Amplificateurs impulsionnels à base de fibres cristallines dopées Ytterbium

Dès 1960 et l’invention des premiers lasers à impulsions, opérant d’abord en régime nanoseconde, la communauté scientifique voit en cette technologie un fabuleux outil permettant d’améliorer la compréhension de nombreux évènements naturels aux temps courts. Pourtant, certains phénomènes restent régis par des dynamiques se déroulant à des échelles de temps encore trop courtes. Dès lors les efforts de recherche se sont portés sur la génération d’impulsions encore et toujours plus courtes. En 1981, une équipe du Bell Telephones Laboratories au New Jersey, plus connue sous l’appellation de Bell Labs, invente le premier laser à verrouillage de modes passif [Fork et al., 1981]. Il s’agit d’un laser à colorant dit à impulsions contre propageantes, CPM (Colliding Pulse Modelocking), capable de générer des impulsions de 100 fs. Dix ans plus tard, une découverte fait grand bruit dans le petit monde du laser. D. Spence, P. Kean et W. Sibbet, de l’Université de St Andrews en Ecosse, inventent une méthode de verrouillage de modes n’utilisant ni absorbant saturable, ni contre réaction qu’ils intègrent à un laser à base de saphir dopé au titane (Ti:Sa). Ce laser délivre ainsi des impulsions de 60 femtosecondes [Spence et al., 1991]. Cette découverte paraissait si incroyable, qu’à l’époque, on parlait de « magic modelocking », ce mécanisme est aujourd’hui plus sobrement appelé « Kerr lens modelocking ».

Rapidement les lasers à impulsions courtes et ultracourtes (< 10 ps) ont remplacé les lasers nanosecondes dans un bon nombre d’applications, qu’elles soient scientifiques, industrielles, militaires ou encore médicales. Dans le domaine de l’usinage et du micro-usinage, la réduction de la durée des impulsions permet de réduire l’échauffement du matériau lors du processus d’ablation et de réduire la zone affectée thermiquement. Ceci permet d’augmenter la précision des procédés de structuration de surface, de découpe ou encore de perçage. De manière analogue, l’utilisation d’impulsions femtoseconde dans le domaine du biomédical, permet d’améliorer la précision des traitements en limitant l’altération thermique des cellules situées à la périphérie de la zone d’intervention. La faible durée des impulsions constitue donc un avantage important dans beaucoup de domaines. Pourtant d’autres paramètres sont à prendre en considération. La cadence par exemple,  certaines applications industrielles nécessitent effectivement l’emploi de lasers impulsionnels à haut taux de répétition pour accroitre la rapidité et la productivité des procédés. Or concilier l’ensemble des paramètres désirés au sein d’un même système laser n’est pas une tâche aisée. C’est pourquoi une multitude d’architectures laser coexistent sur le marché de « l’impulsion ultra-courte ». Les systèmes à base de cristaux de saphir dopés au titane (Ti:Sa) sont par exemple très bien adaptés à la génération et l’amplification d’impulsions de quelques cycles optiques à forte puissance crête mais beaucoup moins enclin à supporter les fortes puissances moyennes, à cause notamment d’un défaut quantique élevé et de systèmes de pompage à multiples étages coûteux et complexe. Ces systèmes souffrent ainsi de faibles efficacités optique-optique. Un compromis est alors souvent nécessaire entre puissance moyenne et durée d’impulsions à cause des problèmes thermiques.

Les matériaux dopés aux ions terres rares (erbium, néodyme, ytterbium, thulium, etc.) peuvent constituer une alternative intéressante aux systèmes à base de saphir dopé au titane. L’ion Yb3+, en particulier, est bien adapté aux fortes puissances moyennes grâce à un défaut quantique très faible (<10%) qui limite grandement les effets thermiques. Cet ion permet également d’obtenir des efficacités optiqueoptique meilleures, grâce au pompage direct par diode laser de très forte puissance, dans la gamme 900- 1000 nm, auquel il est parfaitement adapté. Certaines matrices permettent d’accroitre les qualités spectroscopiques et thermiques de l’ion Ytterbium. Parmi elles, le YAG présente de nombreux avantages. Il affiche notamment une excellente conductivité thermique. Dopé à l’Yb3+, il démontre une bande de gain de 9 nm à 1030 nm qui lui permet de générer des impulsions courtes. Les durées d’impulsions typiquement obtenues avec l’Yb:YAG, en amplificateur laser, se situe autour de 800 fs. Elles sont donc globalement plus longues qu’avec des systèmes à base de Ti:Sa mais restent bien adaptées pour de nombreuses applications. La croissance de tels cristaux est en outre aujourd’hui bien maitrisée et ceux-ci sont utilisés dans de nombreux systèmes industriels à la fiabilité éprouvée.

