Ampleur de l’infection à VIH au Sénégal 

L’infection par le VIH/SIDA pose un véritable problème de santé publique à l‟échelle mondiale, avec un impact socio-économique considérable. D‟après les dernières évaluations 2013 de l‟ONUSIDA/OMS, l‟Afrique subsaharienne reste la zone la plus affectée dans le monde. En 2013, on estimait à 1,5 million [1,3 million – 1,6 million] le nombre des nouvelles infections à VIH en Afrique subsaharienne. Au Sénégal, les premiers cas de SIDA ont été déclarés à l‟OMS en 1986 et la principale voie de transmission est hétérosexuelle. L‟épidémie du VIH au Sénégal est de type concentré, avec une prévalence faible (0,7 %) dans la population générale mais élevée chez les personnes vulnérables qui sont les professionnelles du sexe (19,8 %), les hommes ayant des rapports sexuels avec d‟autres hommes (21,4). Elle se caractérise aussi par une féminisation avec une prévalence de 0.4 % chez les hommes et 0.9 % chez les femmes. La généralisation des thérapies antirétrovirales dans le monde a transformé cette affection initialement fatale à une maladie chronique compatible avec une vie normale. En Afrique, les difficultés d‟accès aux antirétroviraux initialement liées au coût élevé de ces molécules, ont été nettement réduites grâce à des initiatives nationales et internationales. Le Sénégal est le premier pays de l‟Afrique subsaharienne à avoir initié un programme de distribution gratuite de médicaments antirétroviraux (ARV). Ce programme dénommé « l‟Initiative Sénégalaise d‟Accès aux Antirétroviraux » (ISAARV) a été crée en 1998, avec à la clé de nombreux travaux scientifiques ayant eu un impact très positif sur la prise en charge en Afrique Il sera décentralisé en 2001 avec comme objectif de mettre sous ARV 7000 PVVIH en 2006. C‟est ainsi que le nombre de sites de prises en charge est passé de 8 à 101 entre 2002 et 2010 et le nombre de PVVIH sous trithérapie de 1855 à 12249 entre 2004 et 2010 selon les données de la division de lutte contre le SIDA (DLSI) du ministère de la santé et de la prévention (MSP). Le département de Diourbel, capitale régionale est située à plus 170 Km de Dakar a une population recensée a plus de 268215 habitants selon le recensement de 2013 ou l‟immigration occupe une part importante. Depuis 2000 le nombre de nouveau ne cesse d‟augmenter dans la région avec un taux de prévalence estimé à 0.2.% C‟est ainsi que la prise en charge des PVVIH a été initiée au Centre Hospitalier Régional Heinrich Ludke depuis 2004 et n‟a jamais été étudiée auparavant dans le cadre d‟un travail universitaire.

DEFINITION

L‟infection à VIH est une maladie infectieuse d‟origine virale causée par le virus de l‟immunodéficience humaine (VIH) qui est un rétrovirus appartenant à la famille des lentivirus dont deux types ont été identifiés à ce jour (VIH1et VIH2). Elle est la conséquence d‟un déficit profond de l‟immunité cellulaire qui est source de nombreuses infections opportunistes. Le SIDA constitue le stade évolutif terminal de la maladie.

EPIDEMIOLOGIE

Répartition mondiale de l’infection à VIH/SIDA 

Afrique subsaharienne

En 2013, 24,7 millions [23,5 millions – 26,1 millions] de personnes vivaient avec le VIH et dont 58% étaient représentés par les femmes. Le nombre de des nouvelles infections à VIH était estimé à 1,5 million [1,3 million – 1,6 million] Elle reste la région la plus largement touchée avec environ 1.1million de décès de cause liée au sida en 2013 .

Asie et Pacifique
En 2013, 4,8 millions [4,1 millions – 5,5 millions] de personnes vivaient avec le VIH et on estimait à 350 000 [250 000 – 510 000] le nombre des nouvelles infections à VIH dans la région avec 250000 de décès de causes liée au VIH en 2005 mais en 2013 le nombre de décès a chuté de 27% .

