositifs de circulation verticale. Aussi l’historiographie, de la part des érudits de ce siècle, est-elle muette à ce sujet. Tout au plus voyonsnous en 1980 un autre érudit, Yves Nedellec, écrire à propos du commentaire fait par A. de Caumont du dessin de Bouet en 1850426 : « Le dessin montre deux bâtiments en équerre, dépourvus de toits, se rejoignant autour d’une monumentale souche de cheminée »427, sans même évoquer la présence d’un escalier. Dans le même article, il donne une courte description de l’escalier du grand pavillon : « Escalier de pierre assez savant avec volées droites et parties tournantes, arcs en plein cintre aux paliers »et des indications sur le petit escalier intérieur déjà évoqué et supprimé pour permettre la circulation au rez-de-chaussée : « Une seconde porte ouvre sur un escalier intérieur desservant la cave ; elle ouvrait aussi sur un second escalier conduisant au rez-de-chaussée surélevé par quelques marches perpendiculaires à la côtière ; ce second escalier a été supprimé entre 1957 et 1967 ».
En 1627 le grand escalier est très probablement situé dans la tour de l’angle sud-ouest de la cour, aujourd’hui disparu, et distribue directement, outre la grande salle et la cuisine au rez-de-chaussée, la chambre pavée et la chambre des filles au premier étage, la chambre peinte au second, la chambre des meubles et la première chambre haute au troisième et enfin la deuxième chambre haute au quatrième et dernier étage. Le fait que l’entrée principale du logis se fasse directement dans la grande salle est une constante normande et X. Pagazani ajoute qu’en conséquence « l’escalier est réduit à un simple organe de circulation »430 et que, la salle étant située au rez-dechaussée, « le rôle de l’escalier est considérablement réduit »431. Cette tour d’escalier était par ailleurs l’aboutissement visuel de l’axe passant par le chemin d’accès à la cour. La hauteur de cette
tour et de sa dernière chambre haute, le pavillon contigü avec ses deux étages habités dans un haut comble, ajouté au fait qu’une petite tourelle secondaire, intégrée dans la maçonnerie du corps de galerie lors de la construction de cette dernière, le flanquait à l’est et offrait probablement une circulation verticale entre la chambre du premier étage, la chambre pavée, et celle du second, la chambre peinte, voire celle du troisème, la chambre des meubles, devaient former un ensemble de toits dont la verticalité avait longtemps été une caractéristique de l’architecture française. Dans la conclusion de son intervention au colloque de Tours sur L’escalier dans l’architecture de la Renaissance, Jean Guillaume, à propos de l’escalier dans l’architecture française de la première moitié du XVIe siècle, écrit : « Ainsi l’histoire de l’escalier met-elle en évidence l’une des particularités majeures de l’architecture française : le goût des effets verticaux et des volumes contrastés. Dans un tel système, l’organe de circulation vertical est évidemment l’objet d’une attention particulière, mais son traitement reste subordonné à la conception générale des volumes et à ce qu’on pourrait appeler le parti d’animation de l’édifice ». Ceci est confirmé par l’essai de restitution de ces volumes, en fig. 27 et 58 des annexes, qui a été réalisé par une entreprise spécialisée en réalité virtuelle, à partir du plan du cadastre Napoléon, du dessin de Bouet et de mesures prises sur place. Si les dimensions, hauteur, largeur et profondeur, des deux principaux bâtiments ont pu être déduites avec une marge d’erreur faible, il n’en est pas de même de celles de la tour d’escalier et d’une partie des profils des toitures. Celle du vieux pavillon, situé à l’est de la tour d’escalier, ont été restituées à l’identique de la toiture du pavillon neuf, à l’est de la cour. Les relevés effectués pour l’Etude préalable à la restauration du corps de logis » ont en effet montré que les trois cheminées des étages du vieux pavillon ainsi que le sommet de la souche sont chacun au même niveau que l’élément correspondant du grand pavillon. De plus, la largeur des deux pavillons vue de la cour est la même. Nous en déduisons que les profils des toits sont probablement très proches, voire identiques. Ceci contredit ce qu’en disait A. de Caumont : « ce pavillon était plus élevé que l’autre ». Peut-être cette impression est-elle venue du fait que le sol du rez-de-chaussée était plus bas que le sol du rez-de-chaussée du corps de galerie et du grand pavillon d’environ 1 mètre.
Les escaliers flanquant le corps de galerie datant, au moins pour celui qui est situé dans le grand pavillon, à l’est de la plateforme, de 1589, sont complètement intégrés dans les maçonneries et rien ne les distingue de l’extérieur, n’était une travée supplémentaire de ce corps de galerie, percée d’oeils-de-boeuf pour celui qui assure la liaison avec le vieux pavillon. Ce dernier est situé au sudouest, côté jardin, et communique avec l’entrée des caves, laquelle est accessible par une porte
donnant sur la cour. Une succession de petits paliers dessert les différents niveaux : le premier au niveau de l’entrée biaise de la grande salle puis, en montant, un autre petit palier devant la chambre du bout de la salle, environ 1 mètre plus haut ; puis, après un peu plus d’une volée, le grand palier qui met en communication le cabinet du bout de la galerie et la galerie. Cet escalier se termine par un peu plus d’une demi-volée menant aux combles et dont la hauteur des marches donne une confirmation au fait que ces derniers n’était pas prévus d’être habités.

Les façades et leur décor

L’historiographie, sur ces sujets encore, est assez pauvre en ce qui concerne les auteurs du XIXe siècle. A. de Caumont est ainsi le seul à évoquer le style des constructions. Dans son Cours d’antiquités monumentales de 1830, tout d’abord : « Sous Henri II, et vers la fin du XVIe siècle, l’architecture prit un caractère un peu différent, et se dégagea des moulures qui rappelaient celle du style ogival. Les arabesques et les autres ornemens de même genre furent employés avec moins de profusion ; on remplaça souvent les chambranles couverts d’arabesques, par des colonnes comme on en voit à Fontaine-Henry, aux fenêtres marquées HH. Quelquefois même les murs furent tout unis à l’extérieur » ; et, en notes : « C’est ce qu’on remarque au château de Fresnay-le-Puceux, construction assez considérable, à 5 lieues de Caen, dont je n’ai pas pu encore rechercher la date, mais qui m’a paru de la seconde moitié du XVIe siècle ; il présente des fenêtres sans ornemens,dont plusieurs étaient divisées par des croix en pierre »444. Trente ans plus tard, il donne une description, encore sommaire, des fenêtres du corps de logis : « Les fenêtres les plus larges étaient divisées par des croisées de pierre ; les plus étroites par une simple traverse, disposition que je trouve constamment dans nos châteaux de la fin du XVIe siècle et du commencement du XVIIe »445.

 

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Table des matières

AVANT-PROPOS
INTRODUCTION 
1 HISTOIRE DU SITE ET DE SES ÉVOLUTIONS 
1.1 DUMOYEN-ÂGE À 1837
1.2 DE 1837 À NOS JOURS
2 ANALYSE COMPARATIVE DE L’ENSEMBLE SEIGNEURIAL 
2.1 L’ORGANISATION GÉNÉRALE DE L’ESPACE
2.2 L’ENSEMBLE BÂTI
2.3 LES AMÉNAGEMENTS EXTÉRIEURS
3 ASPECTS PATRIMONIAUX 
3.1 UN ENSEMBLE EN GRAND PÉRIL DEUX FOIS EN 150 ANS
3.2 DES PROGRAMMES DE RESTAURATION CONTRASTÉS
CONCLUSION 
SOURCES 
BIBLIOGRAPHIE 

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