Les lasers ultracourts appliqués au micro-usinage

LES LASERS ULTRACOURTS APPLIQUES AU MICROUSINAGE

Ces dernières années le domaine des lasers à impulsions ultra-brèves (<10 ps) a connu de nombreuses avancées en matière de performances, de fiabilité et de coût. Ils permettent désormais d’envisager des applications industrielles dans le domaine du micro-usinage jusqu’alors principalement réservées aux sources Nd:YAG pour les matériaux métalliques, ou Excimère pour les polymères. Le récent succès des lasers à impulsions ultra-brèves dans les domaines industriels s’explique par la réduction des coûts de production et l’augmentation de la précision des traitements qu’ils sont capables d’offrir par rapport aux procédés lasers conventionnels. Contrairement aux lasers infrarouges continus (CO2 ou Nd:YAG) largement utilisés dans les procédés industriels de découpe, de soudage et de marquage, les lasers femtosecondes permettent aujourd’hui d’usiner un grand nombre de matériaux par des procédés quasiathermiques.

Le processus d’ablation par impulsion laser

La notion d’ablation

L’augmentation du taux d’ablation constitue l’un des objectifs clés du procédé d’amélioration des systèmes de micro-usinage laser à impulsions ultra-courtes. Pour des impulsions nanosecondes ou plus longues, le taux d’ablation dépend de nombreux facteurs difficiles à maitriser et conduit à des processus d’usinage moins précis . Pour des impulsions ultracourtes typiquement inférieures à 10 ps, la profondeur d’ablation ? dépend logarithmiquement de l’énergie par impulsion [Le Harzic et al., 2005].

? = ? ln ?/??ℎ

Où ? et ??ℎ représentent respectivement la fluence de l’impulsion laser et la fluence au seuil d’ablation, ? la longueur d’onde du faisceau laser

En d’autres termes, pour une puissance moyenne et un diamètre de faisceau laser donnés, le taux d’ablation dépend principalement de la cadence. Les applications de structuration de surface nécessitent une cadence élevée (de l’ordre du MHz) contrairement au perçage qui demande de fortes énergies par impulsion et donc une cadence plus faible (de l’ordre de la centaine de kHz). La pertinence des caractéristiques techniques du système laser dépend donc du type d’application visé et du matériau à traiter. L’état de l’art décrit dans ce chapitre se concentre sur deux types d’applications : la structuration de surface à haute cadence et le perçage à haut rapport d’aspect à forte énergie.

Intérêt de l’impulsion ultracourte (< 10 ps)

Le processus d’ablation impliquant une impulsion ultra-brève  se caractérise par sa nature athermique, même si la température électronique dans le panache peut atteindre plusieurs milliers de Kelvins. Le terme « athermique » décrit davantage l’absence d’effet thermique collatéral. Le temps de transfert de l’énergie dans le réseau d’atomes par diffusion des électrons excités est de l’ordre de la dizaine de ps. Lorsque ce temps est supérieur à la durée d’impulsion le procédé est considéré comme athermique car l’impulsion n’a pas le temps de chauffer le matériau. Des études comparatives ont démontré que le fait de réduire la durée d’impulsion de 100 à 10 fs permet d’améliorer sensiblement la qualité et la précision latérale et verticale comme le montre la figure I-1 [Lenzner et al., 1999]. En effet, le procédé athermique permet d’éviter les craquelures, boursoufflures dues à la fusion locale, ou re-dépot de scories.

Pourtant diminuer la durée d’impulsion peut dans certains cas nuire à la qualité de l’usinage. C’est notamment le cas des opérations de micro-usinage nécessitant une focalisation importante du faisceau incident. La forte intensité au niveau du plan focal peut provoquer un claquage de l’air ambiant et la génération d’un plasma [Dausinger, 2003]. Celui-ci modifie la structure du faisceau et est susceptible d’engendrer des effets non-linéaires aléatoires conduisant notamment à la déformation du profil spatial, l’autofocalisation ou encore la défocalisation du faisceau.

Le choix de la durée d’impulsion dépendra donc du type d’application visé, du matériau mais également du coût que l’on souhaite attribuer au système. Pour les applications de perçage nécessitant de fortes énergies par impulsion, il sera avantageux de ne pas viser des durées d’impulsions trop courtes (inférieures à quelques picosecondes) pour conserver une architecture laser relativement simple et donc économique. La réduction des durées d’impulsion à énergie constante implique une augmentation des puissances crêtes dont la gestion peut nécessiter des choix techniques coûteux. A l’inverse pour les applications de micro-usinage à haute cadence, la réduction des durées d’impulsions est moins problématique. Ainsi les systèmes notamment dédiés aux applications de structuration de surface sont capables de générer des impulsions présentant des durées inférieures à la picoseconde sans grande complexification.

