Altérations de la connectivité corticale au cours de périodes critiques du développement

Organisation laminaire du cortex

   Chez l’homme comme chez les rongeurs, le cortex est organisé en couches parallèles partant de la surface piale jusqu’au corps calleux. Cette organisation laminaire a été identifiée à la fin du 19ème siècle grâce aux études histologiques pionnières de Ramon Y Cajal et Lorente de Nó (Lorente de Nó, 1934). Ces travaux ont mis en évidence des différences de morphologies et de densité cellulaires permettant de séparer le cortex en six couches. Cette séparation, basée à l’origine sur des critères strictement anatomiques, reflète l’ontogenèse corticale. Chaque couche corticale est composée de différents types de cellules (excitatrices, inhibitrices et gliales) issues de stades de développement embryonnaire précisément déterminés par l’expression de combinaisons uniques de facteurs de transcription. De plus, les cellules de ces différentes couches établissent des connexions avec des aires cérébrales spécifiques permettant un traitement approprié de l’information. Schématiquement, la composition cellulaire des différentes couches en partant de la surface piale est la suivante (Figure 1) :
– La couche I contient majoritairement des axones organisés horizontalement de façon parallèle à la surface du cortex, provenant à la fois de cellules excitatrices corticales et des noyaux thalamiques associatifs (Cauller et al., 1998; Cruikshank et al., 2012). Cette couche n’abrite pas de soma de cellule excitatrice mais leurs dendrites distales qui s’étendant perpendiculairement à la surface corticale. De plus, la couche I comporte différents types d’interneurones inhibiteurs impliqués dans la modulation des afférences corticales et thalamiques permettant le traitement de l’information (Schuman et al., 2019).
– Les couches II/III sont difficilement différenciables. Les corps cellulaires des cellules pyramidales se trouvent principalement dans la couche III. Elles reçoivent des connexions cortico-corticales provenant des cellules alentours et des cellules de la couche IV, ainsi que d’autres aires corticales. Leur axone projette vers les autres couches corticales et vers le cortex contralatéral (Broser et al., 2008; Yamashita et al., 2018). Au cours de ma thèse, j’ai étudié en détail les propriétés de ces cellules pyramidales, ainsi que celles des interneurones adjacents exprimant la parvalbumine (interneurones PV) dans le cortex préfrontal chez la souris à différents stades du développement post-natal, en réponse à la surexpression d’un gène du complément.
– La couche IV est la principale cible des afférences thalamiques (Killackey and Sherman, 2003). Dans la plupart des cortex sensoriels, les cellules excitatrices de cette couche sont des cellules dites étoilées ou granulaires, de petite taille, et qui projettent très localement (au sein de cette couche et dans la couche III). Cependant, il existe des cortex comme le cortex visuel V1 et le moteur M1 où les cellules excitatrices sont des cellules pyramidales ayant des projections plus distales (Yamawaki et al., 2014). Pendant ma thèse, je me suis intéressée à la plasticité des connexions établies par les cellules excitatrices de la couche IV sur les interneurones PV dans le cortex visuel au cours du développement dans une étude présentée dans la partie « Résultats ».
– La couche V contient les corps cellulaires de neurones pyramidaux de grande taille. On distingue les cellules projetant dans le cortex se situant principalement dans la partie supérieure de cette couche et des cellules projetant dans les régions sous-corticales, se trouvant plus proche de la couche VI (Groh et al., 2010; Kim et al., 2015). Dans les cortex sensoriels, les cellules thalamiques projettent également vers la bordure formée par cette couche avec la couche VI.
– La couche VI, appelée aussi couche polymorphe, contient essentiellement des neurones de projections sous-corticales dont les axones projettent directement vers le thalamus (Bourassa et al., 1995). Les neurones excitateurs et inhibiteurs reçoivent également des afférences des noyaux sous-corticaux (Briggs, 2010). En parallèle de mes travaux de doctorat développés dans ce manuscrit, j’ai contribué en tant qu’auteure principale à une étude présentée en annexe portant sur les propriétés électrophysiologiques des neurones exprimant le facteur de transcription FoxP2 dans la couche VI du cortex auditif. Schéma simplifié illustrant les principaux neurones excitateurs corticaux, leur localisation au sein des couches, ainsi que les principales connectivités excitatrices (Adapté de Allene et al., 2015). Même si les différentes aires corticales ont une organisation laminaire comparable, il existe cependant des différences de taille et de composition cellulaires en fonction de la spécialisation fonctionnelle des cortex. Par exemple, les cortex sensoriels, impliqués dans le traitement de l’information extérieure, ont des couches dites « d’entrées » (couche II/III et IV) bien plus développées que les cortex moteurs qui ont des couches de projections (V et VI) plus importantes et une sous-représentation de la couche IV (Yamawaki et al., 2014). L’établissement de cette organisation laminaire dépend d’un grand nombre de paramètres : origine (spatio)-temporelle des cellules au cours du développement, expression de facteurs de transcription et post-transcriptionnels, ainsi que de mécanismes épigénétiques (DeBoer et al., 2013; Nguyen et al., 2016; Pilaz and Silver, 2015). Des dysfonctionnements de l’un de ces facteurs au cours du développement peuvent engendrer des troubles neurologiques à long terme tels que l’épilepsie, la microcéphalie ou encore des troubles cognitifs et comportementaux (Lewis and Levitt, 2002).

