Le béton fait partie des substances les plus consommées au monde avec une production d’environ 25 gigatonnes par an [1]. En tant que brique de base du développement humain, divers problèmes écologiques lui sont attribués: (i) lors de sa production où d’énormes quantités de CO2 sont générées [2] du fait de l’utilisation du ciment qui représente environ 6% des émissions mondiales de CO2 [3], et (ii) après son utilisation lors de son enfouissement dans des centres de stockages de déchets inertes induisant une perturbation et une occupation des sols [4]. L’industrie de la construction et de la démolition produit 46 % de la quantité totale des déchets produits en Europe, ce qui représente 820 millions de tonnes de résidus dont environ 85 % correspondent aux matériaux à base de béton, céramiques et maçonnerie [5] [6]. L’énorme quantité de déchets produite par cette industrie est une préoccupation importante pour la logistique et l’occupation de sols [5]. Pour diminuer ces effets, il faut passer d’une économie linéaire à une économie circulaire basée sur le concept des « 3 R (recycler, réutiliser et récupérer) » en considérant les déchets comme une source des produits lucratifs. Les déchets inertes à base du béton peuvent ainsi être utilisés pour produire après tri, concassage et criblage des granulats de béton recyclé (GBR). Ces granulats sont, en général, utilisés dans les structures routières comme matériau lié ou non lié. Toutefois, dans l’objectif d’améliorer la circularité du béton, de valoriser de façon plus noble les GBR et de rapprocher la ressource (les sites de démolition urbains) des sites de construction, on cherche à développer depuis quelque temps le recyclage des GBR dans la fabrication de nouveaux bétons, en remplacement plus ou moins important des granulats naturels. En témoigne, par exemple, le récent Projet National Recybéton qui s’est déroulé de 2012 à 2018 (https://www.pnrecybeton.fr/) dont l’objectif principal était de fournir des éléments scientifiques et techniques et proposer des recommandations [7], pour augmenter les taux de recyclage autorisés dans la norme béton EN 206/CN.
Les GBR sont par essence composés des granulats naturels et de la pâte de ciment du béton d’origine. La pâte de ciment étant nettement plus poreuse que les granulats naturels, les GBR présentent généralement des absorptions plus fortes, une texture plus rugueuse et des performances mécaniques plus faibles que les granulats naturels. Ainsi le recyclage conduit, si rien n’est changé dans la formulation, à diminuer l’ouvrabilité, les performances mécaniques et la durabilité des bétons. Toutefois, comme le montrent les résultats du PN Recybéton [7], il est possible de faire des bétons répondant aux spécifications d’ouvrabilité de résistance et de durabilité en modifiant la formulation pour des taux de recyclage allant jusqu’à 100% de l’ensemble des granulats naturels (sable et gravillons). Mais plus le taux de recyclage est important plus la teneur en ciment du béton doit être augmentée, réduisant de fait l’intérêt du recyclage. Un équilibre économique et environnemental doit alors être trouvé et conduit souvent à un taux de recyclage intermédiaire.
Contaminants dans les GBR
Les contaminants des GBR peuvent être séparés en deux familles : physiques et chimiques. Les contaminants physiques tels que le verre, les métaux et les plastiques peuvent être retirés avant ou après le processus de fabrication, par l’utilisation d’outils technologiques tels que des machines automatisées [7]. La norme EN 933-11, [42] permet d’évaluer la teneur résiduelle de ces contaminants ce qui permet de définir des classes de composition dans la norme EN 12620+A1, [15]. Les contaminants chimiques, font partie de la structure des granulats SBR, ce sont les chlorure (Cl- , effet :risque de corrosion du métal du béton armé), le sulfate (SO4²⁻, effet : attaque interne au sulfate) et les alcalins solubles (effet, :réaction alcali silice des agrégats). En France, les normes NF EN 206/CN/2014 [25](en particulier la partie NA 5.1.3), EN 12620+A1 [15] et NF P 18-545/2011 [43], indiquent les contraintes particulières imposées aux GBR. Un seuil maximum de sulfates solubles dans l’eau est ainsi fixé. Une caractérisation des chlorures solubles dans l’acide est également requise mais aucun seuil n’est imposé [44]. À noter que le PN Recybéton recommande de mesurer plutôt les chlorures solubles dans l’eau .
Conséquences sur la formulation des bétons incorporant des GBR
Outre les propriétés de durabilité, les deux principales propriétés d’usage des bétons sont leur ouvrabilité et leur résistance à la compression. L’ouvrabilité est la capacité du béton à s’écouler. Il est important de maîtriser cette propriété pour assurer un bon remplissage des coffrages et une qualité uniforme de mise en œuvre. Elle est généralement mesurée par l’essai d’affaissement (NF EN 12350-2, [45]) autrement dit l’essai au cône d’Abrams. Le béton frais est déposé dans un cône tronqué métallique. Ce dernier est soulevé et on mesure la hauteur de l’affaissement du béton. Plus le béton est fluide, plus la hauteur d’affaissement est importante. La résistance à la compression mesure la contrainte (effort par unité de surface) que le béton peut supporter. Elle se mesure à l’aide d’une presse, en général sur des cylindres de béton (NF EN 12390-3, [46]). Comme résumé dans Sedran(2018) [17], l’aspect concassé et la texture rugueuse des GBR leur confèrent une faible aptitude à se compacter. Les conséquences bien connues sur l’ouvrabilité des formules de bétons incorporant des GBR sont les suivantes :
– L’augmentation de la demande en eau du béton (i.e. l’eau efficace nécessaire pour atteindre l’affaissement visé) augmente généralement avec le taux de recyclage ;
– Les SBR ont un effet négatif plus important que les gravillons de béton recyclé sur la demande en eau du béton. En outre, cet effet est fortement dépendant de l’origine du SBR.
