Contexte industriel : les centrales nucléaires à eau sous pression
Principe de fonctionnement
Les réacteurs nucléaires à eau sous pression (REP) sont des réacteurs dits de génération . Ils sont principalement utilisés en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Dans le cœur du réacteur, la réaction de fission en chaîne produit de la chaleur qui est transportée aux générateurs de vapeur par le milieu primaire, fluide caloporteur principalement composé d’eau sous pression. Dans le circuit primaire, l’eau est maintenue sous pression pour prévenir son ébullition. La température du milieu primaire est voisine de 325°C en branche chaude, 286°C en branche froide et peut atteindre 345°C au niveau du pressuriseur. Au niveau du générateur de vapeur, la chaleur est transférée via une série de tubes au milieu secondaire (275°C), ce qui provoque l’évaporation de l’eau du milieu secondaire. La vapeur d’eau entraîne une turbine dont la rotation entraîne celle de l’alternateur qui produit de l’électricité. Le transfert de chaleur est accompli sans mélange de fluide entre le milieu primaire et le milieu secondaire (en l’absence de fuite).
Circuit primaire
Le circuit primaire de REP est le circuit fermé d’eau sous pression qui assure le transfert de chaleur du cœur du réacteur vers le milieu secondaire. Il comprend la cuve, les générateurs de vapeur, les pompes primaires, le pressuriseur ainsi que les tuyauteries primaires.
Milieu primaire :Le milieu primaire de REP est composé majoritairement d’eau pure désaérée ([O2]<10 ppb) à laquelle sont ajoutés du bore sous forme d’acide borique H3BO3, du lithium sous forme de lithine (LiOH, H2O) et de l’hydrogène dissous. Le bore absorbe les neutrons, permettant ainsi de réguler la réaction nucléaire de fission. Sa concentration varie entre 1800 ppm et 1 ppm en fonction de l’activité du combustible, entre le début et la fin d’un cycle (soit une durée de 3 ans). La lithine est ajoutée au milieu pour tamponner le pH et le conserver proche de la neutralité (pH300°C = 7,2). Sa concentration (entre 2,2 ppm et 0,5 ppm) est ajustée en fonction de la concentration en acide borique .Une surpression d’hydrogène est introduite dans le milieu afin, d’une part, d’éviter la radiolyse de l’eau et d’autre part, de maintenir le milieu primaire dans des conditions réductrices. La teneur en hydrogène dissous est comprise entre 20 cc/kgH2O et 50 cc/kgH2O, le maximum visé étant de 35 cc/kgH2O. La solution est maintenue à une température comprise entre 286°C en branche froide et 325°C en branche chaude et sous une pression de 155 bars assurée par le pressurisseur (345°C). Les teneurs en impuretés doivent rester inférieures aux spécifications.
Matériaux utilisés :Afin de résister à l’agressivité de telles conditions d’exploitation, les principaux matériaux de construction du circuit primaire sont :
les alliages de nickel de type 600 (15% Cr) à l’état MA (Mill-Annealed, traitement thermique de 15 minutes à 980°C) et TT (Traitement Thermique supplémentaire de 16h à 700°C) remplacés progressivement par l’alliage 690 TT (30% Cr) ainsi que leurs soudures, respectivement les alliages de type 182 (15% Cr) ou 82 (20% de Cr) et les alliages de type 152 et 52 (30% Cr),
les aciers inoxydables austénitiques et leurs soudures. L’une des spécificités du parc français réside dans l’utilisation de nuances dites bas carbone. Dans cette étude, nous nous intéresserons uniquement aux aciers inoxydables austénitiques 304L et 316L.
Les alliages de nickel sont utilisés pour les traversées de couvercle et fond de cuve, les tubes des générateurs de vapeur, les supports M (utilisés pour les internes de cuve inférieurs). Les aciers inoxydables sont employés pour les revêtements de cuve, les revêtements des bols des générateurs de vapeur, les internes de cuve ainsi que les tuyauteries primaires et auxiliaires.
