Depuis les années 1950, l’aménagement du territoire avait pour but précis d’organiser le développement économique sur l’ensemble du territoire. Il s’agissait de valoriser les ressources naturelles par une organisation rationnelle de l’espace pour lutter contre les disparités régionales.
Ainsi donc, l’aménagement du territoire répondait à des mécanismes de solidarités nationales par le partage des ressources financières afin d’assister les régions déshéritées. Mais cette politique poussa les populations à se déplacer pour chercher un emploi dans la mesure où l’essentiel des richesses économiques et financières était concentré dans les grandes villes au détriment des villes de l’intérieur.
Aujourd’hui avec les mutations sociales et économiques, l’aménagement du territoire s’adosse à un nouveau mode d’organisation et de gestion territoriale. Ainsi, l’émergence des collectivités locales inscrites dans la compétitivité et la concurrence par la valorisation des ressources territoriales permet leur développement économique durable donc une « équité spatiale ». La recomposition des territoires a permis l’émergence des collectivités comme acteurs clés dans la mise en œuvre des politiques publiques locales. A cet effet, l’intrusion des échelons de développement a permis la consolidation de l’échelle nationale et l’émergence du local à la faveur des politiques de décentralisation.
Face à la mondialisation, les Etats protègent leurs intérêts géoéconomiques et géostratégiques souvent différents par le maintien d’un cadre national solidaire de lutte contre les logiques de fragmentation et de concurrence des collectivités locales. L’émergence de l’échelon local favorise ainsi des solidarités actives avec les politiques de décentralisation. Ici, l’organisation territoriale s’appuie sur la mise en réseau des territoires par la composition de plusieurs acteurs. Par exemple : le réseau des élus locaux, des ASC (associations sportives culturelles), des organisations paysannes etc. Avec ses outils de décentralisation et de gouvernance locale, l’aménagement du territoire engagent l’émergence territoriale (développement local). De surcroît, face à l’émergence de nouveaux acteurs, la gouvernance est à l’articulation des pouvoirs et des territoires. Ainsi, les acteurs locaux participeraient pleinement à l’organisation spatiale dans une cohésion sociale et territoriale.
CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Au début des indépendances dans les années 1960, la plupart des pays africains qui accédaient à la souveraineté avaient un système centraliste à travers lequel l’administration centrale concentrait l’essentiel des pouvoirs. Cette centralisation du pouvoir écarta les populations de toute prise de décision ce qui ne diffère pas trop des pratiques de l’administration coloniale. Cette politique centralisatrice conduit à des difficultés d’encadrement territorial traduites par de graves crises socio économiques, à une crise institutionnelle avec une élite jugée prédatrice, à un échec de grands projets régionaux mais également et surtout à une gestion étatique des ressources nationales très mauvaise. En effet, cette stratégie de développement va se solder par un échec au cours des années 1970, par rapport aux inégalités des termes d’échanges, aux chocs pétroliers, aux grandes sécheresses, à la diminution de l’aide et à la crise de la dette. Ces grandes crises ont entraîné de profondes mutations sociales et économiques qui ont montré les limites des Etats à assurer seuls l’ensemble des fonctions de services et équipements aux populations. A cet effet à la fin des années 1970, des politiques d’austérités sont imposées par les institutions financières internationales notamment la Banque Mondiale(BM) et le fond Monétaire International(FMI) pour une meilleure gestion des affaires publiques. Ainsi donc dans le même contexte au début des années 1980, sont mise en œuvre les politiques d’ajustement structurel(PAS) qui visent la réduction drastique des dépenses dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Les PAS imposent des équilibres macroéconomiques et financiers, le désengagement de l’Etat dans les services sociaux (éducation, santé etc.) avec une réduction des dépenses publiques. Malgré ces tentatives politiques la crise persiste dans beaucoup de pays africains notamment le Sénégal et s’enlise dans la mise en œuvre des politiques sociales de développement.
« Ces politiques imposées dans les années 80, se sont traduites par des déflations, des départs anticipés à la retraite, des départs volontaires le désengagement de l’Etat de tous les secteurs non rentable ou à fortes incidences sociales (la santé, l’éducation). Il s’y ajoute que les ajustements ont dégradé un peu plus le tissu industriel. La conséquence majeure de cette situation insoutenable est la suivante : dans les années 90 les villes se retrouvent avec une structure d’activité essentiellement tertiaire (commerce et service). » .
