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Travail des enfants et scolarisation, deux activités influencées par la pauvreté des ménages
Pour l‟essentiel des auteurs, la pauvreté du ménage demeure la principale cause de la mise au travail des enfants et des faibles taux de fréquentation scolaire enregistrés dans les pays en développement. Lorsque le revenu du travail effectué par les adultes du ménage est trop faible, la contribution des enfants au revenu familial devient essentielle pour couvrir les besoins de la famille (Basu et Van, 1998). Dans bien de cas, la participation de ces enfants à la formation du revenu familial se fait au détriment de leur loisir ou de leur scolarisation.
Selon Basu et Van (1998), si tous les ménages avaient suffisamment de ressources, le travail des enfants ne pouvait pas exister (axiome de luxe). Les parents qui éprouvent de la répugnance pour cette forme d‟activité n‟allaient jamais choisir cette option pour leurs enfants. Ainsi le travail des enfants n‟existe que parce que le ménage fait face à des contraintes de revenu. En conséquence, les enfants sont retirés du marché du travail dès lors que le travail des adultes leur permet de dégager suffisamment de ressources pour couvrir les besoins du ménage9.
L‟existence du travail des enfants dans le modèle de Basu et Van (1998) est également autorisée par le fait que du point de vue de l‟entreprise, le travail des enfants et celui des adultes sont substituables à un facteur près compris entre 0 et 1 (axiome de substitution). Dans la situation où le salaire des parents est trop bas, la conséquence de l‟axiome de substitution est que les enfants se retrouvent en concurrence directe avec les adultes sur le marché du travail. Une situation qui peut davantage contribuer à dégrader le salaire des adultes et accentuer la probabilité que les enfants soient engagés sur le marché du travail au détriment de leur scolarisation comme l‟ont envisagé ces auteurs.
Un tel équilibre est qualifié par Basu et Van (1998) de « mauvaise économie ». La « bonne économie » est une situation aux antipodes de la « mauvaise économie ». C‟est un équilibre où les adultes obtiennent des salaires élevés, suffisants pour couvrir les besoins familiaux sans que les enfants n‟aient besoin de travailler. Selon eux, celle-ci est susceptible d‟être obtenue au moyen d‟une interdiction légale du travail des enfants10.
Si le travail des enfants est lié à la pauvreté du ménage comme l‟ont montré Basu et Van (1998), il peut être alors possible de le résorber ou mieux de le limiter en procédant à une meilleure allocation des ressources dans l‟économie. C‟est ce qu‟ont envisagé Swinnerton et Rogers (1999) qui ont étendu le modèle de Basu et Van (1998) en y ajoutant un nouvel axiome. C‟est l‟axiome de distribution. Dans leur modélisation, Swinnerton et Rogers (1999) opèrent une distinction entre salaire, produit du travail, et le revenu, composé du salaire et des dividendes reçus par les ménages lorsqu‟ils sont actionnaires des firmes. En opérant cette distinction, les auteurs débouchent sur un nouvel équilibre tout aussi susceptible d‟expliquer l‟existence du phénomène du travail des enfants.
Par rapport au modèle de Basu et Van (1998), le modèle de Swinnerton et Rogers (1999) suggère que le travail des enfants existe dans la société, parce que les revenus du capital (i.e. les dividendes) sont concentrés uniquement entre les mains de quelques individus. Selon eux, si les ressources étaient distribuées de manière plus égalitaire, un équilibre économique dans lequel il subsiste le travail des enfants tel qu‟il est susceptible d‟apparaître dans le modèle de Basu et Van (1998) ne pouvait pas exister. Ainsi pour Swinnerton et Rogers (1999), l‟implication des enfants dans le travail des enfants au détriment de leur scolarisation trouve sa cause dans une distribution très inégalitaire des ressources.
Les modèles de Basu et Van (1998) et de Swinnerton et Rogers, laissent entrevoir que la participation des enfants aux activités scolaires (ou au loisir) reste tributaire des ressources dont dispose le ménage. Dans ces modèles les auteurs semblent implicitement estimer que les parents considèrent toujours comme supérieurs les rendements procurés par les investissements en éducation.
