Amertume et toxicité

AMERTUME ET TOXICITE

L’AMERTUME

L’amertume dans la vie de tous les jours

L’amertume est très généralement considérée comme une première ligne de défense contre les poisons. En effet, pour l’Homme, la plupart des poisons sont perçus comme amers, comme par exemple la strychnine qui est une neurotoxine très puissante (Behrens and Meyerhof 2006). Dès notre plus jeune âge, nous sommes confrontés à la présence d’amertume dans notre quotidien. L’amer est un goût que l’on retrouve dans certains aliments végétaux comme le pamplemousse ou les choux de Bruxelles et nous avons appris à plus ou moins le tolérer car cette amertume est liée à des aliments qui sont bénéfiques pour notre santé. Certains goûts amers sont parfois recherchés. Ainsi, la caféine ou la théine qui sont issues de végétaux ne sont pas particulièrement qualifiées de bénéfiques pour l’organisme mais elles sont pourtant très présentes et consommées dans notre société malgré leur goût amer (Fibrianto et al. 2021). Ce sont les propriétés excitantes du café et du thé qui sont recherchées, au point que de la caféine est ajoutée dans les boissons énergisantes de synthèse (Keast 2008).

Le goût amer de beaucoup de légumes représente un frein à leur consommation et l’industrie agroalimentaire recherche activement des moyens pour masquer le goût des molécules impliquées ou en diminuer la concentration. L’amertume est aussi très présente dans les médicaments car beaucoup de principes actifs créent ce goût malgré les efforts fournis par l’industrie pharmaceutique pour le minimiser. Par exemple, la quinine, dont l’amertume est reconnue, est le principe actif extrait de l’écorce du cinchona (Cinchona officinalis), un arbre des montagnes du Pérou, qui est un remède très efficace contre le paludisme et dont les européens firent la connaissance lors de la découverte de l’Amérique du Sud au XVème siècle (Garcia 2020). Au Japon, le lien entre amertume et effets bénéfiques des médicaments est resté très fort et se retrouve dans de nombreuses expressions populaires comme « a good medicine tastes bitter » (良薬は口に苦し). L’amertume des produits médicamenteux est pourtant un frein à leur ingestion, en particulier pour les enfants, et l’industrie pharmaceutique a développé des méthodes pour masquer cette amertume.

Les molécules amères peuvent être très utiles afin de repousser et protéger les enfants ou adultes contre l’ingestion de produits dangereux, comme l’éthanol dénaturé (Henderson et al. 1998) ou des produits ménagers. Le benzoate de dénatonium, commercialisé sous le nom de Bitrex ®, en est le meilleur exemple. En effet, il est ajouté dans le gel douche pour enfants, les brumes parfumées, le bain moussant, l’antigel, etc…, pour prévenir du danger d’ingestion accidentelle . Il est aussi utilisé dans certains vernis ayant pour but d’empêcher de se ronger les ongles.

Définition sensorielle de l’amertume par l’Homme

L’amer est une sensation gustative définie par l’Homme qui peut provoquer un enchaînement de réflexes aversifs immédiats et stéréotypés qui vont de l’arrêt de la prise de nourriture au retrait de la langue, la bouche ouverte, l’augmentation du temps de déglutition, un rythme cardiaque plus bas, et la nausée pouvant même parfois aller jusqu’au vomissement (Davis et al. 1986).

Ces réponses de rejet consécutives à la détection d’un stimulus amer sont innées chez les vertébrés. Les nouveaux nés peuvent faire une distinction dans la nourriture qui leur est présentée (Desor et al. 1975; Ganchrow et al. 1983; Ventura and Worobey 2013) mais ils évitent l’amertume. Il en est de même chez des nouveaux nés d’autres Vertébrés, comme le singe, le rat ou la souris. Chez l’Homme, bien que nous soyons souvent en contact avec l’amertume, c’est plutôt à des niveaux modérés et en tout cas, cette amertume n’indique pas une toxicité létale. Parmi les aliments que nous consommons, les viandes et les poissons en sont généralement dépourvus et ce sont principalement les légumes et les fruits ou les graines qui peuvent être amers. Les végétaux que nous consommons sont généralement sélectionnés pour leur goût acceptable et leur innocuité, ou récoltés à un stade de maturité où les défenses de la plante sont moins intenses, ou encore la préparation alimentaire qui en est faite élimine le poison, comme dans le cas du manioc. De manière culturelle, nous sommes conduits à tolérer voire à apprécier des goûts amers dans certains aliments ou boissons consommés pour leurs effets post ingestion (l’éveil pour la caféine par exemple) ou pour des raisons culturelles. Enfin, la sensibilité à l’amer décline avec l’âge chez l’homme.

Pourquoi détecter l’amertume ?

L’amertume est l’une des modalités sensorielles détectées par le système gustatif. Chez l’homme, ces modalités sont au nombre de 5 ; sucré, amer, acide, salé et umami (Bachmanov and Beauchamp 2007). De manière très générale, chez l’homme et chez tous les animaux, le système gustatif permet de « prédire » la valeur nutritive et/ou le danger que représentent des aliments sur le point d’être ingérés. Cette « prédiction » induit non seulement des comportements d’acceptation ou de rejet, mais aussi induit des réactions physiologiques comme la salivation, la sécrétion de sucs gastriques, etc.

Détecter et éviter de consommer des aliments amers permet de se protéger d’une intoxication potentielle. En effet, il a été montré que les mammifères, quel que soit leur régime alimentaire, pouvaient être confrontés à une source de nourriture amère et potentiellement toxique (Tableau 1) (Glendinning 1994; Torregrossa et al. 2012) .

Cellules gustatives et récepteurs gustatifs

Chez l’homme et les Vertébrés, l’amertume est principalement détectée par des cellules spécialisées situées dans la bouche. Celles-ci sont équipées de récepteurs membranaires, ou récepteurs gustatifs, en nombre variable selon les espèces et le mode de vie, chacun de ces récepteurs étant sensible à une gamme de ligands plus ou moins large. Chez l’homme, on dénombre environ 30 récepteurs capables de détecter des molécules amères, alors qu’un seul est dévolu à la détection des sucres (Chandrashekar et al. 2000; Matsunami et al. 2000; Nelson et al. 2001). Il existe des variations liées aux spécialisations alimentaires. L’hypothèse la plus communément acceptée est que les herbivores possèdent plus de récepteurs à l’amer parce que les plantes contiennent plus de composés toxiques que les tissus animaux (Li and Zhang 2014). A l’inverse, les animaux avec un régime alimentaire spécialisé perdent des récepteurs. Ainsi, les baleines et les chauves-souris hématophages ont perdu, au cours de leur évolution, un ou plusieurs gènes de récepteurs gustatifs (Feng et al. 2014; Hong and Zhao 2014) car elles ne rencontrent pas de goût amer dans leur alimentation. Le goût du sucre peut aussi se perdre, par exemple chez des espèces carnivores comme le chat ou le tigre (Li et al. 2005; Zhao et al. 2010; Jiang et al. 2012).

Qui détecte l’amertume ?

Les vertébrés ne sont pas les seuls à avoir cette capacité de détection de l’amer (Bergvall and Leimar 2005), les invertébrés sont aussi équipés pour percevoir l’amertume, et plus particulièrement les invertébrés herbivores. Ils sont en contact avec le goût amer par le biais des plantes qu’ils consomment et ils auraient une capacité plus importante que les organismes qui sont peu ou rarement confrontés à l’amer, à détecter de telles molécules (Bernays et al. 1997; Xu et al. 2016). En effet, la majorité des plantes produisent des composés secondaires amers et toxiques leur permettant de se défendre contre les espèces qui les attaquent pour se nourrir (Bernays and Chapman 1994; Schoonhoven et al. 2005). Il a été observé que les insectes herbivores spécialistes, c’est-à-dire qui se nourrissent sur un seul type de plante, sont beaucoup plus sensibles à l’amer car ils sont confrontés à peu de composés amers alors que c’est l’inverse pour les insectes généralistes (Singer et al. 2002). Comme ceux-ci fourragent sur un grand nombre de plantes, si leur seuil d’évitement était trop bas, ils seraient amenés à éliminer trop de sources de nourritures potentielles (Bernays et al. 2000; Zhang et al. 2013a).

COMPOSES SECONDAIRES DES PLANTES

Si les animaux, en particulier herbivores, évitent des substances amères et toxiques provenant des plantes, quelles sont ces substances et quels rôles jouent-elles dans leur biologie ?

Les métabolites secondaires des plantes 

Grâce à la photosynthèse, les plantes élaborent un grand nombre de composés chimiques qui ont différents rôles dans leur physiologie. Les métabolites primaires (les acides nucléiques, les protéines, les lipides et les glucides simples) sont indispensables à la vie, au développement et à la reproduction de la plante. De ces métabolites primaires découlent les métabolites secondaires qui ont des fonctions variées (Pagare et al. 2015; Jost and Jost-Tse 2016). A l’inverse des composés primaires, les composés secondaires sont non-essentiels à la croissance, au développement et à la reproduction des plantes. Beaucoup de composés secondaires sont connus à ce jour, et trois grandes familles émergent, les alcaloïdes, les terpènes (plus de 40 000 structures connues) ainsi les composés phénoliques avec leurs dérivés (Aharoni et al. 2005; Howe and Jander 2008).

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Table des matières

Introduction
Amertume et toxicité
a. L’amertume
b. Composés secondaires des plantes
c. La toxicité
d. Détoxification
Le système gustatif
a. Organisation générale du système gustatifs chez les insectes
b. Système gustatif chez Drosophila melanogaster
c. Modalités gustatives détectées par les récepteurs gustatifs (GRs) du proboscis
d. Plasticité du système gustatif aversif
Approches expérimentales et questions
a. Mesure de la consommation
b. Stratégies de masquage du goût amer dans les domaines alimentaire et pharmaceutique
c. Objectifs et démarche
Chapitre 1 : Choix alimentaire à court terme
Introduction
Material and methods
Results
Conclusion/Discussion
References
Chapitre 2 : Alimentation et survie sur milieu amer
Introduction
Materials and methods
Results
Conclusion/discussion
Supplementary figures
References
Chapitre 3 : Masquage du goût amer
Introduction
Materials & Methods
Results
Conclusion
Supplementary figures
References
Discussion et perspectives
Tests de consommation
Choix alimentaire à court terme
Alimentation et survie sur milieu amer
Masquage du goût amer
Conclusion Générale
Bibliographie générale

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