Chimie en flux & Microfluidique
Définition
La chimie en flux, ou chimie en flux continu, consiste à réaliser les synthèses dans différents équipements, traversés par le milieu réactionnel en écoulement, dans lesquels sont effectuées des réactions et des transformations de façon contrôlée. Elle diffère de la chimie en mode discontinu (ou batch) qui s’effectue essentiellement dans un seul et même équipement en mode transitoire, dans lequel on mène de façon séquencée les différentes étapes de la synthèse (Figure 3a).
Une configuration de procédé continu typique pour des applications de synthèse peut être divisée en huit parties: distribution des fluides, mélange, réacteur, trempe (optionnel), régulation de pression (optionnel), collecte, analyse et purification (optionnel) (Figure 3b).
La principale caractéristique de la chimie en flux est le rapport surface/volume élevé du réacteur continu, permettant des transferts de matière et de chaleur plus élevés qu’en procédé discontinu, comme nous le verrons par la suite.
La microfluidique, elle, est une branche sous-jacente à la chimie en flux. Comme son nom l’indique, la microfluidique est la mise en œuvre de fluides à l’échelle du micromètre. Généralement, on fait référence à des largeurs ou diamètres allant de 10 à 1000 µm. Les réacteurs dotés de canaux internes de ces dimensions sont appelés microréacteurs et ont reçu une attention croissante de la part des chercheurs universitaires et des industriels, en raison de leur capacité à intensifier les procédés et ouvrant l’accès à des transformations autrement interdites ou impossibles [3]–[7]. La réduction du diamètre du canal du microréacteur par rapport à celui des autres réacteurs continus permet d’augmenter davantage le rapport surface sur volume du réacteur tubulaire, et donc les taux de transfert de chaleur et de matière.
Contexte
Depuis de nombreuses années, la synthèse chimique s’est faite par procédé discontinu, en réacteur batch. Cependant, malgré leur facilité d’utilisation, ils présentent des limites incompatibles avec la demande urgente d’améliorer les procédés chimiques (intensification des procédés), et leur transposition à l’échelle pilote et industrielle engendre très souvent des problèmes de dilution [8].
L’intensification des procédés s’inscrit dans le cadre du développement durable, de la protection de l’environnement et de la lutte contre le comportement non durable d’un certain nombre de productions industrielles actuelles. L’intensification des procédés se définit par « produire beaucoup plus et mieux en consommant beaucoup moins », c’est à dire dans de plus petits volumes, avec une plus grande efficacité, avec une réduction de la consommation énergétique et des matières premières, avec une minimisation de l’impact environnemental dû à l’utilisation d’un moins grand nombre de solvants et à des coûts de transports réduits, avec une production industrielle combinant de multiples opérations unitaires dans un unique équipement ou en réduisant le nombre d’étapes et d’unités de production. Stankiewicz est le premier auteur à avoir posé le concept d’intensification des procédés en 2000 [9], [10]. On attend des usines chimiques de demain qu’elles puissent contrôler précisément l’efficacité des atomes afin de minimiser l’impact environnemental. La chimie en continu, et plus particulièrement la microfluidique, permettrait justement de manipuler les molécules de façon à obtenir la chimie précise requise, promettant une plus grande efficacité de l’utilisation des ressources. Cependant, toutes les opérations unitaires d’un procédé ne peuvent pas être transposées en flux continu. Chaque opération unitaire doit être considérée et optimisée en fonction de ses conditions et exigences de fonctionnement spécifiques, c’est ce qui fait la quintessence de l’intensification des procédés. Les réactions rapides, dont le temps de transfert est limitant, bénéficieront des améliorations du transfert de chaleur et de matière dans les réacteurs continus. Les réactions nécessitant un contrôle plus strict de la température ou avec des intermédiaires instables peuvent également être réalisées en continu, tandis que les réactions sûres et lentes nécessitant de grands volumes pour atteindre la conversion souhaitée seront plus adaptées dans un réacteur discontinu en raison de son faible coût. Le groupe de Jensen a décrit dans quels cas les réacteurs continus devraient fournir de meilleurs résultats que leurs homologues batch (Figure 4) [11].
A noter que les différents modules présentés sur la Figure 3b peuvent être disposés de manière interchangeable et répétitive, ce qui entraîne un nombre infini de modifications possibles. Des synthèses en plusieurs étapes très complexes peuvent être mises en œuvre. La chimie en flux ouvre ainsi des possibilités nouvelles tant pour la synthèse en laboratoire que pour la production industrielle dans les domaines de la chimie, de l’agroalimentaire et de la pharmacie [11]–[16], et constitue une des briques de l’usine du futur. La synthèse de produits naturels ou la synthèse d’ingrédients pharmaceutiques actifs constituent actuellement un domaine attractif en chimie en flux [17]–[21].
Notions fondamentales
Des différences majeures existent entre la chimie en batch et la chimie en flux concernant les caractéristiques de la réaction chimique. Tout d’abord, le temps de réaction en batch est déterminé par le temps pendant lequel le milieu réactionnel est maintenu aux conditions de la réaction. En chimie continu, on parle plutôt de temps de séjour, qui se réfère au temps pendant lequel les réactifs s’écoulent dans le réacteur.
Contrairement aux réacteurs batch conventionnels qui possèdent généralement un régime d’écoulement turbulent, les microréacteurs ont un régime laminaire en raison de leurs petites dimensions, impliquant une vitesse radiale du fluide non uniforme dans le canal (Figure 5). La vitesse du fluide au centre du canal est plus grande que celle près des parois, et induit de ce fait une distribution de temps de séjour sur la section du canal (Figure 5). Cependant, si le diamètre des canaux du réacteur est petit, le temps de diffusion radial devrait être court en raison des faibles distances de diffusion. Cela mène à une distribution de temps de séjour étroite. Par simplicité, nous ne considérerons que le temps de séjour moyen, égal au volume du réacteur divisé par le débit volumique.
Ensuite, la stœchiométrie en flux est définie par le rapport des débits molaires des réactifs (en mol/s). En réacteur batch, elle est définie par le rapport de leur quantité de matière (en mol). Concernant l’évolution de la réaction, la concentration des réactifs diminue avec le temps dans le réacteur batch, alors qu’en microfluidique, elle diminue avec la distance le long du microréacteur, à mesure qu’ils avancent dans le réacteur [22] (Figure 6).
Si des catalyseurs ou réactifs hétérogènes sont nécessaires dans une transformation chimique continue, des réacteurs à lit fixe sont généralement utilisés [24], [25]. Comme le montre la Figure 7, ils consistent en des colonnes ou des cartouches en verre, en matériaux polymères ou en acier inoxydable, dans lesquels est inséré un volume de matériau(s) solide(s) entre des unités de filtration, et à travers lequel circule la solution réactionnelle. La taille des particules du matériau hétérogène est importante, puisque la réaction se produit en surface, et qu’elle joue également sur la perte de charge. L’avantage d’une catalyse hétérogène en flux par rapport au batch est le rapport molaire catalyseur/réactif significativement plus élevé, diminuant les temps de réaction ; et l’absence d’étape de séparation ultérieure du mélange réactionnel et du catalyseur.
