Amélioration du contraste : Théorie et modélisation de l’effet XPW

L’objectif de cette thèse vis-à-vis de la technique de génération d’onde de polarisation croisée (« XPW » pour Cross-Polarized Wave) a été double:
1. D’une part, mettre au point un schéma expérimental permettant le filtrage efficace (rendement de conversion > 25%) d’impulsions possédant une énergie supérieure au millijoule. Cet objectif répond à la nécessité d’améliorer le contraste temporel de la chaine existante en Salle Noire (10⁸ ) afin d’accéder au régime relativiste de génération d’harmoniques sur cible solide et in fine générer un rayonnement attoseconde plus intense;
2. D’autre part, rendre compte théoriquement des effets observés lors de la génération XPW, en particulier dans les régimes « extrêmes » d’impulsions de quelques cycles optiques et de très hauts rendements. Dans ces régimes-là, les modèles proposés jusqu’à présent ne donnent qu’une représentation imparfaite du processus. En particulier, s’ils rendent généralement bien compte de son efficacité, leur description des effets sur le spectre est incomplète. De plus, aucune modélisation 3D n’a été proposée jusqu’ici.

Méthodes d’amélioration du contraste temporel d’une impulsion laser

Améliorer le contraste temporel d’impulsions laser femtosecondes intenses est crucial pour accéder au régime d’interaction laser-plasma à très haute intensité (sur cible solide) [1–5]. Une distinction est généralement admise entre le contraste incohérent, dû à l’amplification de l’émission spontanée (ASE) et présent sur une plage temporel s’étendant au-delà de la nanoseconde, et le contraste cohérent, proche du pic (échelle picoseconde) et dont l’origine provient de la compression imparfaite des impulsions. Les sources laser femtosecondes commerciales basées sur l’amplification à dérive de fréquences (CPA) fournissent actuellement un contraste ASE de 10⁸ lorsqu’aucune méthode d’amélioration du contraste n’est utilisée. L’ionisation  de la cible intervenant dès 10¹² W/cm² , on comprend bien dès lors que ce niveau de contraste est insuffisant pour des expériences où l’intensité crête sur cible dépasse 10²⁰ W/cm² . Il est donc nécessaire d’implémenter sur ces chaines un outil permettant l’amélioration du contraste d’au moins 3 ou 4 ordres de grandeur. Parmi les méthodes existantes, un certain nombre sont limitées à l’amélioration du contraste incohérent. C’est le cas en particulier des méthodes électro-optiques telles que les cellules de Pockels dont le temps d’ouverture et de fermeture ne permet pas aujourd’hui d’agir sur le contraste en-dessous de la centaine de picosecondes. A ma connaissance les alimentations haute-tension et les contrôleurs électroniques fournis par FID GmbH [6] associés aux cellules de Pockels de Leysop Ltd [7] sont les seules à fournir des temps d’ouverture de l’ordre de la centaine de picosecondes tout en assurant une amélioration de contraste de 3 ordres de grandeur au mieux [13]. L’amélioration du contraste sur des temps plus courts ne peut se faire que par des méthodes purement optiques non-linéaires. Sachant que la dégradation du contraste très tôt dans la chaine est le fait du pré amplificateur en raison d’un niveau d’amplification de l’ordre de 1000, les différentes méthodes d’amélioration peuvent être répertoriées selon leur point d’implantation dans la chaine. Ainsi, on choisira l’absorbant saturable [8] ou l’amplification paramétrique optique [à dérive de fréquences] (O[CP]PA) [9–12] pour agir dès le pré amplificateur, l’interféromètre non-linéaire de Sagnac [14], la rotation non linéaire de polarisation elliptique (NER) dans les milieux isotropes [15–17] ou la génération de polarisation croisée (XPW) [18, 19] pour intervenir après le pré-amplificateur et la génération de seconde harmonique (SHG) [20, 21] ou les miroirs plasma (PM) [22 24] pour nettoyer le contraste temporel en fin de chaine. En combinant ces différentes méthodes, un contraste supérieur à 10¹² devient accessible à l’échelle de quelques dizaines de picosecondes. Aujourd’hui, les techniques les plus répandues sont le OPCPA, les miroirs plasma et l’XPW.

Dans un OP(CP)A, le contraste est dominé par la fluorescence paramétrique due à l’impulsion pompe. L’utilisation de pompes de durée picoseconde a permis d’obtenir un contraste de 10¹⁰ à quelques dizaines de picosecondes du pic principal de l’impulsion dans les étages de pré-amplification. Cependant cette méthode a une efficacité de l’ordre de 10% et requiert l’amplification des impulsions produites pour atteindre les niveaux d’intensité recherchés. De plus, l’OP(CP)A représente un changement radical de technologie laser par rapport à la technique CPA traditionnelle. En conséquence, son implémentation dans notre salle n’aurait été possible qu’au prix d’une modification complète de l’architecture laser pré-existante. La seconde option est le miroir plasma. L’effet repose sur le changement de réflectivité d’un matériau diélectrique lorsque ses électrons de surface sont chauffés en un plasma par l’intensité laser incidente de l’ordre de 10¹² W/cm² . Initialement, la surface diélectrique transmet l’impulsion jusqu’à ce que la densité électronique critique soit atteinte et que le miroir plasma soit « activé », c’est-à-dire que la surface du plasma réfléchisse l’impulsion laser incidente. Le contrôle fin du temps d’activation du miroir plasma permet l’amélioration du contraste à des temps de l’ordre de la picoseconde par rapport au pic principal. Dans une configuration en double miroir plasma, l’amélioration du contraste peut atteindre quatre ordres de grandeur avec une transmission de l’énergie d’environ 50%. Cette technique peut donc être utilisée en fin de chaine laser, juste avant la cible d’interaction. La principale difficulté de mise en oeuvre est le rafraîchissement de la surface du diélectrique en accord avec le taux de répétition du laser tout en maintenant la stabilité de l’interaction. Cette implémentation peut devenir d’autant plus complexe que le même travail est nécessaire pour la cible elle-même. Pour ces raisons, le miroir plasma est une option que nous laissons ouverte pour la suite si une amélioration supplémentaire du contraste se révèle nécessaire.

