SDRC pédiatrique
Le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) est une affection douloureuse, invalidante et souvent chronique. Elle se caractérise par une douleur spontanée ou induite par des stimuli, disproportionnée au traumatisme ou stimulus réel de l’incident, des modifications motrices, sensorielles et des anomalies neurovégétatives [1]. Ce syndrome est divisé en deux types : SDRC type I, dystrophie sympathique réflexe, qui habituellement se développe après un événement préliminaire, généralement un traumatisme mineur ou une fracture, sans lésion nerveuse significative. En revanche, le SDRC de type II, très rare dans l’enfance, nommée précédemment causalgie, est induit par la lésion d’un nerf ou de l’une de ses principales branches [2]. Le premier cas de réflexe sympathique dystrophie chez un enfant fut décrit dans les années 1970 [3]. La forme pédiatrique tend à toucher d’autant plus le sexe féminin (80%) que chez l’adulte (70%) [4] et plus fréquemment le membre inférieur que supérieur. La phase chaude préliminaire est également moins présente que chez l’adulte. Malgré le fait que le SDRC soit une entité cliniquement documentée depuis au moins 150 ans, nous n’avons qu’une compréhension partielle des mécanismes de soutien, et pas de traitement largement efficace. Il apparaît cependant qu’un traitement précoce permet de réduire la durée de rééducation et probablement les récidives.
Définition
Anciennement appelée algoneurodystrophie, la nouvelle appellation SDRC datant de 1993 préjuge moins d’une physiopathologie attribuée au système sympathique et se base davantage sur une approche descriptive. Chaque terme de l’acronyme a son importance. Le syndrome est un ensemble de symptômes constituant une entité, et caractérisant un état pathologique. La douleur est une expérience subjective, affectée par des différences physiques et neurocognitives selon les patients. Elle est multidimensionnelle, impliquant les émotions, la cognition et les croyances. La douleur forme la caractéristique principale dans le SDRC, souvent disproportionnée par rapport à l’évènement subi, inhabituelle avec des douleurs spontanées, une altération des sensations qui provoquent de la douleur (allodynie et hyperalgésie). Régional car non circonscrit à un territoire nerveux ou à un dermatome précis et peut s’étendre au-delà de la zone originellement douloureuse. Complexe car les aspects cliniques peuvent varier chez un même patient et comparé à d’autres patient atteint de ce syndrome.
Critères diagnostiques
Le SDRC est défini depuis 2010 selon les critères de Budapest par des symptômes et des signes d’examen clinique selon quatre catégories, c’est-à-dire les troubles somatosensoriel, vasomoteur, sudomoteur et moteur [5, 6].
Le diagnostic de SDRC est donc décrit si la douleur est continue et supérieure à 3/10 selon l’EVA. Nous devons également objectiver des symptômes dans 3 ou 4 catégories du tableau ci-dessus. Enfin, aucun autre diagnostic expliquant les symptômes de façon plus convaincante ne doit être établi.
Aspects physiques
Les filles sont plus à risque (90% des cas) d’être touchées par le SDRC pédiatrique. Les mécanismes neuronaux responsables des différences sexuelles sont méconnus. Des hypothèses ont été émises, notant de manière générale qu’il pourrait y avoir des différences de système nerveux central entre les hommes et les femmes. Ces dissemblances pourraient être liées à la douleur médiée par les fibres C, impliquées dans la sommation temporelle. Leur modèle de résultats indique que les femmes signalent une plus grande douleur pour les stimuli suscitant en grande partie l’activation des fibres C. Ces fibres C sont responsables de la douleur brûlante, la chaleur, la démangeaison [7] La maladie apparaît principalement entre 7 et 14 ans et notamment en début de puberté. Étant donné que certaines différences sexuelles dans la perception de la douleur diminuent après la ménopause, cela conduit également à suggérer que les différences sexuelles concernant les douleurs sont plus susceptibles de se produire pendant les années de reproduction, c’est-à-dire de la puberté à la ménopause. Si cette vision du développement est correcte, nous nous attendons à voir des différences entre les genres dans la perception de la douleur autour de la puberté [8]. L’âge moyen est de 11.5 ans. Le SDRC atteint exclusivement les membres et à 89% le membre inférieur dont l’extrémité distale est la plus concernée (92%). L’atteinte est généralement localisée à un endroit mais peut également être multiple et bilatérale. La douleur est mentionnée chez tous les patients. Elle peut apparaître de façon brutale ou progressive, spontanément ou quelques heures, jours après un évènement nociceptif qui s’il est déclaré, semble léger. Son origine est parfois perçue comme un acte malintentionné.