Par ailleurs, ils supposent que les adultes et les enfants ont un accès aisé à l‟emploi salarié, même si ces salaires peuvent être bas. Ce qui n‟est pas toujours vrai dans les faits. Dans l‟essentiel des pays en développement et en Afrique en particulier, l‟emploi salarié est relativement rare et les activités économiques sont essentiellement réalisées dans un cadre familial (Dumas, 2007). Encore, ils n‟envisagent pas la possibilité qu‟un accès parfait des ménages au marché du capital ou qu‟un fonctionnement parfait du marché de la terre est susceptible, de desserrer les contraintes de liquidité auxquelles font face les ménages, donc de contribuer à atténuer le travail des enfants et à favoriser leur scolarisation. Ce sont ces idées qui motiveront essentiellement les développements théoriques ultérieurs.
Influence des marchés sur les choix de scolarisation et de travail réalisés par les parents
Les contraintes de subsistance des ménages ne doivent pas nécessairement impliquer que l‟enfant soit obligé de travailler. Si le marché du crédit fonctionne parfaitement par exemple, il est théoriquement possible pour les parents de financer la scolarisation de l‟enfant en empruntant contre les gains futurs générés par les investissements dans l‟éducation des enfants11. Une des réponses parmi celles les plus mises en avant pour expliquer le travail des enfants est alors, l‟incapacité pour les parents pauvres de substituer les gains futurs de l‟investissement dans l‟éducation de leurs enfants à des emprunts réalisés sur le marché du crédit lorsqu‟ils sont inexistants (Ranjan, 1999 ; Baland et Robinson, 2000).
Ranjan (1999), montre que si le marché du crédit fonctionne normalement alors le niveau de revenu des parents n‟est plus déterminant pour motiver leurs décisions de faire travailler leurs enfants ou de les scolariser. Selon lui, si les ménages ont la possibilité d‟emprunter sur le marché du crédit, alors ils investissent dans l‟éducation de leurs enfants qui est de loin plus rentable que le fait de les faire travailler immédiatement. Ce résultat est particulièrement intéressant car il se démarque de ceux trouvés dans les travaux précédents par le fait que la pauvreté des ménages n‟apparait plus comme l‟unique cause du travail des enfants.
Lorsque le marché du crédit fonctionne de façon imparfaite cependant, la rentabilité de l‟éducation, aussi élevée soit-elle par rapport à la rentabilité des activités alternatives, ne suffit plus à garantir que les parents investissent dans la formation des enfants. Le niveau de richesse des parents devient dans ce cas une variable essentielle pour expliquer les choix que ceux-ci effectuent pour leurs enfants. Les parents riches continueront d‟envoyer leurs enfants à l‟école tandis que les parents pauvres seront contraints de les faire travailler comme dans le modèle de Basu et Van (1998).
Dans la même perspective que Ranjan (1999), Baland et Robinson (2000) examinent l‟efficience des décisions des ménages lorsqu‟ils doivent arbitrer entre l‟investissement dans le capital humain de leurs enfants et le fait de les faire travailler. Même si dans leur modélisation, le bon fonctionnement du marché crédit reste une condition essentielle à la réalisation par les parents de choix efficients de travail pour leurs enfants, cette condition n‟est plus une condition suffisante. Plus clairement, le modèle de Baland et Robinson (2000) révèle que pour que les choix de travail réalisés par les parents pour leurs enfants soient efficients, il faut qu‟il existe en plus du fonctionnement parfait du marché du crédit, une possibilité pour les parents de faire supporter à leurs enfants une partie du coût de leur formation.
Selon eux, cette situation est envisageable lorsque les parents font preuve d‟un altruisme à l‟égard de leurs enfants et projettent de leur laisser un héritage ou lorsque les enfants font preuve d‟un altruisme vis-à-vis de leurs parents et ont l‟intention de prendre soin d‟eux dans la vieillesse. Pour Baland et Robinson (2000), les problèmes d‟aléa moral qui induisent la difficulté à garantir cette condition d‟altruisme mutuel peut en partie expliquer les choix inefficients de travail que réalisent les parents pour leurs enfants. A cause des problèmes d‟aléa moral, les parents ne peuvent pas compter sur les revenus futurs de leurs enfants pour décider de les scolariser. Il leur est donc plus profitable de faire travailler leurs enfants en vue d‟augmenter ou de maintenir le niveau de consommation actuel du ménage.
Les défaillances des marchés de la terre et du travail jouent également un rôle important dans l‟explication de l‟utilisation par les ménages du temps disponible de leurs enfants (Bhalotra et Heady, 2003 ; Basu et al., 2010 ; Dumas, 2007, 2013). Dans un environnement où les marchés, du travail et de la terre fonctionnent parfaitement, les investissements dans l‟éducation des enfants doivent s‟accroître avec la dotation en terre du ménage via l‟effet revenu.
Cependant, lorsque les marchés de la terre et du travail sont imparfaits, un ménage qui est abondamment doté en terres peut utiliser ses enfants pour les faire fructifier plutôt que de d‟investir dans leur éducation. C‟est cela que démontrent Bhalotra et Heady (2003). Selon ces auteurs, la détention d‟actifs productifs tels que la terre par les ménages, est susceptible de produire un effet indéterminé sur le travail des enfants. Elle peut en effet produire un effet de richesse négatif qui peut amener les parents à renoncer au travail des enfants lorsque leurs exploitations génèrent des revenus importants ou se manifester à travers des taux d‟intérêt faibles payés par les propriétaires de ces actifs lorsque le besoin d‟emprunter pour parer à des chocs négatifs ou pour financer l‟éducation des enfants se fait sentir (Bhalotra et Heady, 2003)12.
En l‟absence d‟un fonctionnement parfait du marché du travail et/ou de la terre au contraire, la possession de terres peut produire un effet opposé à celui décrit précédemment. Les propriétaires des exploitations qui se trouvent dans l‟incapacité d‟embaucher des travailleurs sur leur exploitation, à cause d‟un rationnement de la main d‟œuvre par exemple (Dumas, 2013) ou qui craignent des situations d‟aléa moral (Bhalotra et Heady ; 2003, Dumas, 2013), peuvent ne pas préférer privilégier des pratiques agricoles comme le métayage et être incités à employer leurs propres enfants sur ces exploitations13.
Au total, si le second effet est plus important que le premier, il est possible d‟observer que les enfants des ménages les plus abondamment dotés en actifs soient plus impliqués dans le travail des enfants et moins dans les activités scolaires que les enfants des ménages les moins nantis dans ce type de bien (Bhalotra et Heady, 2003).
L‟imperfection du marché du travail peut également favoriser le travail des enfants lorsqu‟il s‟accompagne d‟un niveau chômage important chez les adultes tel que cela a été envisagé par Basu (2000). Cet auteur analyse l‟effet de l‟imposition d‟un salaire minimum pour sur le travail des enfants. Selon lui, si la loi spécifie un salaire minimum qui est au-dessus du salaire d‟équilibre, alors le chômage des adultes peut émerger. Comme conséquence à leur chômage, les adultes peuvent décider d‟envoyer leurs enfants travailler en fonction des opportunités offertes sur le marché du travail.
DES TENTATIVES DE VALIDATION EMPIRIQUE DES ETUDES THEORIQUES
Comme nous avons pu le noter dans la section précédente, les choix qu‟opèrent les parents pour leurs enfants en matière de travail et de scolarisation relèvent d‟un processus de prise de décision complexe qui a lieu à l‟intérieur du ménage en fonction de paramètres qui ne sont pas toujours sous leur contrôle. Ces paramètres incontrôlés se présentent le plus souvent sous la forme de contraintes qui leur font prendre des décisions inefficientes en ce qui concerne le bien-être des enfants. Elles –i.e. les contraintes – ont souvent donné lieu dans la pratique à des interventions publiques visant à modifier les incitations des ménages et à orienter leurs actions (ou décisions) dans le sens jugé souhaitable. A côté des expériences naturelles, ces interventions publiques ont généralement fait l‟objet d‟évaluation.
Cette section passe en revue quelques travaux empiriques qui se sont employés à vérifier les conclusions des travaux théoriques recensés analysés dans la section précédente.
Effets de la pauvreté du ménage sur le travail des enfants et sur leur scolarisation
Il existe un grand débat dans la littérature empirique relativement à l‟influence de l‟effet de la pauvreté des ménages sur l‟allocation du temps des enfants. Quoique de nombreuses raisons théoriques donnent de croire que le faible niveau de revenu des ménages soit un facteur qui stimule le travail de l‟enfant et entrave sa scolarisation ou son loisir (Basu et Van, 1998), les résultats des travaux empiriques qui ont tenté de vérifier ces croyances théoriques restent mitigés.
Tandis que les travaux effectués par certains auteurs semblent, en effet, confirmer le fait que le taux de participation des enfants au travail est négativement affecté par le revenu du ménage (Cigno et Rosati, 2000), d‟autres ne trouvent aucune relation ou trouvent dans certains cas une relation croissante entre cette variable et l‟implication des enfants au travail (Nielsen, 1998 ; Canagarajah et Coulombe, 1998 ; Covarrubias, Davis et Winters, 2012 ; Basu, Das, et Dutta, 2010). Cette dernière situation est expliquée par certains auteurs par le fait que l‟amélioration de la situation économique des ménages défavorisés est quelques fois susceptible de déboucher sur des investissements dans de petites activités génératrices de revenus dans lesquelles ils emploient les enfants ou qui conduit les adultes à se faire remplacer par ceux-ci dans les travaux ménagers (Covarrubias, Davis et Winters, 2012 ; Miller et Tsoka, 2012).
Mais, si le modèle de Basu et Van (1998) est construit par référence à l‟axiome de luxe qui postule que les enfants ne travaillent que lorsque le revenu obtenu du travail des adultes n‟est pas suffisant pour couvrir les besoins de subsistance du ménage très peu de travaux recensés dans la littérature ont réussi à tester de façon convenable cette idée (Balhotra, 2007 ; Dumas, 2007).
Bhalotra (2007) estime que la plupart de ces travaux testent un problème moins important qui est de savoir si le loisir ou la scolarisation des enfants est un bien normal. Selon elle, la validité de l‟hypothèse de pauvreté (ou l‟axiome de luxe) devrait induire que les enfants soient impliqués dans le travail uniquement lorsque les revenus obtenus par les adultes du ménage n‟est pas suffisant pour couvrir les besoins de subsistance de la famille.
Pour elle, si la pauvreté est la véritable cause du travail des enfants, alors une meilleure rémunération des heures travail réalisés par ceux-ci doit normalement se solder en une diminution du temps de travail strictement nécessaire à accomplir par les enfants pour atteindre le minimum de subsistance. Plus précisément, elle conçoit qu‟une augmentation du taux de salaire payé aux enfants appartenant aux ménages pauvres produise un effet revenu strictement supérieur à l‟effet de substitution qui par voie de conséquence, doit se muer en une réduction globale du travail des enfants.
Utilisant les données du Pakistan, cette auteure trouve cette relation vérifiée chez les garçons mais pas chez les filles. Adoptant une démarche presque similaire à celle de Bhalotra (2000), Dumas (2007) ne parvient pas à valider, l‟hypothèse que la contrainte de subsistance des ménages constitue la véritable cause du travail des enfants au Burkina Faso.
Tous ces résultats laissent entrevoir que les contraintes de liquidité des ménages ne semble pas constituer la seule cause du travail des enfants et des faibles niveaux d‟investissements réalisés dans l‟éducation des enfants. Ils laissent donc matière à envisager d‟autres types de mobiles que la contrainte de subsistance pour expliquer l‟attitude des parents d‟engager exclusivement leurs enfants dans le travail ou de les impliquer à la fois dans le travail et la scolarisation.
Imperfections des marchés et allocation du temps disponible des enfants par les parents: que suggèrent les études empiriques?
Comme on a pu le constater dans le point 1.2 de la section 1 précédente, le fonctionnement des marchés est théoriquement à même d‟influencer les demandes de travail et d‟éducation que les ménages formulent pour leurs enfants. Un nombre important de travaux recensés dans la littérature se sont évertués à analyser empiriquement cette situation (Edmonds, 2006 ; Dumas, 2013 ; Moura et Bueno, 2014 ; Bandara et al, 2015). On retient globalement, de ces résultats, qu‟un fonctionnement plus concurrentiel des marchés n‟induit pas toujours une régression du travail des enfants et davantage d‟efforts réalisés dans le sens des investissements dans leur « qualité »18.
Ces résultats sont cependant à nuancer en fonction du type de marché considéré. Les résultats les plus controversés recensés dans la littérature empirique sur ce sujet concernent l‟effet de l‟amélioration de l‟accès des ménages au marché du crédit sur le travail des enfants et sur leur scolarisation. Si un ensemble d‟études obtiennent qu‟un meilleur accès des ménages au marché du capital permet d‟accroître la demande d‟éducation et/ou de faire régresser le travail des enfants (Esrado, 2005 ; Edmonds, 2006 ; Sawada et al, 2006 ; Bandara et al, 2015), certaines autres ne trouvent aucun effet ou des effets adverses de cet accès au crédit sur ces deux activités (Esrado, 2005 ; Hazarika et Sarangi, 2008 ; Islam et Choe, 2013)19.
Edmonds (2006) justifie les effets bénéfiques de l‟accès des ménages au crédit sur la scolarisation et sur le travail des enfants par le fait qu‟il leur permet de relâcher les contraintes de liquidité auxquelles ils sont confrontés et qui alourdissent davantage les coûts de la scolarisation, notamment le coût d‟opportunité. Guarcello et al. (2010) découvrent que l‟accès des ménages au crédit ou à divers autres mécanismes de gestion des risques tels que les assurances permet également de contenir les effets négatifs que l‟exposition des ménages aux chocs négatifs exerce sur la scolarisation des enfants et à réduire l‟implication des enfants dans le travail. Beegle et al. (2006) aboutissent des conclusions similaires.
Effets des caractéristiques des ménages sur le travail des enfants et sur leur scolarisation
Si la plupart des travaux théoriques sur le phénomène du travail des enfants font l‟hypothèse que les parents éprouvent de la désutilité à voir leurs enfants impliqués dans le travail – c‟est-à-dire qu‟ils ont un comportement altruiste vis-à-vis de leur progéniture (Basu et Van, 1998 ; Bommier et Dubois, 2004), les résultats des travaux empiriques qui se sont investis sur cette question restent mitigés.
Nardinelli (1990) et Parsons et Goldin (2007) obtiennent, respectivement, que l‟hypothèse d‟altruisme parental n‟est pas empiriquement vérifiée en Angleterre et aux Etats Unis. Selon ces deux auteurs, les parents envoient les enfants du ménage travailler dans la seule optique de régler leurs dettes ou d‟accroitre leur propre consommation. Bhatty (1998) et Gupta (2000) arrivent également à la conclusion d‟un «égoïsme» parental en Inde. Koolwal (2007) découvre que l‟amélioration des opportunités de gains pour les filles au Népal, fait chuter les préférences des ménages pour les garçons. Bashkar et Gupta (2012) découvrent au contraire que le principal motif de l‟implication des enfants dans le travail est la pauvreté des ménages et concluent en faveur d‟un comportement altruiste des parents. Bargain et Boutin (2014) aboutissent à des conclusions similaires. Ces deux auteurs trouvent que le travail des enfants vexe les parents.
L‟hétérogénéité des préférences des parents au sein du ménage et leurs pouvoirs de décision relatifs sont également reconnus comme potentiellement à même d‟influencer la répartition des ressources (y compris l‟utilisation du temps des enfants) à l‟intérieur de la famille. Utilisant les données indonésiennes, Galasso (1999) trouve que les enfants travaillent moins et étudient davantage lorsque la mère a un pouvoir de décision important à l‟intérieur du ménage. Ray et Basu (2001) découvrent un pareil résultat. Bargain et Boutin (2014) découvrent au contraire que les épouses qui détiennent un pouvoir de décision important demeurent insensibles au travail des enfants tandis que celle qui ont un pouvoir de décision plus faible se trouvent affectées par cette activité.
Certaines études conçoivent par ailleurs que les enfants détiennent un pouvoir de négociation susceptible d‟influencer l‟allocation des ressources au sein de la famille. Bhalotra et Attfield (1998) découvrent que les garçons impliqués dans le travail enfantin au Pakistan perçoivent une part relativement plus importante des ressources du ménages (tels que les biens alimentaires et les biens spécifiques aux enfants) que les garçons qui ne travaillent pas. Mais cette situation n‟est pas perceptible chez les filles.
Les options réalisées par les ménages pour leurs enfants sont aussi réputées être influencées par les croyances que les parents formulent quant à leur capacité à exceller dans les activités dans lesquelles ils sont engagés. A ce propos Akresh et al (2012) trouvent que les enfants qui ont les capacités innées les plus élevées ont une probabilité plus élevée d‟être enrôlés dans les activités scolaires et plus faible d‟être impliqués dans le travail.
L‟éducation des parents est également réputée susceptible d‟influencer leurs préférences. Les travaux empiriques découvrent en général que les parents les plus éduqués ont un goût plus prononcé pour la « qualité des enfants » (Strauss et Thomas, 1995 ; Shehu et al, 2015). Emerson et Souza (2007) trouve au Brésil que l‟éducation des pères a la plus grande influence sur le travail des enfants et sur leur scolarisation, lorsque Kurosaki et al (2006) trouvent en Inde que l‟éducation des mères qui a l‟effet le plus prépondérant.
Effet des caractéristiques des enfants et de leurs ménages sur la participation et/ou l’intensité du travail des enfants
D‟une manière générale, la probabilité pour un enfant d‟être impliqué dans le travail domestique ainsi que l‟intensité du travail réalisé décroit avec l‟âge du chef de ménage. Cette variable ne semble cependant, ni influencer le choix des ménages d‟impliquer les enfants dans les activités économiques ni leur intensité. Par ailleurs, une amélioration du niveau d‟éducation du chef du ménage exerce un effet négatif sur la probabilité de l‟enfant d‟être impliqué dans les travaux domestiques ou dans les travaux économiques. Même lorsqu‟ils réalisent les travaux domestiques, les enfants travaillent de façon moins intense lorsque le niveau d‟éducation du chef de ménage s‟améliore. Ce résultat est conforme à celui trouvé par (Ray, 2000) qui découvre également au Pérou et au Pakistan que la probabilité des enfants d‟être impliqués dans le travail décroit avec le nombre d‟adultes éduqués.
Par ailleurs, la probabilité qu‟ont les enfants d‟être impliqués dans les activités économiques et dans les travaux domestiques ainsi que l‟intensité des travaux qu‟ils réalisent dans ce dernier type d‟activité semblent augmenter avec leur âge. Le sexe des enfants semble aussi être déterminant pour apprécier la nature des activités qui leurs sont confiées. Tandis que les garçons ont eu une probabilité plus forte d‟être investis dans les activités économiques, les filles ont au contraire eu une probabilité plus élevée d‟être impliquées dans les travaux domestiques. Et lorsqu‟elles ont été impliquées dans les travaux domestiques, ces dernières ont travaillé de façon plus prolongée que les garçons.
Selon la nature des biens possédés par le ménage, il apparait que la détention par le ménage de terres agricoles et/ou d‟un élevage et/ou d‟animaux de traction accroît la probabilité que les enfants soient impliqués dans le travail économique mais restent en général sans effet sur l‟intensité du travail effectué par les enfants impliqués dans ce type d‟activités49. Cette situation semble confirmer l‟hypothèse d‟imperfection des marchés (du travail notamment) au Sénégal qui a été le cadre d‟analyse dans lequel le modèle théorique a été réalisé.
En plus d‟accroitre la probabilité des enfants d‟être impliqués dans les travaux domestiques, on découvre que la détention par le ménage d‟un élevage accroit l‟intensité du travail que les enfants accomplissent dans les tâches ménagères. Ce dernier résultat est aussi valable en ce qui concerne la détention par le ménage d‟animaux de traction50. Ces deux résultats donnent à penser qu‟il existe une sorte de substitution entre les adultes et les enfants dans les activités domestiques et économiques lorsque le ménage détient l‟un et/ou l‟autre de ces types de bien. Les adultes se consacrant davantage à l‟entretien de l‟élevage et au travail de traction et les enfants à la réalisation des travaux ménagers.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION GENERALE
1. OBJECTIFS DE LA THESE
2. PLAN DE LA THESE
CHAPITRE 1: QU‟EST-CE QUI DETERMINE L‟ALLOCATION DU TEMPS DISPONIBLE DES ENFANTS ENTRE TRAVAIL ET SCOLARISATION DANS LA LITTERATURE?
INTRODUCTION
SECTION 1 : ALLOCATION DU TEMPS DISPONIBLE DES ENFANTS ENTRE TRAVAIL DES ENFANTS ET SCOLARISATION : EXPLICATIONS THEORIQUES
1.1. Travail des enfants et scolarisation, deux activités influencées par la pauvreté des ménages
1.2. Influence des marchés sur les choix de scolarisation et de travail réalisés par les parents
1.3. Le rôle des préférences et des caractéristiques des enfants dans l‟explication du travail des enfants et des choix de scolarisation
SECTION 2: DES TENTATIVES DE VALIDATION EMPIRIQUE DES ETUDES THEORIQUES
2.1. Effets de la pauvreté du ménage sur le travail des enfants et sur leur scolarisation
2.2. Imperfections des marchés et allocation du temps disponible des enfants par les parents: que suggèrent les études empiriques?
2.3. Effets des caractéristiques des ménages sur le travail des enfants et sur leur scolarisation
SECTION 3 : CONCLUSION
CHAPITRE 2: LA QUALITE DE L‟ECOLE IMPORTE-T-ELLE? CARACTERISTIQUES DES ECOLES PRIMAIRES ET INTENSITE DU TRAVAIL DES ENFANTS AU SENEGAL
INTRODUCTION
SECTION 1 : EVOLUTION DE LA POLITIQUE EDUCATIVE ET DU TRAVAIL DES ENFANTS AU SENEGAL
1.1. L‟évolution de la politique éducative au Sénégal de Jomtien à Dakar 30v
1.1.1. La politique éducative des années 90 au Sénégal : la priorité accordée à l‟accessibilité à l‟éducation
1.1.2. L‟émergence de la qualité de l‟éducation dans la politique éducative du Sénégal au lendemain du forum mondial sur l‟éducation de Dakar des années 2000
1.2. Le travail des enfants au Sénégal : cadre juridique et quelques chiffres
1.2.1. Textes de loi encadrant le travail des enfants au Sénégal
1.2.2. Quelques statistiques sur le travail des enfants au Sénégal
SECTION 2 : EFFET DE LA QUALITE DE L‟ECOLE SUR L‟INTENSITE DU TRAVAIL DES ENFANTS AU SENEGAL
2.1. Un modèle théorique de l‟influence de la qualité de l‟école sur la décision du chef de ménage d‟allouer le temps total disponible de l‟enfant entre travail et scolarisation