Les microréacteurs
Comme il a été expliqué précédemment, les puces microfluidiques, ou les microréacteurs, ont en général des largeurs ou diamètres de canaux allant de 10 à 500 µm, alors que les autres réacteurs méso fluidiques ont des diamètres internes supérieurs à 1000 µm. D’autre part, le rapport surface/volume d’un réacteur est inversement proportionnel à la dimension caractéristique. De ce fait, la propriété fondamentale du microréacteur est la valeur extrêmement élevée du rapport entre sa surface et son volume. Les microréacteurs ont un rapport surface/volume plus élevé que les macroréacteurs. Si la taille du réacteur est divisée par 100, le rapport surface/volume est, lui, multiplié par 100 (Figure 10). À titre d’exemple, des canaux de section carrée de 100 µm ou 1 mm présentent, respectivement, un rapport surface/volume de 40 000 ou 4 000 m2 /m3.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Aminocarbonylation à partir de CO commercial en microréacteur gaz/liquide
I. Etat de l’art
1. Chimie en flux & Microfluidique
i. Définition
ii. Contexte
iii. Notions fondamentales
iv. Les réacteurs continus
v. Les microréacteurs
vi. Mise sous pression
vii. Les avantages du microréacteur
viii. Conclusion
2. Ecoulements gaz/liquide en microréacteur
3. La réaction de carbonylation
i. Aspects théoriques
4. La réaction d’aminocarbonylation
i. Aspects théoriques
5. Etat de l’art de la carbonylation en flux continu
i. Carbonylation en flux à partir de CO
ii. Carbonylation en flux à partir de précurseurs de CO
II. Etudes préliminaires
1. Aminocarbonylation en réacteur batch
i. Influence du réacteur et de la température
ii. Influence de la température initiale du dioxane et du temps sur la conversion du substrat
2. Microréacteurs
i. Microréacteur Syrris
ii. Microréacteur BiFlow 2.7
iii. Conclusion
III. Aminocarbonylation en microréacteur à partir du CO – Partie expérimentale
1. Matériel et méthodes
i. Etapes pré-réaction
ii. Montage expérimental pour la réaction d’aminocarbonylation
iii. Etapes post-réaction
2. Résultats
i. Optimisation de la température
ii. Optimisation du temps de séjour du liquide
iii. Optimisation du débit volumique de CO
iv. Etude de la concentration volumique de CO en phase gazeuse
v. Influence du temps de séjour du liquide en condition équimolaire
3. Conclusion
Chapitre 2 : Aminocarbonylation à partir du CO2 en microréacteur plasma DBD
I. Etat de l’art
1. Les plasmas
i. Définition générale
ii. Plasma thermique et non thermique
iii. Différents types de décharges plasma non-thermiques
iv. Décharges à barrières diélectriques (DBD)
v. Mécanisme de décharge dans un plasma DBD à pression atmosphérique
vi. La chimie du plasma non thermique
vii. Les microplasmas
2. Décomposition du CO2 en CO par plasma DBD
i. Contexte
ii. Voies de décomposition du CO2 en CO
iii. Décomposition du CO2 en CO en plasma DBD
iv. Décomposition du CO2 dilué dans l’argon en plasma DBD
v. Mesure de l’efficacité de décomposition du CO2 en CO
vi. Etat de l’art de la décomposition du CO2 en CO par plasma DBD
II. Partie expérimentale
1. Décomposition du CO2 en CO par plasma DBD
i. Matériel et méthodes
ii. Résultats
iii. Conclusion
2. Couplage des deux microréacteurs
i. Matériel et méthodes
ii. Résultats
iii. Conclusion
Chapitre 3 : Carbonylation en microréacteur plasma
I. Contexte
II. Matériel et méthodes
1. Microréacteur BiFlow 2.7 avec électrodes
i. Dépôt des électrodes plan/plan en ITO/Au
ii. Connectiques fluidiques
iii. Connectiques électriques
iv. Isolation électrique des électrodes
2. Mise en place de l’écoulement de la phase gazeuse et de la phase liquide
3. Production de la haute tension AC
4. Etapes préliminaires
i. Vérification des fuites
ii. Nettoyage du microréacteur
5. Diagnostics
i. Mesure de la puissance
ii. Mesure de la température
iii. Evaluation optique
iv. Analyse de la phase gazeuse
v. Analyse de la phase liquide
III. Résultats
1. Carbonylation du benzène à partir du CO2
i. Conditions expérimentales
ii. Résultats
iii. Interprétation des résultats
2. Carbonylation du benzène à partir du CO
i. Conditions expérimentales
ii. Résultats
3. Aminocarbonylation du benzène à partir du CO
i. Réaction avec n(benzène)/n(N-hexylamine)=100
ii. Réaction avec n(benzène)/n(N-hexylamine)=10
iii. Comparaison des deux expériences
iv. Réaction avec n(benzène)/n(N-hexylamine)=10 et refroidisseur
v. Comparaison des deux expériences avec et sans refroidisseur
IV. Conclusion
Conclusion générale
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