Un long travail de sensibilisation
La notion de durabilité s’est construite au cours des années qui ont suivi la seconde guerre mondiale. En effet, cette période était riche en projets, c’est pourquoi de nombreuses instances ont progressivement tenté de formaliser la « bonne façon de faire » en alliant développement économique, qualité de l’environnement et prise en compte des dimensions sociales pour un meilleur épanouissement des populations. Pourtant cette notion a toujours suscité des réactions négatives car elle semble être une limite à l’essor économique des pays. Le terme « développement durable » n’a été médiatisé qu’avec le rapport Brundtland en 1987, mais la notion en elle-même trouve son origine bien plus tôt, dès le début des années 50.
a. 1951 : le premier rapport de l’UICN : En 1951, l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) publie son premier rapport sur l’état de l’environnement dans le monde. Son objectif est d’intégrer les contraintes environnementales dans les projets de reconstruction et de développement des pays occidentaux. Pourtant les gouvernements ne le prennent pas en compte car leur priorité est la croissance de leurs pays qui ont été durement touchés par la guerre. La France ne fait pas exception, la priorité du Commissariat Général du Plan dans les années 50 concerne essentiellement la reconstruction à travers le développement industriel et la polarisation du territoire.
b. 1970’s : les gouvernements sont réfractaires à l’idée du développement durable : Dans les années 1970, le Club de Rome commande le rapport Meadows au Massachusetts Institute of Technology (MIT) pour prolonger leurs travaux sur l’environnement. Ce rapport met en lumière les répercussions d’une croissance économique et démographique non-contrôlée sur la planète. Les dangers encourus à long terme montrent qu’on ne doit pas dissocier environnement et croissance sous peine de provoquer une destruction de la planète en une centaine d’années. Ce rapport ne convainc pourtant pas tous les responsables politiques qui voient dans ses préconisations un obstacle à la poursuite de la croissance de leur pays. C’est dans ce contexte mondial réfractaire à la prise en compte de l’environnement que les Nations Unies organisent à Stockholm une conférence intitulée « Une seule Terre » en 1972. Son objectif est d’étudier les liens entre l’environnement et l’homme. C’est à cette conférence que le développement durable devient un véritable enjeu sous le terme d’écodéveloppement . Ce terme permet de mettre en lumière la difficulté principale de la reconstruction : les interactions entre développement et environnement. Ainsi les gouvernements s’affrontent et montrent du doigt les mauvaises pratiques de certains d’entre eux. Il existe alors de nombreuses tensions entre les pays, tant du fait de la guerre froide que du clivage Nord/Sud qui existe toujours aujourd’hui. Pourtant la conférence de Stockholm débouche sur la mise en place du Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE). Celui-ci permet de compléter le Programme des Nations-Unie pour le Développement (PNUD) et symbolise bien le fait que dorénavant, les pays devront trouver un moyen d’allier ces deux enjeux.
c. 1980’s : prise de conscience de l’état de dégradation de la Terre : C’est seulement dans les années 80 que la population mondiale prend conscience des dégâts que la Terre a déjà subi à travers des catastrophes telles que le trou dans la couche d’ozone, les pluies acides, la déforestation et la désertification. En 1987, après cinq ans de travail au sein de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED), Madame Gro Harlem Brundtland présente le rapport intitulé « Our Common Future ». Le terme développement durable, reprenant le concept d’écodéveloppement y est pour la première fois clairement défini et médiatisé. Ainsi ce nouveau concept permettrait d’entrer dans une nouvelle ère de développement dans le but de répondre « aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
d. 1990’s : des actions doivent être entreprises pour éviter la destruction de la Terre : Le rapport Brundtland est à l’origine de l’organisation du sommet de la Terre à Rio en juin 1992, également appelé Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (CNUED). Cet évènement permet de confirmer la définition du développement durable et de mettre en place des actions pour son application. Par exemple les Agendas 21 y trouvent leur origine. Deux autres conventions sont signées à Rio : la première est intitulée Convention Cadre sur le Changement Climatique et la seconde, Convention Cadre sur l’Erosion de la Diversité Biologique. Ainsi en 1992, grâce à ce sommet, la communauté internationale prend vraiment en compte les problématiques liées à l’environnement et à la mise en place du développement durable.
e. 2000’s : un premier bilan : En 2002 se tient le Sommet Mondial du Développement Durable à Johannesburg. Ce sommet ne remplira pas tous ses objectifs compte-tenu des évènements internationaux majeurs qui se déroulent en parallèle. Il réunit tout de même plus 100 chefs d’Etats, 800 entreprises et de nombreuses ONG. Ainsi même si tous les objectifs fixés à Rio ne sont pas réalisés, ce sommet permet de valoriser l’existence de partenariats entre les institutions politiques et civiles, par exemple pour la mise en place d’Agendas 21. L’introduction du concept de développement durable a été longue et compliquée car celui-ci demande une vision de l’environnement qui rassemble l’écologie, le social et l’économie. Actuellement c’est devenu un enjeu majeur à toutes les échelles de décision.