Présentation des aciers inoxydables austénitiques
Composition chimique
Les aciers inoxydables austénitiques ont une teneur en chrome supérieure à 12% en masse ce qui les protège de la corrosion généralisée par l’eau du milieu primaire. La sensibilisation, conséquence d’une précipitation de carbures de chrome aux joints de grains suite à un maintien prolongé à une température comprise entre 500°C et 800°C, rend les aciers inoxydables vulnérables à la corrosion intergranulaire. Un soin particulier est donc apporté afin d’éviter le domaine de sensibilisation, par exemple en évitant les traitements thermiques de détentionnement après soudage.
Rôle des éléments d’alliage :Le chrome étant un élément alphagène qui stabilise la phase cubique centrée (ferrite), du nickel gammagène est ajouté pour stabiliser la phase austénitique (Cubique à Faces Centrées) à la température ambiante. Plus la teneur en nickel est élevée, plus grande est la stabilité vis-à-vis de la transformation martensitique induite par trempe et plus la teneur en ferrite résiduelle est faible. Les aciers austénitiques utilisés sur le parc français sont à bas carbone (< 0,03%) pour éviter la corrosion intergranulaire par déchromisation des joints de grains suite à la précipitation de carbures de chrome. Les teneurs faibles en carbone pourraient entraîner une diminution des propriétés mécaniques mais elles sont compensées par l’introduction d’azote interstitiel. L’azote stabilise efficacement l’austénite, il a une meilleure solubilité dans l’austénite que le carbone et a un effet durcissant important. La solubilité de l’azote dans l’acier est augmentée par l’ajout de manganèse, qui est un élément gammagène améliorant l’aptitude à l’écrouissage. Le molybdène améliore la résistance aux piqûres en augmentant le potentiel de piqûration.
Limites de composition :Le RCCM (règles de conception et de construction des matériels mécaniques des îlots nucléaires des REP), impose des teneurs limites en éléments d’alliage des aciers inoxydables utilisés sur le parc français. Les deux principaux aciers inoxydables utilisés sont l’acier 304L et l’acier 316L . Les aciers équivalents définis dans les normes européennes sont respectivement l’acier X2CrNi18-10 et l’acier X2CrNiMo17-12-2.
Mécanismes de déformation des aciers inoxydables austénitiques
L’Energie de Défaut d’Empilement (EDE) est un paramètre d’importance fondamentale pour les propriétés mécaniques des structures cubiques à faces centrées. Pour les aciers inoxydables austénitiques, il est admis que l’EDE gouverne les mécanismes de déformation plastique mis en jeu. L’énergie de défaut d’empilement (EDE) de l’austénite à la température ambiante peut être calculée à partir des compositions chimiques massiques avec la relation (Pickering 1984) :
EDE (mJ.m-2)= 25,7 + 2(%Ni) + 410(%C) – 0,9(%Cr) –77(%N) – 13(%Si) – 1,2(%Mn).
La valeur de l’EDE des aciers inoxydables est généralement voisine de 30 mJ.m-2, mais suivant les teneurs en éléments d’alliage, elle peut facilement varier entre 10 et 70 mJ.m-2 (Jiao 2007). La déformation plastique se produit par transformation martensitique aux faibles valeurs de l’EDE, par glissement planaire ou maclage aux valeurs intermédiaires (18 à 45 mJ.m-2), par montée des dislocations pour les valeurs élevées. La compétition entre glissement planaire ou maclage et glissement dévié est étroitement reliée à la valeur de l’EDE (Lu 2011). Les mécanismes possibles de déformation des aciers inoxydables austénitiques, dans la gamme de température qui nous intéresse [ambiante ; 400°C], sont : la transformation martensitique ,le glissement des dislocations le long des plans cristallographiques, le maclage.