Cette région impliquée peut également avoir été au préalable le site d’une autre expérience douloureuse. La douleur gagne rapidement en intensité avec une EVA moyenne de 9/10, devient constante et rarement soulagée par les antalgiques usuels. Elle est amplifiée par la mise en charge, l’effleurement, la mobilisation, un stress émotionnel. L’hyperpathie est retrouvée chez 90% des patients rendant douloureux le contact des vêtements ou simple drap. L’allodynie est aussi fréquente (95%), rendant la sensation d’une simple brise pénible et empêchant le massage. Cependant, le port de chaussette est communément observé ainsi que celui de l’attelle. L’intensité de la douleur cause fréquemment une impotence fonctionnelle totale obligeant l’utilisation de béquilles ou fauteuil roulant pour se déplacer contraignant ainsi scolarité et vie sociale.
La phase d’emblée froide (81%) avec coloration cyanique cutanée (74%) est plus courante chez l’enfant due aux troubles vasomoteurs de type de vasoconstriction artérielle et vasodilatation veineuse. Ces troubles et la douleur peuvent se propager au-delà de la région initiale voire se développer à l’ensemble du membre. L’œdème est moins courant (20%) tout comme l’hypersudation et les troubles trophiques. L’aspect pseudo-inflammatoire n’est pas significatif dans le SDRC pédiatrique contrairement à la raideur articulaire [9].
Aspects psychiques
Un contexte psychique particulier sans psychopathologie majeure est communément observé chez les enfants et adolescents atteints de SDRC. Dans 51% des cas, on distingue une anxiété majorée, liée à un décès ou maladie grave parmi des proches, des relations perturbées dans l’environnement scolaire ou familial [9]. Un risque de trouble somatoforme plus élevé est décelé [4] ainsi qu’un sentiment de rejet et d’agression, des dysfonctionnements environnementaux et familiaux, un manque d’affirmation de soi, une acceptation de responsabilités inadéquates pour leur âge, une angoisse de séparation, une certaine indifférence par rapport au trouble physique, un QI supérieur. L’entrée dans la puberté de par les bouleversements physiologiques, corporels et relationnels entraîne une vulnérabilité face aux événements de la vie et des relations à autrui, le disposant à la formation de phénomènes douloureux. La période précédant le diagnostic de SDRC peut parfois durer quelques semaines et est souvent mal vécue par le jeune patient qui se sent incompris, isolé, non reconnu. L’anxiété des parents incapables de soulager leur enfant, désemparés face aux symptômes, bouleversant leur emploi du temps et celui de toute la famille. Cette anxiété est contagieuse et décuple le sentiment de malaise chez le patient.
Apports de la psychologie
Psychopathologie
L’idée de personnalité particulière et de trouble psychologique est fréquemment entendue pour tenter d’expliquer l’écart entre la plainte et les symptômes physiques du SDRC. Des études ont cherché à vérifier ces théories mais sans apporter de conclusions [10]. Chez l’adulte, les troubles psychologiques ne causeraient pas de SDRC malgré l’interaction et les comorbidités fréquentes [11]. Il n’existe ni facteur psychologique prédictif ni personnalité spécifique au SDRC bien que l’impact négatif sur la vie du patient autant sur l’aspect psychologique (anxiété, dépression) que psychosocial (baisse de qualité de vie) soit avéré [12].
Cependant, chez l’enfant aucune étude prospective n’a étudié le lien entre SDRC et troubles psychologiques. Il semble donc inopportun de transposer ces résultats compte tenu des différences dans la clinique et du développement psychoaffectif de l’enfant [13,14]. Des comorbidités psychiatriques sont toutefois retrouvées chez ces enfants. 83% des patients soumis à des évaluations psychologiques présentaient « un dysfonctionnement émotionnel important ». Ces enfants étaient généralement performants et compliants. On constate que dans presque tous les cas, il y avait un enchevêtrement parental important avec le patient. Au-delà de cela, ils ont constaté que plusieurs facteurs de stress différents étaient présents chez ces enfants, notamment des conflits conjugaux entre les parents, des problèmes scolaires importants et parfois des abus sexuels [https://www.chatpfe.com]. 55% des enfants étaient considérés comme très performant sur leur profil psychologique.
Aucun ordre psychiatrique préexistant n’était évident chez aucun des patients, mais un thème récurrent susmentionné est la coexistence d’un dysfonctionnement familial, la non-verbalisation des sentiments, la pression pour la performance au sport ou à l’école et un manque d’auto affirmation de soi [16]. Outre le type perfectionniste et anxieux, on repère également des troubles de l’attention, trouble conversif, de la somatisation (troubles de l’alimentation, du sommeil et autres douleurs chroniques) [17].
La mise en lumière de ces similarités entre patient invite à questionner si les fonctionnements mentaux et troubles psychologiques incriminés représentent des facteurs de risques ou résultent de l’invalidité et de la douleur permanente causé par le SDRC. Même si les indices de mesures de dépression et d’anxiété sont peu supérieures aux enfants atteints d’autres douleurs chroniques, l’incapacité fonctionnelle et l’intensité de la douleur étaient plus fortement associées à des facteurs psychologiques chez les patients atteints de SDRC, Les symptômes somatiques sont également plus marqués [18, 19]. Cependant, un consensus semble se dégager, étant donné que les enfants atteints de SDRC ne sont pas plus sujets à la détresse psychologique que les enfants souffrant d’autres affections douloureuses, la détresse psychologique peut résulter de l’expérience de la douleur et ne pas être associée au développement de SDRC [20].
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Table des matières
I Introduction
I.1 Situation d’ancrage
I.2 Questionnement
II Cadre conceptuel
II.1 SDRC pédiatrique
II.1.1 Définition
II.1.2 Critères diagnostiques
II.1.3 Aspects physiques
II.1.4 Aspects psychiques
II.2 Apports de la psychologie
II.2.1 Psychopathologie
II.2.2 Événements de vie stressants
II.2.3 Diagnostic
II.2.4 Adolescence
II.2.5 Somatisation
II.3 Altération neuronale et perception douloureuse
II.4 Éducation thérapeutique du patient
II.4.1 Peur de la douleur
II.4.2 Quelle ETP ?
II.4.3 Inclure les parents
II.4.4 Par qui ?
II.5 Alliance thérapeutique
III Problématique et hypothèses de recherche
IV Méthode de recherche
IV. 1 Choix de l’entretien semi-directif
IV.2 La détermination du cadre de l’entretien
IV.3. Méthode de recrutement et critères d’inclusions
IV.4 Le guide d’entretien
IV.4.1 La construction du guide
IV.4.2 Les thèmes abordés
IV.5 Méthode d’analyse
IV.6 Limites de la méthodologie
V Analyse des résultats
V.1 La compréhension de la douleur et sa gestion
V.2 Le rôle des émotions dans la douleur
V.3 L’existence de phases de régression et progression
V.3.1 Les raisons des phases de régression
V.3.2 Les ressources des phases de progression
V.4 La relation avec le thérapeute
V.5 Tableau synthétique des résultats
VI Discussion
VI.1 Retour sur les hypothèses
VI.2 Limites et intérêts de l’étude
VI.3 Ouverture
VI.4 Axe d’améliorations et projection professionnelle
VII Conclusion
Bibliographie
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