Néanmoins la technique que nous avons décidé de privilégier dans notre système laser est celle de l’XPW. Bien qu’elle soit moins efficace que la SHG (conversion maximum de 35% contre 50-70%), elle présente l’avantage de conserver la longueur d’onde, de pouvoir être positionné entre deux CPA pour restaurer un niveau d’énergie élevé après le filtre. De plus, la SHG amène la longueur d’onde dans l’UV, ce qui est contraire aux lois d’échelle pour la génération d’harmoniques sur cible solide. Outre la comparaison avec la SHG, le choix de l’XPW s’explique par au moins quatre raisons que je liste ici. D’abord, un schéma double CPA avec filtre XPW a déjà été démontré [25, 26] pour améliorer le contraste de plus de trois ordres de grandeur. De plus, la mise au point d’un nouveau schéma XPW avec guidage préalable de l’impulsion dans une fibre creuse a permis d’élargir les possibilités d’implantation du filtre XPW, notamment au niveau multi-millijoule avec de très bonnes efficacités. Cette méthode ne doit pas être confondue avec la technique NER dans les fibres remplies de gaz et notamment le travail de Gaeta et al. [27]. L’XPW bénéficie également d’autres avantages, inhérents à l’effet, tels que l’élargissement spectral et l’amélioration de la phase spectrale. Cela pourrait nous permettre d’obtenir des impulsions amplifiées de durée inférieure à 25 fs et donc d’accéder après la technique de la fibre creuse à des impulsions comprimées de durée inférieure à 5 fs. Enfin, l’implémentation d’un tel filtre XPW, sans être exlusive, est plus simple et plus versatile, spécialement au kHz, que des miroirs plasma en fin de chaine, dans une enceinte sous vide. La dernière raison tient au fait que le LOA, et particulièrement le groupe PCO, détient une expertise et un savoir-faire en matière de génération XPW.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte général
1.2 Plan de thèse
2 Source laser de quelques cycles optiques à 1 kHz pour l’interaction laser-plasma en régime non-relativiste
2.1 Introduction : naissance de la Salle Noire
2.2 Définitions pour les impulsions ultra-courtes
2.2.1 Champ électrique, durée et phase absolue (CEP)
2.2.2 Dispersion et phase spectrale
2.2.3 Contraste temporel
2.3 Chaine laser de première génération
2.4 Génération d’harmoniques sur cible solide en régime sous-relativiste
2.5 Conclusion
3 Amélioration du contraste : Théorie et modélisation de l’effet XPW
3.1 Introduction
3.2 Techniques pour l’amélioration du contraste temporel
3.3 Etat de l’art et bases de la technique XPW
3.3.1 Etat de l’art
3.3.2 Bases théoriques
3.3.3 Longueurs caractéristiques
3.4 Théorie et modélisations 1D et 3D
3.4.1 Equation vectorielle de propagation d’ondes couplées
3.4.2 Modélisation numérique 1D à l’aide de Matlab
3.4.3 Modélisation numérique 3D avec CommodPro
3.5 Conclusion
4 Génération et filtrage d’impulsions ultracourtes par effet XPW
4.1 Introduction
4.2 XPW à très haut rendement pour la production d’impulsions ultracourtes
4.2.1 XPW haute efficacité : sur-élargissement spectral et effets de phase en régime de saturation
4.2.2 Couplage spatio-temporel de l’impulsion XPW
4.2.3 Blueshift : résultats préliminaires et perspectives
4.3 Filtrage XPW d’impulsions de quelques cycles optiques
4.3.1 Influence du chirp: détermination de la compression optimale
4.3.2 Diagnostic in-situ de la compression
4.3.3 Influence de la longueur de cristal
4.3.4 Effets dominants du mécanisme de filtrage
4.4 Conclusion
5 XPW : Applications expérimentales
5.1 Introduction
5.2 Injecteur laser à très haut contraste
5.2.1 Implémentation d’un injecteur haute-fidélité à 800 nm pour le front-end OPCPA ultra-court à très haut contraste temporel du laser APOLLON
5.2.2 Génération d’impulsions de quelques cycles optiques à 2 µm parXPW à l’ICFO-Barcelone
5.2.3 Schéma XPW à deux cristaux dans le front-end de la chaine laser PetaWatt « BELLA » du LBNL
5.3 Schéma XPW haute énergie et haut rendement
5.3.1 Description du montage
5.3.2 Résultats
5.4 Conclusion
6 Conclusion

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