2.1.1. Le modèle théorique
2.1.2. Intrants de la qualité de l‟éducation au Sénégal et leur plausible interaction avec le travail des enfants
2.2. Stratégie empirique d‟estimation de l‟impact de la qualité de l‟éducation sur l‟intensité du travail des enfants au Sénégal
SECTION 3 : RESULTATS DES ESTIMATIONS ET DISCUSSIONS
3.1. Effet des caractéristiques des enfants et de leurs ménages sur la participation et/ou l‟intensité du travail des enfants
3.2. Effet des facteurs de la qualité de l‟éducation sur la participation des enfants au travail 61
3.3. Effets des facteurs de la qualité de l‟éducation sur l‟intensité du travail accompli par les enfants
SECTION 4 : CONCLUSION
CHAPITRE 3: RENDEMENTS REGIONAUX PRIVES DE L‟EDUCATION, TRAVAIL DES ENFANTS ET SCOLARISATION EN COTE D‟IVOIRE
INTRODUCTION
SECTION 1: LE TRAVAIL DES ENFANTS EN COTE D‟IVOIRE : CADRE JURIDIQUE ET INTERACTIONS AVEC SCOLARISATION ET LE MARCHE DU TRAVAIL
1.1. Cadre juridique du travail des enfants en Côte d‟Ivoire et définition du travail des enfants employée dans l‟étude
1.2. Analyse de l‟évolution de la situation du travail des enfants et de la scolarisation en Côte d‟Ivoire entre 2008 et 2013 à partir des résultats de l‟enquête nationale sur le niveau de vie des ménages (ENV, 2008) et de l‟enquête nationale sur la situation de l‟emploi et du travail des enfants (ENSETE, 2013)
1.3. Brève description des relations entre l‟éducation et le marché du travail en Côte d‟Ivoire 82
SECTION 2 : REPONSES DU TRAVAIL DES ENFANTS ET DE LEUR PARTICIPATION SCOLAIRE AU RENDEMENT ESPERE DE L‟EDUCATION : INTUITIONS THEORIQUES ET STRATEGIES D‟EVALUATION EMPIRIQUE
2.1. Un modèle théorique décrivant les interactions entre le rendement espéré de l‟éducation et les décisions des ménages de scolariser et/ou de faire travailler leurs enfants 85
2.2. Présentation des données de l‟étude 89
2.3. Stratégie d‟estimation empirique de l‟effet du rendement anticipé de l‟éducation sur la décision des ménages d‟investir dans l‟éducation de leurs enfants et/ou de les faire travailler
2.3.1. Evaluation des taux de croissance moyens des rendements privés régionaux de l‟éducation : stratégie d‟estimation empirique
2.3.2. Evaluation de l‟effet du rendement espéré de l‟éducation sur les décisions d‟allocation du temps total disponible de l‟enfant entre travail et/ou scolarisation : méthodologie empirique d‟analyse
SECTION 3: RESULTATS DES ESTIMATIONS ET DISCUSSIONS
SECTION 4 : CONCLUSION
CHAPITRE 4: RENDEMENTS ESPERES DE L‟EDUCATION, TRAVAIL DES ENFANTS ET SCOLARISATION EN COTE D‟IVOIRE : UNE ANALYSE SPATIALE
INTRODUCTION
SECTION 1 : QUELQUES CHIFFRES SUR LES MIGRATIONS INTERNES EN CÔTE D‟IVOIRE
SECTION 2 : DONNEES ET STRATEGIE D‟ESTIMATION EMPIRIQUE
2.1. Les données de l‟étude
2.2. Stratégie empirique d‟estimation
SECTION 3: RESULTATS DES ESTIMATION ET DISCUSSIONS
3.1. Effets du rendement de l‟éducation sur le pourcentage d‟enfants travailleurs et sur le taux de fréquentation pour l‟ensemble des enfants
3.2. Effets du rendement de l‟éducation sur le travail et la participation scolaire des d‟enfants de niveau scolaire primaire et de niveau scolaire secondaire
3.3. Effets du rendement de l‟éducation sur le travail et sur la participation scolaire des garçons et des filles
SECTION 4 : CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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