À cela s’ajoute le fait que l’état hydrique des GBR au moment d’être introduits dans le malaxeur a une influence sur l’ouvrabilité du béton, même si l’eau efficace est maintenue constante. En effet la saturation des GBR n’est pas instantanée et peut prendre 7 jours [13][47]. Ainsi, si un GBR est utilisé sec, on ajoutera plus d’eau au total pour compenser son absorption. Cette eau n’étant pas absorbée instantanément, cela conduira à avoir un excès d’eau dans la pâte qui diminuera au fil du temps. Cela peut conduire à avoir un excès d’affaissement initialement suivi d’une perte progressive d’affaissement. C’est pourquoi il est en général préférable de travailler avec des GBR présaturés. Sur l’aspect mécanique l’augmentation du taux de recyclage, sans toucher au reste de la formule du béton (c’est-à-dire l’eau efficace et le ciment) a en général pour conséquences [17]:
– Une diminution de la résistance en compression du béton et de son module élastique, du fait des plus faibles performances mécaniques et du plus faible module des GBR, comparativement aux granulats naturels
– Comme les SBR contiennent une plus grande quantité de pâte résiduelle, leur effet néfaste est plus conséquent que celui des gravillons de béton recyclé.
Des modèles mécaniques prenant en compte l’introduction des GBR dans les bétons et traduisant les constats précédents sont proposés dans diverses publications et conduiront à terme à modifier les Eurocodes [35] [48], [49]. Sedran conclu que lors de la substitution des granulats naturels par des GBR, la morphologie et la rugosité des GBR conduit à augmenter l’eau efficace ou la dose de plastifiant/superplastifiant pour maintenir l’affaissement, tandis que leurs moindres propriétés mécaniques imposent généralement de diminuer le rapport Eau efficace/Ciment pour maintenir la résistance à la compression du béton [17]. Enfin, la demande en ciment augmente de façon non linéaire avec le taux de recyclage, pour un affaissement et une résistance donnée. Cet effet est négligeable pour les faibles taux de recyclage, mais il devient important pour les forts taux de recyclage notamment de SBR. C’est pourquoi, parmi d’autres raisons, le taux de recyclage est généralement limité dans les règlements (en général, interdiction d’utiliser les sables de GBR et limitation du taux maximum de gravillons de GBR à 30 %).
Amélioration de la qualité des GBR
Traitement thermique, mécanique et chimique
Comme indiqué dans la section précédente, la porosité du mortier résiduel diminue la performance des granulats recyclés. Afin d’augmenter la qualité des granulats, ceux-ci peuvent être soumis à des méthodologies thermiques, mécaniques ou chimiques, visant à éliminer la couche de mortier résiduelle. Un résumé des études analysant l’utilité de ces techniques pour le traitement des graviers recyclés est présenté dans le Tableau 3. Bien que ces techniques soient capables d’éliminer une quantité importante de mortier résiduel, elles consomment beaucoup d’énergie, ce qui entraîne une augmentation des coûts, les rendant non rentables à grande échelle. De plus, des contaminants peuvent être générés et les propriétés des granulats peuvent être encore plus endommagées (fissuration par exemple). C’est pourquoi d’autres alternatives à ces traitements sont aujourd’hui analysées, telles que la carbonatation naturelle, la carbonatation accélérée ou la biocarbonatation.
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Table des matières
Introduction
1. Références
1. La production des granulats de béton recyclé (GBR)
2. Propriétés physiques de GBR
2.1. Morphologie et texture des GBR
2.2. Distribution granulométrique
2.3. Porosité et absorption d’eau
2.4. Propriétés mécaniques
2.5. Propriétés chimiques
2.6. Contaminants dans les GBR
2.7. Conséquences sur la formulation des bétons incorporant des GBR
3. Amélioration de la qualité des GBR
3.1. Traitement thermique, mécanique et chimique
3.2. Carbonatation
3.2.1. Carbonate de calcium
3.2.2. Carbonatation du béton
3.2.3. Carbonatation accélérée
4. La bioprécipitation
4.1.1. Rôle des sites de nucléation de la paroi cellulaire dans la bioprécipitation
4.2. Influence des paramètres environnementaux
4.2.1. Humidité relative
4.2.2. Le pH
4.2.3. Moteur d’alcalinité
4.2.4. La température
4.3. Conclusion
5. Biofilm
5.1. Formation du biofilm bactérien
5.1.1. Adhésion
5.1.2. Colonisation
5.1.3. Maturation
5.1.4. Dispersion
5.2. Formation d’un biofilm uniforme
5.3. Formation de CaCO3 à travers du Biofilm
5.4. Conclusion
6. Application de la bioprécipitation
6.1. Application sur les matériaux cimentaires, roches et sables
6.2. Bioprécipitation sure de gravillons recyclés (GBR)
7. Conclusion de la bibliographie et plan de travail
8. Références
Conclusion