La déclaration de Thessalonique (1997)
Cette déclaration reprend celles de Talloires, Halifax, Swansea, Kyoto et CRECopernicus qui concernent toutes spécifiquement les universités. Celle-ci met en avant la nécessité de l’éducation dans le processus de démocratisation du développement durable, afin de rendre toutes les populations et toutes les générations responsables de leurs actes et de leur planète. Ainsi cette déclaration est l’occasion pour de nombreuses associations et organisations de réaffirmer le rôle des Etats dans la mise en place de l’instruction au développement durable à travers le monde, et ce, dans le but de sensibiliser les populations afin de mettre en place des projets qui correspondent aux enjeux auxquelles nous seront confrontés au cours du 21ème siècle.
Ses principes avant 1995
L’aménagement du territoire existe en France depuis les années 1945. En effet, la seconde guerre mondiale ayant fait d’énormes ravages en France, la politique d’aménagement du territoire est apparue afin de planifier la reconstruction du pays. Ainsi en 1946 est créé le Commissariat Général du Plan qui restera en fonctionnement jusqu’en 2006. Son rôle est d’organiser la transformation de la France et de réaliser les aménagements nécessaires à son développement et son retour à la prospérité. L’aménagement du territoire en France peut être divisé en trois périodes :
• Entre 1950 et 1970 : c’est l’âge d’or pendant lequel on n’a qu’une seule ambition nationale : la reconstruction qui se traduit par la polarisation. L’objectif unique est alors l’industrialisation de toute la France ainsi que son urbanisation afin de compenser les faiblesses d’un Sud peu industriel.
• Entre 1970 et 1980 : c’est la crise : le Nord est en chute libre, mais le Sud est porteur d’espoirs. Les politiques se régionalisent et on travaille à la fois sur la reconstruction du rural, le développement économique et l’amélioration des infrastructures.
• Depuis les années 1990 : l’urgence de la situation est devenue universelle : on ne se penche plus uniquement sur les problèmes nationaux, mais on prend en compte les dégâts environnementaux qui touchent toute la planète. Le bienêtre social se place également au centre des préoccupations. La France considère depuis longtemps que l’environnement est un critère important dans ses projets. Ont donc été crées des lois de protection pour les zones sensibles avec la loi littorale en 1986 par exemple, des instances d’étude et de protection avec le conservatoire du littoral en 1975 par exemple, un système intégrant l’environnement dans son développement avec la création des Parcs Naturels Régionaux en 1967 comme exemple phare. Notons également la mise en place, en 1970 des « Cent mesures pour l’environnement ». Depuis sa création, l’aménagement est définit selon les cinq principes suivants :
• Répartition ou redistribution des ressources
• Création (par exemple la politique des métropoles d’équilibre)
• Réparation des inégalités des territoires, ce qui équivaut à un rééquilibrage
• Protection
• Compensation
Ces principes sont toutefois hiérarchisés différemment selon l’époque à laquelle on se place et les priorités de chaque gouvernement. Cette définition paraît quasi-semblable à celle du développement durable, hormis le principe de compensation, qui semble à lui tout seul contrecarrer toute la philosophie de ce concept. Pourtant, comme nous allons le voir par la suite, l’aménagement en France ne répond pas toujours aux critères de durabilité. Ceci est certainement dû au fait que la France a développé un fort réseau écologique de protection de l’environnement depuis les années 1970. Les principes de protection de l’environnement ont donc été améliorés avant de passer au développement durable.
Charte constitutionnelle de l’environnement : symbole d’une nouvelle priorité nationale
Le fait d’adosser une Charte de l’Environnement à la Constitution en février 2005 permet de donner des droits et des devoirs à chaque français en ce qui concerne l’environnement. Ainsi la sauvegarde de l’environnement est placée au même niveau que les Droits de l’Homme et du Citoyen. Cette charte permet à chacun de recevoir toutes les informations dont disposent les instances gouvernementales et de participer à l’élaboration des projets qui auront un impact sur leur environnement. De la même façon, la charte constitutionnelle impose des devoirs tels que celui de contribuer à la préservation de l’environnement ou à la réparation des dommages que l’on peut causer en tant que citoyen. Par le biais de cette charte, les autorités publiques sont également tenues de promouvoir et de permettre un développement durable de notre pays, et ce, sans distinction de périmètre d’action. La charte accorde donc de nouveaux droits et de nouveaux devoirs aux citoyens et élus français en ce qui concerne le développement durable et plus spécifiquement l’environnement. Mettre ce texte au même niveau que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est un grand pas et montre l’importance que revêt maintenant le concept même de développement durable qui est maintenant un devoir pour tous les porteurs de projet.