Mise en contexte : Le projet Ultrafast Razipol

Le projet Ultrafast Razipol qui constitue le cadre de cette thèse prévoit le développement de deux systèmes de micro-usinage innovants basés sur l’utilisation d’un état de polarisation particulier, la polarisation radiale et/ou azimutale. Le consortium du projet réunit depuis 2013, 8 partenaires européens, entreprises et laboratoires, associés dans le cadre d’un financement FP7 ou 7ème Programme Cadre de Recherche et Développement (7ème PCRD) :
– 4 partenaires participent au développement du système laser, la société suisse Lumentum en charge du développement des oscillateurs sources, la collaboration française composée du Laboratoire Charles Fabry (Unité mixte de recherche entre le CNRS et l’Institut d’Optique Graduate School) et de la société Fibercryst en charge de la réalisation du premier étage d’amplification, et enfin le laboratoire allemand de L’IFSW (Université de Stuttgart) en charge du développement du deuxième et dernier étage d’amplification et de la coordination du projet.
– L’intégration du scanner ultra-rapide est la responsabilité de la société belge Next Scan Technology, spécialisée dans le développement de têtes de micro-usinage basées sur la technologie du polygone scanner.
– La société allemande GFH GmbH est en charge de la construction des prototypes machines de micro-usinage intégrant systèmes laser et têtes scanner.
– Pour finir, les systèmes de micro-usinage laser ainsi développés sont destinés à être installés dans les locaux de Class 4 Laser et SLV, responsables respectivement des démonstrations de perçage à fort rapport d’aspect et de structuration de surface à haute cadence.

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Table des matières

Introduction
I. Les lasers ultracourts appliqués au micro-usinage
I.1 Le processus d’ablation par impulsion laser
I.1.1 La notion d’ablation
I.1.2 Intérêt de l’impulsion ultracourte (< 10 ps)
I.2 Mise en contexte : Le projet Ultrafast Razipol
I.3 Focus sur deux domaines d’application
I.3.1 La structuration de surface à haute cadence
I.3.1.a Domaines d’applications et performances actuelles
I.3.1.b La limite en cadence
I.3.2 Le perçage à fort rapport d’aspect
I.3.2.a Les techniques de perçage
I.3.2.b Les limitations
I.4 La polarisation radiale et azimutale
I.4.1 Un atout pour les procédés de micro-usinage
I.4.2 Etat de l’art sur la génération de faisceau à polarisation radiale et azimutale
I.5 Le projet Ultrafast Razipol : Concept et objectifs
I.5.1 Les performances visées
I.5.2 L’architecture du système laser
I.6 Conclusion
II. Les lasers femtosecondes pompés par diode
II.1 L’Yb3+ pour l’amplification d’impulsions ultra-courtes de forte puissance moyenne
II.1.1 Le pompage des lasers solides par diode de haute puissance
II.1.2 Les propriétés spectroscopiques de l’ion Yb3+
II.1.3 Le choix de la matrice hôte
II.1.3.a Les cristaux alternatifs : Yb:CALGO et Yb:CaF2
II.1.3.b Les tungstates : Yb:KYW et Yb:KGW
II.1.3.c L’Yb:YAG
II.2 Les architectures pour la génération et l’amplification d’impulsions ultra-courtes
II.2.1 Les oscillateurs à cristaux de tungstate (Yb:KGW, Yb:KYW)
II.2.2 Les géométries pour la haute puissance en régime d’impulsion ultracourtes
II.2.2.a La fibre optique
II.2.2.b Le cristal massif
II.2.2.c Le disque mince
II.2.2.d Le slab
II.2.2.e La fibre cristalline
II.2.2.f Bilan sur les géométries d’amplificateurs
II.3 Conclusion
III. Définition de l’architecture globale des amplificateurs
III.1 Architecture d’amplificateur multi-étage
III.1.1 Définition de la fibre cristalline
III.1.1.a Dimensionnement de la fibre cristalline « standard »
III.1.1.b Architecture de l’amplificateur à fibre cristalline
III.1.1.c Les tailles de modes
III.1.1.d Les diodes laser de nouvelle génération
III.1.1.e Conclusion
III.1.2 Définition de l’amplificateur pour le projet Razipol
III.1.2.a Modélisation de l’amplification
III.1.2.b Optimisation longueur/taux de dopage
III.1.2.c Synthèse
III.1.2.d Conclusion
III.2 Gestion de la thermique dans l’architecture
III.2.1 Dépôt de chaleur et gradient thermique
III.2.1.a Effet sur la propagation du faisceau : la lentille thermique
III.2.1.b Effet sur la qualité spatiale
III.2.1.c Effet sur la polarisation
III.3 Gestion des fortes puissances crêtes
III.3.1 L’effet Kerr
III.3.1.a Aspect spatial
III.3.1.b Aspect temporel
III.3.2 Moyens pour repousser le seuil des non-linéarités
III.3.2.a L’amplification à dérive de fréquence
III.3.2.b Les techniques de combinaison cohérente
III.3.3 Implémentation du dispositif d’amplification à impulsions divisées
III.4 Conclusion
Conclusion

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