De nos jours, la simulation numérique est devenue une étape incontournable dans les chaînes de conception industrielles pour aider à la compréhension des mécanismes physiques mis en jeu. C’est une approche qui permet à l’ingénieur ou au chercheur d’analyser des phénomènes qui, par leur complexité, échappent au calcul traditionnel. Le grand intérêt pour cette discipline fait que les outils mathématiques et numériques sont omniprésents dans les processus de fabrication au sein des entreprises pour le maintien de leur compétitivité (des produits conçus plus vite, de meilleure qualité et moins cher). Pour la mise en forme des matériaux en particulier, la modélisation numérique occupe aujourd’hui une place importante dans la réalisation de produits répondant à des critères de haute qualité et de prix compétitifs, sur le marché européen comme international.
Vu les nombreux enjeux (économiques et scientifiques) que représentent la recherche et le développement industriel dans ce domaine, de nombreux projets sont régulièrement mis en œuvre pour améliorer l’efficacité des moyens de modélisation des procédés reposant sur des mécanismes plus ou moins complexes. Malgré les nombreux progrès réalisés dans ce domaine, il existe aujourd’hui une gamme de procédés dont la simulation numérique n’est toujours pas fiable et pose des problèmes. On les appelle ici les procédés à faible zone de contact.
Les procédés à faible zone de contact sont des procédés de mise en forme ayant, à un instant donné, une faible portion de matière en contact avec les outils de mise en forme, et laissant libre une grande partie de cette matière. Bien entendu, la zone de contact évolue dans le temps. Par rapport à la durée du procédé, ils sont caractérisés par un temps de contact très court à l’endroit où l’essentiel de la déformation est imposée. Parmi ces procédés, on peut citer le laminage circulaire, le laminage droit, le laminage de produits longs, l’étirage, le tréfilage…Un défi important pour la simulation est alors d’avoir une modélisation du contact très précise dans ces zones, de manière à bien modéliser la déformation globale du matériau. Le contact est une caractéristique intrinsèque de la mécanique par laquelle les corps interagissent entre eux. De nos jours, plusieurs modèles ont été développés et ne cessent d’évoluer pour tenir compte de mieux en mieux de la complexité de ce phénomène. Une bonne modélisation numérique du contact est un facteur essentiel à une bonne modélisation des procédés, et tout particulièrement en mise en forme des matériaux. L’objectif ultime de ce travail est d’améliorer la précision des outils de calcul numérique en améliorant la méthode de gestion de contact.
Procédés à faible zone de contact
Laminage circulaire
Le laminage circulaire est un des principaux procédés auquel on s’intéresse dans ce manuscrit. C’est un procédé de mise en forme à chaud ou à froid [Traore01, Losilla02]. Il a pour but d’obtenir, à partir d’un anneau initial, un anneau ayant une épaisseur plus faible et un diamètre plus grand . Il permet de réaliser des pièces de révolution à section rectangulaire ou profilée, sans soudure et avec une orientation de grain favorable. Les pièces obtenues sont utilisées pour la fabrication de composants de réacteurs d’avion, d’engins de génie civil ou d’éoliennes, de centrales nucléaires, de grandes valves, de générateurs d’énergie, ou encore de grandes presses pour l’industrie alimentaire… Pour atteindre ce but, une ébauche cylindrique préalablement percée est entraînée par un cylindre extérieur en rotation et comprimée par un mandrin libre en rotation et qui se déplace en translation à une vitesse ou à une force connue. Des cônes sont présents pour empêcher la matière de remonter, et des bras de centrage empêchent l’anneau de s’ovaliser. Une des principales difficultés de ce procédé est que certains de ces outils sont pilotés en force (ou en couple), et d’autres en vitesse ou position.
Il faut dix à vingt tours pour obtenir progressivement la transformation voulue. Une particule matérielle subit donc une série de petites déformations (quelques pourcents), entrecoupée d’une fraction de seconde de repos. Sur le plan thermique, chaque contact avec une paire d’outils entraîne un refroidissement en surface, d’autant plus faible que le contact est court. Le refroidissement est compensé par l’échauffement thermique dû à la déformation du matériau. Les principaux avantages de ce procédé sont [Yang91, MOON08] :
✦ Un temps d’opération court (comparé aux autres méthodes par forgeage) ;
✦ Une réduction des pertes de matière (minimisation des surépaisseurs) ;
✦ Une bonne résistance due à l’absence de soudure et aussi au mode de déformation qui crée un fibrage orthoradial favorable à la résistance en fatigue.
Cependant ce procédé a quelques inconvénients [DARLINGTON08]. Il est en effet très instable, du fait notamment de la différence de diamètre entre les deux cylindres de laminage. Il est également coûteux et compliqué à mettre en œuvre. Tout problème de conception des outils ou de pilotage ou dans la conception du procédé peut conduire à des pertes de productivité importantes. Ce procédé a aussi l’inconvénient, par rapport aux autres procédés de forgeage, de ne pas remplir facilement les rayures lorsqu’elles sont profondes. Cela est dû au fait que, durant le procédé, la réduction de matière dans la section tend à augmenter le diamètre et au lieu de s’écouler pour remplir les cavités. Ce procédé peut être utilisé pour tout matériau ductile, mais il est principalement retenu pour les aciers, et dans une moindre mesure pour des alliages d’aluminium, de titane et aussi des composites.
Laminage de produits plats
Le laminage de produits plats sert à produire des tôles, principalement destinées au boîtage alimentaire, au bâtiment et au transport. Ce procédé consiste à réduire l’épaisseur de la tôle par passages successifs entre des cylindres en rotation [Montmitonnet02]. Une tôle est une plaque rectangulaire. Sa longueur est en moyenne de l’ordre d’une centaine de mètres, sa largeur du mètre et son épaisseur du millimètre. L’écrasement entre deux cylindres animés de mouvements de rotation antagonistes permet de réduire l’épaisseur de la tôle .
Les premières séries de réductions sont réalisées à chaud afin d’effectuer facilement de fortes déformations du matériau et d’ajuster les propriétés métallurgiques du produit. Le passage à froid est ensuite nécessaire pour obtenir les caractéristiques géométriques et mécaniques adéquates, ainsi qu’un bon état de surface.
En dehors de bonnes propriétés mécaniques, la principale caractéristique demandée à la tôle laminée est une géométrie correcte et un bon état de surface. Le profil d’épaisseur transverse de la tôle en sortie d’emprise dépend de l’ensemble des déformations de la cage. Différents défauts géométriques peuvent apparaître : des défauts de profil et de planéité (respectivement variations d’épaisseur dans le sens transverse et écart à la planéité de la surface moyenne de la tôle). Ces défauts sont dus essentiellement au contact entre les cylindres et la tôle. Il est alors un phénomène essentiel à prendre en compte pour modéliser les défauts afin de les éliminer pour assurer une bonne qualité de produit .
Etirage-Tréfilage
Il s’agit de procédés de mise en forme à froid. L’étirage consiste à réduire la section d’un produit long en le forçant à passer à travers l’orifice d’une filière qui présente la forme de la section finale souhaitée ; cette action est obtenue par traction sur le produit au-delà de la sortie de la filière. Le tréfilage permet d’obtenir des produits cylindriques plein et de faible diamètre (fils) alors que les tubes, les barres et certains profilés sont obtenus par étirage .
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I Introduction
I.1. PROCEDES A FAIBLE ZONE DE CONTACT
I.1.1. LAMINAGE CIRCULAIRE
I.1.2. LAMINAGE DE PRODUITS PLATS
I.1.3. ETIRAGE-TREFILAGE
I.2. MODELISATION : ATOUTS ET LIMITES
I.3. PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE LA THESE
Chapitre II Modélisation du problème thermomécanique
II.1. PROBLEME THERMOMECANIQUE
II.1.1. PROBLEME MECANIQUE
II.1.1.1. Equilibre dynamique
II.1.1.2. Conservation de la masse
II.1.1.3. Condition aux limites
II.1.1.4. Les lois de comportement
II.1.1.5. Les lois de frottement
II.1.1.6. Le système d’équations à résoudre
II.1.1.7. Formulation faible du problème mécanique
II.1.2. LE PROBLEME THERMIQUE
II.1.2.1. Equation de la chaleur globale
II.1.2.2. Les conditions aux limites en thermique
II.1.2.3. Formulation faible du problème thermique
II.2. FORMULATION ELEMENTS FINIS
II.2.1. DISCRETISATION TEMPORELLE
II.2.2. DISCRETISATION SPATIALE
II.2.2.1. Formulation discrète par éléments finis
II.2.2.2. Méthode de résolution du problème mécanique
II.2.2.3. Remaillage
II.3. MODELISATION NUMERIQUE DU LAMINAGE CIRCULAIRE
II.3.1. FORMULATION ALE
II.3.1.1. Déplacement du maillage surfacique
II.3.1.2. Transport des champs
II.3.2. MODELISATION DE L’OUTILLAGE
II.3.3. ACTUALISATION CYLINDRIQUE
II.4. GESTION DU CONTACT
II.4.1. CONDITION DE CONTACT
II.4.2. CALCUL DE LA DISTANCE
II.4.3. GESTION INCREMENTALE DE LA CONDITION DE CONTACT
II.4.4. METHODE DE RESOLUTION
II.4.5. CONTACT EN LAMINAGE CIRCULAIRE
II.5. DIAGNOSTIC DES RESULTATS DE SIMULATION
II.5.1. DIAGNOSTIC DE LA SIMULATION NUMERIQUE DU LAMINAGE CIRCULAIRE
II.5.1.1. Cas test d’AUBERT & DUVAL
II.5.1.2. Etude de la sensibilité des résultats de simulation à la finesse du maillage
II.5.1.3. Conclusion
Chapitre III Etude de l’amélioration de la résolution de l’équation de contact
III.1. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
III.1.1. METHODES DE RESOLUTION DE LA CONDITION DE CONTACT
III.1.1.1. La méthode des multiplicateurs de Lagrange
III.1.1.2. La méthode du Lagrangien perturbé
III.1.1.3. La méthode du Lagrangien augmenté
III.1.2. DISCRETISATION DES EQUATIONS DE CONTACT
III.1.2.1. Contact Intégré P1
III.1.2.2. Modèle de Contact Intégré P0
III.1.2.3. Modèle de Contact Quasi Symétrique
III.1.3. SCHEMA D’INTEGRATION TEMPORELLE DE LA CONDITION DE CONTACT
III.1.3.1. Contact Explicite
III.1.3.2. Contact quasi implicite et Contact Implicite
III.2. SOLUTION RETENUE : CONTACT IMPLICITE
III.2.1. CONTACT IMPLICITE GENERAL
III.2.1.1. Principe de la méthode
III.2.1.2. Validation
III.2.2. CONTACT IMPLICITE SPECIFIQUE POUR DES PROCEDES AVEC DES FORMES SIMPLES
III.2.2.1. Outils analytiques
III.2.2.2. Contact Implicite et outils analytiques
III.2. CONCLUSIONS INTERMEDIAIRES
Chapitre IV Lissage de contact
IV.1. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES METHODES DE LISSAGE DE SURFACE
IV.2. METHODE DE NAGATA
IV.2.1. PRINCIPE DE LA METHODE
IV.2.1.1. Interpolation locale d’une facette
IV.2.1.2. Interpolation locale d’une discontinuité géométrique “arête-coin”
IV.2.2. VALIDATION DE LA METHODE DE LISSAGE SUR DES GEOMETRIES ANALYTIQUES
IV.3. DETERMINATION DES NORMALES NODALES
IV.3.1. LA NORMALE CONSISTANTE
IV.3.1.1. Principe
IV.3.1.2. Validation du calcul de la normale consistante
IV.3.2. CALCUL DES NORMALES NODALES PAR METHODE SPR
IV.3.2.1. Principe
IV.3.2.2. Validation du calcul de la normale par SPR
IV.3.3. METHODE DE NORMALE VOTEE OU “NORMAL VOTING”
IV.3.3.1. Principe
IV.3.3.2. Validation du calcul de la normale votée
IV.4. ALGORITHME DE CONTACT UTILISANT LA METHODE DE NAGATA
IV.5. APPLICATIONS
IV.5.1. CAS CONTACT HERTZ CYLINDRE/PLAN
IV.5.2. CAS REPASSAGE CYLINDRE
IV.5.3. CAS DE TREFILAGE
IV.5.3.1. Influence du lissage de l’outil
IV.5.3.2. Influence du calcul de la normale
IV.5.4. PREMIERES CONCLUSIONS
CONCLUSION