Grande diversité des interneurones corticaux

   Les interneurones corticaux sont des cellules responsables de l’inhibition dans le cortex. Contrairement aux cellules pyramidales, leurs projections axonales sont généralement proches de leur corps cellulaire. Ces cellules ont un rôle crucial dans la génération et le maintien des oscillations corticales qui sont des variations de potentiel membranaire fondamentales pour la coordination des réseaux corticaux et les fonctions qui en résultent (Isaacson and Scanziani, 2011; Mann and Paulsen, 2006). Elles synthétisent le neurotransmetteur GABA qui a un effet post-synaptique inhibiteur à l’exception des premiers jours postnatals. Cette synthèse est rendu possible par l’expression de deux isoformes de l’enzyme glutamate décarboxylase 65 et 67 (codées respectivement par les gènes Gad2 et Gad1) (Martin and Rimvall, 1993). Les interneurones corticaux modulent l’activité des réseaux en fonction de l’emplacement subcellulaire ciblé par leur axone sur les cellules post-synaptiques, permettant ainsi de réguler la capacité de produire des potentiels d’action, l’intégration synaptique et la plasticité dans les cellules excitatrices (Figure 22) (Huang et al., 2007). De plus, ce type cellulaire se caractérise par une très grande hétérogénéité permettant le contrôle inhibiteur de l’excitabilité des cellules cibles à divers niveaux. La classification des interneurones corticaux est une tâche complexe. Plus de vingt sous-types d’interneurones corticaux ont été identifiés en se basant sur leur morphologie axonale et dendritique, leur propriétés électrophysiologiques, leur connectivité ainsi que sur leur profil d’expression génétique (DeFelipe et al., 2013; The Petilla Interneuron Nomenclature Group (PING), 2008). Cependant, des études récentes montrent qu’il est possible de séparer l’ensemble des interneurones corticaux en fonction de l’expression de trois marqueurs principaux : PV, somatostatine (SST) et récepteur sérotoninergique 3a (5H3aR) (Lee et al., 2010; Rudy et al., 2011), chacune de ces catégories pouvant être ensuite subdivisée en de nombreux autres groupes en fonction d’autres marqueurs exprimés (polypeptide vasoactif intestinal, cholécystokinine, reelin etc.)

Mécanismes de formation des synapses excitatrices

   La formation d’une synapse débute par le contact entre le cône de croissance de la branche axonale d’un neurone présynaptique et les filopodes dendritiques postsynaptiques. Les filopodes sont des protrusions de la membrane dendritique transitoires, très mobiles, et contenant une forte concentration de molécules d’actine (Landis and Reese, 1983). L’utilisation de la microscopie bi-photonique in vivo a permis d’établir que le renouvellement (ou turnover) des filopodes est très rapide, pouvant être de l’ordre de quelques heures dans le cortex (Pan and Gan, 2008). Ces filopodes sont à l’origine des futures synapses mais ne contiennent pas encore le matériel essentiel pour la transmission synaptique (Ziv and Smith, 1996). Une fois le contact membranaire stabilisé entre l’axone et le filopode, un ensemble de molécules de signalisation, de protéines d’échafaudage, de molécules d’adhésion, ainsi que de récepteurs au glutamate NMDA sont recrutés au niveau du filopode, formant ainsi une épine dendritique encore immature (Hlushchenko et al., 2016). La partie présynaptique de la synapse, provenant de l’axone, recrute également des protéines d’échafaudage, des canaux ioniques voltage-dépendants, des récepteurs aux neurotransmetteurs, ainsi qu’un grand nombre de protéines impliquées dans l’endocytose et exocytoses de vésicules (Ziv, 2001). Ces synapses sont dites silencieuses, caractérisées par la présence de récepteurs NMDA postsynaptiques, mais dépourvues de récepteurs AMPA. La maturation des synapses se poursuit avec l’incorporation de récepteurs glutamatergiques de type AMPA, indispensables à la transformation des synapses silencieuses en synapses fonctionnelles : en effet, les récepteurs de type NMDA présents au niveau postsynaptique sont bloqués par les ions magnésium au potentiel de repos de la cellule, empêchant l’influx cationique excitateur suite à la réception de glutamate d’origine présynaptique. Ainsi, les synapses silencieuses exprimant uniquement des récepteurs NMDA sont incapables de transmettre l’information communiquée par les potentiels d’action présynaptiques. L’insertion de récepteurs AMPA permet l’établissement de synapses fonctionnelles. Ce phénomène est dépendant de l’activité (Funahashi et al., 2013).

Rétine et tractus optique : première étape de régulation de la vision binoculaire

   La rétine est l’organe sensoriel responsable de la vision chez les mammifères. Elle est composée de différentes couches cellulaires tapissant le fond de l’œil dont le rôle est de capter le signal lumineux et de le transformer en signal électrique pour l’acheminer le long du nerf optique. Les cellules qui la composent répondent spécifiquement à certaines orientations ou intensités lumineuses, dépendant en partie de leur position dans la rétine (Paik and Ringach, 2011). La couche la plus profonde de la rétine est composée du corps cellulaire des cellules ganglionnaires dont les axones forment le nerf optique. La majorité de ces axones, organisés en fibres, croise les axones provenant de l’autre œil au niveau du chiasma optique et continue jusqu’au thalamus de l’hémisphère opposé (contralatéral). Cependant, 5 à 10 % des cellules ganglionnaires de la rétine ne croisent pas le chiasma et projettent vers le thalamus du même côté (ipsilatéral) (Dräger and Olsen, 1980; Grafstein, 1971; Jeffery and Erskine, 2005). Ce phénomène est finement régulé par un grand nombre de molécules permettant le bon acheminement des axones et permettant ainsi la vision binoculaire (Murcia-Belmonte and Erskine, 2019). Ces axones provenant de chaque œil sont ségrégés le long du nerf optique et projettent dans des territoires spécifiques du dLGN (rétinotopie).

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Table des matières

CHAPITRE I : INTRODUCTION
I. Développement structurel et fonctionnel du néocortex
1. Organisation laminaire du cortex
2. Développement embryonnaire : mise en place et composition du cortex
A. Cellules excitatrices : composition et origine
B. Grande diversité des interneurones corticaux
C. Origine des interneurones GABAergiques
D. Synaptogenèse et perte de synapses excitatrices au cours du développement postnatal
3. Établissement de réseaux fonctionnels : périodes critiques de développement
A. Période critique : découverte et définition
B. Similarité et diversité des périodes critiques
II. Le cortex visuel chez la souris : un modèle privilégié pour l’étude des périodes critiques corticales dépendantes de l’activité
1. Organisation générale des voies visuelles
A. Rétine et tractus optique : première étape de régulation de la vision binoculaire
B. Thalamus : une structure-relais
C. Cortex visuel primaire : architecture et connexions
2. Période critique du cortex visuel primaire : une période d’hyper plasticité
A. Déprivation monoculaire : mise en évidence de la période critique
B. Période critique et plasticité
3. Rôle de l’inhibition dans la période critique
A. Modulation de l’inhibition
B. Rôle clé des interneurones PV
C. Implication des afférences excitatrices sur les interneurones PV
4. Plasticité chez l’adulte et réouverture de période critique
A. Caractéristiques de la plasticité dans le cortex visuel adulte
B. Réouverture de périodes critiques chez l’adulte
III. La période du raffinement synaptique : une période critique de développement dont les altérations sont associées à la schizophrénie
1. Les microglies : alliées indispensables à la formation et au maintien des réseaux neuronaux
A. Origine et développement
B. Rôle de la microglie dans le SNC adulte
C. Rôle de la microglie au cours du développement
2. Le système du complément, un acteur majeur dans la construction du SNC
A. Cascades du système du complément
B. Le complément dans le SNC
C. Implication dans le développement du SNC
3. La schizophrénie, une pathologie du neuro-développement
A. Caractéristiques cliniques de la pathologie
B. Une pathologie neuro-développementale
C. Marqueurs anatomiques et moléculaires dans le cortex préfrontal de patients schizophrènes
D. Etiopathologie de la schizophrénie : implication génétique et environnementale
E. Système du complément et schizophrénie
OBJECTIF DE LA THESE
CHAPITRE 2 : RESULTATS
Article 1 : Altération de la rectification des courants AMPA et de la plasticité homéostatique dans les interneurones PV au cours de la période critique du cortex visuel chez la souris
1. Présentation de l’article
2. Article
Article 2 : La sur-expression de la protéine du complément C4 dans le cortex préfrontal chez la souris induit des endophénotypes associés à la schizophrénie
1. Présentation de l’article
2. Article
CHAPITRE 3 : DISCUSSION ET PERSPPECTIVES
I. Implication de la protéine GRIP1 dans la période critique de développement du cortex visuel
II. Rôle de C4 dans la période critique d’élagage synaptique du cortex préfrontal
III. Influences croisées des deux périodes critiques étudiées
REFERENCES
ANNEXES

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