Evaluation des Grenelles
Début novembre 2010 un rapport du Grenelle a été remis. Celui-ci a été réalisé par le cabinet indépendant Ernst & Young. Il est disponible sur le site http://www.legrenelleenvironnement.fr . Ce rapport semble particulièrement positif puisqu’il montre que 77% des démarches ont été réalisées ou sont en cours de réalisation. Il ne s’agit pas ici de reprendre ce rapport d’évaluation, mais d’analyser son contenu. En effet, même si celle-ci a été confiée à un cabinet indépendant, elle semble soulever des critiques. D’après un article paru sur le site http://www.actu-environnement.com le 3 novembre 2010, les ONG se montrent critiques quant à cette évaluation. Derrière le chiffre phare énoncé plus haut, il faut également voir que 52 mesures sont actuellement bloquées et devront être retravaillées. Ainsi, 11 mesures ont été purement et simplement abandonnées, ce qui fait réagir un certain nombre d’ONG telles que Greenpeace. Ce recul semble être dû à un désengagement de l’Etat sur ces questions, toujours d’après ces associations. D’autres mesures importantes concernant les modes de transports alternatifs à la route et la rénovation du bâti ancien semblent être en retard dans leur réalisation. Pourtant ce sont d’importants postes d’économie d’énergie. La question fondamentale est donc la pertinence d’évaluer les avancées du Grenelle en comptant le nombre de mesures en cours de réalisation. Ne vaudrait-il pas mieux évaluer les quantités d’énergie économisées, ou de CO2 non rejetées ? Mais ces données semblent difficiles voir impossibles à obtenir. D’autant plus que le Grenelle a moins de 4 ans, alors que les actions à court terme dont il est question ont des objectifs à long terme. Une évaluation objective est donc pour le moment quasiment impossible.
|
Table des matières
Introduction
I. Apparition de l’aménagement du territoire et du développement durable à des moments de l’histoire très différents
A. Apparition du terme et du concept développement durable
1. Un long travail de sensibilisation
a. 1951 : le premier rapport de l’UICN
b. 1970’s : les gouvernements sont réfractaires à l’idée du développement durable
c. 1980’s : prise de conscience de l’état de dégradation de la Terre
d. 1990’s : des actions doivent être entreprises pour éviter la destruction de la Terre
e. 2000’s : un premier bilan
2. Les chartes et déclaration internationales : pour une implication de tous
a. La déclaration de Stockholm (1972)
b. La déclaration de Rio (1992)
c. La charte d’Aalborg (1994)
d. La déclaration de Thessalonique (1997)
e. La charte de la Terre (2000)
f. Les accords de Bristol (2005)
g. La charte de Leipzig (2007)
h. Le cadre de référence européen pour la ville durable (2008)
B. L’aménagement du territoire avant le développement durable : la reconstruction et l’équilibre comme priorité
1. Ses principes avant 1995
2. Les grands projets et les mesures compensatoires : une protection insuffisante
3. Les lois ne tiennent pas compte du développement durable entre 1990 et 1995
a. Loi portant création de l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (19 décembre 1990)
b. Loi d’orientation pour la ville (13 juillet 1991)
c. Loi sur la protection et la mise en valeur des paysages (8 janvier 1993)
C. Création d’un lien formel entre aménagement et développement durable
1. Loi relative au renforcement de la protection de l’environnement (2 février 1995)
2. Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire (4 février 1995)
3. Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (25 juin 1999)
4. Loi Solidarité et Renouvellement Urbains (13 décembre 2000)
5. Loi portant engagement national pour l’environnement (12 juillet 2010)
II. Les applications de ces textes de loi
A. La charte constitutionnelle, les Agendas 21 et les Grenelles de l’environnement
1. Charte constitutionnelle de l’environnement : symbole d’une nouvelle priorité nationale
2. Agendas 21
a. Mise en place
b. La démarche Agenda 21
3. Le processus Grenelle
a. L’environnement comme nouvelle priorité
b. La première loi
c. La seconde loi
B. Deux exemples de l’application du développement durable
1. L’Agenda 21 de la ville d’Albi
2. Grenelle de l’environnement
C. Une évaluation des résultats problématique
1. Evaluation des Agendas 21
2. Evaluation des Grenelles
III. L’introduction de la notion de développement a-t-elle entraîné une évolution des formations ?
A. Former la population au développement durable
B. Une évolution de l’offre en termes de formation en aménagement du territoire
1. Introduction formelle du terme « Développement durable » dans les intitulés des diplômes
2. Une modification des enseignements ? L’exemple du CESA/DA
a. Présentation de la formation
b. Les plaquettes présentant l’école n’intègrent pas le terme développement durable jusqu’en 2000
3. De nouveaux objectifs pour les formations en aménagement
IV. De nouveaux projets d’urbanisme
A. La concertation au cœur de l’aménagement
1. L’obligation de mettre en place cette étape
2. Les attentes du public
B. Exemple d’évolution : les nouveaux rôles des espaces publics dans les villes
1. De nouveaux objectifs
2. Etude de cas : les zones de rencontre à Metz
C. L’influence de l’actualité mondiale sur les aménagements français et les attentes en terme de durabilité
1. Les catastrophes naturelles
2. La pauvreté
Conclusion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet