AMELIORATION VARIETALE DE LA TOLERANCE A LA SECHERESSE DU NIEBE
Sélection classique
Les caractères considérés en sélection
L’intérêt de sélectionner pour les caractères agronomiques au lieu des caractères physiologiques et biochimiques résiderait principalement dans le fait qu’ils sont plus facilement mesurables au champ en plus de leur étude moins onéreuse. Une approche apparemment pratique dans la sélection de caractères agronomiques consiste à rechercher, dans le cadre d’essais effectués dans différentes conditions environnementales, les relations existantes entre le rendement et certains indices exprimant la tolérance du génotype à la sécheresse (Monneveux et This, 1995). Ceci consisterait à quantifier les effets finaux du déficit hydrique en mesurant le rendement et des paramètres de croissance pour un groupe de génotypes soumis à des contraintes hydriques d’intensités variables (Acevedo, 1992).
Cette approche a été reprise par de nombreux sélectionneurs et aurait permis d’identifier les principaux caractères associés à différents types de sécheresse. Les analyses devraient prendre en compte plusieurs milieux et plusieurs années pour intégrer la variation environnementale. Cependant, la répétition de l’expérimentation dans plusieurs localités différentes pourrait s’avérer beaucoup plus importante que celle pour plusieurs années. En effet, Cissé (2001) a montré sur le niébé que les effets d’interaction génotype x localité seraient beaucoup plus importants que ceux de l’interaction génotype x année. D’ailleurs, cette dernière paraissait non significative sur les critères de sélection ciblés dans l’étude notamment l’indice de récolte et le rendement en grains. En première approximation, les caractères qui transparaissent les plus indiqués comme bons critères de sélection seraient ceux agronomiques notamment le rendement et ceux relatifs à la croissance et au développement de la plante à savoir les composantes du rendement, les caractères phénologiques et l’indice de récolte.
Variabilité génétique des caractères à sélectionner
Le concept de la diversité génétique traduirait la variabilité de la composition génétique des individus au sein d’une espèce ou entre espèces (SNPA/DB, 2000 ; FAO, 2001). Elle s’expliquerait par la présence de formes multiples de chacun des gènes ou d’un grand nombre d’entre eux. Pour le succès d’un programme de sélection, une variabilité génétique semble être requise (Meier et Lessman, 1973). Chez le niébé, la variabilité génétique serait plus grande pour les paramètres agronomiques, phénologiques, morphologiques et biochimiques que pour la plupart des paramètres physiologiques liés à l’état hydrique de la plante (Doebley, 1989). D’après Fussel et al. (1991), les caractères agronomiques, du fait de leur manipulation aisée au champ, seraient les meilleurs indicateurs de la variabilité génétique en conditions de sécheresse. Dans ce groupe indiqué, les caractères les plus couramment mis en exergue seraient les gousses et les graines (Lush et Evens, 1981 ; Pasquet et Baudoin, 1997). Une diversité génétique a également été indiquée au niveau des feuilles et de la longueur de la tige et du pédoncule (Padulosi et Ng, 1997). La variabilité de tels caractères aurait permis l’identification des espèces et des sous espèces du niébé. Maï-Kodomi et al., (1999) auraient mis en évidence des différences significatives chez des variétés de niébé au niveau de leur capacité de tolérer la sécheresse durant les stades précoces, basées sur la croissance foliaire.
D’autres études réalisées sur des variétés sénégalaises de niébé auraient confirmé l’existence d’une variabilité génétique au niveau de la mise en place et du développement des feuilles ainsi que de l’indice foliaire (Sarr et al., 2001 ; Ogbonnaya et al., 2003). Il y a aussi les expériences réalisées en hydroponie sur les variétés TN88-63, Bambey 21, Mouride et Mélakh, qui auraient permis de mettre en évidence une variabilité au niveau de la croissance des appareils foliaires (Ogbonnaya et al., 2000). Le cycle de développement du semis à la maturité, est apparu également très discriminant pour les variétés cultivées. En effet, il existerait des variétés à cycle court de 55 à 60 jours et des variétés à cycle long au-delà de 75 jours (Cissé et al., 1993 et 1996). Au cours du cycle, la durée de la phase de la levée à la pleine floraison (cycle 50%) varierait de 44 à 77 jours. Les variétés précoces fleuriraient en moins de 30 jours après semis et parviendraient à la maturité 25 jours plus tard alors que les variétés tardives fleuriraient à plus de 100 jours après semis et parviendraient à la maturité entre 210 et 240 jours après semis (Summerfield et al., 1985). De façon générale, cette diversité génétique du niébé serait indépendante de l’origine géographique (Backiyarani et Nadarajan, 2000 ; Borah et al., 2002).
Analyse génétique des caractères
L’analyse génétique de caractères agronomiques se fait à plusieurs niveaux portant essentiellement sur les corrélations génétiques entre les caractères et l’hérédité. La corrélation ou l’association entre deux caractères indiquerait l’évolution des caractères l’un à l’autre si elle est positive (Simmonds, 1988). Le même auteur montre l’importance des analyses de corrélation génétiques en sélection du fait que l’intégration de deux caractères dans un matériel serait envisageable s’ils sont indépendants ou positivement corrélés. Par contre, si elles sont négatives, il est indiqué de déterminer si cette dépendance est d’ordre génétique ou physiologique (Khalfaoui, 1985). Le premier cas permettrait d’espérer rompre la liaison par recombinaison génétique. Par contre, si la dépendance est d’ordre physiologique, la rupture serait impossible et il faudrait rechercher le meilleur équilibre entre les facteurs de l’antagonisme. Le cas modèle est celui de l’opposition entre la limitation de la transpiration par fermeture des stomates et la baisse de l’activité photosynthétique (Khalfaoui, 1985). L’héritabilité est la fraction de la variance phénotypique totale entre les individus d’une population qui est attribuable aux effets génétiques (Simmonds, 1988 ; Holland, 2003). En amélioration des plantes, le sélectionneur pourra, en fonction de l’héritabilité des caractères étudiés, cibler ceux qui semblent sûrs à répéter et orienter ainsi sa sélection.
Deux types d’héritabilité seraient généralement utilisés dans les études de sélection : l’héritabilité au sens large qui est la variance génétique sur la variance phénotypique (Vg/Vp) et l’héritabilité au sens strict qui décrit la proportion de variance génétique additive dans la variance phénotypique (Vad/Vp). De nombreuses études génétiques auraientt été faites sur les caractères agronomiques du niébé notamment les gousses et les graines. Ainsi, Lush et Evans (1981) ont signalé une distinction entre les formes cultivées et les sauvages et que la déhiscence des gousses des formes sauvages serait contrôlée par un seul gène dominant. Siddique et Gupta (1991) et Fery et Singh (1997) ont présenté l’héritabilité de la taille des gousses comme s’élevant à 84,1%. L’habilité des génotypes à produire des gousses sous un climat chaud serait attribuée à un gène à effet dominant et à des gènes mineurs (Marfo et Hall, 1992). Un gène dominant caractéristique d’un poids de 100 graines élevé, lequel apparaît comme un caractère quantitatif très important chez le niébé (Apte et al., 1987 ; Thiyagarajan, 1989), aurait été identifié par Karkanannavar et al. (1991). Les études génétiques sur le niébé ont aussi porté sur d’autres caractères à savoir la distinction de l’isotope du carbone et l’efficience de la transpiration (biomasse totale / transpiration) dont le contrôle serait attribué à des gènes nucléaires (Ismail et Hall, 1993). La tolérance à la chaleur durant une floraison précoce serait attribuée à un gène récessif (Hall., 1993) et le caractère de sénescence foliaire retardée, conféré par un seul gène qui induirait aussi une résistance à la mort prématurée causée par Fusarium solani (Ismail et al., 2000). Le comportement du niébé en réponse à la photopériode serait un caractère de nature mendélienne, contrôlé par une paire de gènes, la photosensibilité étant le caractère dominant (Sène, 1967). L’héritabilité du nombre de jours après semis, relatif à l’apparition de la première fleur a été estiméé à environ 58,1% alors que celle de la maturité des gousses, à 65% (Apte et al., 1987). L’héritabilité de la taille des fleurs et la longueur du style seraient de 72% et 47% respectivement(Emebiri, 1989). L’héritabilité du caractère de tolérance à la chaleur durant la mise au point des gousses serait faible de 0, 26 (Marfo et Hall, 1992).
Acquis et limites de la sélection classique
La sélection est définie comme la reproduction différentielle de génotypes dans une population, qui se traduirait par un changement dans la fréquence des gènes et qui modifierait génotypiquement et phénotypiquement le caractère sélectionné (Simmonds, 1988).
Au Sénégal, trois méthodes de sélection ont été amplement utilisées dans les programmes d’amélioration variétale :
1) la sélection massale avec la méthode Bulk classique et tri des plus grosses graines à chaque génération ou la méthode Bulk avec test de rendements et choix des pieds-mères de lignées (bulk progeny test system),
2) la méthode de la sélection monograine ou SSD et
3) la méthode pedigree.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
I-1 IMPORTANCE DU NIEBE DANS L’AGRICULTURE EN ZONE SAHELIENNE
I-2 LA SECHERESSE ET LE NIEBE
I-2-1 Concept de sécheresse
I-2-2 Réponses du niébé au déficit hydrique
– Réponses agromorphologiques
– Réponses physiologiques
– Autres types de réponses
I-3 AMELIORATION VARIETALE DE LA TOLERANCE A LA SECHERESSE DU NIEBE
I-3-1 Sélection classique
1-3-1-1 Les caractères considérés en sélection
1-3-1-2 Variabilité génétique des caractères à sélectionner
I-3-1-3 Analyse génétique des caractères
I-3-1-4 Acquis et limites de la sélection classique
I-3-2 Génétique moléculaire
I-3-2-1 La sélection assistée par marqueurs moléculaires (SAM)
I-3-2-2 Applications de la SAM chez le niébé
a – Cartes génétiques chez le niébé
b – Cartes de QTL chez le niébé
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
II-1 MATERIEL VEGETAL
II-2 METHODES
II-2-1 IDENTIFICATION DE CARACTERES DISCRIMINANTS CONTRIBUANT AU RENDEMENT EN CONDITIONS DE DEFICIT HYDRIQUE CHEZ LE NIEBE
II-2-1-1 Caractérisation agromorphologique et physiologique de 20 génotypes de niébé
Mise en culture
Facteurs étudiés
Dispositif expérimental
Caractères quantitatifs étudiés
Traitements et analyses des données
II-2-1-2 Caractérisation agromorphologique et physiologique de 5 génotypes de niébé
Conditions expérimentales
Facteurs étudiés
Dispositifs expérimentaux
Caractères quantitatifs étudiés
Traitements et analyses des données
II-2-2 CARACTERISATION AGROMORPHOLOGIQUE ET PHYSIOLOGIQUE D’UNE POPULATION DE LIGNEES RECOMBINANTES (RILs) EN F8
Mise en culture au champ
Facteurs étudiés
Dispositifs expérimentaux
Caractères quantitatifs étudiés
Traitements et analyses des données
II-2-3 ANALYSE MOLECULAIRE DE LA POPULATION DE 102 RILs AVEC DES MARQUEURS SSRs : APPROCHES DE CARTOGRAPHIE GENETIQUE ET DE DETECTION DE QTL
II-3-3-1 Analyse des marqueurs SSRs
Réaction de polymérisation en chaîne de l’ADN (PCR)
Analyse sur gel d’agarose des ADN génomiques des 2 variétés, Mouride et Bambey 21
Analyse sur séquenceur des ADN génomique des 2 variétés, Mouride et Bambey 21
Criblage de la population de lignées recombinantes avec les marqueurs SSRs
polymorphes sur gel de polyacrylamide
II-3-3-2 Liaison des marqueurs ségrégant avec les caractères quantitatifs d’intérêt
CHAPITRE III : RESULTATS
III-1 IDENTIFICATION DE CARACTERES DISCRIMINANT CONTRIBUANT AU RENDEMENT EN CONDITIONS DE DEFICIT HYDRIQUE CHEZ LE NIEBE
III-1-1 CARACTERISATION AGROMORPHOLOGIQUE ET PHYSIOLOGIQUE DE 20 GENOTYPES DE LA COLLECTION DE L’ISRA
III-1-1-1 Niveau de significativité des facteurs étudiés
III-1-1-2 Regroupement des 20 génotypes selon leur comportement phénotypique
– Choix de 5 génotypes en fonction du comportement agromorphologique en conditions de STR
III-1-1-3 Corrélation du rendement aux autres caractères quantitatifs étudiés (Test de Pearson)
III-1-1-4 Comparaison des comportements en conditions d’ETM et de STR : prévision des performances d’un génotype en conditions limitatives (Test de Spearman)
III-1-2 CARACTERISATION AGROMORPHOLOGIQUE DES 5 GENOTYPES CHOISIS
III-1-2-1 Niveau de significativité des facteurs étudiés
III-1-2-2 Corrélation du rendement aux autres caractères quantitatifs :Test de Pearson
III-1-2-3 Corrélation des comportements en conditions d’ETM et de STR :Test de Spearman
III-2 CARACTERISATION AGROMORPHOLOGIQUE ET PHYSIOLOGIQUE DE LA POPULATION DE 102 RILs EN F8
III-2-1 Mode de distribution des caractères étudiés dans les différents environnements
III-2 -2 Significativité des effets des facteurs étudiés : Analyses de variance
III-2-2-1 Essai 4 (environnements ETM et STR)
III-2-2-2 Essais 5 et 6 (environnements hivernage Bambey et Thilmakha)
III-2 -3 Corrélations génétiques
III-2 -3-1 Corrélation du rendement aux autres caractères
III-2-3-2 Corrélation du comportement en conditions STR à ceux dans les autres environnements
III-2 -4 Héritabilité du rendement et des caractères ciblés en conditions de STR
III-3 ANALYSE MOLECULAIRE DE LA POPULATION DE 102 RILs AVEC DES MARQUEURS SSRs : APPROCHES DE CARTOGRAPHIE GENETIQUE ET DE DETECTION DE QTL
III-3-1 Analyses de marqueurs SSRs avec les 2 variétés parentales, Mouride et Bambey 21 sur gel d’agarose
III-3-1-1 Analyse des 121 marqueurs SSRs du genre Vigna
III-3-1-2 Analyse de 12 marqueurs SSRs du genre Phaseolus
CONCLUSION