Moyen-Orient et Afrique du Nord
Les nouvelles infections à VIH ont augmenté de 7% entre 2005 et 2013 environ 230000 [160 000 – 330 000] personnes vivent avec le VIH au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en 2013.

Ampleur de l’infection à VIH au Sénégal 

Au Sénégal, les premiers cas de SIDA ont été déclarés à l‟OMS en 1986. Les deux types de virus ont été identifiés dans la population générale, ce sont les VIH-1 et VIH-2. L‟évaluation de l‟étendue et de la progression de l‟épidémie à VIH au Sénégal repose sur un système de surveillance sentinelle continue mis sur pied depuis 1989 avec l‟appui de l‟OMS L‟épidémie du VIH au Sénégal est de type concentré et la prévalence est faible dans la population générale (0.7 %) ; selon l‟enquête démographique de santé (EDS). Elle est élevée auprès des groupes vulnérables qui sont : les professionnelles du sexe (19.8 %), les hommes ayant des rapports sexuels avec d‟autres hommes (21,4 %) mais également dans les deux régions frontières du Sénégal telles que Ziguinchor (2,2 %) et Kolda (2 %). Elle se caractérise par une féminisation avec une prévalence de 0.4 % chez les hommes et 0.9 % chez les femmes d‟où un sexe ratio femme /homme de 2,25. Les résultats de la surveillance sentinelle en 2009 donnent une médiane globale de 0,8 % chez les femmes enceintes. Cependant, un dispositif national de la prévention de la transmission de la mère à l‟enfant (PTME) est établi passant par une meilleure prise en charge médicale avec les antirétroviraux (ARV).

PHYSIOPATHOLOGIE

Agents pathogènes 

Le Virus d‟Immunodéficience humaine (VIH) est un virus à ARN faisant partie du sous-groupe des lentivirus. Son matériel génétique est constitué par deux molécules d‟ARN identiques et il possède une enzyme spécifique : la transcriptase inverse. Deux types sont actuellement connus :
– Le VIH-1 le plus commun de par sa répartition mondiale, découvert en 1983 à l‟Institut Pasteur de Paris par l‟équipe du professeur Luc Montagnier ;
– Le VIH-2 surtout présent en Afrique de l‟Ouest, isolé en 1985 par des équipes françaises et américaines en collaboration avec l‟équipe du Professeur Souleymane Mboup du Sénégal.

Le VIH 1 proche des virus de chimpanzés africains. Il est constitué de trois groupes différents : M, N, O. Le groupe M dominant au sein duquel existe une grande diversité génétique : sous-types A à K (sous-type B dominant en Europe et aux Etats Unis, sous-type C dominant dans le monde – Afrique subsaharienne), le groupe N est proche du virus SIV et groupe O rare surtout localisé en Afrique de l‟Ouest. Au sein de ces trois groupes, on détermine des sous types définis par une lettre A, B, C, D, E, F, G, H, I, J ; le sous-type européen et américain est le sous-type B. Le VIH-2 est proche des virus des singes mangabey Son mode de réplication nécessite comme pour les autres rétrovirus, une rétro transcription de l‟ARN viral en molécule d‟ADN, grâce à la reverse transcriptase.

Structure du VIH
Le VIH est une particule virale qui se présente sous une forme sphérique de 90 à 120 nanomètres de diamètre cernée par une enveloppe constituée d‟une couche lipidique. Le virus comporte :
● Une membrane plasmique constituée de deux glycoprotéines virales telles que :
– Glycoprotéine transmembranaire (TM) gp 41
– Glycoprotéine de surface (SU) gp 120
– Des trimères de ces deux glycoprotéines font saillie à l‟intérieur de la particule virale sous forme de spicules.
● Une matrice protéique tapissant la face interne de l‟enveloppe, composée de la protéine p 17 et qui présente une enzyme virale : la protéase virale.
● Un core composé par :
– La capside virale qui a une forme de cône tronqué et est formée majoritairement de la protéine interne p 24, associée à la protéine de nucléocapside p7.
– Des enzymes virales sont associées à la nucléocapside : transcriptase inverse (TI) ou retrotranscriptase (RT), integrase (IN).
– Le génome viral est composé de deux molécules d‟ARN identiques
● L‟ADN proviral qui est la forme génomique comporte :
– Environ 9200 nucleotides
– Des séquences répétitives dans chaque côté
– Trois gènes de structure gag, pol, env
o gag : protéine de core
o pol : enzymes virales
o env : protéines d‟envelope
– gènes supplémentaires régulateurs de la réplication virale
o gène tat, rev ayant un rôle révélateur
o gène vif, nef, vpr, vpx dont les rôles sont moins connus ; le gène nef parait le plus important ; le gène vpx n‟est retrouvé que dans le VIH 2

La réplication virale

Les cellules cibles 

Les cellules-cibles du virus sont les cellules porteuses à leur surface de la molécule CD4. En effet, le récepteur CD4 présente une haute affinité pour la molécule gp120. Lorsque le virus du SIDA s’attaque à une cellule-cible, il se lie à celle-ci grâce à sa glycoprotéine de surface gp120, au niveau d’une porte d’entrée composée du récepteur CD4 ainsi que des corécepteurs appartenant à la famille des récepteurs de chimiokines, dont les principaux sont le CXCR4 et le CCR5. Les lymphocytes T CD4 sont les principales cibles du virus. Leur nombre diminue au fur et à mesure que l‟infection par le VIH progresse. La réduction et la détérioration des lymphocytes T CD4 entraînent une immunodéficience profonde ; leur taux sert à indiquer la gravité de l‟infection. Outre les lymphocytes T CD4, les macrophages, les monocytes, les cellules folliculaires dendritiques, les cellules de langerhans cutanées, les cellules microgliales cérébrales qui expriment ce récepteur CD4 sont aussi des cellules – cibles du virus du SIDA. Les macrophages jouent un rôle de cellules réservoirs en phagocytant les cellules infectées.

Les étapes de la réplication virale 

Les différentes étapes de ce cycle sont essentielles pour comprendre à la fois la physiopathologie, les méthodes diagnostiques et thérapeutiques de l‟infection du virus de l‟immunodéficience humaine.

❖ Attachement
L‟entrée du VIH dans la cellule commence donc par la liaison de la glycoprotéine d‟enveloppes gp120 à son récepteur CD4. L‟interaction entre la gp120 et son récepteur entraîne un changement conformationnel de la gp120 qui permet la reconnaissance des co-récepteurs CCR5 et le CXCR4 qui sont habituellement des récepteurs pour des chimiokines.

❖ Entrée : Fusion
Le recrutement des co-récepteurs au niveau du complexe d‟entrée permet l‟ancrage de la protéine d‟enveloppe gp41 dans la membrane cellulaire. La membrane virale fusionne avec la membrane cellulaire grâce à la gp41, puis la nucléocapside est libérée dans la cellule.

❖ Transcription inverse
L‟ARN viral est rétrotranscrit en ADN complémentaire dans le cytoplasme de la cellule par la transcriptase inverse virale (TI). ). La TI dégrade l‟ARN viral puis copie l‟ADN viral simple brin en ADN viral double brin. La transcriptase inverse virale a donc des fonctions multiples :
– transcription de l‟ARN en ADN
– duplication de l‟ADN complémentaire
– hydrolyse de la molécule d‟ARN
La molécule d‟ADN double brin passe ensuite dans le noyau de la cellule.

❖ Intégration
L‟ADN chromosomique cellulaire est clivé grâce à l‟integrase virale et l‟ADN double brin viral est intégré dans le chromosome cellulaire. La forme provirale est une forme très stable au sein du génome cellulaire: l‟infection de la cellule est définitive. C‟est l‟activation du lymphocyte infecté qui déclenche la suite du cycle de réplication. La production de très nombreux virus par une cellule infectée aboutit à la mort de la cellule par effet lytique du virus.