Le salariat formel chute au détriment du salariat informel et le chômage touche très sévèrement les jeunes instruits formés pour servir dans le secteur moderne, privé ou public. La crise des revenus découle de cette situation et plonge les villes des pays sous développés PSD dans une extrême pauvreté. Dans le domaine de l’agriculture la crise est toute aussi violente. L’ouverture de nos marchés pour l’importation de produits agricoles souvent moins chers ou de meilleurs qualités que nos produits, la suppression de la subvention des intrants et aussi des slogans comme « moins d’Etat, mieux d’Etat »ont été les conséquences de cette crise, on assiste alors à l’abandon du métier de « l’agriculteur ». Cependant, la mondialisation de l’économie de marché avec son corollaire de difficultés, l’amplification de la demande sociale liée à une transition démographique brutale, poussent les autorités politiques des PSD à adopter de nouvelles stratégies de développement et des réformes. Ainsi, une nouvelle ère de rupture s’ouvre alors pour permettre aux populations de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de développement. C’est pourquoi le Sénégal s’est lancé depuis quelques années dans des politiques de décentralisation et développement à la base. Il faut rappeler que le Sénégal a une longue tradition de décentralisation car il fut l’un des tous premiers laboratoires d’expérimentation en Afrique de l’ouest. En effet, les politiques de décentralisation auxquelles s’adonne le Sénégal s’inscrit dans la dynamique de l’aménagement du territoire. La réforme administrative et territoriale intervenue en 1972, créa un ordre de collectivités au sein des arrondissements : la communauté rurale. Celle-ci est fondée sur une plus grande responsabilité à la base et constitue la première phase de la décentralisation. L’année 1990, marque la deuxième phase avec la gestion du budget transférée aux présidents des conseils ruraux. Ainsi nous assistons à une réelle révolution. En 1996, le Sénégal modifie son mode de gouvernance territoriale par l’instauration de la régionalisation et applique le principe de contrôle juridictionnel a posteriori. Par ailleurs, la loi 96-07 portant transfert de compétences aux collectivités locales du 22 mars 1996 détermine les compétences dévolues aux régions, aux communes et aux communautés rurales.
Ainsi les collectivités locales sont devenues des espaces dans lesquels les enjeux sont multiples et interpellent les autorités publiques, les populations mais également les géographes car il s’agit de la gestion des collectivités locales, c’est-à-dire des moyens et mécanismes utilisés pour entretenir l’espace dans une dynamique durable. Toutes ces actions sont engagées pour faciliter le développement local ou auto développement avec une dynamique participative des populations locales. A la pratique, cette politique de décentralisation au Sénégal, en particulier entre 1972 et 2012, a permis d’enregistrer des avancées administratives et institutionnelles significatives. Mais beaucoup de limites pèsent encore sur sa mise en œuvre. Le contexte et la faiblesse de ces politiques et stratégies de développement appliquées jusque là, entrainent la nécessité d’initier des alternatives susceptibles de corriger les déficiences et de réaliser des progrès significatifs à l’échelle nationale et un développement local harmonieux et durable.
LE BILAN TERRITORIAL DE LA COMMUNE DE DAHRA DJOLOFF
La ville de Dahra Djoloff en tant qu’entité administrative fut érigée en commune en 1990 par la loi n°60-015. La communalisation de la ville Dahra en fait une localité à part entière. Ainsi, Dahra Djoloff présente une situation géographique assez spécifique et reste également marquée par un riche passé historique. En outre, la localité demeure marquée par sa forte croissance démographique conjuguée à une urbanisation rapide. Poumon économique de la zone Sylvo-pastorale, la ville s’est fait depuis quelques années sa propre promotion. Par ailleurs, avec son dynamisme économique la ville commerciale s’est constituée en pôle attrayant dans la zone Sylvo-pastorale.
Présentation du cadre spatial de la commune
Caractéristiques générales
Situation géographique
Comprise entre les cordonnées 15°21’’ de latitude Nord et 15°29’’ de longitude Ouest, la commune de Dahra est située au cœur de la zone Sylvo-pastorale plus précisément sur la frange Sud du Ferlo. Dahra se situe à 40 km de Linguère capitale départementale, à 86 km de Louga, à 70 km de Touba ce qui confère à la commune une position géostratégique assez particulière.
● Le Climat
La commune de Dahra se trouve dans la zone climatique de type Sahélien caractérisée par une saison sèche qui dure 9 mois et une saison des pluies de trois mois pendant laquelle se développent les activités agricoles. La zone est soumise à l’influence des vents chauds en saison sèche. La température moyenne est de 28°C mais elle varie considérablement au cours de l’année avec des minima de 25°C en janvier et des maxima de 40° en mai. Dés le début de cette saison les mares tarissent. Ce qui explique la présence des forages dans le Ferlo pour l’approvisionnement en eau des hommes et des animaux. Les forages exploitent les eaux situées à environ 300 m de profondeur.
Dans cette zone, les précipitations, en année normale, sont comprises entre 300 et 400mm ; les animaux comme les hommes subsistent en équilibre précaire. Le climat joue un rôle déterminant sur le milieu physique (la végétation, la faune et l’hydrographie). La rareté des eaux de pluie entraîne plusieurs dégâts : les pousses végétales se dessèchent vite et les animaux qui ne disposent pas d’herbe et de points d’eau, meurent régulièrement. Quant aux hommes ils ne peuvent plus s’adonner à l’activité principale de la région à savoir l’agriculture.
