Analyse combinée distance-volume
RÉSUMÉ DU MÉMOIRE
Les opérations de récolte forestière en forêt boréale québécoise se caractérisent par la présence de sentiers de débardage parallèles entre eux et alignés perpendiculairement aux chemins. Ceci facilite les déplacements de la machinerie pour amener le bois coupé en bordure de la route d’où il sera transporté aux usines de transformation. Les coûts afférents de cette opération de débardage sont tenus en compte dans l’évaluation des coûts de récolte forestière. Les modèles utilisés pour estimer les coûts de récolte sont généralement basés sur la récolte en coupe totale, ainsi la distance de débardage a rarement été mise en question et la méthode traditionnelle proposée par Matthews (1942) continue à être appliquée. Cependant, quand la récolte intègre des éléments de rétention, la distribution variable du volume dans le bloc de récolte, les coûts de débardage et, par le fait même, les coûts de récolte estimés risquent d’incorporer de biais importants. De plus, il est admis que les coûts de récolte d’une coupe partielle sont plus importants que la coupe totale ou la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS). Cette prémisse limite certainement la pratique de la coupe partielle en forêt boréale et empêche l’obtention des avantages d’une foresterie plus fine qui répondrait à des objectifs de conservation tout en réduisant les coûts de récolte.Afin de tenir compte des variantes de la coupe partielle et de l’intégration de la rétention des attributs dans les blocs de récolte, des ajustements au calcul des coûts de récolte ont été proposés. Ceci implique de considérer différents éléments tels que la distribution des volumes dans les blocs de récolte, le prélèvement variable, la distribution et la position des obstacles et l’influence de ces variables sur la distance de débardage. Ces éléments spatiaux et structuraux associés aux coupes partielles peuvent devenir très complexes, dépendamment des objectifs de la rétention variable, et avoir pour conséquence une estimation des coûts très onéreuse. Nous avons réalisé l’étude à partir des données issues du Réseau de coupes partielles de l’Abitibi (RCPA). Les sites sont situés au sud de Rouyn-Noranda et au nord de La Sarre. Les traitements sylvicoles appliqués ont été la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS), la coupe avec protection des petites tiges marchandes (CPPTM) et /ou la coupe partielle à rétention variable (CPRV).Dans cette étude les variables telles que la distance de débardage, la distribution du volume et les coûts de récolte ont été analysées.
D’abord, la distance de débardage a été estimée et comparée selon trois méthodes : la numérisation des sentiers de débardage sur les photos aériennes après récolte, le format raster et la méthode traditionnelle. L’analyse a permis de déterminer que les méthodes sont comparables, mais que la méthode raster est plus efficace pour intégrer la distribution et le prélèvement variable dans le contexte de coupes partielles. L’analyse des volumes du réseau RCPA a démontré que les volumes ne se distribuaient pas de façon homogène à l’intérieur des blocs de récolte comme prévu dans l’ensemble des modèles d’estimation des coûts. En effet, 67,71% de la variation du volume s’explique par la variation à l’intérieur des blocs. Alors, afin d’intégrer cette variabilité, nous avons incorporé la distribution du volume dans les blocs de récolte selon deux méthodes d’assignation. Cette incorporation a été réalisée à partir du volume obtenu des placettes d ‘échantillon permanentes, assignés selon la photo-interprétation ou la méthode d’interpolation de Thiessen, afin d’obtenir un volume pondéré par leur zone d’influence. Nos résultats ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative entre les méthodes d’assignation.Ensuite, la distance raster et l’assignation des volumes avec l’interpolation de Thiessen ont été combinées afin d’ajuster la distance de débardage qui tient compte de la forme etde la distribution du volume dans les blocs de récolte. Les résultats de cette analyse combinée ont montré que la distance de débardage était sensible aux changements de la distribution et du taux de prélèvement. Ainsi, l’analyse de la distance de débardage combinée a été intégrée à l’estimation des coûts de débardage et des coûts de récolte forestière. Les coûts de débardage ($/m3) des secteurs d’étude varient de l’ordre de 10% en CPRS selon la distance de débardage utilisée et peuvent varier d’environ 15% en CPPTM si les éléments de rétention sont bien identifiés.
La distance de débardage
La récolte d’arbres en forêt nécessite des efforts humains et matériels considérables, ainsi que des machines spécialisées. Dans un système de récolte de bois en longueur, une abatteuse coupe les arbres et les dépose par terre. Puis, un débardeur tire les tiges coupées pour les amener en bordure de la route où leurs branches seront enlevées par une ébrancheuse avant d’être empilées. Dans le système de bois tronçonné, une machine multifonctionnelle abat, coupe et ébranche les arbres et les dépose par terre et un porteur les transporte en bordure de la route où elles sont empilées. Dans les deux cas, le débardage (transport du bois du parterre de coupe au chemin) amène la machinerie à circuler sur des sentiers où elle doit faire plusieurs allers et retours. L’utilisation plus ou moins intensive de ces sentiers est la résultante de la profondeur du bloc de récolte (distance) combinée au volume transporté. Dans les modèles de production et les fonctions de coûts de récolte, cette distance parcourue pour amener le bois en bordure de route, appelée la distance de débardage, est généralement calculée comme la distance maximale du bloc divisée par deux. Cette méthode a été proposée par I\.1atthews (1942). Cependant, lorsque les éléments structuraux doivent être conservés (forêt résiduelle : coupe à rétention variable), la présence d’obstacles et les niveaux de rétention peuvent influencer les distances de débardage. Par conséquent, incorporer les valeurs des volumes et des distances de débardage ajustées peut amener des impacts significatifs dans le calcul des coûts de récolte, lorsque comparés aux modèles conventionnels utilisés, par exemple, par l’Institut canadien de recherches en génie forestier du Canada (FERIC).
Le volume à récolter
Les forêts exploitables du Québec constituent le quart d’un territoire de 1 667 441 km2 .Depuis la réforme forestière de 1986, la valeur de la forêt est principalement chiffrée en volume, soit en mètres cubes de bois (L.Q. 1986 c. 108). C’est la possibilité forestière qui permet de quantifier le volume disponible à la récolte selon la Loi sur les forêts (L.R.Q., c. F- 4.1). En 2010, la possibilité forestière en forêt publique était de 32 196 500 m3 (I\.1RNF, 2010), dont, 67,6% correspondent au groupe SEPM (Sapin, Épinette, Pin gris et Mélèze). Cette possibilité étant attribuée sur un territoire sous contrat d’aménagement de près de 35 millions d’hectares. Compte tenu des variations climatiques et édaphiques sur le territoire et de l’ensemble des facteurs abiotiques et biotiques ayant un impact sur la productivité des essences forestières (perturbations naturelles, types de dépôts, compétition, etc.), il est clair que des variations importantes du volume peuvent être observées au sein d’un peuplement forestier. Ainsi, il n’est pas rare de trouver des trouées, des ouvertures et des concentrations de volume à l’intérieur du peuplement. C’est donc la variable volume qui a le plus d’impact sur la productivité de la récolte. Cette productivité est affectée autant pour la taille individuelle des tiges (abattage- façonnage) que pour le volume de charge sur les équipements de débardage. À titre d’exemple, la productivité d ‘une abatteuse-façonneuse (m3/hmp) peut tripler, passant de 9 m3/hmp pour un volume par tige de 0,05 m3 à 32 m3/hmp pour un volume par tige de 0,30 m3 (OIFQ, 2009).Ainsi, le volume moyen par arbre influence la sélection des machines et affectera aussi leur productivité (Jirousek et al., 2007).
La distance de débardage combinée (distance-volume)
Lors de la récolte forestière, deux informations nous apparaissent essentielles dans la planification du débardage : le volume individuel et le volume total disponible dans le parterre de coupe (Richardson et Makkonen, 1994 ; Holtzscher et Lanford, 1997 ; Kluender et al. , 1998 et Renzie et Han, 2000). Nonobstant, d’autres informations ayant un impact sur la rentabilité des opérations doivent aussi être considérées, telles l’essence, la qualité, la traficabilité, etc. La considération du volume individuel des tiges est importante dans le choix des machines, ainsi que dans la productivité de ces dernières. Le volume total, de son côté, permettrait d’évaluer le nombre de machines par secteur de récolte et la durée des opérations.Ainsi, lors de la planification forestière, la considération de ces deux informations permettrait de rendre les opérations plus rentables.Une combinaison de l’emplacement de la concentration des volumes et de la distance de débardage permettrait de pondérer l’effort de débardage en fonction de la localisation du volume. Ainsi, si des volumes élevés sont concentrés à une grande distance du chemin, davantage de voyages seront nécessaires afm d’acheminer ces volumes en bordure de la route, donc une distance de débardage plus élevée devrait être obtenue. Une analyse du comportement des deux variables ensemble (distance-volume) implique l’utilisation d’une méthode combinant la position et concentration des volumes et la distance de débardage. Une méthode appelée« raster-centroïde »(Valeria, 2003), serait une méthode qui permettrait de réaliser ce type d’analyse, car elle permet de travailler (l’information d’intérêt) au niveau des pixels, soit la distance de chaque pixel au bord de la route ou la valeur du volume à chaque position à l’intérieur du bloc ou sous-bloc de récolte. Cette méthode sera analysée en profondeur dans les sections suivantes.
Objectifs de recherche
L’objectif général de ce projet est d’élaborer un modèle spatial capable d’estimer les coûts de récolte en considérant les obstacles majeurs, la forêt résiduelle (rétention) ainsi qu’une distribution variable des volumes à prélever en forêt boréale québécoise.
Les objectifs spécifiques visent à :
(1) Sélectionner une méthode efficace d’estimation de la distance de débardage à partir d’un plan de récolte forestière en forêt boréale québécoise.
(2) Déterminer les effets de l’estimation du volume et de sa distribution dans le bloc de récolte sur la distance de débardage.
(3) Déterminer les effets de la distance de débardage et la distribution variable des volumes à prélever sur le coût de récolte de ces deux variables.
(4) Proposer un modèle capable d’estimer les effets de la distance de débardage et la distribution variable des volumes à prélever sur le coût de récolte de la coupe partielle et à rétention variable en forêt boréale.
Hypothèses de travail
Puisqu’au Québec la récolte forestière se réalise via des sentiers de débardage parallèles entre eux et perpendiculaires aux chemins, nous posons comme première hypothèse que l’estimation de la distance de débardage à l’aide des photos aériennes (méthode de référence) ne diffère pas significativement de la méthode format raster (Valeria, 2003). Ceci, permettrait de proposer la méthode format raster comme une alternative au calcul traditionnel de la distance moyenne de débardage en forêt boréale, parce que cette méthode facilite l’intégration des obstacles et de la rétention forestière, contrairement à la méthode de Matthews (méthode traditionnelle d’estimation de la distance de débardage).En coupe totale, les fonctions traditionnelles d’estimation des coûts de récolte n’intègrent pas l’effet de la distribution des volumes dans le bloc à récolter (Ref. FERIC INTERFACE et interface MAP). Toutefois, l’effet de cette variable peut différer en contexte de coupe partielle et à rétention variable et alors notre deuxième hypothèse propose que les valeurs ajustées du volume récolté qui tiennent compte de leur distribution dans le bloc de récolte auront des effets significatifs sur la distance de débardage et sur les coûts de récolte. Finalement, nous posons comme troisième hypothèse que l’intégration de la distribution du volume dans le bloc de récolte et de la méthode raster d’estimation de la distance de débardage aura des effets significatifs sur le coût de récolte selon le niveau de rétention sélectionnée.
Estimation de la distance de débardage
Le débardage est défini comme étant l’opération qui consiste à transporter les arbres abattus entiers, les troncs ou les billes, de l’aire de coupe jusqu’en bordure de la route (OIFQ, 1996).Pour transporter les arbres abattus, il faut que la machinerie se déplace à travers des sentiers de débardage. Au Québec, les sentiers de débardage sont généralement parallèles entre eux et perpendiculaires à la route. De plus, ils ne doivent pas occuper plus de 25 % des superficies des aires de coupe (Anonyme, 2006). Dans les coupes traditionnelles, les sentiers de débardage sont espacés d’environ 20 mètres. Cependant, dans les coupes partielles, cette distance pourrait être plus grande pour faciliter les opérations de récolte et diminuer la quantité de blessures lors du débardage (Meelc, 2006).La méthode d’estimation de la distance de débardage à utiliser dépend de la forme du bloc de récolte, de l’installation de jetées (voir Annexe II) ou du débardage direct en bordure de la route. Les différentes façons d’estimer la distance de débardage sont liées au développement de la théorie du transport dans la récolte forestière. Elle est un des critères de base pour la planification du transport et du réseau de chemins (Tu ek et Pacola, 1999). Greulich (2002) décrit la théorie du transport ainsi que l’évolution des calculs de la distance de débardage et les différents éléments (forme du bloc de récolte, installation de jetées ou le débardage direct en bordure de route). Ces éléments ont été incorporés par quelques études afm de mieux estimer la distance de débardage : «… Greulich (2002) considère à Launhardt (1900) comme étant le premier ayant intégré le calcul de la distance de débardage dans son analyse du coût de transport des produits : celui-ci la considère de façon uniforme dans une région circulaire vers son point central. Ensuite, Krueger (1929) publie les courbes économiques de la distance de débardage sous certaines conditions opérationnelles, notamment la distance en ligne droite. Plus tard, Matthews (1942), avec la publication de son livre Cast control in the Jogging industry, a marqué le design et l’analyse du réseau de chemins forestiers. En effet, de son livre sont tirées plusieurs formules de calcul encore utilisées. Ensuite, Greulich (2002) présente à Sundberg (1952), qui attribue à Almqvist sa contribution sur le calcul de la distance de débardage à une jetée située dans le vertex d’un rectangle. Plus tard, Suddarth et Herrich (1964) ont corrigé certaines formules proposées par Matthews et ont proposé aussi le calcul de la distance moyenne de débardage à un vertex d’un triangle rectangle. Après, Peters (1978) a déterminé la distance moyenne de débardage au vertex de n’importe quel triangle. Pour sa part, Donelly (1978) a déterminé la distance moyenne de débardage dans un polygone de forme irrégulière sur un terrain plat. Enfm, Garner (1979), a étendu la procédure de Donelly aux terrains avec pente… ».
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Table des matières
REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES FIGURES EN ANNEXES
LISTE DES TABLEAUX.
LISTE DES TABLEAUX EN ANNEXES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
EFFETS DE L’ESTIMATION DE LA DISTANCE DE DÉBARDAGE ET DE LA DISTRIBUTION DU VOLUME SUR LES COÛTS DE RÉCOLTE
1. Introduction
1.1 La distance de débardage
1.2 Le volume à récolter
1.3 La distance de débardage combinée (distance-volume)
1.4 Le coût de récolte forestière
1. 5 Objectifs et hypothèses de recherche
2. Revue de la littérature
2.1 Estimation de la distance de débardage
2.2 Estimation du volume
2.3 Estimation de la productivité des machines lors de la récolte
2.4 Les coûts de récolte forestière
3. Matériels et méthodes
3.1 Aire d’étude
3.2 Estimation de la distance de débardage
3.3 Analyse du volume à récolter
3.4 Analyse combinée de la distance de débardage moyenne et le volume moyen à l’hectare
3.5 Analyse des coûts de débardage et récolte
4. Résultats
4.1 La distance moyenne de débardage
4.1.1 Distance moyenne de débardage selon les trois méthodes utilisées
4.1.2 Comparaison des méthodes d’estimation de la distance moyenne de débardage
4.1.3 Identification des variables ayant un impact dans l’estimation de la distance de débardage
4.1.4 Analyse multi-modèles de l’effet des variables identifiées sur l’estimation de la distance de débardage
4.2 Estimation du volume à récolter
4.2.1 Analyse de la répartition spatiale des volumes dans le bloc de récolte
4.2.2 Comparaison des méthodes d’estimation du volume moyen
4.3 Analyse combinée distance-volume
4.4 Analyses des coûts de débardage et de récolte
4.4.1 Productivité de l’abattage et du débardage
4.4.2 Analyse des coûts de débardage par mode d’évaluation de la distance de débardage
4.4.3 Analyse des coûts de débardage par traitement
4.4.4 Analyse des machines de débardage
4.4.5 Analyse des coûts de récolte
5. Discussion
5.1 La distance moyenne de débardage
5.2 Autres variables pouvant affecter la distance de débardage
5.3 La distribution du volume
5.4 La distance combinée
5.5 Les coûts de débardage
5.6 Les coûts de récolte
5.7 Limites de l’étude
6. Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
LISTE DE RÉFÉRENCES
ANNEXE I : ÉTUDE DE CAS
EFFETS DE DIFFÉRENTS NIVEAUX DE RÉTENTION ET DE LA POSITION DU VOLUME SUR LA DISTANCE DE DÉBARDAGE COMBINÉE
A.l.1 Introduction
A.l.2 Revue de la littérature
A.l.3 Objectifs
A.l.4 Matériels et méthodes
A.l.5 Résultats
A.l.5.1 Distances moyennes de débardage combinées: analyses du volume au niveau du bloc entier et des différents types de rétention; bloc de 500 rn de profondeur.
A.l.5.2 Distances moyennes de débardage combinées: analyse du volume cumulé et séquentiel par type de rétention
A.l.5.3 Analyse des effets du type de débardeur sur la distance de débardage combinée, le coût de débardage et les coûts de récolte
A.l.6 Discussion
A.1.6.1 Blocs sans rétention
A.l.6.2 Blocs à rétention dispersée .
A.l.6.3 Blocs à rétention agglomérée
A.l.6.4 Limitations de l’étude
A.l.7 Conclusion
ANNEXE II
ANNEXE III
ANNEXE IV
ANNEXE V
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