Glissement des dislocations :A basse température (T<1/3.Tfusion), la déformation plastique des structures CFC est surtout due à la multiplication et au glissement des dislocations. Si l’énergie de défaut d’empilement (EDE) est supérieure à 30 mJ.m-2, les dislocations parfaites glissent sur les plans denses {111} et dans les directions denses <110>, car la contrainte de cisaillement (contrainte de Peierls-Nabarro) nécessaire pour déplacer une dislocation y est minimale. Les valeurs élevées de l’EDE favorisent l’activation du glissement dévié des dislocations vis. La déformation est peu localisée. Si l’EDE est inférieure à 30 mJ.m-2, les dislocations partielles, issues de la dissociation de dislocations parfaites, se déplacent dans les plans denses en formant de nombreuses fautes d’empilement. Ces dislocations sont dites sessiles, formant des verrous de Lomer-Cottrell lors de l’interaction entre deux dislocations partielles vis glissant initialement suivant deux plans cristallographiques différents. Elles sont moins mobiles que les dislocations parfaites ce qui génère un potentiel d’écrouissage plus important. La déformation est fortement localisée. Maclage Le maclage est un mécanisme de cisaillement volumique fini généré par des réorganisations atomiques . Une macle peut aussi se former par superposition de fautes d’empilement (François 1991). Les réseaux de deux cristaux maclés sont l’image l’un de l’autre par rapport à un plan miroir, appelé plan de composition, de façon à ce qu’un réseau de maille multiple soit commun aux deux réseaux (Philibert 1998). Le maclage peut se produire sous l’effet de la température (macles de recuit) ou sous l’action d’une contrainte : ce mode de déformation dit maclage mécanique concurrence le glissement des dislocations. Toutefois, la quantité de déformation plastique est limitée à la quantité de cisaillement produit par le volume maclé. La déformation plastique par maclage survient principalement aux valeurs moyennes de l’EDE (18 à 45 mJ.m-2) et elle se produit, pour les aciers inoxydables austénitiques, d’autant plus facilement que la température est basse et / ou la vitesse de déformation élevée.
Corrosion sous contrainte
Retour d’expérience
Comme nous venons de le voir, les aciers inoxydables austénitiques sont largement employés dans le circuit primaire des REP du fait de leur bonne résistance à la corrosion généralisée en milieu primaire dans une large gamme de température. La majorité des cas de fissuration par CSC observés sur les aciers inoxydables est imputable à la teneur en éléments polluants hors spécifications en particulier dans des zones stagnantes (joints Canopy, zones confinées, bras morts…). Ilevbare (Ilevbare 2010) estime que plus de 80% des cas de fissuration rapportés sont associés à l’irradiation ou à la présence de pollution. Les expertises révèlent que les pollutions les plus couramment observées après fissuration sont des espèces anioniques comme les chlorures ou les sulfates. La présence d’oxygène est également vraisemblable dans le cas des zones stagnantes. Ilevbare observe que les fissures de CSC attribuées à la présence d’espèces polluantes sont majoritairement intragranulaires. Toutefois un nombre limité de cas de fissuration par CSC a été rapporté en l’absence de pollution du milieu primaire sur des aciers inoxydables austénitiques écrouis et non sensibilisés. La dureté est alors très élevée avec des valeurs supérieures à 300 HV. La CSC des aciers inoxydables austénitiques non sensibilisés est associée à la présence de contraintes résiduelles. La morphologie des fissures de CSC est alors intergranulaire ou mixte tout en restant majoritairement intergranulaire.
Les composants affectés sont, par exemple, les cannes chauffantes de pressuriseur, les épingles de thermocouples, les tubes d’échangeur RCV, les piquages de pressuriseur…
Des essais de CSC ont alors été menés en laboratoire pour déterminer les seuils d’écrouissage nécessaires pour amorcer et faire propager des fissures de CSC dans les aciers inoxydables austénitiques. Il s’agit de comprendre les effets de la pré-déformation sur la cinétique de propagation des fissures de CSC, de caractériser les sites d’amorçage (intragranulaire ou intergranulaire) ainsi que leur évolution au sein de la microstructure.
Définition de la CSC
La CSC : un mode de corrosion localisée :La corrosion sous contrainte est un mode de corrosion assistée par l’environnement qui conduit macroscopiquement à la rupture fragile de matériaux ductiles sous l’effet conjoint de la contrainte et du milieu. Ces trois paramètres (matériau, environnement, contrainte) doivent donc être réunis afin que la fissuration par CSC soit possible. La fissuration par CSC peut être majoritairement intergranulaire ou intragranulaire selon que la fissure suit ou non les joints de grains . La majorité des cas de fissuration par CSC rapportés sur site est de type intergranulaire pour les aciers inoxydables en milieu primaire nominal.
Etapes de la CSC :La CSC est communément décrite comme un mécanisme en deux étapes : une étape d’amorçage suivie d’une étape de propagation rapide des fissures. La transition entre amorçage et propagation peut être reliée à une profondeur de défaut critique en lien avec la microstructure, un gradient d’écrouissage, ou encore à une valeur critique du facteur d’intensité des contraintes KISCC. Staehle (Staehle 2009) propose une description plus détaillée de la CSC :
Réunion des conditions initiales résultant de l’état de surface avant exposition au milieu, par exemple, émergence de bandes de glissement ou joints de grains. L’état de surface est supposé déterminer la probabilité de l’occurrence des fissures de CSC observées ultérieurement. Ce n’est pas une étape de la CSC proprement dite.
Mise en place des précurseurs : à ce stade il n’y pas de pénétration d’oxyde, ce n’est pas une étape de la CSC proprement dite.
Incubation : la pénétration d’oxyde est négligeable par rapport à la sensibilité des moyens de détection. L’incubation est vraisemblablement de nature électrochimique. Elle pourrait correspondre à la durée nécessaire à l’établissement de modifications de composition des films passifs. On estime à 100 h la durée d’incubation pour l’alliage 600 en milieu primaire de REP (Boursier 1995). Propagation lente : les fissures favorablement orientées se propagent et coalescent jusqu’à atteindre KISCC.
Propagation rapide : la fissure se propage rapidement dès que la valeur du facteur d’intensité des contraintes d’une fissure devient supérieure à KISCC.
Etapes de la CSC
La CSC est communément décrite comme un mécanisme en deux étapes : une étape d’amorçage suivie d’une étape de propagation rapide des fissures. La transition entre amorçage et propagation peut être reliée à une profondeur de défaut critique en lien avec la microstructure, un gradient d’écrouissage, ou encore à une valeur critique du facteur d’intensité des contraintes KISCC. Staehle (Staehle 2009) propose une description plus détaillée de la CSC :
Réunion des conditions initiales résultant de l’état de surface avant exposition au milieu, par exemple, émergence de bandes de glissement ou joints de grains. L’état de surface est supposé déterminer la probabilité de l’occurrence des fissures de CSC observées ultérieurement. Ce n’est pas une étape de la CSC proprement dite.
Mise en place des précurseurs : à ce stade il n’y pas de pénétration d’oxyde, ce n’est pas une étape de la CSC proprement dite.
Incubation : la pénétration d’oxyde est négligeable par rapport à la sensibilité des moyens de détection. L’incubation est vraisemblablement de nature électrochimique. Elle pourrait correspondre à la durée nécessaire à l’établissement de modifications de composition des films passifs. On estime à 100 h la durée d’incubation pour l’alliage 600 en milieu primaire de REP (Boursier 1995). Propagation lente : les fissures favorablement orientées se propagent et coalescent jusqu’à atteindre KISCC.
Propagation rapide : la fissure se propage rapidement dès que la valeur du facteur d’intensité des contraintes d’une fissure devient supérieure à KISCC.
L’existence d’un KISCC ne fait toutefois pas l’objet d’un consensus : Andresen (Andresen 2005a) soutient l’absence de valeur seuil du facteur d’intensité de contraintes, sur la base d’essais de propagation à K décroissant sur les alliages de nickel en milieu primaire. Il observe que la fissure continue de se propager. Enfin, on notera que la description proposée par Staehle présuppose un mécanisme avec pénétrations d’oxyde.
La difficulté des études sur l’amorçage réside dans la définition même du concept d’amorçage. Trois grandes familles de définition peuvent être envisagées selon le contexte de l’étude: l’amorçage vrai, l’amorçage expérimental et la détection de fissures sur site.
L’amorçage vrai correspond à l’apparition du plus petit défaut (fissures ou pénétrations d’oxyde) observable. La définition de l’amorçage vrai est donc tributaire des limites de résolution des moyens de détection mis en œuvre. Dans le cadre d’une étude de laboratoire, on pourra considérer que l’amorçage est avéré à partir d’une profondeur d’un micromètre, aisément observable sur coupe en microscopie optique ou électronique.
L’expression «amorçage expérimental» recouvre les étapes d’amorçage vrai et de propagation lente. La notion d’amorçage expérimental est un artifice de laboratoire qui se justifie par le changement de vitesse de propagation et la brièveté de la phase de propagation rapide. L’amorçage expérimental est associé à une taille de défaut critique dont l’ordre de grandeur est 50 µm. Suivant les matériaux étudiés et les états d’écrouissage associés, la taille du défaut critique varie dans la littérature entre 18 µm et 100 µm (Lohro 2012 : alliage 600), (Couvant 2004a : acier 304L), (Boursier 1995 : alliage 600).
Mécanismes de CSC
Un grand nombre de modèles a été proposé pour décrire les mécanismes mis en jeu lors de la fissuration par CSC : des modèles reposant principalement sur la rupture du film d’oxyde, des modèles basés sur la fragilisation par l’hydrogène et des modèles basés sur un couplage entre l’environnement et la plasticité. Il semble vraisemblable que seuls les modèles basés sur le couplage corrosion / mécanique puissent rendre compte de la CSC des aciers inoxydables en milieu primaire.
Compétition dissolution / passivation
La plus ancienne proposition de modèle pour décrire la CSC repose sur la compétition entre dissolution et passivation du métal après rupture locale du film passif. Les différents modèles construits autour de cette idée permettent d’évaluer la cinétique de propagation à partir de la vitesse de déformation en pointe de fissure et de la vitesse de repassivation. La vitesse de propagation est générée par :
la vitesse de fluage ou une vitesse de déformation en pointe de fissure sous charge externe (Ford 1984). l’avancée de la fissure à travers une zone plastique (Shoji 1992).
Mécanismes basés sur la fragilisation par l’hydrogène
L’hydrogène en solution solide d’insertion et la fragilisation par l’hydrogène :Les mécanismes basés sur l’action de l’hydrogène reposent sur la diffusion d’hydrogène dans le réseau cristallin sous ses formes H+ en milieu acide et H monoatomique en milieu basique.
L’hydrogène est un atome de faible rayon atomique ce qui lui permet d’entrer facilement en solution solide d’insertion dans les aciers. Dans le cas des structures CFC, l’hydrogène interstitiel occupe préférentiellement les nombreux sites octaédriques de la structure. La mobilité de l’hydrogène est donc élevée dans les aciers, y compris à température ambiante (Brass 2000). L’orbitale 1s de l’hydrogène interagit facilement avec les bandes électroniques du Fe, ce qui diminue les niveaux d’énergie. Cette propriété électronique favorise la diminution des forces de cohésion. Enfin, la taille de l’hydrogène est petite mais son volume molaire est élevé (Brass 2000), ce qui tend à générer des distorsions du réseau cristallin. De ce fait, l’hydrogène diffuse vers les zones où le champ des contraintes hydrostatiques crée une dilatation du réseau.
Les faciès de rupture caractéristiques de la fragilisation par l’hydrogène présentent soit des languettes et des rivières caractéristiques d’une rupture par clivage soit une morphologie intergranulaire. Les mécanismes de fragilisation par hydrogène reposent sur trois principaux paramètres que sont le piégeage de l’hydrogène dans la structure, le champ des contraintes et, pour les modèles les plus récents, la déformation plastique.
Action fragilisante de l’hydrogène :Le premier modèle de fragilisation par l’hydrogène est proposé par Zapffe (Zapffe 1941). L’hydrogène moléculaire est adsorbé dans l’acier, diffuse dans le réseau cristallin puis est piégé dans des microcavités dans les joints de grains ou dans des microfissures. L’hydrogène s’accumule et se recombine en H2. La pression de gaz augmente dans la cavité et diminue la valeur de la contrainte à rupture des joints de grains. Ce modèle nécessite une pression en dihydrogène élevée et une fugacité (activité) de l’hydrogène également élevée. Le modèle dit d’adsorption (Petch 1956) repose sur l’hypothèse que l’adsorption d’hydrogène en avant de la pointe de fissure diminue l’énergie de surface. Or, le critère de Griffith relie la contrainte à rupture nécessaire pour propager une fissure pré-existante à la racine carrée de l’énergie de surface. Toutefois, ce modèle ne prend pas en compte la présence de la couche d’oxyde qui est susceptible de modifier l’adsorption de l’hydrogène.
Troiano (Troiano 1960) propose le gradient des contraintes hydrostatiques comme la force motrice qui gouverne la diffusion de l’hydrogène adsorbé. L’hydrogène diffuse donc vers les zones de forte triaxialité. Localement, la pression en hydrogène devient très supérieure à la pression moyenne dans le matériau. L’accumulation locale d’hydrogène diminue l’énergie de cohésion du réseau et donc la contrainte à rupture nécessaire pour propager une fissure est atteinte plus facilement. Oriani (Oriani 1974) propose, pour un acier 4340 (limite élastique supérieure à 1700 MPa à l’ambiante) une relation entre la pression seuil en hydrogène et KIC, la valeur du facteur d’intensité des contraintes permettant l’avancée de la fissure. Toutefois, pour les matériaux ductiles tels que les aciers inoxydables, une relaxation des contraintes en pointe de fissures est attendue. De ce fait, la diffusion de l’hydrogène serait limitée en avant de la pointe de fissure.
Les modèles basés uniquement sur l’action de l’hydrogène paraissent peu vraisemblables pour décrire la CSC des aciers inoxydables en milieu primaire. En effet, la diffusivité de l’hydrogène est plutôt faible dans les structures CFC dans la gamme de température d’intérêt.
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Table des matières
1. INTRODUCTION GENERALE
2. BIBLIOGRAPHIE
2.1. Contexte industriel : les centrales nucléaires à eau sous pression
2.1.1. Principe de fonctionnement
2.1.2. Circuit primaire
2.1.2.1. Milieu primaire
2.1.2.2. Matériaux utilisés
2.2. Présentation des aciers inoxydables austénitiques
2.2.1. Composition chimique
2.2.1.1. Rôle des éléments d’alliage
2.2.1.2. Limites de composition
2.2.2. Phases en présence
2.2.2.1. Traitement d’hypertrempe
2.2.2.2. Ferrite résiduelle
2.2.2.3. Transformation martensitique
2.2.3. Mécanismes de déformation des aciers inoxydables austénitiques
2.2.3.1. Glissement des dislocations
2.2.3.2. Maclage
2.3. Corrosion sous contrainte
2.3.1. Retour d’expérience
2.3.2. Définition de la CSC
2.3.2.1. La CSC : un mode de corrosion localisée
2.3.2.2. Etapes de la CSC
2.3.3. Mécanismes de CSC
2.3.3.1. Compétition dissolution / passivation
2.3.3.2. Mécanismes basés sur la fragilisation par l’hydrogène
2.3.3.3. Oxydation assistée par la localisation de la déformation
2.3.3.4. Oxydation sélective aux joints de grains
2.3.4. Application à la CSC des aciers inoxydables austénitiques en milieu REB
2.3.4.1. Effet du milieu
2.3.4.2. Effet des paramètres « matériau »
2.3.4.3. Effet du chargement
2.3.4.4. Caractérisation des oxydes en pointe de fissure
2.3.4.5. Synthèse
2.3.5. Propagation des fissures de CSC en milieu REP
2.3.5.1. Effet du milieu
2.3.5.2. Effets des paramètres matériaux
2.3.5.3. Chargement mécanique .
2.3.5.4. Sensibilité à la CSC : à la recherche du paramètre prépondérant
2.3.6. Amorçage : Paramètres influents en milieu primaire de REP
2.3.6.1. Ecrouissage
2.3.6.2. Effet du chargement appliqué
2.3.6.3. Température
2.3.6.4. Etat de surface
2.3.6.5. Oxydation
2.3.6.6. Conclusion
2.4. Modèles d’amorçage
2.4.1. Le modèle des indices
2.4.2. Améliorations du modèle des indices
2.4.2.1. Introduction de la contrainte effective σeff pour prendre en compte la surface écrouie
2.4.2.2. Indice matériau : le rôle des carbures pour l’alliage 600
2.4.2.3. Chemin de déformation
2.4.3. Utilisation dans un cadre statistique
2.4.4. Conclusion
2.4.5. Modèle de Garud
2.4.6. Conclusion sur les modèles d’amorçage
3. MATERIAUX
3.1. Les matériaux approvisionnés
3.1.1. Etat de réception
3.1.1.1. Composition chimique
3.1.1.2. Microstructure.
3.1.1.3. Comportement mécanique en traction uniaxiale
3.1.2. Pré-déformation par traction à froid pour les aciers 304L, 316L A et B
3.1.2.1. Préparation et prélèvement des éprouvettes écrouies par traction
3.1.2.2. Microstructure après pré-déformation
3.1.2.3. Comportement mécanique en traction uniaxiale
3.1.3. Pré-déformation par laminage à froid pour les aciers 304L, 316L A et B
3.1.3.1. Préparation et prélèvement des éprouvettes écrouies par laminage
3.1.3.2. Microstructure
3.1.3.3. Comportement mécanique en traction uniaxiale
3.2. Comportement mécanique
3.2.1. Conditions expérimentales
3.2.1.1. Eprouvettes
3.2.1.2. Dispositifs expérimentaux
3.2.2. Résultats des essais mécaniques
3.2.2.1. Essais de traction
3.2.2.2. Essais de fatigue oligocyclique
3.2.3. Identification des lois de comportement à la température ambiante
3.2.3.1. Forme de la loi de comportement retenue
3.2.3.2. Critère de plasticité utilisé
3.2.3.3. Base de données expérimentales à l’ambiante
3.2.3.4. Identification des paramètres de la loi de comportement à l’ambiante des aciers 304L et 316L : prise en compte de l’effet du trajet de chargement
4. MISE EN PLACE EXPERIMENTALE ET METHODES DE DEPOUILLEMENT DES ESSAIS D’AMORÇAGE DE LA CSC
4.1. Description des essais de CSC
4.1.1. Milieu primaire
4.1.2. Choix du type de chargement
4.1.3. Eprouvettes de CSC
4.1.3.1. Conditions de pré-déformation
4.1.3.2. Géométrie des éprouvettes
4.1.3.3. Calcul de σmax
4.1.4. Dispositifs expérimentaux
4.2. Dépouillements expérimentaux
4.2.1. Observations des amorces
4.2.1.1. Observations en surface
4.2.1.2. Observations sur coupe
4.2.2. Examen non destructif avec un rayonnement synchrotron à l’ESRF
4.2.2.1. Principe (Maire 2004)
4.2.2.2. Différentes méthodes d’imagerie par rayons X : radioagraphie et laminographie
4.2.2.3. Application de la radiographie à notre étude
4.2.2.4. Laminographie
5. RESULTATS
5.1. Essais de CSC sous chargement trapèze
5.2. Description des amorces de fissures de CSC
5.2.1. Longueur et profondeur des amorces de fissures de CSC
5.2.2. Morphologie de l’amorçage des fissures de CSC
5.2.3. Caractérisation d’une fissure en microscopie électronique en transmission
5.2.3.1. Présentation de la démarche
5.2.3.2. Morphologie de la fissure et de la couche d’oxyde
5.2.3.3. Structure cristalline
5.2.3.4. Chimie de la couche d’oxyde
5.2.3.5. Conclusion
5.3. Matériaux écrouis par traction : 304L / 316L A
5.3.1. Choix du couple niveau de contrainte / durée d’essai
5.3.2. Essais sur matériaux pré-déformés par traction
5.3.2.1. Paramètres testés
5.3.2.2. Effet du trajet de chargement
5.3.2.3. Effet de la durée d’essai
5.3.2.4. Effet de la contrainte
5.3.2.5. Cartes de sensibilité à l’amorçage
5.3.2.6. Effet du matériau
5.3.2.7. Effet de la pré-déformation
5.3.3. Conclusion
5.4. Sensibilité comparée des aciers 316L A et B à l’amorçage des fissures de CSC à l’état laminé L(40%)
5.4.1. Rappels
5.4.2. Paramètres testés
5.4.3. Résultats sur matériaux pré-déformés par laminage
5.4.3.1. Effet de l’état de surface en fond d’entaille
5.4.3.2. Effet de la contrainte et de la durée
5.4.3.3. Effet matériau
5.5. Sensibilité comparée des aciers 316L A et B à l’amorçage des fissures de CSC après une pré-déformation par traction T(36%)
5.5.1. Paramètres testés
5.5.2. Résultats sur matériaux pré-déformés par traction
5.5.2.1. Effet de l’état de surface
5.5.2.2. Effet de la contrainte et de la durée d’essai
5.5.2.3. Effet matériau : 316L A vs 316L B
5.5.2.4. Effet de la pré-déformation : T(36%) vs L(40%)
5.5.3. Conclusion
6. DISCUSSION
6.1. Comparaison des conditions expérimentales des résultats recensés
6.2. Sensibilité des aciers inoxydables à l’amorçage des fissures de CSC
6.2.1. Pluralité de la notion d’amorçage
6.2.2. Profondeur critique de transition propagation lente / propagation rapide
6.2.3. Seuils d’écrouissage
6.2.4. Amorces et pénétrations d’oxyde
6.2.5. Analyse semi-statistique
6.2.5.1. Densité de fissures et de pénétrations
6.2.5.2. Profondeur de fissures
6.2.5.3. Conclusion
6.2.6. Critère global d’amorçage
6.3. Modèle des indices
6.3.1. Indice température
6.3.2. Effet du chargement sur la transition propagation lente / propagation rapide
6.3.2.1. Valeurs de K seuil : KISCC
6.3.2.2. Indice contrainte
6.3.3. Effet du trajet de chargement
6.3.4. Effet de l’état de surface
6.3.4.1. Résultats disponibles : notre étude et celle du CEA
6.3.4.2. Caractérisation de la finition au fil diamanté par mesures de nano-dureté
6.3.4.3. Effet du fil diamanté
6.3.4.4. Effet de l’usinage par électro-érosion
6.3.5. Conclusion
7. CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
7.1. Conclusion
7.2. Perspectives
8. REFERENCES
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