● Le Relief et les Sols
Dahra fait partie d’un ensemble de bas plateaux monotones légèrement inclinés vers l’ouest (altitude 10 à 15 m au sud de la vallée du fleuve Sénégal, 100 m dans le sud de la région), recouvert essentiellement par des sols ferrugineux lessivés et non lessivés (sols Dior), favorables à la culture de l’arachide. On y trouve aussi des Sols bruns subarides et des Sols bruns rouges subarides, propices aux cultures céréalières (Mil, Niébé principalement). Ainsi la nature du sol et la platitude du relief permettent différents aménagements et offrent à la localité des potentialités importantes.
● La végétation
La couverture végétale est déterminée par l’existence de trois variétés :
➤ une savane arborée sahélienne avec des acacias (gommier : acacia ; Sing (acacia radiann), Kad*(acacia albida) ;
➤ une steppe à épineux où domine le cram-cram ;
➤ une savane arbustive ou buissonnante.
Le périmètre communal
Située au centre nord du pays plus précisément au cœur de l’Arrondissement de Sagatta Djoloff, la commune de Dahra couvre une superficie estimée à 14,04 Km² et entoure entièrement la communauté rurale de Thiamène. Ses limites sont obtenues à partir de l’ancienne gare de la Régie des Chemins de Fer et se définissent comme suit :
✥ 2,1 Km à l’est de la gare
✥ 1,8 Km à l’Ouest
✥ 2 Km au Nord et
✥ 1,6 Km au sud de la gare.
Ainsi la commune de Dahra laisse apparaître une figure rectangulaire de 3,6 km de large et 3,9 km de long. Elle comporte à cet effet six quartiers : Médina Ndiaye, Thieungue Dakhar, Ngome, Dahra Mbayène, Nguenenène et Ngueth.
Zone carrefour, Dahra est au centre de la région de Louga, elle est rattachée administrativement au département de Linguère. Ville commerciale au cœur de la Zone Sylvo-pastorale, Dahra tire son importance des activités agro-pastorales qui génèrent l’essentiel des revenus de la Commune. Ainsi, Dahra dispose du marché de bétail le plus fructueux de la région de Louga, caractérisant ainsi son poids économique indiscutable. De ce fait Dahra est une ville marché qui repose sur la forte influence de son marché hebdomadaire « Dimanche Dahra » et de son secteur informel caractérisé principalement par l’artisanat.
Sur le plan démographique, Dahra est la deuxième commune la plus peuplée après celle de Louga. A cet effet, la Commune de Dahra présente un dynamisme économique incontournable dans la région de Louga et devient un centre intermédiaire assurant la fourniture de biens et de services aux populations rurales voisines par sa position géostratégique. Dahra n’a pas véritablement le statut de ville, mais assure le rôle de ville-relais entre Louga et Linguère.
Historique de la création de la ville
Plusieurs controverses subsistent quant à l’origine de la ville de Dahra. La tradition orale situe les premières installations humaines au XVIème siècle donc le peuplement est récent. Ainsi vers 1604, Dahra était constituée en un petit hameau. La ville tire son nom du premier « daara » d’un maître coranique qui s’y est installé avec ses disciples. Ce dernier du nom de Mayoro Mbaye serait l’ancêtre de la famille Mbaye établie au nord de la ville dans le quartier Dahra Mbayène. Selon les dires, le marabout s’était installé à son arrivée à l’ouest de l’ancien quartier de Loumbal Dahra actuellement appelé Nguenenène. Ainsi, il y enseignait le Coran et pratiquait son culte, d’où le nom de la localité «Dahra». Par ailleurs, certaines informations situent le site originel de la ville dans le quartier de Nguenenène et d’autres dans l’actuel quartier de Dahra Mbayène. C’est également une ville où se retrouvent toutes les grandes lignes de l’histoire du Sénégal dans la mesure où elle reste un élément important de l’empire du Djoloff.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
II. PROBLEMATIQUE
III. METHODOLOGIE
PREMIERE PARTRIE : LE BILAN TERRITORIAL DE LA COMMUNE DE DAHRA DJOLOFF
Chapitre I : Présentation du cadre spatial de la commune
Chapitre II : Dynamisme socio-économique
Chapitre III : Gouvernance territoriale : les services sociaux de base
DEUXIEME PARTIE : LES ENJEUX, DEFIS ET STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT TERRITORIAL
Chapitre I : Les acteurs et leurs relations : le jeu des acteurs
Chapitre II : Enjeux et Défis de la commune de DAHRA DJOLOFF dans une dynamique de prospective territoriale et d’aménagement du territoire
Chapitre III : Une nouvelle politique d’aménagement du territoire pour accompagner la décentralisation
Conclusion Générale
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES