Le vivre ensemble
Donner une définition exacte du vivre-ensemble n’est pas chose aisée tant cette idée est vaste et se rapporte à de nombreuses thématiques. Si l’on part de la définition de base du dictionnaire, le vivre ensemble correspondrait à des relations pacifiques et cordiales entre différentes personnes vivant dans un même environnement, un même territoire. Au premier abord, cette définition soulève plusieurs questions en lien avec la thématique de travail de recherche : l’école et la salle de classe peuvent-elles être considérées comme un environnement vécu en commun par les élèves ? Les élèves d’une même classe, d’une même école ont-ils conscience d’appartenir à un même groupe ? Pour des élèves du cycle 2 et 3, cette conscience d’appartenance au groupe semble acquise, mais qu’en est-il des élèves de l’école maternelle ? Et si cette conscience n’est pas suffisamment développée chez les élèves du cycle 1, est-il toutefois possible de travailler au développement du vivre-ensemble avec ces mêmes élèves ? De même, comment développer l’idée de paix et de cordialité chez des élèves aussi jeunes ? Pour autant, la question du vivre-ensemble est abordée dans les programmes du cycle 1, notamment dans la troisième partie du préambule. Et si l’on se réfère à ces programmes, plusieurs réponses nous sont apportées. Tout d’abord, ils nous rappellent que l’un des principaux enjeux du premier cycle de la scolarité en France est « d’apprendre ensemble et vivre ensemble » à travers la pratique au quotidien d’activités et jeux réalisés en groupes. L’école maternelle a alors pour enjeu d’accompagner les élèves à se construire à l’intérieur d’un collectif, d’un groupe, d’une vie en société. Les élèves apprennent alors à gérer leurs émotions : sentiments d’injustice ou d’empathie, par exemple. Ils apprennent également la vie en collectivité par l’apprentissage des règles liées à cette collectivité et découvrent que s’ils ont des droits, ils ont également des obligations : savoir partager, ranger, attendre son tour… etc. En s’appuyant sur les programmes de l’Éducation nationale concernant le cycle 1, et en particulier le préambule à ces programmes, il semble donc possible de donner une définition plus complète du vivreensemble en milieu scolaire. L’apprentissage du vivre-ensemble à l’école maternelle correspond à la découverte et à la première pratique des grands principes républicains et de la vie en société : l’égalité, entre filles et garçons par exemple, la laïcité, le respect de la pluralité culturelle, l’apprentissage des droits et des obligations, la coopération et le travail en collectif. La présence de la question du vivre-ensemble dans les programmes scolaires dès le cycle 1 peut paraître prématurée, mais cette précocité semble prendre tout son sens à la lumière de l’actualité et de la réalité sociale du pays qui tend à se fracturer, à se communautariser et où la vie en société est mise à mal par une intolérance grandissante entre les différentes cultures qui façonnent le pays. L’analyse de la définition du vivre-ensemble, d’après les programmes de l’Éducation nationale, permet de faire ressortir un élément précis qui renvoie à la thématique de ce travail de recherche : la coopération, principe qui sera analysé ultérieurement au cours d’un point dédié spécifiquement à ce sujet puisqu’il est un aspect essentiel de la problématique de recherche.
Une ambiance de classe positive
Après avoir défini ce qu’était le vivre-ensemble, il convient de définir un autre aspect de la problématique de ce travail de recherche : qu’est-ce qu’une ambiance de classe positive et comment la développer au sein d’une classe ? Une ambiance de classe positive renvoie à l’idée d’un climat scolaire sain. Le climat scolaire désigne l’environnement social d’un élève à l’école et renvoie à l’analyse du contexte d’apprentissage et de vie à l’école. En s’appuyant sur les travaux d’Éric Debarbieux, pédagogue ayant travaillé sur la violence à l’école, il est possible de diviser le climat scolaire en plusieurs éléments qui le constituent:
– Les relations : les compétences liées au vivre-ensemble défini précédemment.
– La qualité des enseignements : la différenciation pédagogique, les évaluations positives, les enseignements explicites.
– La sécurité : la sécurité physique qui passe par des règles strictes et un cadre disciplinaire rigoureux, une sécurité émotionnelle qui passe par le respect des élèves dans leurs différences, une gestion des conflits.
– L’environnement : une école propre, un bon matériel.
– Le sentiment d’appartenance : se sentir reconnu et membre de l’école.
Un climat scolaire positif améliore la réussite des élèves, le bien être des élèves et des enseignants, limite les problèmes de discipline et diminue les échecs scolaires. C’est une boucle rétroactive : la qualité des apprentissages agit sur le climat scolaire qui agit sur les apprentissages. Pour que les élèves se sentent en sécurité dans la classe, il faut des règles et un sentiment de justice scolaire. Il faut des règles explicites et explicitées. C’est l’enseignant qui est le garant de la protection de tous les élèves. Sa fonction lui assure une légitimité. Il est l’autorité dans la classe. Néanmoins, l’autorité incarnée par l’enseignant, pour être efficace se doit d’être éducative. Elle doit reposer sur le respect mutuel. Le respect des autres, de la loi, avec des règles n’est possible qu’à une seule condition : que si soimême on se sent respecté. Le développement d’un climat scolaire sain et donc d’une ambiance de classe positive doit donc être un enjeu majeur tout au long de la scolarité des élèves. Toutefois, améliorer le climat scolaire des élèves prend un sens tout à fait particulier dans les écoles des Réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+). En effet, les REP et REP+ étant des réseaux mis en place dans des quartiers considérés comme rencontrant de grandes difficultés sociales et qui peuvent avoir des incidences sur la réussite scolaire des élèves, le fait d’apporter aux élèves un cadre d’apprentissage sain et positif doit permettre à ces mêmes élèves de surpasser les éventuelles difficultés rencontrées dans ces réseaux bien particuliers. C’est tout l’enjeu du projet mis en place dans le cadre ce mémoire puisqu’il prend place au sein d’une école maternelle d’un Réseau d’éducation prioritaire. Depuis les années 1980, les travaux de recherches concernant le bien être à l’école se sont intensifiés, en parallèle d’une transformation de l’approche éducative en France où l’élève est progressivement remis au centre des apprentissages. La question de la violence scolaire, notamment, est particulièrement prise en considération par les travaux de recherche depuis les trente dernières années. Par exemple, les données statistiques PISA de 2015 ont permis à l’OCDE de faire ressortir dans son rapport de 2018 les axes de progression en termes de bien être à l’école : le harcèlement, une certaine anxiété au travail ou encore une baisse de la motivation par exemple. En 2016, Marie-Rose MORO, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, et JeanLouis BRISON, inspecteur d’académie et inspecteur pédagogique régional, se sont intéressés au bien-être des élèves en mettant l’accent sur la question de la santé de la jeunesse. Tandis qu’en 2017, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) s’est questionné sur la qualité du cadre scolaire offert aux élèves afin de déterminer s’il était favorable aux apprentissages et au bien-être. Ce rapport renvoie au modèle du bien-être à l’école proposé par les sociologues KONU et RIMPELÄ où le bienêtre des enfants est articulé autour d’une relation entre l’éducation et les apprentissages disciplinaires. Ce travail de recherche prend appuie sur l’aspect lié aux relations sociales et à l’accomplissement personnel afin de développer le bien-être chez les élèves et donc de créer une ambiance de classe positive et un climat sain dans la classe.
Résultats observés
Les élèves se sont globalement tous investis dans le projet et ont participé de manière volontaire aussi bien aux phases orales de préparation qu’aux phases de réalisation de la frise. Les élèves ont bien écouté les consignes et ont créé une histoire en s’inspirant grandement des albums lus en parallèle. De plus, les élèves les plus à l’aise à l’oral ont dynamisé les échanges et ont relancé les idées, en ayant parfois du mal à respecter le temps de parole des autres élèves. Ce sont les élèves les plus à l’aise à l’oral qui ont le plus discuté et fait progresser l’histoire, mais les petits parleurs n’ont pas été laissés de côté et ont également ajouté leur pierre à l’édifice. Chaque carte choisie pour créer l’histoire a été prise par au moins un élève, et il est arrivé que trop d’élèves se soient retrouvés sur un même élément. Un dialogue s’est donc installé entre les élèves concernés et moi-même pour trouver une solution et voir si un élève voulait prendre un autre élément à peindre. Les élèves de PS sont, en générales, restés impassibles. En revanche, certains élèves de MS se sont proposés pour peindre d’autres éléments que je leur présentais, ce qui a grandement participé au développement de compétences liées au partage. D’un point de vue des compétences sociales, donc, ce projet a permis à une grande partie des élèves de développer des compétences visées. L’entraide et la coopération était au rendez-vous de ce projet puisque sur certains éléments, les élèves ayant le plus de difficulté ont accepté de laisser d’autres élèves les aider, par exemple en réalisant les contours des arbres, tandis que les élèves un peu moins à l’aise ont peint l’intérieur de ceux-ci. En revanche, cela n’est pas venu naturellement et c’est sur ma proposition que les élèves se sont réparties les tâches. Toutefois, à cet âge et participant, pour certains, à leur première activité artistique collective, il est logique qu’ils n’aient pas encore l’attitude d’aller d’eux mêmes aider les élèves plus en difficultés. Mais c’est une première approche pour ces élèves. Certains élèves qui, en général, sont moins à l’aise dans les activités artistiques, en raison d’un développement encore limité de la motricité fine, se sont investis volontairement dans l’activité et ont pris une certaine confiance en eux dans la réalisation de l’œuvre. Finalement, ce projet a permis de développer certaines facultés liées au vivre ensemble, notamment la coopération, l’entraide et le partage. En revanche, cela n’a pas été le cas pour tous les élèves et pour toutes ces compétences, mais, en prenant l’ensemble de la classe, le projet a aidé à créer un climat de classe positif qui s’est également retrouvé en cours de récréation avec des élèves de la classe qui se sont mis à jouer au dragon et à la princesse de l’histoire.
Conclusion
Le projet mis en place dans le cadre de ce travail de recherche devait permettre de déterminer si la réalisation collective d’une œuvre plastique pouvait amener des élèves de cycle 1 à développer des compétences sociales liées à la coopération et au vivre-ensemble afin de créer un climat de classe positif au sein d’une école de Réseau d’éducation prioritaire. La réalisation de ce projet a permis d’apporter une réponse nuancée à cette question. Oui, la pratique collective de cette œuvre plastique a fait ressurgir au sein de la classe des compétences sociales attendues telles que l’entraide et la coopération et qui sont importantes pour le vivre-ensemble. Globalement, la séquence mise en place, aussi bien pour la partie liée au domaine du langage oral que la partie consacrée à la pratique même des arts plastiques, a provoqué un certain enthousiasme et une bonne humeur chez les élèves. Par exemple, certains élèves de la classe ont repris des personnages de l’histoire pour jouer ensemble en récréation. Le projet a donc eu un impact positif sur l’ambiance de classe, mais il faut quand même nuancer les effets apportés. Une partie des élèves du niveau de classe petite section n’a pas forcément bénéficié de l’ensemble de ces apports, en raison de leur âge d’une part, mais aussi de leur différence de développement moteur ou cognitif par rapport aux autres élèves plus âgés. De plus, certains gestes violents ont continué de se produire au sein de la classe, bien après la réalisation du projet. Si le projet était peut-être un peu ambitieux pour une classe à double niveau comportant des élèves de petite section, le bilan global de ce projet reste positif et a permis de développer une ou plusieurs compétences sociales liées au vivre-ensemble parmi la grande majorité des élèves de la classe.
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Table des matières
Introduction
I. Partie théorique
I.1. Définition des termes du sujet
I.1.1. Le vivre ensemble
I.1.2. Une ambiance de classe positive
I.1.3. Les arts plastiques à l’école
I.2. Les apports et les finalités de la coopération à l’école
I.2.1. Qu’est-ce que la coopération ?
I.2.2. Quelles sont les finalités de la coopération ?
I.2.3. Comment mettre en place la coopération par le travail en groupe à l’école ?
I.3. Les apports des arts plastiques dans le développement de la coopération à l’école
I.3.1. Histoire des arts plastiques
I.3.2. Se développer par les arts
I.3.3. La mise en place d’un projet artistique coopératif
II. Partie pratique
II.1. Élaboration du projet artistique coopératif
II.1.1. Le cadre du projet
II.1.2. Description du projet
II.1.3. Hypothèses
II.2. Réalisation du projet artistique coopératif
II.2.1. Création de l’histoire
II.2.2. Partir de ce qui a déjà été travaillé
II.2.3. La réalisation
II.3. Bilan du projet
II.3.1. Résultats observés
II.3.2. Limites
II.3.3. Points marquants
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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