❖ Transcription du pro- virus
L‟ADN proviral est transcrit en ARNm par l‟ARN polymérase II cellulaire à partir du LTR5 où se trouve le promoteur. Les ARNm précoces transcrits codent pour les gènes régulateurs et en particulier les gènes tat, rev et nef. La protéine tat, dont l‟absence entraînerait un arrêt immédiat de la transcription, active la réplication virale. Les ARNm tardifs transcrits codent pour les protéines gag, pol, env, vif, vpr, vpu (ou vpx). Enfin, la protéine rev favorise le transport du noyau vers le cytoplasme des ARNm tardifs codant pour les protéines des structures du virus.

❖ Libération du virus
Les ARNm sont traduits en protéines virales dans le cytoplasme grâce à la machinerie de la cellule. Les ARNm de petites tailles donnent naissance aux protéines de régulation ; ceux de taille moyenne et de taille complète donnent les protéines constitutives des VIH issues des gènes gag, pol et env. Ces dernières synthétisées sous forme de protéines de fusion (polyprotéines) qui seront clivées soit par la protéase virale pour la polyprotéine gag, pol, soit par les protéases cellulaires pour la polyprotéine env qui subit aussi une glycosylation par les enzymes de la cellule. Ces étapes sont suivies d‟un assemblage des protéines virales et de deux molécules d‟ARN viral à proximité de la membrane cellulaire. Ce processus d‟assemblage qui aboutit à la formation de nouveaux virus bourgeonnant à la surface de la cellule est sous le contrôle de mécanisme encore mal connu, mais auxquels participent d‟autres protéines de régulation des VIH comme les protéines vpu et vif .

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Table des matières

INTRODUCTION
I. DEFINITION
II. EPIDEMIOLOGIE
II.1. Répartition mondiale de l‟infection à VIH/SIDA
II.1.1. Afrique subsaharienne
II.1.2. Asie et Pacifique
II.1.3. Moyen-Orient et Afrique du Nord
II.2.Ampleur de l‟infection à VIH au Sénégal
III. PHYSIOPATHOLOGIE
III.1. Agents pathogènes
III.2. Structure du VIH
III.3. La réplication virale
III.3.1. Les cellules cibles
III.3.2. Les étapes de la réplication virale
III.3.3. Les conséquences de la réplication virale
III.4. Les réponses immunes a la réplication virale
III.4.1. Réponses immunes humorales
III.4.2. Réponses immunes cellulaires
IV. LES MODES DE TRANSMISSION
IV.1. La transmission sexuelle
IV.2. La transmission par le sang et ses dérives
IV.3. La transmission mère-enfant
V. DEPISTAGE
V.1. Les méthodes indirectes
V.1.1. Les méthodes immuno-enzymatiques de type ELISA
V.1.2. Les tests de confirmation
V.1.3. Les tests rapides
V.2. Les méthodes directes
V.2.1. La détection de l‟antigène du virus
V.2.2. La réaction de polymérisation en chaîne (PCR)
V.2.3. L‟isolement viral
VI. HISTOIRE NATURELLE DE L‟INFECTION A VIH
VI.1. Phase de primo-infection
VI.2. Phase asymptomatique
VI.3. Phase symptomatique mineure de l‟infection à VIH
VI.4. Phase symptomatique majeure : sida
VII. PRISE EN CHARGE DE L‟INFCTION A VIH/SIDA
VII.1. La prise en charge psychosociale
VII.2. La prise en charge vaccinale
VII.3. Prise en charge medicale
VII.3.1. Bilan de base
VII.3.2. Prise en charge des infections opportunistes (IO)
VII.3.3. Traitement de l‟infection à VIH par les ARV
VII.3.3.1. Objectifs
VII.3.3.2. Moyens
VII.3.3.3. Conduite du traitement antirétrovirale
VII.3.3.4. Suivi
VIII. LA PREVENTION
VIII.1. 1/Les mesure générales
VIII.2. La prévention de la transmission mère-enfant
VIII.3. La prise en charge des accidents d‟exposition au sang et ses dérives (AES)
VIII.4. Prise en charge des accidents par voie sexuelle
CONCLUSION

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