Aménagement linguistique dans le cycle moyen secondaire de l’enseignement

Le Sénégal a été pendant longtemps sous la domination française. Au moment de son accession à l’indépendance en 1960, et à l’image de la plupart des Etats africains anciennement colonisés, il hérite de la langue française. Aussi en fait-il la langue officielle.

Notons que le cas du Sénégal est spécifique et intéressant car au lendemain des indépendances, ce pays était sous la gouvernance du président Léopold .S. Senghor, père fondateur de la nation sénégalaise et farouche défenseur de la langue française. En effet, il avait mis en place une politique linguistique dite « expectative » (Halaoui 2005), en érigeant en fait politique l’utilisation du français comme langue officielle et en encourageant, sous sa magistrature l’enseignement des langues anciennes (le latin et le grec). Il tentait de sauver le latin considéré comme une langue morte en favorisant une méthode vivante d’enseignement de cette langue en collaboration avec le centre de linguistique appliquée de Dakar (CLAD) (voir Mbodj https://ries.revues.org/1708 ). Cependant, l’expérimentation de cette méthode ne durera pas. En effet, elle s’éteint à la fin de sa présidence en 1980. La politique linguistique du président Senghor s’appuyait ainsi sur l’idée d’une francophonie essentiellement culturelle. En 1981, lors des Etats Généraux de l’éducation et de la formation, cette politique linguistique sera remise en question par les partisans des langues africaines. Ainsi, cette politique linguistique qui prédominait au Sénégal entre 1960 et 1980, est apparue comme une copie de celle de l’ancien colonisateur. De plus, les alliances françaises se sont implantées dans tous les pays comme des pépinières rien que pour la vulgarisation de la langue française.

Le Sénégal est un pays où il y a une situation de plurilinguisme, en effet on décompte plusieurs dizaines de langues autochtones. Paradoxalement, le Sénégal est un pays officiellement francophone. Le français y est la langue de l’administration, de l’enseignement et des relations internationales.  La diversité des langues nationales est une richesse qui permet de véhiculer une identité culturelle. Toutefois, celle-ci ne sert à grand-chose. Car, les langues nationales ne sont utilisées que pour des besoins de communication dans les secteurs informels. Par contre, dans le secteur formel, notamment dans le milieu éducatif la réalité est toute autre. Les langues nationales n’y trouvent aucun statut ; elles sont délaissées au profit du français et des autres langues étrangères. Le français en plus d’y être médium d’enseignement, était la langue véhiculaire car son utilisation était obligatoire et le cas contraire faisait l’objet d’une sanction. En plus, du français, d’autres langues dites étrangères sont également enseignées dans les collèges et lycées du Sénégal.

Par ailleurs, en 1986, le premier décret relatif à la transcription des langues nationales est publié (voir Dumont et al (1995)). En fait, l’état du Sénégal tient à ce qu’il y ait des études sur les langues nationales en vue de leur codification et de leur insertion dans le milieu éducatif. Cependant, ce décret ne change pas le statut des langues nationales, il n’est même pas prêt à lui accorder une place dans le système éducatif formel. Dumont (1995 : 65), dans son ouvrage intitulé Sociolinguistique du français en Afrique francophone le rappelle en ces termes : « il nous est souvent arrivé d’entendre Léopold Sédar Senghor déclarer qu’avant d’introduire les langues africaines dans le programme scolaire, il fallait qu’une vingtaine de thèses d’Etat leur soient consacrées ».

Une telle citation permet de mettre en lumière l’idéologie dans laquelle la période postcoloniale se trouvait, en termes d’introduction des langues locales dans le système éducatif. En effet, c’est ce genre d’idées qui sous-tendait la politique linguistique qui de fait, apparaissait comme une politique de balkanisation linguistique.

En 2001, une nouvelle page s’ouvre et apporte un peu de renouveau dans la politique linguistique du Sénégal. En effet, aux six langues considérées comme nationales ( diola, pulaar, manding, sérère, soninké et wolof revues par le décret du 21 mai 1971 amendé par le texte de 1985 relatif au découpage des mots et autres règlements orthographiques), il est prévu d’y ajouter toute autre langue qui sera codifiée comme le stipule la constitution de 2001.

Par ailleurs, même si les langues nationales ne bénéficient pas de beaucoup de considération, il n’en demeure pas moins que l’une d’entre elles, notamment, le wolof concurrence la langue officielle, le français. En effet, le wolof est aujourd’hui la langue véhiculaire du pays. Cette situation linguistique implique des rapports de superposition qui, à leur tour, révèlent une situation diglossique français /wolof.

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE 

Contexte et justification du sujet

Le français a toujours été la langue de l’école au Sénégal, malgré les nombreux décrets portant sur l’enseignement des langues nationales. En effet, à l’école primaire, elle est la seule langue d’enseignement. Dans l’enseignement moyen secondaire, au-delà du français d’autres langues dites étrangères y font objet et matière d’enseignement. Il s’agit entre autres de l’anglais, de l’espagnol, de l’arabe, du portugais, de l’allemand, de l’italien.

Cependant, bien que le Sénégal compte une vingtaine de langues nationales et une quarantaine de langues naturelles vivantes, symbole de son identité culturelle, celles-ci ne figurent pas dans l’enseignement formel. Elles ne sont utilisées que pour des besoins de communication dans les secteurs informels. De ce fait, l’enseignement des langues étrangères dans le système éducatif formel a toujours été une source de questionnement du fait de l’absence des langues autochtones dans le système éducatif du Sénégal. En plus de cet état de fait, la présence de toutes ces langues étrangères nous intrigue et nous amène à vouloir découvrir la méthode d‘enseignement des langues .

En outre, si nous prenons notre cas comme exemple. Quand nous consultons aujourd’hui les bulletins de notes de notre parcours scolaire, nous constatons qu’il y a une certaine hiérarchisation de ces langues. En effet, l’anglais occupe le statut de LV1 et les autres langues celui de LV2, le français quant à lui, a un statut de privilégié, car étant la langue d’enseignement. Fort de ces constats, nous nous sommes toujours interrogés sur l’aménagement linguistique fait dans le milieu scolaire. Par ailleurs, nous relevons que l’anglais est introduit dès la première année d’étude secondaire c’est-à-dire en classe de sixième et est enseigné comme matière obligatoire et commune à tous les élèves. Par contre, les autres langues sont introduites en troisième année d’étude (quatrième) et l’élève a le droit de choisir entre plusieurs langues. Aussi, nous nous sommes demandé pourquoi enseigner toutes ces langues étrangères au détriment des langues nationales, autochtones ? Sur un autre plan, on remarque que le latin et le grec considérés comme des langues mortes sont imposées dans certains programmes universitaires et pendant tout ce temps les langues nationales vivantes ne sont que très peu intégrées dans ce système.

Aujourd’hui, par contre, on constate que les faits se présentent autrement car on note une montée fulgurante de la langue wolof ou des autres langues locales dans l’espace scolaire qui était censé avoir comme langue véhiculaire le français d’où l’évidence de s’interroger sur l’avenir de celle-ci. Toujours est-il que le recours au wolof montre clairement la place que les langues nationales occupent dans le paysage linguistique scolaire. Cette situation qui tend vers une forme d’inversement nous a permis de prendre conscience de l’importance des langues nationales. Cela nous a aussi permis de nous demander s’il n’est pas opportun d’introduire définitivement ces langues dans le secteur scolaire formel.

Le marché linguistique

Le terme marché linguistique est utilisé pour la première fois par le sociologue P. Bourdieu. Il s’appuie sur les faits que la linguistique post-sausurrienne a démontré c’est-à-dire la non prise en compte du caractère social de la langue. Ainsi, Bourdieu pense que les interactions linguistiques en communauté sont régies par la prédominance de ceux qui possèdent la norme. Ces derniers imposent donc, leur prix aux autres qui sont en position défavorable vis à vis de la langue. Ainsi, il défend sa thèse à travers les propos que nous reprenons ci-dessous.

Il est à noter que nous empruntons ces propos de Bourdieu à Labov dans Introduction à la sociolinguistique paru en (2001 :34)

Nul ne peut ignorer complètement la lois linguistiques et toutes les fois qu’ils entrent dans un échange avec les détenteurs de la compétence légitime et surtout lorsqu’ils se trouvent placés en situation officielle, les dominées sont condamnées à une reconnaissance pratique, corporelle, des lois de formation des prix les plus défavorables à leur production linguistique qui les condamne à un effort plus ou moins désespéré vers la correction ou au silence, il reste qu’on peut classer les marchés auxquels ils sont affronté selon leur degré d’autonomie , depuis les plus complétement soumis aux normes dominantes (comme ceux qui s’instaurent dans les relations avec la justice, la médecine ou l’école) jusqu’aux plus complétement affranchi de ces lois (comme ceux qui se constituent dans les prisons ou les bandes de jeunes). 

A travers ces propos de Bourdieu, nous voyons que les éléments dont il est question sont très parlants et trouvent un écho dans la situation linguistique de pays tel que le Sénégal. Par exemple, on voit de jeunes gens qui refusent d’épouser la norme et de l’autre côté, les femmes qui s’y collent et veulent faire respecter la loi linguistique. Donc, dans le marché linguistique, il existe un rapport de force entre possédants et non possédants de la norme.

Par ailleurs, pour Labov, le marché linguistique c’est l’ensemble des locuteurs d’une langue partageant des évaluations (plus ou moins implicites) quant aux usages de cette langue. II soutient qu’ « il serait faux de concevoir la communauté linguistique comme un ensemble de locuteurs employant les mêmes formes. On la décrit mieux comme étant un groupe qui partage les mêmes normes quant à la langue » (Labov 1976 : 228) Bref, à la suite de ces auteurs, nous concevons le marché linguistique comme un lieu où chaque locuteur définit sa manière de parler la langue. Ceci rejoint de fait une notion plus ou moins proche à savoir la notion d’attitudes linguistiques.

Les attitudes linguistiques

Les attitudes linguistiques sont des comportements que les locuteurs adoptent vis-à-vis de la langue. Calvet (1993 :57) définit les attitudes linguistiques comme le sentiment des locuteurs face aux langues, aux variétés de langues et à ceux qui les utilisent. Par contre, d’autres pensent qu’il y’a trois aspects reliés au concept d’attitude linguistique, il s’agit de l’aspect affectif (sentiment), de l’aspect cognitif (pensées et croyance) et de l’aspect conatif (faciliter d’action).

Le bilinguisme

Le bilinguisme est un phénomène mondial qui a été longtemps déprécié au profit du monolinguisme notamment en France et aux Etats-Unis. Il peut être défini comme la situation ou l’aptitude pour un locuteur à utiliser deux langues. En effet, Sigan et al. (1986 🙂 le définissent en ces termes : « nous pouvons appeler l’enseignement bilingue tout système éducatif où l’apprentissage est dispensé en deux langues, dont l’une est normalement, mais pas toujours, la première langue des élèves ».

M.V. Overbeke (1972 : 113) quant à lui, circonscrit sa définition au tour du concept de conflit linguistique.

Le bilinguisme est la mise en présence de deux langues, de telle sorte qu’il en résulte un ensemble de différences linguistiques, psychologiques et sociologiques, susceptibles de déterminer un conflit de langage et donc de personnalité. 

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Table des matières

INTRODUCTION
1. CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1. Contexte et justification du sujet
1.2. Problématique
1.3. Questions de recherche
1.4. Hypothèses
1.5. Revue critique de la littérature
1.6. Définition des concepts
1.6.1. Le marché linguistique
1.6.2. Les attitudes linguistiques
1.6.3. Le bilinguisme
1.6.4. Langue maternelle
1.6.5. Français langue étrangère et seconde : FLES
1.6.6. Français langue seconde : FLS
1.6.7. Multilinguisme et plurilinguisme
1.7. Les principes de l’aménagement linguistique
1.7.1. Principe de la territorialité
1.7.2. Le principe de la personnalité
1.7.2.1. Aménagements du corpus
1.7.2.2. Aménagement du statut
1.8. Démarche méthodologique
1.8.1. La recherche documentaire
1.8.2. Etude quantitative
1.8.3. Etude qualitative
1.8.4. L’enquête
2. ENVIRONNEMENT SOCIOLINGUISTIQUE DE L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES AU SENEGAL
2.1. Situation ethnolinguistique du Sénégal
2.2. Tentative d’une politique linguistique au Sénégal
2.2.1. Quelques efforts dans la tentative de réalisation de la politique linguistique du Sénégal
2.2.1.1. Les expérimentations de l’enseignement des langues nationales dans le pays
2.2.1.2. Le cadre institutionnel
2.3. Le statut du français au Sénégal
2.3.1. A l’école
2.3.2. Dans les médias
2.3.3. Le français face au wolof : une situation diglossique
2.4. Les débuts de l’école au Sénégal
2.4.1 La colonisation française
2.4.2. L’école mutuelle
2.5. La sociologie de l’école
2.6. Présentation du milieu scolaire au Sénégal
2.6.1. L’éducation préscolaire
2.6.2. L’enseignement élémentaire
2.6.3. L’enseignement moyen et secondaire général
2.6.4. Enseignement secondaire général et technique
2.6.5. L’enseignement supérieur
3. TRAITEMENT DES DONNEES DE L’ENQUETE
3.1. Catégorie sociodémographique des enquêtés
3.2. Sexe des élèves
3.3. Les langues utilisées de la population enquêtée
3.3.1. La langue première des répondants
3.3.2. Les langues en famille des répondants
3.3.3. Les langues enseignées des répondants
3.3.4. La langue véhiculaire de nos répondants en milieu scolaire
3.4. Les horaires d’enseignement des langues sont- ils suffisants
3.5. La langue d’enseignement des mathématiques et des sciences physiques ne pose-t-elle pas un problème de compréhension
3.6. Pour ou contre un enseignement en langue nationale
3.7. Les langues présentes dans l’enseignement moyen secondaire
3.7.1. Statut et programme des langues enseignées dans le moyen secondaire
3.7.1.1. Statut et programme du français
3.7.1.2. Statut et programme de l’anglais
3.1.7.3. Statut et programme l’espagnol
3.1.7.4. Statut et programme du portugais
3.1.7.5. Statut et programme de l’arabe
3.1.7.6. Statut et programme de l’italien, de l’allemand et du Russe
3.7.2. Crédits horaires de chaque langue enseignée dans le moyen secondaire
3.7.2.1. Crédits horaires des langues enseignées dans le moyen
3.7.2.2. Le quantum horaire des langues enseignées dans le secondaire
3.7.3. Les coefficients des langues enseignées dans le moyen secondaire
3.7.3.1. Les coefficients des langues enseignées dans le moyen
3.7.3.2. Les coefficients des langues enseignées dans le secondaire
3.8. La didactique des langues étrangères au Sénégal : Origine et définition du concept
3.8.1. Quelques définitions
3.8.2. La didactique du français et des langues étrangères au Sénégal
3.8.3. Les attitudes des élèves face aux langues
3.8.4. La pertinence de l’enseignement des langues étrangères
3.9. Interprétation des résultats et recommandations pour une nouvelle orientation de l’aménagement des langues en milieu scolaire
3.9.1. Interprétation des résultats de l’enquête
3.9.2. Une nouvelle orientation du plan d’aménagement linguistique en milieu scolaire
3.9.2.1. Réconcilier la langue familiale et la langue scolaire
3.9.2.2. L’école au bilinguisme additif
3.9.2.3. Les langues nationales, un vecteur de développement
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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